DOCUMENT DE CONSULTATION. Les Mutuelles dans une Europe élargie



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Transcription:

DOCUMENT DE CONSULTATION Les Mutuelles dans une Europe élargie 03/10/2003 1

DOCUMENT DE CONSULTATION LES MUTUELLES DANS UNE EUROPE ELARGIE 03/10/2003 1. INTRODUCTION... 3 2. LES MUTUELLES EN EUROPE... 4 2.1. QU EST-CE QU UNE MUTUELLE?... 4 2.1.1. Principes généraux... 5 2.1.2. Historique de la création des mutuelles et évolution... 6 2.1.3. Secteurs d activités actuels et importance des mutuelles... 7 2.2. PRINCIPALES DIFFERENCES PAR RAPPORT AUX SOCIETES PRIVILEGIANT LES INTERETS DES INVESTISSEURS... 8 2.3. REALISATIONS DES MUTUELLES... 9 2.3.1. Valeur ajoutée des mutuelles : les valeurs de solidarité... 9 2.3.2. Accès aux soins... 9 2.3.3. Inclusion sociale... 10 2.3.4. Responsabilité sociale des entreprises et Développement durable... 10 2.4. LIMITES ET DILEMMES DE LA FORME MUTUELLE... 11 3. CADRE REGLEMENTAIRE ET LEGISLATIF... 11 3.1. LES LEGISLATIONS... 11 3.1.1. Les législations nationales...11 3.1.2. La législation européenne et le droit européen dérivé... 13 3.1.2.1. Les mutuelles et les traités...13 3.1.2.2. Les mutuelles et le droit européen dérivé...13 3.2. CHANGEMENTS STRUCTURELS ET CONCURRENCE... 13 3.2.1. Concurrence... 13 3.2.1.1. Les services d intérêt général... 14 3.3. ÉVOLUTIONS... 14 3.3.1. Croissance et concentration... 14 3.3.2. Transformation de la forme juridique... 14 3.4. LE STATUT DE LA MUTUALITE EUROPEENNE... 15 3.4.1. Historique... 15 3.4.2. Importance du statut et champ d application... 16 3.4.3. Principales dispositions... 17 3.4.4. Répercussion du statut sur les législations nationales... 18 4. DEVELOPPEMENT ET PERSPECTIVES... 19 4.1. MUTUELLES ET POLITIQUES COMMUNAUTAIRES... 19 4.1.1. Facteur d inclusion social l accès au logement... 19 4.1.2. Politique de l emploi... 19 4.1.3. Services d intérêt général...20 4.1.4. Société de l information et de la communication... 21 4.1.5. Services financiers... 21 4.1.5.1. Cautionnement mutuel...21 4.2. ÉLARGISSEMENT ET COOPERATION INTERNATIONALE... 22 4.2.1. Élargissement... 22 4.2.2. Coopération internationale... 23 4.3. ACCES DES MUTUELLES AUX PROGRAMMES ET FINANCEMENTS COMMUNAUTAIRES... 23 4.4. REPRESENTATION... 23 4.4.1. Mutuelles et administrations publiques nationales... 23 4.4.2. Mutuelles et autorités européennes... 24 4.4.2.1. Mainstreaming...24 4.4.3. Mutuelles et organisations représentatives... 24 4.4.4. Besoin de données statistiques fiables... 25 2

1. Introduction En Europe, 120 millions de personnes sont couvertes par une mutuelle de santé ; dans de nombreux États membres, les mutuelles occupent une place très importante sur le marché de l assurance 1 et en matière bancaire, 30 % du marché britannique des dépôts bancaires est dominé par les banques mutuelles («Building societies» voir point 2.1.2). Le poids économique des sociétés mutuelles et leur enracinement dans la société en font des acteurs incontournables de l économie européenne. Elles sont des entreprises à part entière, qui opèrent dans les mêmes marchés que les sociétés de capitaux axées sur les besoins des investisseurs. A l instar des autres formes d entreprises, elles doivent être concurrentielles et faire face aux défis posés par la mondialisation de l économie, à l internationalisation des échanges, aux concentrations ou encore aux changements technologiques. Stimuler et dynamiser l'esprit d'entreprise est une priorité de l Union européenne. Ainsi que l indique le Livre vert sur l esprit d entreprise 2, «Il est une condition nécessaire pour augmenter le nombre d'entreprises nouvelles et prospères, déterminées à tirer parti de l'ouverture des marchés et pour leur permettre de s'engager dans la voie de la créativité et de l'innovation en vue d une exploitation commerciale de leurs produits et services à une plus grande échelle.» Il est aujourd hui admis que la croissance durable d une entreprise dépend non seulement de ses performances économiques, mais également de son comportement responsable en matière sociale et environnementale. Les entreprises mutualistes, basées sur des valeurs de solidarité et plaçant l usager au centre du système, intègrent des intérêts divers dans leurs objectifs. Ces mêmes principes en font des acteurs importants dans la prestation de services d intérêt général. La diversité des formes d entreprendre est une richesse pour l Europe et pour son économie, et elle se doit d en garantir l effectivité, notamment en traitant toutes les formes de sociétés de façon égale, en mettant à leur disposition un cadre juridique adapté aux spécificités de chacune, leur permettant de développer librement leurs activités et leurs potentialités. Le droit «d entreprendre autrement» doit être reconnu et encouragé à tous les niveaux. Le présent document décrit les principales caractéristiques des sociétés mutuelles, leur mode de fonctionnement ; il explore les secteurs d activités où elles sont actives, leurs réalisations et la valeur ajoutée de cette forme de société. Le chapitre 3, consacré à la réglementation des mutuelles, fait apparaître certaines lacunes quant aux instruments juridiques mis à leur disposition (notamment pour permettre leur regroupement) ; il attire également l'attention sur la nécessité d'adopter 1 Par exemple en France, 50 % du marché de l assurance auto est détenu par les mutuelles d assurance. En Allemagne, les mutuelles d assurance représentent 22 % du marché de l assurance toutes branches confondues. 2 COM(2003) 27 final, 21/01/2003 http://europa.eu.int/comm/enterprise/entrepreneurship/green_paper/index.htm 3

