Les opérations de paix sur le continent africain : État des lieux, enjeux et perspectives Addis Abeba COLONEL ADAMA MBAYE Chef de la division Maintien de la paix Communauté économique des états de l Afrique de l Ouest Intervention dans le cadre du panel 2 : La régionalisation des questions de paix et de sécurité Je vous remercie monsieur le président. Je prendrais seulement une minute pour aussi transmettre des remerciements de la CEDEAO aux organisateurs de cette rencontre. Nous sommes très honorés par cette invitation qui nous permet de venir devant de si hautes autorités pour parler de ce que nous faisons en Afrique de l ouest concernant les questions de paix et sécurité. Depuis ce matin, la question est en train d être abordée. Moi, la question qui m a été posée est la suivante : on me demande de parler en fait, des enjeux, des défis et des opportunités liés à la paix et à la sécurité en Afrique de l ouest, particulièrement à la CEDEAO. Alors pour traiter cette question, je voudrais d abord faire un petit rappel. Ensuite, je m engagerais dans le cœur du sujet pour parler des enjeux, des défis et des opportunités que nous avons en Afrique de l Ouest pour mieux juguler la question. À titre de rappel, je dirais que la CEDEAO, au moment de sa création, le 28 mai 1975 à Lagos, République du Nigeria, ses pères fondateurs en signant son traité de création, avait comme objectif essentiel de
promouvoir la coopération et l intégration économique dans la perspective d une Union économique de l Afrique de l ouest en vue d élever le niveau de vie de ces peuples, de maintenir et d accroître la stabilité économique, de renforcer les relations entre les états membres et de contribuer au progrès et au développement du continent. Donc vous conviendrez avec moi que dans cette phase initiale, le traité se focalisait uniquement sur les questions économiques et de coopération entre les états. À partir de 1978, ce traité va être renforcé parce qu on s est rendu compte que nulle part, il n a été question de question de sécurité. Et on ne peut pas faire de développement et d intégration sans la sécurité. Le traité sera renforcé par le protocole de non agression signé en 78. Et ensuite, en 1981, par un autre protocole sur l assistance mutuelle en matière de défense entre les états. Et là aussi, on se rendra compte que les menaces prises en compte, ce sont limités au niveau des frontières externes. La question de menaces internes n était pas prise en compte. Avec l émergence des conflits sous ces formes nouvelles à la fin des années 80 Libéria en 89 et au début des années 90, en Sierra Leone, précisément en 91. On fera face à des crises internes de guerre civile compromettant totalement des initiatives d intégration et de développement de la communauté. Dès lors, le besoin de se repositionner est créé. Ainsi le 24 juillet 1993 à Cotonou au Bénin, le traité sera révisé. Et dans son article 58, les états membres s engagent à œuvrer à la préservation et au renforcement de relations propices au maintien de la paix, de la stabilité et de la sécurité dans la région. À ces fins, les états membres s engagent à coopérer avec la communauté en vue de
créer et de renforcer les mécanismes appropriés pour assurer la prévention et la résolution des conflits inter et intra état. Cette fois-ci, on parle de conflit inter, intra état. C est ainsi que naîtra notre document essentiel qui traite de question de paix et de sécurité qu on appelle le protocole de 1999 qui sera signé le 10 décembre à Lomé, au Togo. Ce protocole servait à mettre en œuvre les dispositions qui avaient été prises dans le traité révisé. Plus tard, nous verrons des dispositions de ce protocole, être renforcées par ce que nous appelons, le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance. Et ce protocole additionnel sera en signé en 2001, à Dakar, au Sénégal. La CEDEAO, depuis sa création, et ceci bien avant la signature de tout ces documents, a fait face à des questions sécuritaires dans son espace. Et les actions qui ont été menées, n est-ce pas, étaient toujours faites sur une base ad hoc. Il n y avait aucun document officiel qui permettrait aux chefs d états de prendre des décisions pour venir faire face à ces situations. Mais à partir de 99, on se rend compte que la CEDEAO s est bien outillée et dispose maintenant de documents juridiques pour faire face aux nouvelles situations. Et il faudrait reconnaître que le protocole de 1999 constituera le cadre normatif le plus complet permettant de faire face aux menaces à la paix et à la sécurité dans la région sur une base permanente. Ce mécanisme établit des liens très étroits entre les raisons d être primordiales de la communauté, c'est-à-dire le développement socio-économique des peuples et la sécurité des peuples et des états membres.
