Accord économique et commercial global entre le Canada et l Union européenne

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Transcription:

Accord économique et commercial global entre le Canada et l Union européenne Évaluation de l impact économique des dispositions proposées concernant la propriété intellectuelle dans le secteur pharmaceutique 7 février 2011 Paul Grootendorst Professeur associé Faculté de pharmacie Université de Toronto Aidan Hollis Professeur Département de sciences économiques Université de Calgary L Association canadienne du médicament générique (ACMG) a commandé la présente étude. 1

Table des matières Sommaire...3 1. Introduction...5 2. Réglementation actuelle protégeant les produits pharmaceutiques innovateurs...8 3. Dispositions sur la propriété intellectuelle proposées par l UE dans le secteur pharmaceutique...11 Prolongation de la durée des brevets...13 Exclusivité de s données...15 Droit d appel......17 Mesures frontalières......21 4. Impact sur les payeurs...24 5. Études de cas : six méd icaments...29 6. Impact sur l industrie...44 7. Impact sur les frais de litige...48 8. Conclusion...49 Documen ts de référence...50 Annexe 1...51 Annexe 2...65 Annexe 3...66 Annexe 4...88 Annexe 5...89 2

Sommaire Le Canada et l Union européenne (UE) négocient actuellement un accord économique et commercial global (AECG). Dans le cadre de ces négociations, l UE a déposé des propositions qui modifieraient considérablement le régime canadien de propriété intellectuelle dans le secteur pharmaceutique. La présente étude examine comment le libellé proposé par l UE dans l ébauche de l accord négocié influencerait le marché pharmaceutique au Canada. Nous avons constaté que les propositions de l UE prolongeraient considérablement la période d exclusivité des médicaments innovateurs au Canada, de sorte que notre pays offrirait la protection structurelle pour les médicaments innovateurs la plus longue de tous les pays du monde. Les payeurs consommateurs, entreprises, travailleurs et assureurs gouvernementaux devraient payer beaucoup plus cher les médicaments, car la période d exclusivité des médicaments d ordonnance qui se vendent le plus, serait prolongée, et l augmentation annuelle des coûts serait probablement de l ordre de 2,8 milliards de dollars par année. Les coûts différentiels annuels pour les Canadiens de chaque province sont les suivants : 3

Une part considérable des coûts des modifications proposées à la propriété intellectuelle par l UE incomberait aux régimes d assurance médicaments gouvernementaux qui couvrent environ 45 % des dépenses totales en médicaments d ordonnance au Canada. Le présent document décrit les dispositions qui visent le domaine pharmaceutique dans l ébauche de l accord négocié, dans le contexte des normes canadiennes et internationales. Les auteurs examinent ensuite comment les dispositions, si elles étaient adoptées, influenceraient les coûts des soins de santé du secteur public et du secteur privé. Le document comprend en outre des études de cas de l impact précis sur les dépenses canadiennes des quatre médicaments d ordonnance qui se vendent le plus et qui ont récemment été généricisés Norvasc (amlodipine), Lipitor (atorvastatine), Reminyl ER (galantamine ER) et Altace (ramipril) de même que de deux médicaments pour lesquels il n existe pas encore de version générique Crestor (rosuvastatine) et Plavix (clopidogrel). Ces études de cas montrent comment s appliqueraient les dispositions proposées dans l AECG, pour chacun des médicaments. Les droits d exclusivité accordés aux fabricants de médicaments d origine visent à stimuler les investissements dans la recherche développement (R D) de nouveaux médicaments. Toutefois, les investissements additionnels dans l innovation pharmaceutique qui découleraient de la mise en œuvre des dispositions sur la propriété intellectuelle proposées par l UE dans le secteur pharmaceutique ne représenteraient qu une petite fraction des coûts additionnels pour la population canadienne. La présente étude montre qu il faudrait que les Canadiens paient 8 $ de plus en coûts pour leurs médicaments pour que les fabricants de médicaments d origine investissent un dollar additionnel dans la R D. Dans ce contexte, la prolongation des périodes d exclusivité audelà des limites actuelles apparaît être un moyen coûteux d encourager ces investissements au Canada. 4

1. Introduction Le Canada négocie actuellement avec l Union européenne (UE) un accord économique et commercial global (AECG). Cet accord s applique à un vaste éventail d activités dont le commerce des biens et services, les investissements, les marchés publics, la coopération en matière de réglementation, l admission temporaire de gens d affaires, la politique en matière de concurrence, le travail et l environnement 1. L ébauche de l accord négocié comprend également un chapitre sur la propriété intellectuelle (PI), de même que plusieurs dispositions qui ont spécifiquement trait à l industrie pharmaceutique. Le présent document est axé sur les avantages économiques et les coûts des dispositions sur la propriété intellectuelle proposées par l UE en ce qui concerne l industrie pharmaceutique. En 2008, le Canada et la Commission européenne ont mené une étude conjointe sur les répercussions économiques des réductions des obstacles économiques, proposées dans l accord entre le Canada et l UE, et ont observé des gains annuels substantiels pour les deux économies (Commission européenne et Canada, 2008). Cette étude n a toutefois pas traité des dispositions de la PI dans le secteur pharmaceutique de l AECG. La présente analyse corrige cette lacune. Les coûts des produits pharmaceutiques constituent un enjeu de première importance au Canada. Les coûts de soins de santé augmentent, car la population canadienne vieillit, et les médicaments représentent une part importante de ces coûts et de leur croissance. Selon un récent rapport, le secteur des médicaments sera le deuxième secteur en importance dans les dépenses en soins de santé au Canada en 2010 avant les médecins représentant plus de 31 milliards de dollars 2. (Toutes les valeurs en dollars indiquées dans le présent document sont en devises canadiennes.) Les ventes de médicaments brevetés se sont élevées à environ 13 milliards de dollars en 2009. Les régimes publics d assurance médicaments au Canada ont été à l avant scène des efforts faits pour limiter les dépenses en médicaments par la création du Programme commun d évaluation des médicaments, l utilisation de mécanismes spéciaux de remboursement, par exemple l établissement de prix de référence, et différents efforts pour limiter le volume des ordonnances. Récemment, plusieurs provinces ont mis en œuvre des baisses de prix des médicaments génériques jusqu à 50 % (dans le cas de l Ontario et du 1 «Le ministre Day annonce des progrès importants en vue d un accord économique global entre le Canada et l Union européenne», Affaires étrangères et Commerce international Canada, 5 mars 2009, http://www.international.gc.ca/media_commerce/comm/news communiques/2009/386908.aspx?lang=fra. 2 ICIS, 2010. «Les dépenses de santé devraient atteindre 192 milliards de dollars cette année». Dernier accès le 10 décembre 2010 à http://www.cihi.ca/cihi ext portal/internet/fr/document/spending+and+health+workforce/spending/release_ 28oct10 5

Québec), ce qui fait réaliser des économies annuelles qui se chiffrent en centaines de millions de dollars. Un examen précis de l effet des dispositions sur la propriété intellectuelle de l accord sur le marché pharmaceutique est donc justifié. La présente étude porte sur l impact des changements sur le marché pharmaceutique canadien les consommateurs, les payeurs et l industrie. Bien qu il y ait des avantages pour certaines parties, nous concluons que les dispositions proposées par l UE entraîneront des coûts substantiels pour les payeurs y compris les provinces auxquels correspondront des revenus accrus pour les fabricants de médicaments d origine, dont les sièges sociaux se trouvent principalement à l extérieur du Canada. Si le Canada accepte les dispositions sur la propriété intellectuelle proposées par l UE dans l AECG, il accordera la protection structurelle pour les médicaments brevetés la plus longue du monde. En effet, le Canada deviendrait le seul pays qui allierait un régime de liaison avec les brevets, des prolongations automatiques de la durée des brevets et une exclusivité des données de dix ans ou plus. L une des raisons pour lesquelles l UE souhaite accroître la protection des médicaments innovateurs tient au fait que les sièges sociaux de nombreuses sociétés pharmaceutiques sont situés dans l UE. Le commerce du Canada avec l UE favorise les producteurs européens : le Canada a importé des médicaments pour une valeur de 5,3 milliards de dollars de l UE en 2009, et en a exporté vers l UE pour une valeur de 1,3 milliard de dollars 3. De toute évidence, le niveau d exportation de médicaments protégés par un brevet au Canada doit constituer un élément important aux yeux des négociateurs de l UE. L exclusivité est un outil que les pays peuvent utiliser pour encourager et récompenser l investissement dans l innovation. Offrir des récompenses plus intéressantes par des périodes prolongées d exclusivité peut favoriser davantage d innovation. Le présent document ne discute pas du bien fondé ou de la durée appropriée d une période d exclusivité pour de nouveaux médicaments, mais se concentre plutôt sur le coût probable de la mise en œuvre des propositions de l UE sur la propriété intellectuelle dans le secteur pharmaceutique et commente les effets probables sur les investissements dans la R D pharmaceutique et la fabrication (à l échelle internationale et nationale). État des négociations de l AECG Le lancement des négociations concernant l AECG a été annoncé au Sommet Canada UE, le 6 mai 2009. À notre connaissance, il n y a pas eu de négociations officielles concernant les dispositions sur la propriété intellectuelle dans le secteur pharmaceutique depuis que l UE a fait ses premières propositions, lors du premier cycle de négociation. L ébauche 3 Les chiffres sont fournis en euros dans le site Web European Commission Trade (en anglais seulement) dans le document intitulé «Canada (Bilateral relations) Statistics September 2010, http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/september/tradoc_113363.pdf. Les chiffres en dollars canadiens sont fondés sur le taux de change de l euro en vigueur le 31 décembre 2009. 6

de l accord, sur laquelle est fondée la présente analyse, représente la position de négociation de l UE et ne constitue pas nécessairement le fondement d un accord définitif 4. 4 L ébauche de l accord peut être téléchargée à http://tradejustice.ca/en/section/3. Elle n est présentée qu en anglais seulement. 7