une réglementation européenne sous la forme du statut de la mutualité européenne afin qu elles puissent profiter pleinement des opportunités que leur offre le grand marché européen, tout en gardant leurs spécificités. Cet instrument est attendu par le monde mutualiste depuis plus de vingt ans. Une meilleure connaissance des sociétés mutuelles doit leur permettre, dans toute l Union européenne, y compris dans les futurs États membres,: D'offrir aux citoyens des possibilités d entreprendre autrement, mais également de se procurer des biens et services d une façon différente ; De bénéficier d un cadre juridique adapté à leurs particularités, leur permettant d opérer sur le marché dans des conditions d égale concurrence avec les autres formes de sociétés. D'être intégrées dans toutes les politiques les concernant, par une meilleure compréhension de leur contribution potentielle. De développer de nouvelles activités et explorer de nouveaux secteurs. D'établir, sans perdre leurs caractères mutualistes, des collaborations transnationales afin de faire face aux défis d une concurrence toujours plus forte. Ce document doit permettre à la Commission de parfaire sa connaissance des difficultés juridiques rencontrées par les mutuelles, sur leur besoin de législation adaptée à leurs spécificités, sur l intérêt qu elles manifestent quant à la création d un statut européen qui leur soit propre. Les questions qui émaillent le document portent sur des points à propos desquels la Commission souhaite plus particulièrement connaître l avis des parties intéressées. Une annexe au document récapitule ces questions. Tout autre commentaire et/ou suggestion sont les bienvenus. 2. Les mutuelles en Europe 2.1. Qu est-ce qu une mutuelle? Les traditions mutualistes variant considérablement entre les États membres, la question de la définition a toujours soulevé de grandes difficultés. Les mutuelles répondent aux mêmes principes que les autres composantes de l économie sociale (les coopératives et les associations) : il s agit d un groupement volontaire de personnes (physiques ou morales) ayant pour finalité la satisfaction des besoins des membres, et non pas la rémunération d un investissement. Ces formes de sociétés fonctionnent selon des principes de solidarité entre les membres et de participation de ces derniers à la gouvernance d entreprise. Elles relèvent du droit privé. Les profits et excédents réalisés ne servent pas à rémunérer des investissements ; ils sont utilisés pour améliorer les services proposés aux membres, financer et développer l entreprise, augmenter les fonds propres, ou, dans certaines limites, sont redistribués aux membres, sous diverses formes. Contrairement aux coopératives, dont le capital est divisé en parts sociales, les fonds propres des mutuelles sont gérés de façon collective et indivisible. L adhésion à une mutuelle s opère par le paiement d une contrepartie aux services rendus par la mutuelle, et non pas par l achat d une part dans le capital de la société. Le candidat à l adhésion n a donc pas à supporter une charge financière lourde pour devenir membre. D autre part, les membres n ayant aucun droit de propriété sur une 4

part du capital de la mutuelle, leur départ de la société n ampute pas celle-ci d une partie de ses fonds, lesquels continueront à profiter à la collectivité des membres. 2.1.1. Principes généraux - Absence de part sociale ou d action : Les fonds des sociétés mutuelles ne sont représentés ni par des actions, ni par des parts sociales qui procureraient un rendement (même faible) à leurs détenteurs. Les mutuelles opèrent grâce à un fonds d établissement ou fonds propres -, constitué par les membres ou par l emprunt. Ces fonds sont la propriété collective et indivisible de la mutuelle. - Liberté d adhésion Les mutuelles sont accessibles à toute personne qui remplit les conditions éventuellement prévues dans les statuts et qui adhère aux principes mutualistes. On distingue généralement les mutuelles dites «ouvertes» (elles accueillent tous les adhérents, sans condition particulière ; C est par exemple le cas des mutuelles de santé en Belgique) des mutuelles dites «fermées» (l adhésion des membres est subordonnée au respect de conditions, par exemple à caractère géographique ou socioprofessionnel, définies dans les statuts de la mutuelle. Dès lors que le postulant remplit les conditions objectives d adhésion, la mutuelle l accepte comme membre, sans aucune forme de discrimination. C est notamment le cas des mutuelles ouvertes aux seuls enseignants ou aux commerçants). - But non exclusivement lucratif : L objectif premier des mutuelles n est pas de faire du profit, mais de satisfaire les intérêts des membres voire, dans certains cas, les intérêts d un cercle plus large. La personne, et non le capital, est donc au centre de l activité des mutuelles. Absence de but exclusivement lucratif ne signifie pas absence d activités économiques, ni que les mutuelles ne cherchent pas à être rentables, ou même à dégager des excédents. Pour être viables et assurer leur pérennité, les entreprises mutuelles se doivent d être concurrentielles et sont tenues d équilibrer leurs comptes. C est dans l affectation du profit que les mutuelles se distinguent des sociétés de capitaux : les excédents ne servent pas à rémunérer du capital. Ils sont réinvestis afin d améliorer les services proposés aux membres, de financer le développement de l entreprise, d augmenter les fonds propres, ou encore, dans certaines limites, sont redistribués aux membres. - Solidarité : Les membres d une mutuelle cherchent à répondre à des attentes individuelles par une action collective : ils mettent en commun des ressources et/ou des activités pour satisfaire les besoins de tous. - Démocratie : Le fonctionnement des mutuelles repose sur une gestion démocratique, les membres participant à la gouvernance de l entreprise selon des modalités de représentation qui varient entre les États membres. En vertu du principe «une personne une voix», chaque membre dispose d un pouvoir égal au sein des instances de décision. Si, en pratique, ce principe est souvent aménagé pour permettre une certaine pondération des voix, le caractère démocratique est généralement préservé par les limites mises par les statuts quant au nombre de voix que peut détenir un membre. - Autonomie de gestion. Les entreprises de forme mutuelle sont des entreprises autonomes, qui ne dépendent pas de subventions publiques pour subsister. 5

