Démarche d'observation de la société de l'information en région Provence Alpes Côte d'azur SYNTHESE DU SEMINAIRE «Transformations numériques et impacts économiques en Provence-Alpes-Côte d Azur» Vendredi 9 décembre 2011(IméRA, Marseille) Lors du séminaire de recherche-action organisé par l ObTIC et intitulé «Transformations numériques et impacts économiques en Provence-Alpes-Côte d Azur», S. Martayan et W. Pasquer ont accueilli une cinquantaine de participants dans les locaux fort agréables de l Institut méditerranéen de recherches avancées. La composition et l intérêt du public ont répondu aux intentions de la journée : chercheurs, élus, représentants de services publics ou d entreprises, consultants, étudiants ont nourri les débats de leurs expériences et réflexions.
L étude «Impact d Internet sur l économie française. Comment Internet transforme notre pays» (mai 2011) réalisée par le cabinet McKinsey avait fourni le point de départ de cette manifestation en ouvrant la question d une possible adaptation régionale de l enquête nationale : Comment mesurer pour agir sur le développement d une filière numérique en région? L interview video de son co-rédacteur E. Hazan, réalisée par J-F Marchandise, a permis d approfondir les apports et les limites de ce type de démarche. Les chercheurs invités ont pleinement contribué à éclairer la problématique proposée selon les trois axes définis par le programme : - la définition du champ d observation, - l analyse de la chaîne de valeurs économique et technologique du numérique, - le rôle des politiques publiques pour accompagner les transformations et favoriser la croissance, l emploi et la qualité de vie. Le présent document propose une synthèse des échanges sur les questions-clefs. Il complète la présentation multimédia de l ensemble du séminaire. Il tente de dégager des enseignements utiles à l action des politiques publiques en région. Questions de méthode L impact des TIC sur l économie En matière d emplois, selon l étude McKinsey, «Internet a, en l espace de 15 ans, permis la création nette de 700 000 emplois, soit un quart du total en France sur cette période. En d autres termes, Internet a permis d ajouter 1,4 nouvel emploi à chaque emploi réalloué (c est-à-dire supprimé dans un secteur traditionnel et recréé dans la filière Internet)». En matière de croissance économique et sociale, les TIC accroissent la productivité et l efficacité des entreprises et de leurs employés. Elles favorisent la créativité et les collaborations. Elles accélèrent l innovation dans les organisations et améliorent le capital humain. Mais cela n entraîne-t-il pas aussi des destructions d emplois? Selon d autres sources (cf. le e-book «Race against the machine» de Erik Brynjolfsson et Andrew P. McAfee, du MIT, publié en 2011 1 ), du fait de l'accélération de l'automatisation, les emplois disparaissent dans les services, après avoir fondu dans l'industrie et depuis 2009 les dépenses 1 Référence fournie par Maurice Ronai et qui concerne les Etats-Unis
des entreprises sur le matériel et les logiciels ont augmenté de 26 %, tandis que la masse salariale n'a pas bougé. Il est à noter que, selon l étude McKinsey, c est pour le tissu des PME que la relation entre performance économique et usage important d Internet est la plus forte. Mais E. Hazan reconnaît lui-même que rien ne permet de savoir si c est une relation de cause ou de conséquence La recherche d indicateurs pertinents La méthodologie employée par McKinsey est double : - une enquête macro-économique fondée sur des données publiques (INSEE, Fédérations professionnelles, OCDE) où l impact d Internet est estimé selon les 3 facteurs classiques : production, revenus, consommation en privilégiant le dernier ; - une approche micro-économique fondée sur des études-maison réalisées sur les dépenses TIC des entreprises européennes et sur les PME françaises. En ont été déduits l impact d Internet sur le PIB (mesure statique) et son impact sur la croissance (mesure dynamique), ainsi que sur l emploi. En ce qui concerne les indicateurs de type macro (contexte du G8), différents types d économies nationales ont été classés selon le taux plus ou moins fort de développement de l internet dans les infrastructures, l environnement, les usages. En ce qui concerne les PME, le taux de pénétration des activités liées au web a été apprécié au niveau tant des employés que des fournisseurs ou des clients. Selon E. Hazan, plusieurs régions françaises et étrangères ont manifesté leur intérêt pour des enquêtes déclinées à leur niveau. Il serait fort utile que les enquêtes INSEE régionales intègrent les TIC de manière systématique dans leurs questionnements. En parallèle, il devrait être possible de bâtir un indicateur d intensité web des PME-TPE en région PACA. Le Baromètre ObTIC 2011 fournit déjà des éléments sur l existence d un site web, l emploi de procédures dématérialisées, la présence du e-commerce, etc. Enfin, l approche par la consommation pourrait être approfondie par rapport à l enquête 2011 ciblée sur les ménages, par ex. sur le caractère local/régional des fournisseurs de biens et de services. Mais il convient aussi de prendre en compte la dimension interrégionale et internationale de l économie numérique en région : beaucoup des effets locaux sont liés aux actions d opérateurs économiques nonrésidents comme à des flux financiers et d'emplois complexes ( d é l o c a l i s a t i o n, r e l o c a l i s a t i o n, s u b s t i t u t i o n, etc.)