2. Réglementation actuelle protégeant les produits pharmaceutiques innovateurs Un aspect fondamental de la politique pharmaceutique d un pays est la protection de l exclusivité offerte par son gouvernement aux médicaments innovateurs. L exclusivité vise à favoriser l innovation : la société qui met au point et commercialise un nouveau médicament est récompensée par l octroi d un monopole temporaire sanctionné par le gouvernement. Pendant des décennies, ce processus a donné lieu à des générations de nouveaux médicaments qui ont apporté des bénéfices substantiels en santé. Les médicaments innovateurs peuvent apporter une valeur ajoutée ou même peuvent se substituer à des thérapies existantes. En même temps, le coût des produits pharmaceutiques, qui constitue une part considérable des coûts totaux des soins de santé au Canada, a une influence sur la pérennité financière des systèmes de santé. Les périodes d exclusivité des médicaments au Canada sont fondées principalement sur trois régimes juridiques : la Loi sur les brevets, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), et l exclusivité des données, appelée «protection des données» dans le Règlement sur les aliments et drogues du Canada. L interaction de ces différents règlements fait de ce sujet un domaine de droit et de politique complexe. Nous décrivons donc brièvement ci dessous le régime canadien actuel de propriété intellectuelle dans le secteur pharmaceutique. Brevets Les sociétés pharmaceutiques peuvent présenter des demandes de brevet pour obtenir 20 ans d exclusivité pour une invention divulguée dans un brevet, comme dans tous les autres secteurs. L invention doit être nouvelle, utile et ne pas constituer une évidence pour une personne «versée dans l art». Généralement, les médicaments qui obtiennent un succès commercial sont assortis de nombreux brevets. Le dépôt de ces derniers se produit à différents moments, ce qui, conséquemment, leur donne des dates d expiration différentes. Cette multiplicité de brevets s explique du fait que les médicaments peuvent être très complexes à mettre au point, mettre à profit de nombreuses technologies différentes dans leur élaboration, impliquent des processus de fabrication variés, ainsi que dans leurs caractéristiques. Liaison avec les brevets Le règlement de liaison avec les brevets en vigueur au Canada le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) («Règlement de liaison») établit un lien entre l approbation réglementaire des médicaments génériques et les brevets. En résumé, une société qui souhaite vendre un médicament générique sur le marché canadien doit tenir compte des brevets que le titulaire de ces derniers juge pertinents (le «fabricant du médicament d origine»), avant que Santé Canada ne délivre une autorisation de commercialisation. Pour tout brevet donné, un fabricant de médicaments génériques 8

peut soit attendre l expiration du brevet, soit alléguer que ce dernier est invalide, soit qu il n est pas contrefait. S il choisit cette dernière voie, il y aura une procédure judiciaire au cours de laquelle la Cour fédérale évaluera le bien fondé des allégations. Le régime de règlement des litiges liés aux brevets unique au Canada (assorti d un système de liaison avec les brevets souvent suivi de pleines poursuites en contrefaçon de brevet) signifie que les fabricants de médicaments génériques peuvent devoir régler des litiges à deux reprises pour un même brevet de médicament d origine : la première, par la résolution des litiges pour déterminer la validité du brevet aux termes du Règlement de liaison et, la deuxième, après l arrivée sur le marché de leur médicament, ils risquent d être poursuivis pour contrefaçon aux termes de la Loi sur les brevets du Canada. De même, un fabricant de médicaments d origine qui obtient gain de cause aux termes du Règlement de liaison peut être obligé de défendre la validité d un brevet encore une fois dans une action en invalidation de brevet. Comme le signale Industrie Canada lorsqu il a modifié le Règlement de liaison en 2006 : [Ce] double enjeu vient du fait que le système des avis de conformité vise à fournir une résolution rapide et pour cette raison ne permet pas un examen approfondi de la validité du brevet. Ainsi, pour certains médicaments, il existe de multiples poursuites judiciaires, et les coûts additionnels qui découlent de ces litiges sont inévitablement transférés aux consommateurs. Le Règlement de liaison est un aspect de la volonté du gouvernement canadien qui cherche à atteindre «un équilibre entre la mise en application efficace des droits conférés par les brevets protégeant les nouvelles drogues innovatrices et l entrée sur le marché en temps opportun des produits génériques concurrents moins coûteux 5». Exclusivité des données Le droit canadien protège les médicaments innovateurs de la concurrence des médicaments génériques pendant une période de huit ans en protégeant les données de l innovateur. Il s en suit que, pendant cette période, le ministre de la Santé ne peut pas accorder d autorisation de commercialisation à un produit qui se fonderait directement ou indirectement sur les essais cliniques parrainés par la société qui a obtenu l approbation réglementaire. Une prolongation de six mois est également accordée aux médicaments innovateurs qui ont fait l objet de tests cliniques auprès de populations pédiatriques. L exclusivité des données au Canada est actuellement restreinte à certains médicaments qui répondent à des critères précis et ne s applique pas aux nouveaux usages de médicaments existants. 5 Résumé de l étude d impact de la réglementation qui accompagnait les modifications de 2006 au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). 9

L exclusivité des données est motivée par le fait que les tests cliniques coûtent extrêmement cher environ la moitié du coût total de la mise au point d un nouveau médicament mais ces tests ne sont généralement pas visés par les brevets. Donc, dans le cas où des brevets ne suffisent pas, pour quelque raison, à protéger l exclusivité du médicament pendant une période raisonnable, l exclusivité des données peut encore inciter une société à investir dans les essais cliniques nécessaires pour que le produit soit porté jusqu au point de son approbation. La combinaison de ces trois types de protection de l exclusivité est précisément adaptée à la structure unique de l industrie pharmaceutique dans laquelle de solides recherches scientifiques en laboratoire sont suivies d essais cliniques prolongés et très coûteux, et dans laquelle les fabricants de médicaments génériques peuvent obtenir une part importante du marché lorsqu ils sont inscrits dans les formulaires provinciaux. Le régime canadien a été modifié souvent au fil des ans, de toute évidence pour s assurer que le Canada demeure un endroit attrayant où investir dans la R D, s assurer que le pays s acquitte de ses obligations internationales en vertu de l Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l Organisation mondiale du commerce (OMC) et en vertu de l Accord de libre échange nord américain (ALENA), et que ces droits d exclusivité n affecteront pas la pérennité financière du système de santé. 10

3. Dispositions sur la propriété intellectuelle proposées par l UE dans le secteur pharmaceutique Les dispositions sur la propriété intellectuelle actuellement proposées par l UE exigeraient des modifications substantielles des lois sur la propriété intellectuelle des médicaments au Canada. Si le Canada accepte les dispositions proposées par l UE dans l AECG, il offrirait aux nouveaux médicaments la protection législative ou structurelle la plus forte du monde, comme nous le montre le tableau ci dessous et les sous sections suivantes en détail. Le Canada deviendrait le seul pays à allier un régime de liaison avec les brevets, des prolongations automatiques de la durée des brevets et une exclusivité des données de dix ans ou plus. 6 7 8 9 10 6 Au Canada, comme aux États-Unis, toute contestation d un brevet suppose une injonction automatique qui empêche l organisme de réglementation des médicaments d approuver la demande d un fabricant de médicaments génériques. Aux États-Unis, l approbation est interdite pendant une période de 30 mois; au Canada, elle est interdite pendant une période de 24 mois. Toute injonction additionnelle fondée sur un brevet et recherchée par un fabricant de médicaments d origine doit faire l objet d une demande à une cour fédérale dans le pays visé. La plupart des pays ne font pas de lien entre l approbation d un médicament et l existence d un brevet. 7 L «irrévocabilité» indique si une décision rendue dans une poursuite mettant en cause un brevet (pour déterminer si l approbation peut être accordée à un médicament générique) détermine l état du brevet. Aux États-Unis, où il existe un régime de liaison, un litige de liaison avec un brevet est une pleine action en contrefaçon de brevet qui détermine la validité de ce dernier et les questions de contrefaçon. Au Canada, comme on l a dit ci-dessus, une décision rendue dans un litige lié à un AC n est pas irrévocable et même si un 11