2.1.2. Historique de la création des mutuelles et évolution La mutualité puise ses racines dans des temps très anciens, puisqu on en trouve déjà la trace en Basse-Egypte dès le IV millénaire avant Jésus-Christ sous la forme d une caisse d entraide entre les tailleurs de pierre. Au Moyen Âge, dans le secteur de l assurance, des groupements de secours mutuel se sont développés pour apporter une contribution financière aux personnes blessées dans un accident ou victime d un incendie. D autres groupements fonctionnant selon les principes d une mutuelle d assurance ont fait leur apparition un peu plus tard : création d une mutuelle d assurance pour les moulins aux Pays-Bas en 1663 ou de la «British Amicable Society for Perpetual Insurance Office» au Royaume-Uni en 1706. En France, les Caisses de secours, véritables mutuelles régionales contre l incendie et la grêle, voient le jour au XVIII siècle. Les mutuelles ont pris une place importante dans le milieu agricole dès le début du XX siècle (ex. : Localinsurance Mutual Company, Finlande, fut créée en 1917 par l Union des fermiers), les membres souhaitant se prémunir contre les risques liés à l activité (grêle, mortalité du bétail, incendie, etc.). Le mouvement mutualiste toucha ensuite d autres couches socioprofessionnelles, tels que les commerçants, les enseignants ou les médecins qui recoururent à cette forme d organisation de l assurance, non seulement pour se prémunir contre les risques professionnels, mais également contre ceux touchant tous les secteurs de leur vie privée. En France, par exemple, la MAIF (Mutuelle d assurance des instituteurs de France) fut créée en 1934 par 301 instituteurs. Elle compte aujourd hui plus de deux millions de membres. Ce sont également des professeurs qui établirent, en 1880, au Danemark, la société LB Group. En Belgique, la SMAP (Société Mutuelle des Administrations Publiques) voit le jour en 1919, fondée par des représentants des communes. En matière de santé, c est lors de la révolution industrielle, au XIX siècle, que le concept mutualiste prend véritablement son envol. Ces transformations sociétales font apparaître de nouvelles formes de solidarité et diverses initiatives de prévoyance sociales voient le jour. Les ouvriers se réunissent pour créer des «caisses de secours» qui financent le paiement d allocations journalières aux travailleurs en incapacité, les soins nécessaires à leur rétablissement, l achat de maison ou encore le remboursement des frais funéraires. Ces caisses se confondent pendant un certain temps avec les caisses de grève. C est à cette même époque que l on assiste, en Allemagne, à la création des premières coopératives de crédit (les Caisses Raiffeisen) 3. Ces caisses de secours se multiplient au XIX siècle et au début du XX. Les cotisations des membres sont fixées sur base d une mise en commun des risques. A cette époque, beaucoup de mutualités sont également impliquées dans la délivrance de soins par le biais d institutions nées à leur initiative ou de prestataires avec lesquels elles ont passé des contrats afin de mieux contrôler les prix et l offre de soins médicaux. Cette pratique se poursuivra jusqu à nos jours. 3 Sur l évolution des coopératives, voir le document «les coopératives dans l Europe Entrepreneuriale» http://europa.eu.int/comm/enterprise/entrepreneurship/coop/consultation/index.htm 6

Dans la plupart des pays européens, ces mutualités sont à la base des systèmes publics de protection sociale à base de répartition sociale 4 structurés par des organisations non lucratives. Ils permettent aux travailleurs victimes d un risque social d être protégés dans le cadre d une assurance sociale. Les grands régimes de Protection Sociale furent créés après 1945. La fonction des mutuelles diverge alors en fonction des options prises par les États. Ainsi, en Belgique, elles sont chargées de gérer le régime obligatoire de sécurité sociale. D autres États choisissent une gestion de la Protection sociale (maladie, pensions) par un service public géré soit par l État lui-même, soit par les Régions. C est notamment le cas en Espagne. Les mutuelles y jouent alors un rôle alternatif et développent des activités d'assurance maladie complémentaire. En France, la gestion du régime de base est partagée entre les mutuelles et l État, celuici gérant la majeure partie. Enfin, dans la plus part des économies planifiées des futurs États membres, l État gérait les services médicaux et sociaux, et les mettait gratuitement à la disposition de l ensemble de la population. Les premières «Building society», quant à elles, furent créées au Royaume-Uni en 1770. Il s agissait de groupements d entraide qui collectaient et mettaient en commun l épargne de leurs membres. Lorsque les fonds étaient suffisants, un bâtiment était acheté ou construit, et un tirage au sort déterminait à quel membre il serait attribué. Le groupement était dissout lorsque tous les membres avaient trouvé à se loger. La forme moderne des «building societies» date de 1850 ; elles acceptèrent alors les investissements de personnes ne souhaitant pas nécessairement acheter une maison. D un autre côté, ceux qui désirent acquérir une habitation ne sont pas obligés d épargner préalablement à l achat. Les «building societies» comptent actuellement environ 18 millions de membres au Royaume-Uni. Les mutuelles sont donc nées de la volonté de personnes désireuses de se regrouper, de mettre en commun des ressources et des activités pour satisfaire les besoins d une communauté ainsi constituée. Répondant à une demande non satisfaite par les autres formes de sociétés, elles ont posé les bases non seulement de leur propre développement, mais souvent aussi de celui d autres formes d entreprises dans ces mêmes secteurs d activités. La mutuelle des motards, fondée en 1983, illustre bien cette volonté d un groupe de personnes ayant des besoins communs et rencontrant les mêmes difficultés pour les satisfaire de constituer une mutuelle répondant exactement à leurs attentes (les primes demandées par les assureurs non spécialisés dans un tel risque étant souvent très élevées). 2.1.3. Secteurs d activités actuels et importance des mutuelles Le développement d activités sous forme mutuelle plutôt que sous forme coopérative (ou associative) et vice versa dépend essentiellement de la culture, de la tradition propre à chaque État membre. 4 Il convient de distinguer la répartition sociale qui repose sur la mise en commun d une partie de la rémunération (cotisations sociales) de la répartition publique qui repose sur le prélèvement de l impôt. 7

Les mutuelles ont connu un développement très important dans les secteurs où elles ont «historiquement» été créées : l assurance, la prévoyance et la santé, le secteur bancaire. Elles n ont par contre que très peu trouvé dans les législations nationales les moyens juridiques de développer de manière significative d autres secteurs d activités. En matière de santé, les mutuelles sont présentes dans tous les États membres, que ce soit en gérant directement le système de protection obligatoire, en proposant une couverture complémentaire ou bien encore en développant des activités de prévoyance, d entraide, d assistance médicale ou sociale, etc Pour ce qui est des mutuelles actives dans les secteurs de l assurance dommage (incendie, accident, risques divers) ou de l assurance vie, elles sont présentes dans pratiquement tous les États membres. L importance économique des mutuelles dans ces secteurs varie fortement entre les États membres. Très présentes sur les marchés français et allemands (cf. introduction), elles sont relativement discrètes sur le marché italien, et totalement absente du marché grecque, où la législation réserve ces activités aux sociétés de capitaux ou aux coopératives. Au Royaume-Uni, les «building societies» (banques mutuelles) détiennent 18 % des parts tant du marché anglais des prêts hypothécaires que de celui des dépôts bancaires (chiffres 2003). En terme d emploi, une étude pilote réalisée par EUROSTAT en 2001 dans quelques États membres montre qu en 1998, en France, les mutuelles représentaient 16.04 % des emplois dans le secteur de l intermédiation financière. En Finlande et en Suède, ce taux, dans ce même secteur, était de 13 %. Toujours en terme du nombre d employés, le taux de croissance annuel moyen des mutuelles, entre 1995 et 1998, était de 1.46 % en France dans le secteur de l intermédiation financière, de 80.01 % en Espagne dans la catégorie «autres activités communautaires, sociales et services personnels» et de 35.72 % dans le secteur des «activités immobilières, locatives et commerciales». Q1 Existe-t-il, dans les États membres, actuels et futurs, d autres types d activités entreprises sous forme mutuelle? 2.2. Principales différences par rapport aux sociétés privilégiant les intérêts des investisseurs N émettant pas d action cotée, les mutuelles ne sont pas exposées à une O.P.A. ou au rachat de capital. En période de crise boursière, l effet déstabilisateur de la chute des cours n affecte que modérément les mutuelles, qui jouent ainsi pleinement leur rôle amortisseur ; Cette indépendance vis-à-vis du cours quotidien de l action permet aux dirigeants des mutuelles de développer une gestion de la société à long terme ; 8