Une nouvelle économie? Doit-on ou non parler de «filière Internet»? Les statistiques publiques considèrent que le secteur des TIC regroupe trois filières : informatique (harware et software), télécommunications (infrastructures réseaux, commutateurs et terminaux), électronique (composants et équipements). L étude McKinsey propose de regrouper sous le terme «filière Internet» le matériel informatique destiné au web (fabrication, vente et maintenance), les télécommunications sur IP (via les FAI), les services informatiques liés au web (développement et conseil), et toutes les activités ayant le web pour support (du e-commerce à la publicité en ligne). La difficulté à en mesurer précisément les contours n est pas levée. D ailleurs, pour P-J Benghozi, le fait que le terme «filière» n ait pas d équivalent en anglais est un signe, qui entre en contradiction avec la tradition colbertiste française. Il s accorde avec J-B Zimmermann pour distinguer les activités des pure players Internet des activités amont (fabricants et éditeurs) et aval (utilisateurs) pour les productions de biens et de services complétées ou transformées par le e-commerce. De plus, la disponibilité des biens matériels échangés dans le e- commerce repose sur des lieux de stockage et des réseaux physiques de distribution : c est leur mode de gestion, et non leur nature, qui est renouvelé à l heure du numérique. Il est acté de ne pas utiliser l expression «filière Internet», puisque même d après E. Hazan, «c est la transformation de l économie par l internet qui génère le maximum d impact». L action sur les organisations, les services, les usages J-L Gaffard pointe le contexte macro-économique global qui entraîne une crise de la demande et il plaide pour la mise en place de politiques structurelles (subventions publiques, banques ou capital-risque) : reste à savoir si et quand un soutien doit être apporté à des entreprises en difficulté au détriment des «champions» nationaux ou régionaux. P-J Benghozi, quant à lui, met l accent sur de nouvelles formes d organisation et d entreprise, marquées par le primat de la distribution, et donc de la communication, appareillée par des dispositifs de plus en plus numérisés (ex. portails personnalisés pour les services administratifs ou puces RFID pour les biens courants 2 ). S y ajoutent des effets de 2 Cf. Benghozi, Bureau & Massit-Folléa, «L Internet des objets / The Internet of Things», Paris, éd. de la MSH, 2009.
globalisation (dans l offre et la demande) et d accélération (comparateurs de prix, commande en ligne, etc.). F. Massit-Folléa souligne la création de «nouveaux métiers» induits par une présence en ligne de plus en plus massive : entreprises de veille, de contrôle de la e-réputation, de e-seécurité en général. D. Torre souligne les bénéfices de l expansion des usages du logiciel libre : 82% des administrations y ont recours et cela ne représente que 15% des budgets dédiés. Il y a dans l open source un chantier d investissement pour l économie publique. Th. Penard aborde l impact des TIC sous un angle socio-économique nouveau : la croissance du PIB est moins l objectif ultime que le moyen d accéder au bonheur ; des enquêtes qualitatives commencent à être menées, mais il relève que, dans la récente étude de l OCDE sur les indicateurs de bien-être, aucune donnée ne concerne l usage des TIC 3. La situation actuelle est donc marquée par l instabilité : transformation des modèles d affaires (ex. musique), de la valeur ajoutée (ex. la voiture connectée), du management, portée par une nouvelle relation entre production et usages. La querelle des anciens et des modernes n a pas lieu d être. Appréhender les transformations numériques et leur impact sur l économie régionale nécessite un large spectre d observation : - Y-a-t-il création de nouvelles entreprises ou création de nouvelles compétences dans des entreprises existantes? - L existence au niveau régional de plateformes numériques est une donnée intéressante à observer. - Des éléments sont également à recueillir sur le rapport coût / rentabilité de l utilisation de logiciels open source en intégrant le gros besoin d appui pour la «customisation». - On suivra avec intérêt l évolution des recherches sur les indicateurs de meilleure «qualité de vie» permise par les TIC. - Enfin, l attention peut être portée sur les élements de régulation des nouveaux services (respect de la concurrence, rapports entre la loi et les pratiques). 3 Cette préoccupation commence toutefois à émerger : en témoigne par exemple l organisation d une conférence internationale «Well-being in Contemporary Society», par le réseau académique international «Philosophy and Science of Wellbeing and their Practical Importance», à l Université de Twente (Enschede, Pays-Bas) les 26 et 27 juillet 2012.