Dans certains cas, comme il est décrit ci dessous, l UE a imposé des exigences non réciproques des exigences qui contraignent le Canada sans pour autant contraindre l UE. Notamment, le libellé proposé par l UE au chapitre sur la protection intellectuelle dans l AECG ne nécessitera aucun changement au système de réglementation dans le secteur pharmaceutique actuel de l UE et ne l obligera pas à adopter toutes les normes exigées du Canada. Il est utile de comparer les dates d autorisation de commercialisation des médicaments génériques au Canada avec celles qui prévalent aux États Unis pour évaluer si le Canada se démarque de son plus important partenaire commercial. La comparaison avec l UE est plus difficile en raison de la fragmentation des marchés des médicaments génériques dans les pays membres de l UE. En 2010, 15 molécules qui n étaient auparavant disponibles au Canada que sous forme de médicaments d origine ont obtenu un avis de conformité au Canada. De ce nombre, la vente de 13 d entre elles était aussi autorisée aux États Unis. La vente de 6 de ces 13 a été autorisée aux États Unis avant que la concurrence des médicaments génériques ne puisse s exercer au Canada. Les médicaments, et les dates de l autorisation de la commercialisation du premier équivalent générique au Canada et aux États Unis, apparaissent au tableau 2. Pour ces médicaments, à tout le moins, le cadre actuel de protection de l exclusivité pharmaceutique semble être à peu près le même dans les deux pays. brevet est jugé invalide dans une telle action, il demeure valide à toute autre fin et le titulaire du brevet peut toujours poursuivre en contrefaçon. Cette situation réduit les incitatifs à l entrée de médicaments génériques sur le marché, puisqu un fabricant de médicaments génériques qui aura obtenu gain de cause pour son lancement sur le marché pourra toujours être tenu de payer des dommages-intérêts considérables à un titulaire de brevet pour contrefaçon. 8 L «exclusivité du premier médicament générique» est un mécanisme qui incite les fabricants de médicaments génériques à contester des brevets. Si le premier fabricant d un médicament générique qui a déposé une demande réussit à montrer que les autres brevets sont soit invalides soit non contrefaits, il obtient l autorisation de commercialiser son produit et aucun autre fabricant de médicaments génériques ne peut lancer son propre produit sur le marché avant 180 jours. Cette situation incite fortement les fabricants de médicaments génériques à contester les brevets qui sont faibles ou qui ont été inscrits futilement. Seuls les États-Unis ont instauré ce type de système. 9 La nature, la portée et l ampleur des régimes «d exclusivité des données» varient de diverses manières d un pays à un autre. Aux États-Unis, par exemple, les sociétés qui font de nouveaux essais cliniques essentiels après l approbation d un produit peuvent obtenir trois ans d exclusivité limitée au changement approuvé et découlant des essais; cette règle n empêche pas cependant un fabricant de médicaments génériques d obtenir l approbation de versions bioéquivalentes du produit d origine approuvé initialement. De plus, les États-Unis traitent les produits biologiques différemment des petites molécules, accordant 12 ans d exclusivité aux nouveaux produits biologiques. 10 Les États membres de l UE possèdent actuellement des périodes variables d exclusivité des données. La directive 2004/27/EC a introduit une nouvelle prolongation de l exclusivité des données de 8+2+1 qui n aura pas de répercussions sur les demandes de médicaments génériques avant la fin octobre 2013. Une disposition de six années d exclusivité des données est toujours en vigueur aujourd hui dans les États membres suivants de l UE pour les demandes de médicaments génériques en cours : Autriche, Danemark, Finlande, Irlande, Portugal, Espagne, Grèce, Pologne, République tchèque, Hongrie. Lituanie, Lettonie, Slovénie, Slovaquie, Malte, Estonie et Chypre. Les pays qui ne sont pas membres de l UE la Norvège, le Liechtenstein et l Islande accordent aussi six ans d exclusivité des données. 12

Les dispositions sur la propriété intellectuelle qui concernent le plus le marché pharmaceutique canadien dans l ébauche du chapitre sur la propriété intellectuelle de l AECG par l Union européenne, sont les suivantes : 1. La prolongation de la durée des brevets (article 9.2); 2. L exclusivité des données (article 10); 3. Les droits d appel en vertu du régime de liaison avec les brevets du Canada (article 10.4); 4. Les mesures frontalières (article 30). La section qui suit décrit en détail le libellé proposé par l UE dans l AECG et l effet attendu pour le Canada. Prolongation de la durée des brevets L article 9.2 proposé prévoit jusqu à cinq ans additionnels de protection automatique après l expiration d un brevet (auxquels s ajoutent six mois si des études pédiatriques ont été effectuées) pour les médicaments dont la commercialisation doit être approuvée, lorsque la période au cours de laquelle un produit protégé par un brevet a été commercialisé a été réduite par le délai écoulé entre le dépôt du brevet et l octroi de l autorisation de commercialisation par Santé Canada et ce, même si le fabricant du produit d origine est la cause du délai. Texte de l accord proposé par l UE Article 9.2 Certificats complémentaires de protection Les Parties reconnaissent que les médicaments et les produits phytopharmaceutiques protégés par un brevet dans leur territoire respectif peuvent faire l objet d une procédure administrative d autorisation avant leur arrivée sur le marché. Elles reconnaissent que la période écoulée entre le dépôt de la demande de brevet et la première autorisation à lancer le produit sur leur marché respectif, selon la définition donnée dans les lois pertinentes, peut raccourcir la période de protection réelle conférée par le brevet. Les Parties accordent une période de protection additionnelle à un médicament ou à un produit phytopharmaceutique protégé par un brevet qui a fait l objet d une procédure administrative d autorisation, et cette période est égale à la période dont il est fait mention à la deuxième phrase du premier paragraphe ci dessus, réduite d une période de cinq ans. Nonobstant le paragraphe 2, la durée d une autre période de protection ne peut pas dépasser cinq ans. Un médicament pour lequel des études pédiatriques ont été réalisées peut bénéficier d une prolongation de six mois de la période décrite aux paragraphes 2 et 3. NDT : La traduction de tous les articles repris dans le présent texte est une traduction libre pour le bénéfice du lecteur, dans l attente de la version officielle. 13

État actuel du droit canadien Il n y a pas actuellement au Canada de prolongation de la durée d un brevet en raison des retards dans l obtention de l approbation de commercialisation d un médicament. Dans tous les domaines de la technologie, les brevets canadiens durent 20 ans à partir de la date de dépôt du brevet, ce qui correspond à la norme sur la durée des brevets fixée aux termes de l ADPIC. Effet de cette disposition de l AECG pour le Canada Le libellé proposé par l UE ferait en sorte que le Canada accorderait dans les faits jusqu à 25,5 ans de durée à de nombreux brevets pharmaceutiques visant des médicaments approuvés. Le libellé est vague et on ne sait pas clairement s il pourrait s appliquer de manière rétroactive aux brevets déjà expirés. La prolongation de la durée des brevets semblerait possible même dans les cas où une société retarde le dépôt initial de la présentation de son produit au Canada. La disposition sur la prolongation de la durée des brevets proposée par l UE ne précise ni quels brevets visant un médicament sont admissibles à une prolongation ni combien de brevets pourraient être protégés par médicament. Ces questions ont été résolues par l UE et les États Unis dans leurs régimes de prolongation de la durée des brevets : o Dans l UE, les prolongations de la durée des brevets sont appelées «certificat complémentaire de protection» (ou CCP). Les CCP s appliquent à un «brevet de base» d un médicament. Cette notion a été interprétée largement pour inclure non seulement les brevets de genre pour la découverte originale de nouveaux composés, mais également les brevets qui s appliquent aux composés «les meilleurs de leur catégorie», par exemple les énantiomères, de même que des variantes de médicaments existants dont l ingrédient actif présente une différence thérapeutique. L accent est mis sur l ingrédient une nouvelle utilisation d un ingrédient actif existant n équivaut pas à un nouveau «produit», aux fins de la prolongation des brevets 11. o Aux États Unis, les fabricants de médicaments d origine ont droit à une prolongation de la durée des brevets par produit et peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne le brevet auquel s appliquera la prolongation. Tout comme dans l UE, la prolongation de la durée des brevets est possible pour les nouveaux produits y compris les énantiomères, les esters ou les autres promédicaments mais pas les combinaisons de produits existants 12. 11 Generics (UK) Ltd c. Daiichi Pharmaceutical Co Ltd & Anor [2008] EWHC 2413 (Pat) (15 octobre 2008). 12 Ortho McNeil Pharm., Inc. c. Lupin Pharms., Inc., 603 F.3d 1377 (Fed. Cir. 2010); PhotoCure Asa c. Kappos, 603 F.3d 1372 (Fed. Cir. 2010); Pfizer, Inc. c. Dr. Reddy s Laboratories, Ltd., 359 F.3d 1361 (Fed. Cir. 2004). 14