Les mutuelles ne rémunèrent pas d actionnaire, ce qui leur permet de consacrer tout ou partie du résultat à la pérennité de l entreprise. Elles peuvent s avérer être de véritables écoles de participation responsable et citoyenne : dans les mutuelles de taille modeste, ou ayant gardé un fort ancrage local ou socioprofessionnel, les membres sont associés activement à la vie de la mutuelle, en prenant part aux assemblées générales ou en participant aux élections de leurs représentants. En outre, elles assurent la promotion de l esprit d entreprise parmi des groupes qui, dans d autres circonstances, n auraient qu un accès limité aux fonctions de gestion. Les mutuelles ont comme finalité la satisfaction des intérêts de leurs membres, qui en sont généralement les utilisateurs. Les mutuelles disposent ainsi d information de première main sur les besoins des consommateurs et sur les modifications de leur comportement, habitudes et attentes. Par leur politique de l accessibilité des tarifs, les mutuelles ont une influence sur le marché dans son ensemble, et contribuent à le rendre plus concurrentiel. De par leur histoire et leur engagement, les mutuelles ont souvent gardé un ancrage local très fort, que ce sentiment d appartenance des membres soit le résultat d un lien géographique ou d un lien professionnel. De plus, leur gestion fondée sur la participation des membres leur permet de garder une dimension humaine. Dans une économie qui se mondialise, ces deux éléments concourent à en faire un trait d union entre le local et le global. Q2 Ces différences suffisent-elles à justifier l utilisation de la forme mutuelle? Quelle valeur ajoutée apportent les mutuelles par rapport à d autres formes de sociétés, basées sur les même valeurs de solidarité telles que les coopératives et les associations? 2.3. Réalisations des mutuelles 2.3.1. Valeur ajoutée des mutuelles : les valeurs de solidarité Dans les domaines d activités où elles opèrent, les mutuelles ont prouvé qu elles étaient des entreprises rentables, productives et compétitives, capables de s adapter aux variations des attentes et des besoins de la population. Les principes mutualistes rendent plus aisé l accès à des services aussi essentiels que la santé ou le crédit, notamment à des populations dont les revenus ne permettent pas de trouver ailleurs des réponses à leurs besoins. La forme mutuelle trouve des applications innovantes dans de nombreux domaines. En voici quelques exemples. 2.3.2. Accès aux soins Dès leurs origines, les mutuelles ont joué un rôle prépondérant en matière d assurance santé complémentaire. Sous l effet de l accroissement du coût des soins et de la diminution de la part prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale mais également des délais d attente parfois très longs pour bénéficier des soins 9

dispensés par les services nationaux de santé (c est notamment le cas au Royaume- Uni) ce secteur s est considérablement développé et est devenu très compétitif. Les mutuelles ont pu y garder une place prépondérante en s y démarquant et en développant des produits originaux, au prix le plus juste, accessibles au plus grand nombre, et adaptés aux besoins des bénéficiaires. C est par exemple le cas de «Benenden Health Care society» (UK), qui a mis au point une formule d assurance «subsidiaire» : les membres ne recourent à ses services que s ils ne peuvent trouver de l aide ailleurs (en raison de délais d attente trop longs ou pour des raisons financières par exemple), système qui permet de garder des cotisations modestes. Les mutuelles ont également élaboré des solutions adaptées aux problèmes liés au vieillissement de la population. En matière de retraite, les mutuelles assurent non seulement le paiement de pensions aux retraités, mais offrent également à ces derniers d autres services : - Elles organisent leur accompagnement social ; - Elles assurent le suivi de leur situation physique et psychique ; - Elles leur donnent la possibilité de participer à la vie associative de la mutuelle ; - Elles développent des services spécialement conçus pour les personnes âgées, tels que gestion de maisons de soins ou de centre de retraite, organisation de l aide domestique et sanitaire à domicile. 2.3.3. Inclusion sociale De nombreuses mutuelles participent à la lutte contre l exclusion sociale par la mise en place de structures d accueil et de travail pour les personnes handicapées, de lieux de vie pour les personnes âgées ou pour certains malades ou drogués, des lieux de rencontre pour les personnes isolées, 2.3.4. Responsabilité sociale des entreprises et Développement durable La Commission définit la responsabilité sociale des entreprises (RSE) comme étant «l intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes» 5. Depuis leurs origines, les mutuelles, plaçant les membres-utilisateurs au centre de leurs préoccupations, intègrent cette problématique à leur mode de gestion et de fonctionnement. Démocratie participative, juste répartition des excédents, solidarité, gestion à long terme sont pour ces entreprises des objectifs qu il leur faut combiner avec la nécessaire efficacité économique. Libérées de l exigence de rémunérer du capital, les mutuelles peuvent consacrer leurs bénéfices à la mise au point d autres services pour les membres. Les exemples de réalisations des mutuelles en cette matière ne manquent pas, que ce soit en matière de prévention des risques (cours de conduite automobile, campagne d information sur les risques domestiques, renseignements sur le bon usage des médicaments, ), d investissements éthiques, de respect de l environnement, etc. Les 5 Communication de la Commission concernant la responsabilité sociale des entreprises : Une contribution des entreprises au développement durable, 2 juillet 2002, COM(2002) 347 final 10

