Assurance-emploi : mettons les changements à la poubelle Document de discussion présenté lors de la rencontre entre le premier ministre David Alward et des représentantes et représentants des comités de chômeuses et de chômeurs du N.-B. : Comité contre les coupures à l assurance-emploi Comité d action assurance-emploi pour les travailleurs et travailleuses Fédération des travailleuses et travailleurs du N.-B. Front commun pour la justice sociale du N.-B. 12 décembre 2012 1
Assurance-emploi : mettons les changements à la poubelle 1. Bref historique Les travailleuses et travailleurs ont subi trois importantes vagues de coupures depuis les années 1990 : 1.1 En 1992-1993, les conservateurs de Brian Mulroney, avec Bernard Valcourt, ont, entre autres : cessé de contribuer au programme d assurance-chômage; réduis le montant des prestations de 60% à 57%; coupé l assurance-chômage à ceux qui laissent un emploi. 1.2 Entre 1994 et 1996, les libéraux de Jean Chrétien, avec Doug Young, ont entre autres : réduit le montant des prestations de 57 % à 55 % et ont également réduit le maximum des prestations de 448 $ à 413 $ par semaine; instauré le calcul de qualification à partir des heures de travail au lieu des semaines de travail; instauré le diviseur et la règle d intensité. 1.3 En 2012, les conservateurs de Stephen Harper, avec Bernard Valcourt, ont en autres: instauré trois différentes catégories de chômeurs; aboli le système de Conseil arbitral et l ont remplacé par un Tribunal de sécurité sociale; instauré des nouvelles règles de calcul du montant des prestations; créé un projet pilote permettant le travail pendant la période de prestations. 2. Absence de consultation gouvernementale à l égard des changements Les coupures apportées au programme d assurance-emploi ont été incorporées dans le projet de loi omnibus C-38 lors du dépôt du dernier budget fédéral. D habitude, les changements dans un programme se font par le dépôt d un projet de loi distinct, qui doit alors être étudié par un comité parlementaire. Le public a alors l occasion de connaître les détails et il peut ensuite réagir. De plus, ces coupures et ces changements ont été faits : sans aucune consultation entre les deux partenaires qui contribuent au régime, soit les personnes qui travaillent et les employeurs; sans aucune consultation auprès des régions les plus touchées, soit les régions rurales et celles où l économie saisonnière est importante; Sans aucune consultation avec les travailleuses et travailleurs qui se servent du programme d assurance-emploi. 2
3. Portrait de l assurance-emploi au Nouveau-Brunswick Une partie de l économie de notre province est basée sur du travail saisonnier. Ces emplois comprennent l exploitation de nos ressources naturelles (pêche, forêt, petits fruits, etc.), les activités reliées au tourisme (restaurants, hôtels, parc, etc.) et, dans plusieurs services gouvernementaux (éducation, transport, etc.). Ces industries ou des services qui sont saisonniers de par leur nature. Les personnes œuvrant dans ces secteurs de notre économie sont donc des travailleuses et des travailleurs qui n ont pas de travail à longueur d année. Un nombre important, principalement ceux qui demeurent en milieu rural, se retrouvent sans emploi chaque année et habituellement pendant la même période, 3.1 Nombre de personnes du N.-B. recevant de l assurance-emploi Dans notre province, des milliers de ces travailleuses et travailleurs doivent avoir recours au programme d assurance-emploi lorsque leur travail se termine. Les données de Statistiques Canada 1 nous informent qu il y a plus de 40 000 travailleuses et travailleurs qui sont sur l assurance-emploi chaque année Tableau 1. Nombre moyen annuel de personnes sur l assurance-emploi Année Année 2008 2009 2010 2011 Janv.- Sept. 2012 Nombre de bénéficiaires 40 930 47 006 46 570 45 665 45 577 CANSIM : Tableau 276-0001, Statistiques Canada 3.2 Revenu hebdomadaire moyen Lorsqu on analyse les montants des prestations hebdomadaires moyennes pour la province, nous nous apercevons que les prestations hebdomadaires moyennes étaient de 335 $ en 2008 mais à 359 $ en 2010-2011. Ces montants sont parmi les plus bas des provinces canadiennes et même des provinces atlantiques.. Le tableau 2 indique qu au N.-B, les travailleurs reçoivent des prestations plus réduites que la moyenne nationale. 3