Dans notre analyse de l effet probable des prolongations de la durée des brevets au Canada, nous avons présumé que tout régime de prolongation de la durée des brevets adopté au pays serait de nature semblable aux régimes de l UE et des États Unis. Exclusivité des données Le libellé de l UE propose des changements multiples au régime canadien d exclusivité des données. La disposition la plus importante est l article 10.2 qui oblige le Canada à accorder au moins 10 ans de protection contre l utilisation commerciale des données qui ont servi à l approbation initiale d un médicament. Santé Canada ne pourrait pas non plus recevoir de demandes d approbation d un médicament générique tant qu il ne se serait pas écoulé au moins huit ans depuis l obtention par le fabricant du médicament d origine de l approbation de la commercialisation initiale. Une disposition prévoit également une autre année possible de protection si le fabricant de médicaments d origine reçoit l approbation d une nouvelle indication thérapeutique dans l UE ou au Canada, au cours des huit premières années de la protection. Le libellé s applique largement à toutes les données soumises à Santé Canada pour tout médicament. Texte de l accord proposé par l UE Article 10 Protection des données soumises pour obtenir une autorisation de mise en marché d un médicament Les Parties garantissent la confidentialité, la non divulgation et la disculpation des données soumises pour obtenir une autorisation de mettre un médicament sur le marché. À cette fin, les Parties veillent à inscrire dans leurs lois respectives que tout renseignement fourni pour obtenir une autorisation de mettre un médicament sur le marché ne sera pas divulgué à des tierces parties et bénéficie d une période d au moins dix ans de protection contre une utilisation commerciale déloyale à compter à partir de la date de l obtention de l approbation de commercialisation dans l un ou l autre des Parties. a) pendant une période d au moins huit ans, nulle personne ni entité (publique ou privée) autre que la personne ou l entité qui a présenté ces données non divulguées, n utilisera, sans le consentement explicite de cette dernière, directement ou indirectement ces données pour présenter une demande d autorisation de mettre un médicament sur le marché; b) pendant une période de dix ans, une autorisation de commercialisation accordée à une demande subséquente ne permettra pas de mettre un médicament sur le marché, à moins que l auteur de la demande subséquente n ait fourni ses propres données (ou les données utilisées avec l autorisation du détenteur des droits) et répondant ainsi aux même exigences que le premier demandeur. Les produits inscrits sans présentation de ces données seront retirés du marché jusqu à ce que les exigences aient été remplies. De plus, la période de dix ans en question est prolongée à un maximum de onze ans si, pendant les huit premières années après l obtention de l autorisation dans l une ou l autre des Parties, le détenteur de l autorisation initiale obtient une autorisation pour une ou plusieurs nouvelles indications thérapeutiques considérées comme des avantages cliniques importants comparativement aux médicaments existants. 15

État actuel du droit canadien Jusqu en 2006, le Canada accordait cinq ans d exclusivité des données, ce qui empêchait Santé Canada de se fier directement aux données du médicament d origine pour approuver les demandes de médicaments génériques. En 2006, le Canada a adopté un nouveau règlement plus complet sur l exclusivité des données qui assure aux médicaments d origine huit ans de protection de la commercialisation contre la vente de médicaments génériques (et six ans avant qu un fabricant de médicaments génériques puisse soumettre une demande d approbation réglementaire à Santé Canada 13 ). Une exclusivité additionnelle de six mois peut être obtenue pour un médicament, si une étude a été conçue et menée pour approfondir les connaissances sur l utilisation du médicament dans des populations pédiatriques. La réglementation sur l exclusivité des données de 2006 garantit également que les fabricants de médicaments d origine bénéficieront de cette protection, que le fabricant de médicaments génériques se fie ou non directement ou indirectement aux données du fabricant du médicament d origine. Les huit années d exclusivité des données sont accordées à tous les médicaments qui correspondent à la définition de «drogue innovante» c est à dire toute drogue qui contient un ingrédient médicinal non déjà approuvé dans une drogue par le ministre [de la Santé] et qui ne constitue pas une variante d un ingrédient médicinal déjà approuvé tel un changement de sel, d ester, d énantiomère, de solvate ou de polymorphe. Le Règlement a été adopté pour respecter les obligations du Canada aux termes de l ALENA et de l ADPIC, même si ni l ALENA ni l ADPIC n exige une protection supérieure à cinq ans 14. Effet de cette disposition de l AECG pour le Canada Le libellé proposé par l UE assurerait l exclusivité des données à tous les produits pharmaceutiques, pas simplement aux «drogues innovantes». Autrement dit, des changements mineurs à un médicament pourraient entraîner 10 ans d une nouvelle protection. Le libellé se distingue de l exclusivité des données envisagée pour les «nouvelles entités chimiques» dans l ALENA et l ADPIC. Il ne semble pas y avoir de limite à l exclusivité des données pour les nouveaux médicaments très semblables à des médicaments existants. Le texte proposé par l UE ferait également en sorte que le Canada devrait accroître de deux années additionnelles la durée de l exclusivité des données. De plus, le libellé proposé par l UE autoriserait une année additionnelle de protection, si le fabricant de 13 Règlement sur les alimen ts et drogues, C.R.C, ch. 870, art. C.08.004.1. 14 L article C.08.004.1 du Règlement sur les aliments et drogues a été adopté en 2006 en application de l article 1711 de l ALENA et de l article 39 de l ADPIC. La Cour d appel fédérale avait tranché dans Bayer Inc. c. Canada (Procureur général), 87 C.P.R. (3 e ) 293 que le règlement sur l exclusivité des données datant d avant 2006 au Canada était conforme aux exigences de l ALENA et de l ADPIC. 16

médicaments d origine obtenait l approbation d une nouvelle indication thérapeutique dans l UE ou au Canada parce qu elle présente «un avantage clinique important». Les propositions de l UE relativement à l exclusivité des données vont au delà des obligations commerciales internationales du Canada prévues dans l ADPIC et l ALENA. Les États Unis accordent cinq ans d exclusivité des données aux médicaments à petites molécules, ce qui signifie que les lois canadiennes pourraient interdire pendant cinq années additionnelles la vente au Canada de médicaments génériques vendus aux États Unis, si l exclusivité de dix ans est adoptée au Canada. Droit d appel L article 10.4 du libellé proposé par l UE prévoit qu en raison du système canadien d approbation des médicaments qui fait la liaison avec les brevets, le Canada doit veiller à ce que les fabricants des médicaments d origine et les fabricants de médicaments génériques soient traités équitablement, en particulier en ce qui concerne leurs droits d appel respectifs des décisions judiciaires. L UE ne possède pas de système de liaison et par conséquent, l article 10.4 ne s appliquerait qu au Canada. L UE n a pas l obligation, à l article 10.4 ou ailleurs dans le texte proposé de l AECG d instituer un système de liaison avec les brevets. L UE est donc protégée de tout effet de cette disposition. Texte de l accord proposé par l UE Article 10.4 : Si une Partie a recours à des mécanismes «de liaison avec les brevets» au moyen desquels l octroi des autorisations de commercialisation (ou des avis de conformité ou concepts semblables) à des médicaments génériques est lié à l existence de la protection d un brevet, elle veille à ce que les détenteurs des brevets et les fabricants de médicaments génériques soient traités de manière juste et équitable, y compris leurs droits respectifs d appel. État actuel du droit canadien En vertu du Règlement sur les aliments et drogues du Canada, le ministre de la Santé accorde l approbation de la mise en marché des médicaments d origine et des médicaments génériques 15. Pour obtenir l approbation d un médicament, une société pharmaceutique en fait la demande à Santé Canada. Cette demande, dans le cas des médicaments d origine, est habituellement une présentation de drogue nouvelle («PDN»); dans le cas des médicaments génériques, il s agit habituellement d une présentation abrégée de drogue nouvelle («PADN»). Comme il a été dit précédemment, la possibilité pour un fabricant de médicaments génériques d obtenir l approbation réglementaire de sa PADN est «liée» à la protection de la propriété intellectuelle. En se fondant sur l examen de la PADN du fabricant de 15 Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C, ch. 870. 17