mutuelles d assurance ont également été parmi les premières entreprises à expérimenter le bilan sociétal, outil volontaire permettant de donner une vision globale de la vie de l entreprise, de ses conséquences sur son environnement, et de son implication sociétale 6. Les actions des mutuelles en ce domaine ne sont pas toujours bien connues. L échange de meilleures pratiques et d expérience pourraient y remédier, en permettant leur diffusion et leur généralisation, tant à travers le forum EU plurilatéral mis en place par la Commission 7, que par une coopération renforcée par des contacts plus réguliers et plus structurés entre des mutuelles des États membres et des pays candidats, actives dans des secteurs d activités différents. 2.4. Limites et dilemmes de la forme mutuelle Les mutuelles sont confrontées à des difficultés tenant à leur mode de financement et de fonctionnement (Les aspects législatifs sont traités au chapitre suivant). - L accès limité au capital externe par le recours aux marchés financiers peut limiter la flexibilité des mutuelles, et les rendre tributaires du crédit. En outre, les restrictions au droit de vote peuvent décourager un investisseur externe, soucieux de s assurer des droits de vote en proportion de son apport. - La taille atteinte par certaines grandes mutuelles risque de diluer l affectio societatis, éloignant les membres du centre de prise de décisions. D autre part, l application des principes démocratiques dans la gouvernance de l entreprise peut entraîner des lenteurs dans le processus décisionnel. - Tant dans les services traditionnels de soutien et de conseils aux entreprises, que dans les programmes de formation, la nature particulière de la gestion mutuelle est mal connue. Q 3 Existe-t-il d autres obstacles ou problèmes auxquels pourraient se heurter les entrepreneurs désireux d adopter la forme mutuelle pour lancer de nouvelles initiatives? 3. Cadre réglementaire et législatif 3.1. Les législations 3.1.1. Les législations nationales Aucun État ne dispose de loi unique et générale sur les mutuelles. Dans tous les États, la loi définit précisément les activités que peuvent entreprendre les mutuelles. Ces 6 Le bilan sociétal se compose d une phase de renseignement, via un questionnaire portant sur 450 points, et d une phase d analyse et de diagnostique avec un auditeur externe, devant amener l entreprise à fixer des objectifs d évolution. Tant le diagnostic que la fixation des objectifs doivent être faits en partenariat avec les parties prenantes. 7 Ce forum, créé en octobre 2002, est présidé par la Commission et regroupe des représentants d organisations européennes d employeurs, de travailleurs, d ONG et d autres organisations professionnelles. Il a pour but de promouvoir l innovation, la convergence et la transparence des pratiques et instruments de RSE existants. 11

activités relèvent d un ou plusieurs domaines suivants : assurance, santé (y compris les activités sanitaires et la prévoyance), crédit. Si tous les États membres disposent de législations détaillées sur les mutuelles de santé, les dispositions régissant les mutuelles d assurance sont quant à elles intégrées dans les lois générales sur les sociétés d assurance Au Royaume-Uni, les législations spécifiques relatives aux «friendly societies» ou aux «building societies» ne traitent que partiellement la matière et renvoient à la loi générale sur les services financiers. Tous les États membres permettent la constitution de mutuelles pour mener des activités d assurance non-vie 8 et/ou vie, à l exception de la Grèce, où il n existe donc que des mutuelles de santé. Certaines législations nationales imposent des contraintes en terme de sociétariat. C est le cas au Portugal, où les mutuelles d assurance doivent être créées sur une base corporative, ne pouvant offrir de produits/services en dehors de cette corporation. En matière fiscale, il existe de moins en moins de différences significatives entre les mutuelles et les autres formes de sociétés. A quelques exceptions près (notamment la Belgique, le Danemark et l Espagne), tous les États membres mettent à la disposition des mutuelles des instruments de financement des fonds propres, qu il s agisse de bons de jouissance, de titres participatifs ou de tous autres moyens assimilés. Quelques pays comme la France, l Autriche ou l Allemagne ont récemment introduit des dispositions permettant aux mutuelles de se regrouper, ou de constituer des mutuelles holding. De manière générale cependant, on constate un manque d instruments nationaux de regroupement respectueux des principes mutualistes, la plupart de ces instruments étant fondés sur des liens en capital entre les membres du groupe. Un statut européen propre aux mutuelles pourrait pallier à cette lacune (voir point 3.4). Tous les États membres permettent la distribution de l actif net aux membres en cas de dissolution de la mutuelle, excepté la France et le Luxembourg où l actif net doit être dévolu soit à d autres sociétés d assurance mutuelles, soit à des associations reconnues d utilité publique et l Irlande, où l actif net est versé au ministère des finances. Certaines normes internationales ont un impact direct sur le fonctionnement des mutuelles. Ce sera notamment le cas des normes comptables IAS (International Accounting Standard) qui s appliqueront aux sociétés européennes en 2005. Elles ont été conçues pour s appliquer à des sociétés cotées en bourse. La Commission sera à l écoute des sociétés mutuelles afin que l application de ces normes au niveau national n entraîne pas de difficultés insurmontables pour elles. 8 Dans le contexte de ce document, ce terme doit être compris comme étant les activités exercées par des mutuelles autres que des mutuelles de santé régies par des dispositions spécifiques. 12

Q 4 Considérez-vous que les législations nationales offrent un cadre juridique adapté aux spécificités des mutuelles? Permettent-elles un développement optimal de leurs activités? Dans la négative, quelles pourraient être les évolutions futures 3.1.2. La législation européenne et le droit européen dérivé 3.1.2.1. Les mutuelles et les traités Les mutuelles sont des sociétés au terme de l article 48 du traité instituant la Communauté européenne et, à ce titre, profitent de tous les avantages découlant de la liberté d établissement et de prestation de services dans la Communauté, et peuvent bénéficier de tous les programmes de financement européens. 3.1.2.2. Les mutuelles et le droit européen dérivé Le droit européen dérivé (directive, règlement, ) s applique aux mutuelles comme à n importe quelle autre forme de société, sans discrimination négative ou positive. En pratique cependant, certains textes, en n intégrant pas les spécificités des mutuelles, ont pour effet de les exclure de l avantage offert à d autres formes de sociétés. C est notamment le cas de la directive sur le régime fiscal des sociétés mères et filiales d États membres différents 9. Ce texte prévoit que lorsqu une société mère reçoit des bénéfices distribués par sa filiale implantée dans un autre État membre, l État de la société mère a le choix entre exonérer les dividendes, ou les taxer tout en imputant la taxe déjà payée par la filiale. Dans de nombreux États membres, la forme mutuelle n étant pas répertoriée parmi les formes de «sociétés d un État membre» reprises à l annexe de la directive, elles ne bénéficient pas, en pratique, de l avantage offert par la directive. Une proposition de directive présentée en juillet 2003 vise néanmoins à étendre le champ d application du texte à d autres entités juridiques 10. La situation est identique avec la directive sur le régime fiscal applicable aux opérations transfrontalières de restructuration 11 : le champ d application est le même que celui concernant le régime fiscal des sociétés mères et filiales et exclut donc les mutuelles de nombreux États membres du bénéfice de son application. 3.2. Changements structurels et concurrence 3.2.1. Concurrence Les mutuelles agissent sur des marchés souvent très réglementés sur le plan européen (assurance et crédit en particulier) et où la concurrence entre les opérateurs est forte. Elles s y sont intégrées de façon efficace, et y occupent une place importante. Ainsi, la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF) détient 15 % 9 Directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'états membres différents ; JO n L 225 du 20/08/1990 p. 0006-0009 10 COM (2003) 462(01), 29/07/2003 11 Directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'états membres différents, JO n L 225 du 20/08/1990 p. 0001-0005 13