Revenu total annuel ($) Tableau 2. Les prestations hebdomadaires moyennes pour les provinces atlantiques Prestations 2007-2008 2008-2009 2009-2010 2010-2011 hebdomadaires moyennes TN-L 343 $ 360 $ 363 $ 377 $ I.P.E 346 $ 359 $ 364 $ 370 $ N.-E. 334 $ 349 $ 356 $ 363 $ N.-B. 335 $ 347 $ 352 $ 359 $ Canada 347 $ 361 $ 366 $ 370 $ Annexe 3.1 Total des prestations de revenu, Rapport de contrôle et d évaluation de l assuranceemploi, 2011. CAEC Nous savons que le montant maximal hebdomadaire des prestations est de 484 $ ainsi la majorité des travailleuses et travailleurs en chômage sont bien au-dessous de ce montant. Cela veut dire que les revenus des travailleurs et des travailleuses qui touchent des prestations d assurance chômage sont très bas. Le montant de leurs prestations est basé sur 55 % seulement du revenu de travail. Les chômeurs font partie du groupe d individus les moins bien payés au N.-B. En effet, le Front commun pour la justice sociale a présenté des données où près de la moitié (47,2 %) de la Revenu des individus au N.-B. en 2010 population gagnait moins 120000 de 25 000 $ par an. Fait 100000 93520 96370 encore plus regrettable, 80000 70820 73930 près de 40 % des gens du 5434057330 55740 60000 38080 N.-B. ont gagné moins de 40000 26870 20 000 $ en 2010. Les 18350 20000 prestatair3es d assurance 0 emploi tombent très souvent dans ce groupe qui n a que 20 000 $ par an pour vivre. 4. Impacts sur les revenus pour la province Lorsqu on analyse le montant total qui provient des prestations d assurance-emploi au N.-B., une première observation faite, c est cet argent, représente un montant très substantiel. La deuxième observation, c est que les montants versés ont augmenté de façon importante depuis la crise économique de 2008. Tel que 4
l indique le tableau 3, nous sommes passés de 684,5 millions de dollars en 2007-2008 à 833,9 millions de dollars en 2010-2011, soit une augmentation de 149,3 millions de dollars. Cette augmentation est directement liée à notre situation économique désastreuse. Sans l argent provenant du programme d assuranceemploi accordé aux travailleuses et travailleurs en chômage, la province aurait dû d augmenter considérablement son budget d aide social, car ces personnes auraient réclamé des prestations d aide sociale. Tableau 2. Montant d argent versé par le programme d assurance-emploi aux prestataires du N.-B. entre 2007-08 et 2010-11. Prestations d assuranceemploi 2007-2008 2008-2009 2009-2010 2010-2011 versées au N.-B. 684,5 millions $ 723,9 millions$ 859,5 millions $ 833,8 millions $ Annexe 3.1 Total des prestations de revenu, Rapport de contrôle et d évaluation de l assuranceemploi, 2011. CAEC 5. Projet pilote : calcul fait à partir des 14 meilleures semaines de rémunération Suite aux coupures faites en 1996-1997 le gouvernement fédéral s est rendu compte qu il avait fait fausse route pour les régions à haut taux de chômage. Il a donc mis en place deux projets pilotes pour 21 régions canadiennes. Deux de ces régions se trouvent au N.-B., soit la région de Madawaska-Charlotte et celle de Restigouche- Albert. La troisième région, celle de Fredericton-Moncton-Saint-Jean n a pas été incluse. Le premier projet pilote a permis aux travailleuses et aux travailleurs de se servir de leurs 14 meilleures semaines de travail dans les 52 dernières semaines pour calculer le montant de leurs prestations. Ce projet pilote a permis de ne pas calculer le revenu des «petites semaines» ce qui aurait réduit le montant de prestations reçues. Ce projet pilote a fait en sorte que, même si le taux régional de chômage descendait en dessous de 13 %, le diviseur restait toujours 14. Au tableau 3, on présente les taux de chômage pour les deux régions du N.-B. couvertes par ce projet pilote. Nous nous apercevons que, sans ce projet pilote il y aurait eu des périodes pendant lesquelles les travailleurs auraient eu un diviseur audessus de 14, surtout dans la grande région de Madawaska-Charlotte. Les conséquences auraient été une diminution importante des prestations hebdomadaires de milliers de chômeurs. 5
Tableau 3. Pourcentage du taux de chômage dans deux régions du N.-B. où il y a eu un projet pilote mis en place par le gouvernement fédéral 2. Région du projet pilote Madawaska- Charlotte Restigouche- Albert Juin 2009 Sept 2009 Déc. 2009 Mars 2010 Juin 2010 Sept 2010 Déc. 2010 Mars 2011 11,5% 11,8% 11,2% 11,0% 10,4% 11,2% 12,0% 10,8% 14,3% 15,1% 12,7% 12,9% 13,0$ 13,9% 15,5% 14,9% Annexe 2.1 Taux de chômage selon la région de l assurance-emploi. Rapport de contrôle et d évaluation de l assurance-emploi, 2011. CAEC Nous pouvons avoir une idée des conséquences lorsqu on lit la section suivante tirée du Rapport de contrôle et d évaluation de l assurance-emploi 2011 Canada - Selon les données administratives, 367 840 prestataires ont bénéficié de prestations hebdomadaires plus élevées en 2010 2011 grâce au projet pilote sur les 14 meilleures semaines de rémunération. Ces personnes représentaient 58,0 % de tous les prestataires dans les régions pilotes de l'assurance-emploi en 2010 2011, ce qui constituait une hausse par rapport à 56,3 % en 2009 2010 et à 53,7 % en 2008 2009. Les femmes étaient beaucoup plus susceptibles de bénéficier du projet; 74,6 % d'entre elles en ont profité dans les régions visées, comparativement à 46,9 % chez les hommes. Si le projet n'avait pas été mis en place, la prestation hebdomadaire moyenne en 2010 2011 se serait établie à 290 $ pour les personnes visées, plutôt qu'à 337 $. Cela indique que les personnes qui ont bénéficié du projet pilote sur les 14 meilleures semaines de rémunération ont reçu, en moyenne, 47 $ de plus en prestations hebdomadaires que le montant qu'ils auraient touché en l'absence du projet. 