médicaments génériques, si le ministre de la Santé détermine que le médicament générique est sûr et efficace, Santé Canada délivre alors une approbation de commercialisation qu on appelle un avis de conformité («AC»). Toutefois, avant que le ministre puisse délivrer un AC, le règlement canadien de liaison, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), exige que les fabricants de médicaments génériques aient d abord réglé les questions liées aux brevets du fabricant de médicaments d origine 16. Le traitement des brevets par le fabricant de médicaments génériques (parce qu il allègue que les brevets sont invalides, qu ils ne sont pas contrefaits ou qu ils sont à tort inscrits dans le registre des brevets de Santé Canada) permet au fabricant de médicaments d origine de soumettre une demande d ordonnance pour interdire au ministre de délivrer l AC au fabricant de médicaments génériques. Lorsqu un fabricant de médicaments d origine entame une procédure d interdiction, le ministre de la Santé se voit automatiquement interdit de délivrer un AC au fabricant de médicaments génériques pendant une période maximale de 24 mois; c est ce qu on appelle souvent une «suspension de 24 mois». Si le fabricant de médicaments génériques réussit à démontrer que les brevets du fabricant du médicament d origine soit ne s appliquent pas au produit générique, soit qu ils sont invalides, soit qu ils ne sont pas contrefaits, le ministre de la Santé doit alors accorder un AC au fabricant de médicaments génériques (si Santé Canada a déjà déterminé l innocuité et l efficacité du médicament générique). Le gouvernement fédéral voulait que la procédure liée à un AC soit sommaire par nature et de brève durée aux fins limitées d accorder (ou de refuser) une ordonnance qui interdit au ministre de délivrer un AC. Les tribunaux canadiens ont tranché que les poursuites liées à un AC ne peuvent constituer une décision définitive de la validité d un brevet, qu elles ne sont pas des substituts des poursuites en contrefaçon et qu elles ne servent pas à créer des précédents exécutoires sur des questions controversées et incertaines du droit des brevets 17. Les décisions sur la contrefaçon de brevets et la validité de ces derniers sont réservées aux poursuites en justice liées aux brevets, tout comme dans tout autre domaine technologique. En réalité, toutefois, ces affaires sont longues et complexes. La Cour suprême du Canada a déclaré en de multiples occasions que la suspension automatique accordée à des titulaires de brevet aux termes du Règlement de liaison était un recours «extraordinaire» auquel n avait droit aucun des titulaires de brevet des secteurs autres que le secteur pharmaceutique. 16 Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) a créé un registre des brevets dans lequel une société pharmaceutique innovatrice peut inscrire les brevets pertinents à ses diverses présentations de drogue. Les brevets énumérés dans le registre des brevets sont ceux dont le fabricant de médicaments génériques doit tenir compte avant de pouvoir obtenir une approbation réglementaire. 17 Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2007, CAF 359, aux par. 32 à 40 41. 18

Même si l objet de l AC et les poursuites en contrefaçon de brevets sont semblables, il existe une distinction évidente : les poursuites liées à l AC concernent la délivrance d un avis de conformité alors que les actions en contrefaçon de brevet concernent la contrefaçon et la validité des brevets. Les fabricants de médicaments d origine et les fabricants de médicaments génériques peuvent dans les deux cas interjeter appel d une décision rendue dans une action visant une interdiction; le Règlement de liaison n empêche pas d interjeter appel. Toutefois, un appel interjeté par un fabricant de médicaments d origine pourrait être jugé sans portée pratique sur les faits, parce que Santé Canada délivre généralement un AC au fabricant de médicaments génériques peu de temps après une décision favorable à ce dernier dans une audience concernant une interdiction 18. Cela dit, le fabricant de médicaments d origine a la possibilité légale de convaincre la Cour du contraire 19 Effet de cette disposition de l AECG pour le Canada L article 10.4 du libellé proposé par l UE annulera le caractère théorique en common law dans le cas des appels liés aux AC, interjetés après la délivrance d un AC. Cette disposition pourrait prolonger la période pendant laquelle les fabricants de médicaments génériques sont sous le coup d une interdiction de commercialisation, tant qu un tribunal n aurait pas entendu l appel et rendu une décision à cet égard, ce qui pourrait représenter entre 6 et 18 mois, selon le volume de travail de la Cour d appel fédérale et la rapidité avec laquelle les parties préparent les documents. Cette disposition entrave l objectif selon lequel les actions en justice liées à des AC doivent être traitées rapidement. Autrement, le gouvernement pourrait faire en sorte que Santé Canada abroge un AC délivré et retire un médicament générique du marché, si le fabricant du médicament d origine obtient gain de cause en appel. Cette option accroîtrait l incertitude quant à la délivrance de l approbation de commercialisation des médicaments génériques et exige des modifications à la Loi sur les aliments et drogues. Le libellé proposé par l UE semble à certains égards superflu parce qu au Canada, la décision rendue dans une action en justice liée à un AC n a pas un caractère déterminant pour le brevet. Donc, même si un AC est délivré à un fabricant de médicaments génériques parce que la Cour a tranché qu il n y avait pas contrefaçon de brevet ou que le brevet était invalide dans l action en justice, le titulaire du brevet peut tout de même poursuivre le fabricant de médicaments génériques pour contrefaçon de brevet pour le même brevet, en vertu des dispositions de la Loi sur les brevets. La poursuite pour contrefaçon est, en effet, un mécanisme d appel existant. À cet égard, le Canada est 18 Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc. et al. (2001), 11 C.P.R. (4 e ) 245 (C.A.F.) au par. 21; demande d autorisation d appel rejeté avec dépens [2001] S.C.C.A. n o 111 (C.S.C.); Merck Frosst Canada Inc. c. Apotex et al., [1999] J.C.F. n o 55 (C.A.F.) aux par. 4 6; demande d autorisation d appel rejeté [1999] S.C.C. A. n o 313 (C.S.C.). 19 Abbot Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé). 2007 C.A.F. 153 (C.A.F.) 19

unique : à notre connaissance, il n y a pas de précédents ailleurs dans le monde de litiges multiples systématiques entre les mêmes parties, pour les mêmes brevets. Le libellé proposé par l UE voudrait dire qu au Canada, pour commercialiser un médicament, les fabricants de médicaments génériques continueront de courir le risque de deux actions en justice, mais assorties de pleins droits d appel dans les deux cas, selon le déroulement suivant : Avant l arrivée sur le marché d un médicament générique, procédure liée à la délivrance d un AC 1. Audience de la Cour fédérale d une requête aux termes du Règlement de liaison 2. Appel de la requête à la Cour d appel fédérale 3. (peut être) Appel à la Cour suprême du Canada Après l arrivée sur le marché d un médicament générique (si l appel du titulaire de brevet est rejeté) 4. Poursuite pour contrefaçon/invalidation de brevet aux termes de la Loi sur les brevets 5. Appel à la Cour d appel fédérale 6. Appel à la Cour suprême du Canada Ainsi, la proposition de l UE concernant le droit d appel pourrait donner lieu à d autres frais de litige tant pour les fabricants de médicaments d origine que pour les fabricants de médicaments génériques, de même qu à des frais additionnels pour le système judiciaire (en plus des augmentations de coût assumés par les payeurs des soins de santé en raison des retards à la commercialisation des médicaments génériques, expliqués en détail aux sections 4 et 5). Actuellement, le Règlement de liaison prévoit des dommages intérêts pour le fabricant de médicaments génériques tenu à l écart du marché en raison d une action en justice liée à un AC dans laquelle ce fabricant obtient finalement gain de cause. Le fabricant de médicaments génériques peut chercher à obtenir le remboursement de profits perdus jusqu à la date du jugement sur l AC et est ainsi (à tout le moins partiellement) dédommagé. La disposition sur les dommages intérêts ne prévoit cependant pas d indemnisation des payeurs lésés parce qu ils ont payé le prix du médicament d origine au lieu du prix du médicament générique. Si l appel du titulaire de brevet d une décision sur un AC avait l effet de retarder encore plus la commercialisation du médicament générique, et si le fabricant de ce dernier obtenait finalement gain de cause dans sa demande, les consommateurs et les payeurs (gouvernements et autres payeurs) ne recevraient aucune indemnisation pour tout dommage intérêt causé par l affirmation de la validité d un brevet finalement jugé invalide. Aux États Unis, par contraste, les consommateurs, les assureurs et les États intentent couramment des poursuites contre 20