des parts du marché de l assurance auto, avec près de 5 millions de membres ; la Société Mutuelle des Administrations Publiques (SMAP) possède 10,6 % des parts de marché de l assurance en Belgique. 14,3 % du marché de l assurance vie en Suède est détenu par la mutuelle FOLKSAM. Standard Life détient 13 % des parts du marché de l assurance au Royaume-Uni. Dans le domaine de la santé, la Mutuelle générale de l Éducation nationale apparaît au 2 rang des assureurs actifs dans le domaine des complémentaires santé en France 12. 3.2.1.1. Les services d intérêt général Les mutuelles, au même titre que les autres acteurs n ayant pas, à titre principal, d objectif lucratif, jouent un rôle important dans les secteurs sociaux et de la santé. Elles y exercent des activités économiques nécessaires et subordonnées à leurs fonctions sociales. Les entreprises, quelle que soit leur forme, chargées de la gestion de services d intérêt économique général sont soumises aux règles de concurrence européennes, dans les limites où l application de ces règles ne fait pas échec à l accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie. Les organismes qui mettent en œuvre de tels services, notamment dans les secteurs de la santé, de l action sociale et de protection sociale secteurs où les mutuelles occupent une place prépondérante ont souvent souligné la difficulté qu ils éprouvent à qualifier leurs activités au regard de la notion de service d intérêt économique général. 3.3. Évolutions 3.3.1. Croissance et concentration Pour prospérer dans un contexte d internationalisation de l économie et de concurrence accrue sur les marchés, les mutuelles se sont efforcées de développer des solutions, qui, en l absence de cadre juridique approprié, sont parfois prises au mépris des principes mutualistes, banalisant de ce fait leurs spécificités. Ces solutions revêtent différentes formes : - Développement par la croissance interne : les mutuelles vont tenter de maximiser les produits disponibles, d en développer de nouveaux, mieux adaptés aux besoins des membres ou encore d étendre leur affiliation. - Développement par la croissance externe, que ce soit par le rachat de sociétés de droit commun, ou par la création de filiales, cotées ou non ; - Conclusion de partenariats et d alliances, ayant souvent un caractère international. Le nombre de fusions entre mutuelles reste, quant à lui, assez réduit, en raison notamment des grandes disparités existant entre les législations nationales et de l absence d un statut européen pour les mutuelles. 3.3.2. Transformation de la forme juridique Que ce soit pour accéder aux marchés de capitaux, pour aider une mutuelle défaillante, pour permettre aux membres d obtenir une part de la valeur intrinsèque de la société, ou pour toute autre raison, certaines mutuelles, essentiellement dans 12 Argus de l Assurance, 20 juin 2003, n 6839, p.48 14

les pays anglo-saxons, ont choisi d abandonner leur forme juridique originaire pour endosser celle de société de capitaux. Ainsi, au Royaume-Uni, entre 1992 et 2001, 29 % du marché de l assurance vie 13 et 75 % de celui des «Building Societies» ont été démutualisés. (a) Les législations nationales sur la question Tous les États membres se sont dotés d une législation relative à la transformation juridique des mutuelles. Les règles de quorum et de majorité sont en général assez lourdes et certains États (comme l Espagne) imposent que la transformation soit approuvée par le Ministère compétent. La législation de trois États membres (la France, l Irlande et le Luxembourg) consacre le principe de la solidarité inter-générationnelle en vertu duquel l actif de la société, constitué au fil du temps, n appartient pas à la génération présente de membres. Cela se traduit par une distribution désintéressée de l actif net : celui-ci ne peut être dévolu qu à d autres sociétés d assurance mutuelles, ou à des associations reconnues d utilité publique. Ces dispositions privent la démutualisation de tout intérêt en terme d attribution de bénéfices exceptionnels aux membres. On notera également l adoption récente de solutions légales et/ou réglementaires qui visent à limiter les démutualisations. Au Royaume-Uni, un projet de Loi prévoit le principe de la distribution désintéressée en cas de transformation de la forme juridique des «Industrial and Provident societies» : le surplus d actifs nets ne pourra plus revenir aux membres, mais devra être transféré à une société de même nature, ou à un organisme caritatif. Les solutions sont parfois trouvées au niveau contractuel. Ainsi, les «building societies» font signer aux nouveaux membres une déclaration («chartable assignment agreement») au terme de laquelle ils s engagent à verser à un organisme de charité la plus-value qu ils pourraient retirer de la conversion de la «building society» en société de capitaux. (b) Démutualiser pour quel résultat? Dans de nombreux cas, la transformation de la forme juridique a abouti à la disparition de la nouvelle société, peu de temps après la modification. Sur les 13 entreprises ayant opéré leur conversion au Royaume-Uni, peu ont fait des acquisitions et nombre d entre elles ont été rachetées peu après leur démutualisation. 3.4. Le statut de la mutualité européenne 3.4.1. Historique La Commission a présenté en 1992 trois propositions de règlement portant statut, respectivement, d une société coopérative européenne (SEC), d une association européenne (AE), et d une mutualité européenne (ME). Chaque règlement était complété par une directive relative à l implication des travailleurs. Ces textes visaient à 13 «La mutualité : une valeur sûre», Association des Assureurs Coopératifs et Mutualistes Européens, 2001 15