La CEDEAO donc avant ces documents, s est occupée de questions de paix et de sécurité. Elle l a fait dans des mesures qui ont été quelques fois, critiquées. Les gens ont parlé assez souvent d insuffisance dans ce que faisait la CEDEAO, dans ses opérations. Je crois que tout ceci était normal. L essentiel est que la CEDEAO n a pas voulu rester les bras croisés et regarder souffrir ses peuples. Maintenant que nous avons ces documents essentiels je les citerai après et vous verrez de quoi il s agit, il faudrait se poser la question à savoir quelles sont les menaces aujourd hui, n est-ce pas, qui se posent à l espace CEDEAO? Quelles sont les situations qui pourraient faire basculer les états ou qui font basculer en fait les états dans une situation de crise? Un tour d horizon nous permettra de voir dans les quelques états où il y a des remous, les raisons fondamentales. Donc pour moi, d abord, la question de manque de démocratisation et de respect des principes de bonne gouvernance je crois que ça, c est fondamental. Aujourd hui, les conflits que nous avons en Afrique de l Ouest dans une large mesure, sont dû à des problèmes politiques. Je crois que ça, c es un enjeu très important. Le second enjeu est le sous emploi des jeunes. Vous conviendrez avec moi que la population de l Afrique de l ouest est jeune, très jeune. Et plusieurs d entre ces jeunes ne sont pas allés à l école, n est-ce pas, ou ne sont pas bien qualifiés. La rareté des ressources font que, n est-ce pas, il est difficile de trouver un emploi pour ces jeunes. Et c est ainsi que vous verrez ces jeunes se déplacer d un conflit à un autre. Vous allez au Libéria, quand il y aura un conflit, ce sont les mêmes jeunes. En côte d Ivoire, c est la même chose. Et jusqu à
la frontière entre le Sénégal et la Guinée Bissau, vous trouverez les mêmes jeunes qui sont là, qui n ont pas de travail et qui viennent chercher de quoi vivre avec ces conflits. Un troisième enjeu est le manque la mauvaise gestion des ressources. Ici, je ne vais pas loin. Aujourd hui, vous allez dans nos pays, vous voyez les nouveaux riches dont l origine des fortunes reste encore douteuse. Vous allez au Nigeria, la population a pris les armes parce qu elle critique la façon de gérer les ressources pétrolières. Donc elle s est soulevée contre l état. Je pourrais aller visiter d autres cas tels que le trafic de la drogue qui est devenue une question très importante en Afrique de l ouest. Le terrorisme sur la bande saharo-sahélienne, tout ça, c est des problèmes. Bon, pour des questions de délais, je ne vais pas m y étendre mais sachez que dans nos documents, tous ces aspects de la question ont été pris en compte. Donc en résumé, pour ces questions d enjeux, on dira que les enjeux sont d ordre politique généralement, social et dans une certaine mesure économique. Les défis qui se posent à nous aujourd hui, sont les suivants : il faudrait nécessairement mettre fin au contentieux politique qu il y a au niveau de nos états. La classe politique se chamaille. On accuse les uns on s accuse mutuellement de ne pas être démocrate. On s accuse mutuellement, de gaspiller les ressources de l état. Je crois que ça, c est un défi à relever. Il faudrait que les gouvernants s appuient sur les textes réglementaires qui existent pour vraiment jouer le jeu de la démocratie et des principes de la bonne gouvernance.
Il y a aussi un autre défi à relever, là où j ai parlé de la bande saharo-sahélienne tantôt, c est de vastes espaces. Les pays qui appartiennent à cet espace, ne peuvent pas le contrôler. Donc il y a un problème sécuritaire essentiel que les pays eux-mêmes ne peuvent pas régler. Donc on se rend compte que, au sein des états, le pouvoir central a de la difficulté pour assurer la sécurité des territoires des territoires du moins, au plan aérien, maritime et terrestre. Mais aussi même la sécurité des populations. À titre d exemple, vous verrez dans nos pays maintenant, vraiment la foison de service de sécurité et les gens doivent payer pour assurer leur propre sécurité. Au plan sous régional, la CEDEAO a mis des textes en place, il faut qu elle se colle à ces textes. Par exemple, le protocole sur la bonne gouvernance et la démocratie, il faudrait que la CEDEAO soit prête à sanctionner les pays qui passent outre. Elle a déjà donné des exemples. Elle est en train de le faire. Il faut que ça continue. Je citerai le cas du Niger où de la Guinée qui sont suspendus pour des raisons que nous tous, nous connaissons. Un autre défi à relever, c est l opérationnalisation de notre force en attente. Nous avons pris de l avance dans la mise sur pied de notre force en attente. Ce que nous appelons, la force de réaction rapide, c'est-à-dire la force de 2700 hommes est déjà prête. Elle a été équipée. Elle est entraînée. Nous passons à une seconde phase pour faire la brigade régionale. Nous avons été un peu ambitieux en voulant passer à 6500 en deux phases. Une force de réaction rapide et puis, le gros de la brigade. Donc nous passons à la deuxième phase, le gros de la brigade. Là encore, se pose des problèmes. Mais pour être en mesure de régler nos
questions de sécurité de maintien de la paix, il faut que ces forces soient opérationnelles. Ça, c est un défi à relever. Nous avons une convention sur les armes légères et de petits calibres. Les problèmes actuels qui se posent dans notre sous région, sont dû à la porosité des frontières. Les armes légères circulent n importe comment. N importe qui peut s acheter une arme et aller faire ce qu il veut avec. Donc nous avons un défi à mettre en œuvre cette convention. Des dispositions très intéressantes figurent dans cette convention que nos états sont en train de mettre en œuvre. La CEDEAO, aujourd hui, pour ses réunions statutaires, n a pas besoin de demander de l argent à l extérieur parce que le prélèvement communautaire est là. Toutes les réunions statutaires sont financées par la CEDEAO. Donc je crois que ça, c est un acquis et c est très important. Nous avons aussi comme autre opportunité, la volonté de nos partenaires à nous accompagner dans nos actions. Quoi qu on dise, s agissant de la mise sur pied de cette force en attente, nous avons reçu beaucoup de soutien de nos partenaires au développement. Ici, la CEDEAO, même à partir de l Union africaine, nous avons des fonds qui viennent d ici pour nous appuyer. Donc ça, c est aussi un acquis. Et nous avons aussi comme dernier acquis, la reconnaissance et le soutien de nos actions par l Union africaine et les Nations Unies. Je crois que ça aussi, c est important parce que tout ce que nous faisons dans le cadre de la paix et de la sécurité, il faut que ce soit avaliser et reconnu par les instances comme l Union africaine et les Nations Unies. Voilà. Donc voilà,
j aurais pu parler de cette question pendant des heures mais je crois qu au moment des questions, je pourrais répondre pour mieux éclairer l assistance. Je vous remercie.