des fabricants de médicaments d origine pour les pertes découlant des retards indus à la commercialisation des médicaments génériques 20. Mesures frontalières Le libellé de l UE obligerait le Canada à adopter une procédure qui permettrait aux douaniers de retenir à la frontière des expéditions de médicaments importés lorsquʹune société de médicaments d origine croit que le produit peut contrefaire l un de ses brevets. Les douaniers pourraient également retenir des expéditions sans la demande d un fabricant de médicaments d origine, s ils avaient des motifs suffisants de soupçonner une infraction à un droit de propriété intellectuelle. Texte de l accord proposé par l UE Article 30 Mesures frontalières À moins d indication contraire dans le présent article, les Parties adoptent une procédure pour que le titulaire des droits qui a des motifs valables de soupçonner que l importation, l exportation et la réexportation, l introduction ou le retrait du territoire douanier, le placement sous un régime suspensif, en zone franche ou en entrepôt franc de biens qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle, de présenter par écrit une demande auprès des autorités compétentes, administratives ou judiciaires, de suspendre la mainlevée de ces marchandises pour leur libre circulation ou de les retenir. Les Parties prévoient que lorsque les autorités douanières, dans le cours de leurs actions ou avant le dépôt ou l approbation d une demande par le titulaire d un droit, ont des motifs suffisants de soupçonner que des marchandises enfreignent un droit de propriété intellectuelle, elles peuvent suspendre la mainlevée des marchandises ou les retenir pour permettre au titulaire du droit de présenter une demande d intervention, conformément au paragraphe précédent. État actuel du droit canadien Les médicaments sont les produits les plus règlementés au Canada et les dispositions de la Loi sur les aliments et drogues qui garantissent l innocuité et l efficacité de notre approvisionnement en médicaments s appliquent aux produits importés, y compris les formes posologiques finies et les ingrédients pharmaceutiques actifs. Les inspecteurs de la Direction générale des produits de santé et des aliments, en collaboration avec l Agence des services frontaliers du Canada, ont le pouvoir de retenir tout produit jugé illégitime ou contrefait aux termes de la Loi sur les aliments et drogues et de ses règlements connexes. Ce droit s inscrit dans le mandat de Santé Canada de protéger la santé et la sécurité de la population canadienne. Les produits pharmaceutiques en font partie. 20 Se reporter, par exemple, à l affaire In re Wellbutrin SR Direct Purchaser Antitrust Litigation, US District Court (ED Pen 2004) (n o 04 5525); American Sales Company, Inc., et al. c. SmithKline Beecham Corporation d/b/a GlaxoSmithKline PLC, n o 08 CV 03149, E.D. Pa.; In re Zyprexa Products Liability Litigation, 493 F. Supp. 2d 571 Dist. Court, ED. 21

Le Canada n a pas de loi qui accorderait aux douaniers le pouvoir de retenir des expéditions à la frontière parce qu ils soupçonnent que le produit peut contrefaire un brevet. Les litiges en matière de brevets de produits pharmaceutiques et de tout autre produit au Canada sont des questions juridiques privées entre le titulaire présumé des droits et le contrefacteur allégué, et il existe des recours juridiques nationaux. La Loi sur les brevets et son règlement au Canada, qui définissent les droits des titulaires de brevet et du public, traitent précisément de la façon dont les brevets peuvent être utilisés pour mettre au point et commercialiser des produits pharmaceutiques. Une caractéristique fondamentale du régime canadien des brevets pharmaceutiques est l autorisation, pour un fabricant de médicaments génériques, d effectuer des travaux à partir de brevets couvrant une molécule avant l expiration des brevets (par importation, par exemple) sans un AC. Cette permission est fondée sur une contrepartie : le titulaire d un brevet peut retarder la délivrance d un AC à un médicament générique aux termes du Règlement de liaison, mais le fabricant de médicaments génériques peut effectuer des «travaux préliminaires» en se basant sur le brevet (par l importation, par exemple) pour effectuer les travaux réglementaires nécessaires à l obtention d un AC, une fois le brevet échu ou jugé invalide ou non contrefait. Les mesures frontalières ont plus de sens lorsque des préoccupations ont trait aux droits d auteur et aux marques de commerce qu aux brevets. D un point de vue stratégique, il serait beaucoup plus difficile pour un douanier d évaluer la contrefaçon possible d un brevet qu évaluer une contrefaçon possible d une marque de commerce ou d un droit d auteur. Cette remarque vaut en particulier pour les médicaments. Le plus souvent, le contrefacteur d un droit d auteur ou d une marque de commerce veut que son produit soit pris pour le produit véritable et un douanier peut rendre une première décision fiable de la contrefaçon possible. Par contraste, un douanier n a pas les outils nécessaires pour effectuer une analyse chimique à la frontière afin de déterminer les composés d un médicament, et il n a pas non plus les qualifications pour interpréter les revendications hautement techniques d un brevet, pour déterminer ce qu un brevet protège ou la validité de ces revendications. Pour cette raison, la mise en œuvre de mesures frontalières dans le cas des brevets est fort difficile. Le sujet a été abordé dans le cadre des négociations de l Accord commercial relatif à la contrefaçon («ACRC»), auquel le Canada et l UE sont tous deux parties 21. L UE était en minorité lorsqu elle a tenté de faire appliquer les mesures frontalières aux brevets et un consensus multilatéral a maintenant été obtenu à cet égard. Le texte du traité a été achevé en novembre 2010 : il exclut spécifiquement les brevets de toute mesure frontalière et il y est suggéré que le Canada et l UE n aillent pas au delà du consensus de l ACRC dans l AECG. 21 «Accord commercial relatif à la contrefaçon (ACRC)». Affaires étrangères et Commerce international Canada, 9 décembre 2010, http://www.international.gc.ca/trade agreements accordscommerciaux/fo/intellect_property.aspx?lang=fra 22

Effet de cette disposition de l AECG pour le Canada Les douaniers auraient le pouvoir, et en fait seraient tenus, de retenir les expéditions de médicaments qui transitent par le Canada simplement parce qu ils soupçonneraient une contrefaçon de brevets. Des lois semblables ont causé des difficultés considérables dans l UE où des douaniers ont retenu des expéditions de médicaments qui passaient par des ports de l UE en provenance de l Inde et à destination de l Amérique latine. Selon des rapports récents, l UE a accepté de mettre en œuvre des mesures pour éviter ces résultats dans l avenir. Les pouvoirs accordés aux douaniers ressembleraient à ceux qui sont accordés à des juges qui imposent des injonctions préliminaires. Les juges n en accordent pas souvent. Lorsquʹils le font, leurs décisions sont fondées sur un dossier de preuves et les arguments de droit des deux parties visées. Le libellé proposé par l UE pourrait faire en sorte que des médicaments soient illégalement retenus à la frontière, ce qui aurait d importantes répercussions sur l approvisionnement de médicaments des Canadiens, les sociétés pharmaceutiques, les pharmacies et les grossistes canadiens. Pour mettre en œuvre de manière raisonnable des mesures frontalières liées aux brevets au Canada, il faudrait concevoir et appliquer un nouvel appareil administratif, entre autres un organisme qui pourrait rapidement prendre des décisions quant aux brevets (ou quelque mécanisme qui assurerait un accès rapide aux tribunaux fédéraux). Ces mesures seraient aux dépens des Canadiens et des sociétés canadiennes, et causeraient beaucoup de complications, en particulier aux sociétés pharmaceutiques canadiennes qui font déjà face à de nombreuses séries de litiges liés aux brevets. 23

4. Impact sur les payeurs Comme le montrent les paragraphes qui précèdent, l AECG est un accord compliqué, y compris en ce qui concerne ses dispositions d exclusivité pour les médicaments. Il est clair, toutefois, que ces dispositions auront l effet de prolonger les périodes d exclusivité pour certains médicaments, pendant de nombreuses années, dans certains cas. On augmentera ainsi les coûts pour ces médicaments, ce qui pourrait avoir des répercussions financières importantes sur les consommateurs et les assureurs, en particulier sur les provinces qui gèrent les plus grands régimes d assurance médicaments du pays. À ces coûts financiers pour les payeurs correspondront, en grande partie, des avantages financiers pour les titulaires de brevet. Tout dʹabord, il faut dire que le paiement des médicaments est complexe au Canada en raison des différents programmes d assurance. L ICIS (2010, p. 11) estime qu en 2009, les assureurs publics ont payé 11,4 milliards de dollars (ou 45 %) des médicaments d ordonnance; les assureurs privés ont payé 9,4 milliards de dollars (37 %); et les ménages ont payé 4,6 milliards de dollars (18 %). Nous prévoyons que les répercussions de la prolongation de l exclusivité seraient partagées entre les trois groupes, à peu près dans les mêmes proportions. Finalement, cette distinction entre les payeurs est peut être quelque peu limitée, car la même personne financera le régime provincial par ses impôts; financera un régime d assurance privé par un contrat d emploi et paiera de sa poche les quotes parts. On peut évaluer simplement le coût des prolongations d exclusivité proposées par l UE en examinant comment ces prolongations influenceraient le marché général des médicaments brevetés au Canada. Comme il est décrit plus en détail ci dessous, le coût pour les Canadiens des dispositions proposées par l UE peut être évalué à environ 2,8 milliards de dollars par année. Compte tenu de ces coûts accrus, il nous semble probable que les payeurs réagiront en adoptant des contrôles de coût additionnels, par exemple, en augmentant les frais pour les patients ou en restreignant l accès à de nouveaux médicaments d ordonnance. Pour déterminer l augmentation moyenne de la durée de l exclusivité commerciale découlant de l AECG, nous avons examiné 15 médicaments pour lesquels l AC du premier médicament générique a été délivré en 2010. Les détails sur les brevets, l exclusivité et les litiges figurent à l Annexe III. Nous avons évalué la date probable d arrivée sur le marché du médicament générique pour chaque médicament d origine, si toutes les dispositions de l AECG avaient été en vigueur. En moyenne, pour ces médicaments, nous estimons que ces dispositions auraient retardé de 3,46 ans l arrivée sur le marché des médicaments génériques 22. Le tableau 3 résume l impact du moment prévu de l entrée sur le marché pour ces 15 médicaments. 22 Nous nous sommes efforcés de faire preuve de prudence dans ce cas; une autre hypothèse raisonnable concernant le litige pour un autre médicament, le dorzolamide, aurait fait passer la moyenne à 3,9 ans. 24