doter ces trois formes de sociétés (coopérative, association et mutuelle) d'un instrument juridique leur permettant de développer leurs activités transnationales à travers toute l Union européenne, le statut de la société européenne (SE), qui était alors en discussion, n apportant pas de solution adaptée à leurs spécificités. Ces trois propositions furent modifiées en 1993 pour tenir compte de l avis du Comité économique et social européen, ainsi que du Parlement européen 14. Le groupe «Droit des sociétés» du Conseil a travaillé sur ces textes jusqu en 1996, année au cours de laquelle des divergences inconciliables entre les États membres concernant le statut de la SE (et plus spécifiquement le volet directive «implication des travailleurs») gelèrent les travaux sur tous les statuts. Un compromis fut trouvé lors du sommet de Nice en décembre 2000. La présidence suédoise a alors décidé de reprendre les travaux sur les trois autres statuts, en commençant par celui de la SEC. L AE devait suivre, puis finalement la ME. Le statut de la SEC a été adopté en juillet 2003 15, et les travaux sur l AE ont fait de gros progrès sous la présidence grecque (1 semestre 2003). Ainsi qu indiqué dans la communication de la Commission sur la modernisation du droit des sociétés 16 «La Commission entend soutenir activement le processus législatif engagé à cet égard [société coopérative européenne et autres formes juridiques européennes d'entreprises], en réponse au désir, explicitement exprimé par le Parlement européen, d'accorder une attention significative au développement de nouvelles formes juridiques européennes d'entreprises». 3.4.2. Importance du statut et champ d application Les mutuelles cherchent de plus en plus fréquemment à se rapprocher et à collaborer à travers toute l Europe. Or, si la liberté de mener certaines activités sous forme mutuelle est reconnue dans beaucoup d États membres, et que les mutuelles bénéficient de la liberté d établissement prévue par le traité, la diversité des dispositions nationales en la matière entrave en pratique le développement d activités à l échelle européenne. Faute d instrument juridique adapté, elles utilisent des outils qui ne répondent qu imparfaitement à leurs besoins, tels que par exemple le GEIE (Groupement européen d intérêt économique) 17, ou la création de filiales ayant la forme de société de capitaux. Un statut européen adapté aux spécificités des mutuelles est donc capital pour faciliter voire simplement permettre - le développement de leurs activités transfrontières et transnationales à l échelle de l Union européenne, et particulièrement dans l optique du tout prochain élargissement de l Union. 14 Pour la SCE : JO C 236 du 31.8.1993, p. 17. Pour l AE : 8364/93 DRS 14 - COM(93) 252 final SYN 386-391 Pour la ME : proposition modifiée de règlement du Conseil portant statut de la Mutualité européenne, 8364/93 DRS 14 COM(93) 252 final SYN 386-391 15 Règlement (CE) n 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC), Journal officiel n L 207 du 18/08/2003 p. 0001-0024 16 Communication de la Commission sur la Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouvernement d'entreprise dans l'union européenne - Un plan pour avancer, COM/2003/0284 final, 21/05/2003 17 Ainsi EURESA, GEIE regroupant 5 sociétés d assurance mutuelles (représentant 4 Etats membres), une coopérative d assurance et une société anonyme propriété de divers mouvements de l économie sociale a été créée en 1990. Il poursuit deux buts, d une part, partager et développer les ressources et connaissances des membres dans le but de créer des services et produits communs ; d autre part, être un instrument permettant aux membres de développer leurs initiatives et actions à travers toute l Europe. 16

Il pourrait également pallier à l absence d instrument juridique relatif au rapprochement ou à la fusion entre mutuelles relevant d États membres différents, et permettrait la collaboration entre mutuelles et d autres formes de sociétés dont le fonctionnement est compatible avec celui des mutuelles (coopératives, associations). Création d union de mutuelles ou encore constitution de filiale à forme mutuelle seraient également possibles. La création ex nihilo de mutuelles, prévue par le projet de statut, autoriserait la création de mutuelles là où une mutualisation transfrontière des risques s avérerait intéressante. Par exemple, les autorités de régions ou communes situées dans différents pays, exposées à des risques similaires de calamités naturelles pourraient utilement se réunir et créer une mutuelle européenne qui prendrait en charge ces risques. Ce pourrait également être le cas de transporteurs routiers effectuant des trajets à travers toute l Europe : ils pourraient constituer une mutuelle européenne de défense en justice qui prendrait en charge les frais de défense, quel que soit le pays où se tient le procès (État membre d origine du camionneur ou non) L adoption de ce statut, qui est réclamé de manière de plus en plus pressante par les sociétés mutuelles, et par leurs organisations représentatives, les placerait, au sein de la Communauté, sur un pied d égale concurrence avec les autres formes de sociétés (société anonyme, coopérative et association), déjà dotées, ou en passe de l être, d un statut européen spécifique. 3.4.3. Principales dispositions La version de référence est le document de travail du Conseil de 1996, modifiant la proposition de la Commission de 1993. Il faut tout d abord souligner que le statut est optionnel, les dispositions nationales restant d application pour les mutuelles nationales. D autre part, le statut n est pas de nature à modifier l organisation des régimes obligatoires de sécurité sociale au sein des États membres, cette matière relevant de leur compétence exclusive. La proposition de texte distingue «ME de prévoyance» et «ME exerçant une activité autre que celle de prévoyance». Lors des discussions au Conseil, plusieurs États membres s étaient prononcés en faveur de la suppression de cette distinction. Une définition de la mutualité européenne, basée sur son objet principal et sur ses principes généraux plutôt que sur ses activités, permettrait ouvrir de nouveaux champs d activités aux mutuelles, tels que ceux mentionnés au point 4.1 (sociétés de logement, gestion des services de distribution d eau, ). Tout comme le statut de la société coopérative européenne, celui de la ME est accessible aux personnes physiques désireuses de créer leur propre entreprise, sous le couvert de la protection d une responsabilité limitée. Pour que cette disposition soit d une réelle utilité pratique, il faudrait toutefois prévoir des aménagements à l actuelle proposition qui impose de réunir 500 personnes physiques pour constituer une ME ex nihilo. Cette obligation pourrait en effet avoir un effet dissuasif, et, de plus, s avérer difficile à remplir. 17

Le texte devrait également être complété pour permettre la création d une ME par fusion (comme c est le cas pour la société européenne et pour la société coopérative européenne). Pour ce qui est du droit de vote, le projet de texte s inspire d une pratique largement répandue au sein des mutuelles, selon laquelle le principe «un homme une voix» peut, si les statuts de la ME le prévoient, laisser la place à un système de pondération des voix, basé sur le degré de participation du membre à l activité de la mutualité. Cette entorse à une interprétation stricte des principes mutualistes est encadrée par l interdiction faite aux ME d autoriser un membre à détenir la majorité des voix. D autres mécanismes de limitation des voix pourraient être trouvés, notamment en adoptant une formule semblable à celle retenue dans le statut de la société coopérative européenne, qui limite le nombre de voix à 5 par membre, ou à 30 % du total des droits de vote, la valeur la plus faible étant retenue. Enfin, le texte consacre le principe de la répartition désintéressée de l actif net, en prévoyant qu en cas de liquidation, il est dévolu soit à des ME ou à des mutualités relevant du droit de l'un des États membres, soit à un ou plusieurs organismes ayant pour objet le soutien et la promotion des mutualités. Cette disposition est une de celles ayant posé le plus de difficultés lors des discussions au Conseil. Les traditions des États membres sur la question sont en effet différentes. Pour certains, les membres présents au moment de la liquidation n ont pas le droit de s approprier un patrimoine qui s est constitué au fil des années et des générations de membres. Pour d autres, les membres doivent pouvoir décider librement de l affectation de l actif net lors de la dissolution. Une solution de compromis a été trouvée dans le statut de la société coopérative européenne, dont l article 75 prévoit que «L'actif net est dévolu en fonction du principe de dévolution désintéressée ou, lorsque la loi de l'état membre du siège de la SEC le permet, selon d'autres modalités définies dans les statuts de la SEC». Le principe de distribution désintéressée reste donc la règle de base, mais d autres dévolutions sont possibles, à deux conditions : (1) la Loi de l État membre du siège doit les prévoir et (2) il faut que les statuts de la société définissent les modalités. 3.4.4. Répercussion du statut sur les législations nationales Le statut étant un instrument optionnel, il ne vise en aucun cas à se substituer aux droits des différents États membres. Il n aura pas non plus vocation à uniformiser ces droits. Toutefois, un effet d harmonisation indirect pourrait se produire à terme, s il devient un point de référence pour les législateurs des États membres. Cet effet pourrait être encore plus marqué dans les futurs Etats membres, dont la législation sur les mutuelles est encore largement à élaborer. Les législations nationales reflètent les traditions extrêmement variées des États membres en matière de mutuelles. Chaque État souhaitant préserver ses spécificités, il est à craindre qu une réduction du nombre de références à la législation de l État membre dans lequel la mutuelle européenne a son siège soit très difficile à obtenir. Pour arriver à un instrument européen attrayant, efficace et transparent (ce qui est 18