6. Projet pilote visant la prolongation des prestations d assuranceemploi. Un deuxième projet pilote a été mis en place dans 21 régions économiques désignées par les gestionnaires fédéraux de l assurance-emploi. Deux régions du N.-B. ont fait partie, soit Madawaska-Charlotte et Restigouche-Albert. Ce projet pilote a permis d allonger sa période de prestations de cinq semaines pour ceux et celles qui ont des prestations régulières pour un maximum de 45 semaines. Ce projet pilote a permis aux travailleuses et aux travailleurs œuvrant dans l industrie saisonnière de ne pas tomber sans revenu à chaque printemps, période qu on a nommée «le trou noir». La disparition de ce projet pilote aura un impact drastique au N.-B. Encore une fois, il est intéressant de lire ce que dit le ``Rapport de contrôle et d évaluation de l assurance-emploi 2011``. 6
Canada- Entre septembre 2010 et mars 2011, 313 030 prestataires ont profité du projet pilote visant la prolongation des prestations d'assurance-emploi, ce qui représentait 34,3 % de tous les prestataires réguliers au cours de cette période 161. Comme l'indique le tableau 12, les prestataires fréquents et, dans une moindre mesure, les travailleurs âgés de 55 ans et plus étaient plus susceptibles de tirer avantage du projet pilote. Par ailleurs, le projet risquait d'être beaucoup moins profitable pour les prestataires occasionnels, et un peu moins profitable pour les jeunes et les travailleurs d'âge moyen. 7. Emploi convenable et catégories de chômeurs Les changements proposés par le gouvernement fédéral ne tiennent pas compte de la réalité d une partie de l industrie dans notre province, ni de la ruralité et des défis d emplois dans ces régions. Il est peut-être normal pour les travailleurs vivant dans les centres urbains de pouvoir se déplacer facilement pour trouver de l emploi lorsque les transports en commun sont disponibles. Cependant, c est toute une autre situation dans les milieux ruraux, surtout pendant les longs mois d hiver. La situation est d autant plus difficile qu il n y a pas de transport en commun et que les distances sont plus longues. La décision de créer trois catégories de chômeurs a été mise en place, selon nous, dans un but punitif et non pour améliorer la situation des chômeurs, encore moins la situation de l emploi au N.-B. Nous ne comprenons pas comment on peut mettre en place une politique qui force les travailleurs en chômage d accepter des salaires et conditions de travail toujours en décroissance. Nous savons que les conséquences seront un appauvrissement certain d une partie de la population qui, déjà, a de la difficulté à se tenir la tête hors de l eau. On n a qu à regarder l augmentation de la fréquentation des banques alimentaires et l accroissement des citoyennes et citoyens devant se fier à l assistance sociale pour survivre. En effet, au N.-B., la fréquentation des banques alimentaires a augmenté d environ 20 % en trois ans - hausse de 15 683 usagers en 2008 à 18 539 en 2011. Environ un tiers des usagers sont des jeunes de moins de 18 ans. Fait surprenant, 10 % des usagers ont un emploi. Les assistés sociaux et les gens recevant l assurance-emploi les utilisent aussi parce leurs prestations sont trop faibles pour ne pas avoir faim. (www.frontnb.ca -Fiche d information, numéro 8 du Front commun pour la justice sociale). 8. Conclusion Les milliers de travailleuses et travailleurs et leurs familles qui doivent se servir du programme d assurance-emploi vont subir des impacts négatifs importants avec les changements proposés par le gouvernement fédéral, à moins qu il y ait des modifications importantes qui soient faites. 7
La province du Nouveau-Brunswick va, elle aussi, expérimenter des impacts très négatifs tant sur le plan des entrées d argent dans les revenus des entreprises qui servent les consommateurs que dans l augmentation des charges sociales auxquelles elle devra répondre. Note : Les statistiques dans le document proviennent de Statistiques Canada CANSIM Tableau 276-0001, le Rapport de contrôle et d évaluation de l assurance-emploi, 2011 et du front commun pour la justice sociale du Nouveau-Brunswick. 8