L estimation de la date hypothétique d arrivée sur le marché du médicament générique est un exercice complexe, car chaque médicament est assorti de brevets différents et a un historique de litiges différent. Nous avons tenté d obtenir une mesure raisonnable de la date probable d arrivée sur le marché du médicament générique, si l AECG avait été en vigueur. Cette analyse n est pas indéfectible : nous avons posé de nombreux jugements sur la façon dont l AECG aurait été appliquée et l on peut soutenir que l AECG aurait probablement donné lieu à une arrivée antérieure ou postérieure à la date estimée pour chaque médicament. Nous pensons toutefois que la moyenne est relativement robuste. Les hypothèses qui sous tendent cette analyse sont données à l Annexe III 23. Les dépenses totales en médicaments brevetés s élèvent à environ 13,3 milliards de dollars annuellement (CEPMB, 2010) au Canada. Le médicament moyen bénéficie d une exclusivité d environ 10 ans; ainsi, une prolongation d un an de l exclusivité aurait pour effet d accroître les recettes des titulaires de brevet d un dixième (ou 10 %) 24. En utilisant 23 L analyse présentée aux Annexes I, III et V a été réalisée à notre demande par Gilbert s s.r.l. 24 Comme le montre l Annexe III, l intervalle moyen entre l AC délivré au premier médicament d origine et l AC délivré au premier médicament générique pour les 15 médicaments généricisés en 2010 est de 9 ans. Le plus souvent, de nouvelles entités chimiques obtiennent des périodes d exclusivité plus longues que les autres médicaments approuvés. Le rapport récemment publié par le Conseil canadien de la propriété 25

ces deux chiffres assez approximatifs, nous pouvons déduire que l effet de la prolongation de l exclusivité d un an sur les recettes des titulaires d un brevet au Canada représenterait environ 1,3 milliard de dollars par année, si nous présumons que les prix et les décisions sur les couvertures d assurance restent inchangés. En présumant que le prix moyen à la fin de l exclusivité équivaudra à 39 % de celui du médicament d origine 25, l augmentation pour les payeurs du coût de chaque année additionnelle d exclusivité s élève à environ 811 millions de dollars par année. Ainsi, si la période d exclusivité moyenne est prolongée de 3,46 ans (selon l estimation ci dessus), l augmentation du coût annuel pour les payeurs sera d environ 2,9 milliards de dollars canadiens, par année, conformément au calcul suivant : Ventes annuelles totales de méd. d origine 13,3 milliards $ x % des ventes de médicaments généricisés x 0,1 Ventes annuelles de méd. d origine sans exclusivité 1,33 milliard $ x rabais de prix de 63 % x 0,61 Perte annuelle causée par le retard d un an 811 millions $ x Nombre de jours de retard x 3,46 Retard annuel total de l AECG 2,8 milliards $ Ce calcul peut évidemment être modifié. S il y avait moins de nouveaux médicaments dotés d une exclusivité dans l avenir, l impact financier des prolongations serait moins important. Si le prix moyen à la fin de l exclusivité était relativement supérieur ou inférieur, l impact sur les payeurs s en trouverait réduit ou augmenté. L estimation dépend aussi de la prolongation moyenne des périodes d exclusivité : plus la prolongation est longue, plus le coût additionnel augmente. Le tableau 4 donne une ventilation approximative qui montre comment ces coûts seraient répartis entre le secteur public et le secteur privé dans les différentes provinces. Le secteur public comprend les dépenses des provinces et du gouvernement fédéral, alors que le secteur privé englobe les assureurs privés et les paiements individuels des patients. Nous avons présumé, aux fins de la présente analyse, que le prix moyen après intellectuelle, «Innovation for a Better Tomorrow», présume que les périodes moyennes d exclusivité oscillent entre 7 et 9 ans. Si nous devions présumer que la période moyenne d exclusivité est de 8 ans, la prolongation d un an de l exclusivité suppose que nous accroîtrions les recettes du titulaire de brevet de un huitième, soit environ 1,6 milliard de dollars. Nous avons choisi une hypothèse prudente selon laquelle une année additionnelle d exclusivité fera augmenter les recettes du titulaire de brevet d un dixième. Cette estimation «d un dixième» est encore plus prudente du fait qu on peut s attendre à ce que les recettes annuelles des médicaments soient les plus élevées vers la fin de leur période d exclusivité, une fois que les médecins sont devenus à l aise de prescrire le médicament et que ses effets sont mieux connus. 25 Se reporter à l Annexe IV pour les hypothèses détaillées sur la fixation des prix. Le pourcentage de 61 % correspond à la réduction moyenne présumée, qui représente, selon les calculs, la réduction de prix moyenne obtenue par les différents payeurs, pondérée par leur part des achats totaux de médicaments d ordonnance. 26

l arrivée du médicament générique sur le marché, diminue de 61 % 26 La répartition des coûts dans les provinces est basée sur l analyse des dépenses en médicaments d ordonnance au Canada, selon l ICIS, et la méthodologie est décrite à l Annexe II. Réactions des payeurs Il peut y avoir d autres types de réactions à la prolongation des périodes d exclusivité. Les assureurs, sous pression, en raison des contraintes financières exercées par ces prolongations pourraient réduire le nombre de médicaments assurés, de sorte que même si chaque médicament bénéficiait d une période d exclusivité prolongée, les régimes couvriraient moins de médicaments. Cette situation aurait sans aucun doute un résultat néfaste, car les recettes générales des titulaires de brevet n augmenteraient pas et les 26 Nous avons présumé que le prix moyen payé en Ontario et au Québec diminue de 65 %; le prix moyen en Colombie Britannique, en Saskatchewan et au Manitoba, de 55 %; et le prix moyen de toutes les autres instances de 50 %. Même si en moyenne, les réductions des prix des médicaments génériques seront probablement plus importantes que celles que nous avons retenues, ces taux permettent aussi que certains médicaments d origine continuent de se vendre au prix élevé original. Nous avons aussi présumé que le secteur public comme le secteur privé obtenaient le même prix moyen dans chacune des provinces, et le prix de remboursement au public étant le plus souvent limité au prix du médicament générique le plus bas, il semble probable que les estimations du Tableau 4 soient légèrement en deçà du coût pour le secteur public et supérieures en ce qui concerne le coût pour le secteur privé. 27

patients auraient accès à moins de médicaments. Dans un tel scénario, il n y aurait donc aucun incitatif additionnel à l innovation dans de nouveaux médicaments et les patients canadiens auraient accès à moins de médicaments. Les assureurs pourraient aussi décider de négocier plus âprement les prix, de sorte que la diminution des prix annulerait l effet de la prolongation de l exclusivité. Sʹil n y avait aucune augmentation des dépenses totales, les répercussions sur les payeurs et sur les incitatifs à l innovation dans de nouveaux médicaments seraient nulles. Grootendorst et di Matteo (2007) montrent que les provinces n ont pas eu d augmentations très importantes des dépenses en médicaments après la mise en œuvre des prolongations des périodes d exclusivité, à la suite des modifications apportées au droit canadien en matière de brevets au Canada dans les années 1980 et 1990. Les assureurs ont adopté des mesures de limitation des coûts comme des analyses du coût efficacité, des contrôles des prix, la fixation de prix de référence, la substitution obligatoire et le recours aux quotesparts. On peut présumer que ces mesures ont été prises en réaction aux modifications apportées au droit en matière de brevets. On ne sait toutefois pas clairement si ces types de réactions pourraient prendre plus d ampleur. On peut souligner à ce sujet que les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx&D), l association commerciale de l industrie du médicament d origine, appuie la prolongation des périodes d exclusivité. On peut donc présumer que ses membres ne s attendent pas à ce que les profits découlant de la prolongation des périodes d exclusivité soient entièrement annulés par les réductions dans le nombre de médicaments assurés ou les prix payés. 28