d une grande importance en terme de gouvernance d entreprise), il serait pourtant préférable de tendre vers des règles communes à toutes les mutuelles européennes. Un recensement exhaustif des législations nationales relatives aux mutuelles serait utilement entrepris. Q. 5 Les mutuelles ont-elles besoin d un statut européen distinct de celui de la société européenne et de la société coopérative européenne? Qu apporterait-il par rapport aux instruments dont disposent actuellement les mutuelles? Q. 6 Quelles sont, selon vous, les améliorations/modifications à apporter à la présente proposition de statut? En cas de liquidation de l actif, quels sont les mécanismes qui pourraient être prévus par le statut de la ME pour garantir le respect des principes mutualistes? 4. Développement et perspectives 4.1. Mutuelles et politiques communautaires Les mutuelles, basées sur des valeurs de solidarité, mais également en tant qu entreprises efficaces et compétitives, pourraient être des instruments utiles pour atteindre les objectifs fixés lors du sommet européen de Lisbonne en mars 2000 18, qui visent à combiner une croissance économique durable avec une amélioration quantitative et qualitative de l emploi et une plus grande cohésion sociale. Nous ne prendrons ici que quelques exemples, en insistant sur le rôle que pourraient jouer les mutuelles dans les futurs Etats membres. 4.1.1. Facteur d inclusion social l accès au logement L accès au logement est un élément essentiel de la lutte contre l exclusion sociale ; Ce droit est reconnu à l article 34.3 de la charte des droits fondamentaux 19. Or, à l intérieur de l Union européenne même, beaucoup de personnes à très faibles revenus ne trouvent pas à se loger dans des conditions acceptables, en terme de prix ou de salubrité. Des coopératives de logement se sont constituées pour tenter de remédier au problème, mais les listes d attente de logements convenables restent longues. Pour autant que les États membres les dotent d un cadre juridique leur permettant de poursuivre ce type d activités, les mutuelles, basées sur la propriété collective, pourraient s avérer une alternative intéressante pour lutter contre ce problème. 4.1.2. Politique de l emploi Depuis 1998, les plans d action nationaux pour l emploi (PAN) invitent les États membres à produire des rapports sur les initiatives prises dans le secteur de l économie social au titre du pilier «esprit d entreprise». Les lignes directrices de 2002 leur demandent expressément «de favoriser les mesures permettant d améliorer le développement concurrentiel et la capacité de l économie sociale à créer des emplois plus nombreux et à en améliorer la qualité» (ligne directrice 11) 18 http://europa.eu.int/comm/lisbon_strategy/index_en.html 19 Charte des droits fondamentaux de l'union européenne (2000/C 364/01), Journal officiel n C 364 du 18/12/2000 19

On constate cependant que les mutuelles ne sont pas dûment reprises dans les rapports des États membres. Cela peut s expliquer, en partie tout au moins, par le fait que certains de ces États n ont aucune tradition en matière d économie sociale, ce qui entraîne une méconnaissance du concept. Les lignes directrices pour les années à venir devraient dès lors définir cette notion, en précisant ses éléments constitutifs (mutuelles, coopératives, associations et fondations). D autre part, en pratique, on constate que les mutuelles s intéressent à la qualité de vie du travailleur, proposant des emplois plus flexibles (aménagement du temps de travail par exemple), ouvrant de ce fait l accès au marché du travail à un large éventail de personnes. 4.1.3. Services d intérêt général Dans son livre vert sur les services d intérêt général 20, la Commission insiste sur le rôle capital que jouent ces services pour améliorer la qualité de vie de tous les citoyens et met l accent sur la nécessité de tenir compte des préoccupations des consommateurs et des utilisateurs. La forme mutuelle, qui associe les membres utilisateurs à la vie de la société, plaçant ainsi l usager au centre du système, constitue une alternative intéressante entre la fourniture des SIG par les pouvoirs publics et la fourniture par des sociétés privilégiant les intérêts des investisseurs. L idée de confier l organisation des monopoles naturels, en particulier la gestion des infrastructures de distribution d eau et de traitement des eaux usées, est née au Royaume-Uni dans les années 80, lors de la privatisation des principaux services publics, tels que l électricité, l eau et les télécommunications. La gestion des services d eaux par des structures mutuelles peut se justifier par plusieurs éléments : En l absence d investisseurs extérieurs, les conflits potentiels entre eux et les consommateurs sont évités, les décisions sont prises par les consommateurs euxmêmes, et donc dans leur propre intérêt, et une redistribution à leur profit des excédents en proportion de l utilisation qu ils ont faite du service garantit qu à terme, ce service leur soit fourni au prix coûtant ; Cette absence de conflit permet d alléger le cadre réglementaire de l activité ; Les litiges potentiels entre les différentes catégories de consommateurs peuvent quant à eux être réglés par un système d arbitrage, rapide et peu coûteux. C est sur base de ces principes que Glas Cymru, société de distribution d eau au Pays de Galle, fut créée en avril 2000. Cette société est une «company limited by guarantee», forme juridique de droit anglais qui fonctionne selon les principes mutualistes : la société n a pas de capital social et, par conséquent, n a pas d actionnaire à rémunérer. Les membres de la société ont les mêmes obligations que des actionnaires en matière de gouvernance d entreprise, mais ils ne reçoivent aucun dividende, et n ont aucun intérêt financier dans la société. 20 Livre vert du 21 mai 2003, COM (2003) 270 final 20