5. Études de cas : six médicaments Il est utile de compléter la perspective générale donnée précédemment par des études de cas qui illustrent comment les effets des dispositions proposées par l UE dans le secteur pharmaceutique différeraient selon les médicaments, ainsi que la variation des coûts entre les provinces. La présente section porte sur l impact de l application des dispositions de l AECG à plusieurs médicaments existants. La protection conférée par les dispositions de l AECG diffère selon chaque médicament, le brevet en particulier et la situation d approbation de chaque produit. Ces cas sont présentés à titre d illustrations. Les détails de l effet des propositions de l UE sur les dates prévues d arrivée sur le marché des médicaments génériques pour chaque médicament d origine figurent à l Annexe I. Il est utile de recourir à des exemples précis, car on peut ainsi intégrer des données historiques sur les volumes et les prix unitaires totaux précis de régimes d assurance médicaments, de même que des dates réelles ou probables d arrivée sur le marché de médicaments concurrentiels, avec et sans le libellé proposé par l UE. Quatre des molécules (Norvasc (amlodipine), Lipitor (atorvastatine), Altace (ramipril) et Reminyl ER (galantamine ER)) ont déjà été généricisées. Ces exemples sont pertinents parce qu ils permettent de brosser un portrait complet de la façon dont les équivalents génériques de ces médicaments ont eu commercialisés et d illustrer l effet probable de l AECG sur d autres médicaments dans l avenir. De plus, trois des quatre médicaments n existeraient pas sous forme générique si l AECG était en vigueur, ces molécules pourraient néanmoins être touchées par l AECG. Les deux autres molécules, Plavix (clopidogrel) et Crestor (rosuvastatine), n ont pas encore de concurrence générique au Canada. Dans le cas de ces produits, les augmentations estimatives des coûts sont des prévisions de ce qui se produira probablement, si le texte de négociation de l AECG est adopté. Ce texte aurait l influence suivante sur ces molécules : 29

Comme on le voit dans le tableau ci dessus, l UE a proposé trois formes différentes de prolongations de l exclusivité la prolongation de la durée du brevet, la prolongation de l exclusivité des données et le «droit d appel». On ne sait pas pour le moment laquelle, sʹil y a lieu, de ces trois dispositions précises sera mise en œuvre. Nous avons donc examiné séparément les effets probables sur les dépenses des régimes d assurance médicaments de chacune de ces dispositions. Nous avons également examiné les effets si toutes ces dispositions étaient mises en œuvre. Voici en résumé l effet de chacune des dispositions sur la propriété intellectuelle, proposées par l UE dans le secteur pharmaceutique, sur les six molécules données en exemple: 30

En nous fondant sur les périodes de retard calculées ci dessus, nous avons évalué l impact des dispositions sur la propriété intellectuelle, proposées par l UE dans le secteur pharmaceutique, sur les dépenses des régimes publics et privés d assurance médicaments au Canada, pour les médicaments énumérés précédemment. L impact financier des dispositions proposées sur la propriété intellectuelle, réparti par province, est détaillé dans la section sur les résultats ci dessous. L impact cumulatif sur les coûts des médicaments pour les six molécules examinées est illustré dans le graphique suivant : 31

Méthodologie Nous avons obtenu d IMS Brogan les données sur les volumes unitaires et les dépenses des régimes d assurance médicaments (à l exclusion des frais d exécution des ordonnances par les pharmacies, mais incluant les marges bénéficiaires des ventes en gros et au détail) de toutes les formes posologiques solides orales de ces molécules pour les régimes d assurance médicaments privés et publics, province et trimestre pour la période du premier trimestre 2001 au troisième trimestre 2010. Les données existaient pour des périodes plus courtes pour plusieurs régimes publics, dont celui du Manitoba (données disponibles jusquʹau premier trimestre de 2010), de même que pour la C. B., l Alberta, la Saskatchewan, le Nouveau Brunswick, Terre Neuve et Labrador et le programme fédéral des services de santé non assurés (SSNA) (données disponibles jusqu au deuxième trimestre de 2010. Les données d IMS Brogan se veulent représentatives des régimes publics et privés dans chacune des provinces. Nous avons construit des simulations de dépenses additionnelles pour chacune de ces six molécules si le libellé proposé par l UE dans l AECG était appliqué (ou s applique effectivement) pour le Programme des services de santé non assurés (SSNA) de Santé Canada, de même que les dépenses des régimes d assurance médicaments privés et gouvernementaux, dans chacune des provinces. (La seule exception est l Î. P. É. pour laquelle nous ne disposions que de données sur les régimes privés.) Nous avons en outre tenu compte des répercussions de chacune des trois formes de protection de la propriété intellectuelle, à savoir la prolongation de la durée des brevets (PDB), la prolongation de l exclusivité des données (PED), et le droit d appel (DA). Nous avons aussi également tenu compte des effets si toutes les dispositions étaient mises en œuvre (TOUTES). L Annexe I renseigne sur les dates réelles ou probables de l arrivée sur le marché des médicaments génériques, si les dispositions sur la propriété intellectuelle proposées dans l AECG étaient en vigueur. L utilisation totale est exprimée en nombre de doses thérapeutiques quotidiennes (DTQ) de la molécule remboursée par les régimes d assurance médicaments au Canada. Il sʹagit du nombre de milligrammes du médicament remboursé divisé par la dose de maintien quotidienne typique du médicament; les doses typiques de maintien sont fournies par le Collaborating Centre for Drug Statistics Methodology de l Organisation mondiale de la santé (http://www.whocc.no/). Les dépenses additionnelles en médicaments sont prévues de la façon suivante. Nous avons d abord établi des projections pour les trimestres futurs sur la base du volume unitaire total de chaque molécule récemment observé dans chacun des régimes. Plus précisément, nous avons attribué aux trimestres futurs le nombre moyen de DTQ remboursées au cours des quatre trimestres de données les plus récents. (Il faut souligner quʹil y a 20 régimes et 6 médicaments, de sorte que 120 prévisions ont été faites.) Nous avons présumé que les volumes de DTQ ne variaient pas à la suite de 32

l arrivée sur le marché de médicaments génériques 27. Deuxièmement, nous avons prédit le prix moyen payé par DTQ du médicament selon cinq scénarios : la date probable d arrivée sur le marché d équivalents génériques en l absence des propositions de l UE (ci après appelé scénario de «base») et dans chacun des quatre scénarios décrits précédemment (PDB, PED, RA et TOUTES). Le prix moyen dans chaque scénario a été obtenu par la multiplication du prix qui, selon l hypothèse, prévaudrait en l absence de médicament générique d, d étant le prix moyen remboursé divisé par le prix du médicament d origine (avant l arrivée sur le marché du médicament générique). Pour les trimestres précédant l arrivée sur le marché du médicament générique, d est de 100 %. L intervalle des valeurs de d dans des régimes publics d assurance médicaments a été fondé sur les politiques provinciales actuelles ou prévues et la mesure dans laquelle il devrait y avoir substitution des médicaments génériques. Nous présumons que la valeur de d chute sur plusieurs trimestres parce qu un grand nombre des régimes privés continuent de rembourser entièrement les médicaments d origine, même lorsquʹil existe un générique. Les valeurs exactes utilisées sont données à l Annexe IV. Nous avons présumé que le prix par dose quotidienne en l absence de médicaments génériques était le prix en vigueur au cours du trimestre qui a immédiatement précédé l arrivée observée du médicament générique sur le marché. Si la vente d aucun médicament générique n a été observée dans les données (par exemple, dans le cas de Crestor (rosuvastatine)), nous avons utilisé l observation la plus récente sur les prix indiqués dans les données. Comme nous avons prévu le volume unitaire total et le prix de remboursement de chaque médicament dans chacun des cinq scénarios pour chacun des 20 régimes d assurance médicaments, nous avons pu prévoir les dépenses additionnelles qu entraînerait l adoption du libellé proposé par l UE dans l AECG. Pour chaque combinaison de médicaments, régime d assurance médicaments et scénario, nous avons évalué la valeur actualisée des dépenses (actualisée au taux annuel de 2 % jusquʹau troisième trimestre de 2010). Nous avons ensuite comparé les dépenses additionnelles dans chacun des quatre scénarios de l AECG (PDB, PED, DA et TOUTES) avec le scénario de base dans lequel les dispositions sur la propriété intellectuelle pharmaceutique de l AECG ne sont pas adoptées. Nous n avons fait aucun redressement pour les trimestres partiels. 27 Nous reconnaissons que le nombre de doses quotidiennes pour une molécule peut dépendre de sa généricisation. D une part, des prix inférieurs peuvent mener à une consommation accrue d un médicament, en raison de la diminution de la pression des prix ou de l utilisation des incitatifs des régimes d assurance médicaments. D autre part, les efforts de vente pour les médicaments encore brevetés dans la même catégorie de médicaments peuvent inciter les médecins à passer du produit récemment généricisé au produit breveté. C est ce qui s est produit depuis la généricisation de Lipitor (atorvastatine), les patients ayant reçu des ordonnances de Crestor (rosuvastatine) à la place. Il n a pas été tenu compte de ces effets dans l analyse. 33

Résultats Les tableaux suivants montrent les estimations du coût additionnel pour les payeurs des modifications proposées à la propriété intellectuelle, par province, pour chacune des molécules. Les dispositions sur l exclusivité sont divisées en prolongation de la durée des brevets (PDB), en prolongation de l exclusivité des données (PED), et en droit d appel (DA). La colonne TOUTES montre le coût additionnel pour les payeurs, si les trois politiques proposées sont mises en œuvre. Bref, le coût additionnel général lié à la prolongation des exclusivités pour les six molécules choisies représente environ 5,6 milliards de dollars. 34

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