janvier N - Faut-il supprimer les petits pays? A l intérieur d une Union économique ou monétaire, la présence de petits pays est une catastrophe (aggravée, si l organisation institutionnelle leur donne un droit de véto sur certaines décisions, point que nous n évoquerons pas ici), en effet : - par effet de taille, ils ont un grand intérêt à pratiquer : la concurrence fiscale ; si la base fiscale ne s accroît cependant pas suffisamment, par exemple parce que les grands pays répondent par la même politique, ils génèrent d importants déficits publics dans tous les pays de l Union ; - mais, s ils (par exemple dans le cas de l U.E) appartiennent aussi à l union monétaire, ou appartiendront dans le futur à l union monétaire, aucune discipline ne s exerce sur eux, même s ils ont des déficits publics importants : puisqu ils sont petits, leur monétisation est négligeable à l échelle de l ensemble de l union ; ni les déficits publics, ni l inflation si elle apparaît, ne peuvent provoquer une réaction de la Banque Centrale ; les marchés financiers ne les pénalisent pas pour leurs déficits publics et externes. Les petits pays déclenchent donc la concurrence fiscale, et ont un comportement de passager clandestin vis-à-vis des grands pays. Il faudrait ne construire d unions économiques et monétaires qu entre les grands pays. Rédacteur : Patrick ARTUS
Les petits pays, dans une union économique, ont intérêt à utiliser la concurrence fiscale Nous allons utiliser l exemple de l Union Européenne. On sait que les «petits pays» de l U.E. (pays baltes,,,, ) pratiquent la concurrence fiscale, notamment en ce qui concerne la taxation des profits des sociétés (tableau ), qui représente une part de plus en plus faible de l ensemble des impôts (tableau ). La baisse de la pression fiscale dans les PECO a imposé celle des pays de l U.E. à (graphiques a b c), surtout en ce qui concerne les impôts hors cotisations sociales (graphiques a b c). Tableau Taux légal d imposition des profits des entreprises Pays Pays Australie,, Chypre,, Belgique,99,99,, Danemark,, Finlande 9, 9, Estonie,,* France,, 9,, Allemagne, 9, 9,, Grèce,, Irlande,, Lituanie,, Italie,, Malte,, Luxembourg,,, 9, Pays-Bas,,, 9, Portugal,, Suède,,,, Royaume-Uni,, Moyenne,, Moyenne,,9 Médiane,,9 Médiane, 9, Source : Ernst & Young and Zew (, ) KPGM () * Pour les profits non distribués Tableau Part de la taxation des profits dans l ensemble des recettes fiscales (%, ), Estonie,,9, Lituanie,, 9,, Source : calculs IXIS CIB Graphique a Pression fiscale totale (en % du PIB) Zone euro UE 9 9 9 9 9 99 9 9 Graphique b Pression fiscale totale (en % du PIB) 9 9 9 9 9 99 9 9 p. Flash N
Graphique c Pression fiscale totale (en % du PIB) Lituanie Graphique a Impôts hors cotisations sociales (en % du PIB) Zone euro UE Source : Eurostat 9 9 9 9 99 9 9 9 9 9 9 9 99 9 9 Source : DRI Graphique b PECO : impôts hors cotisations sociales (en % du PIB) 9 9 9 9 9 99 9 9 Graphique c PECO : impôts hors cotisations sociales (en % du PIB) Lituanie Source : Eurostat 9 9 9 9 99 Les pays de l U.E., en réaction, ont donc été amenés à réduire le taux d imposition des profits des sociétés (graphique ), ce qui n a pas encore eu d effet très visible sur les revenus fiscaux, en raison de la reprise de la croissance et de la forte remontée de la profitabilité en Europe (graphiques a b).,,,,,,, Graphique UE : taux de taxation des profits des entreprises Taux officiel Taux effectif apparant,,,,,,,,, Sources : Eurostat, IXIS CIB,, 9 9 9 9 99 Flash N p.
Graphique a Zone euro : profits et PIB Graphique b UE : profits et PIB Profits (en % du PIB, G) PIB (volume, GA en %, D) Zone euro (*) : pro fits (en % du P IB, G) Royaume Uni : profits (en % du PIB, G) UE :P IB (volume, GA en %, D) 9 Sources : Datastream, IXIS CIB Sources : Datastream, IXIS CIB 9 9 9 9 9 99 9 9 9 9 9 99 Progressivement, ceci pourrait aussi conduire à une structure inacceptable de la fiscalité vis-à-vis de l équité, si la taxation ne peut plus porter que sur les facteurs immobiliers de production (travail peu qualifié, immobilier) et plus sur les facteurs mobiles de production (capital des entreprises, capital financier, travail qualifié). Les graphiques a b c montrent que, dans la zone euro, dans l U.E. à et dans les PECO, la baisse de la pression fiscale consiste en une baisse des impôts autres que les charges sociales et les impôts indirects, c est-à-dire à une baisse essentiellement des impôts indirects. Graphiques a Zone euro : impôts et charges sociales (en % du PIB) Graphiques b Euro : impôts et charges sociales (en % du PIB) Impô ts indirects Autres impôts Charges sociales 9 Impôts indirects A utres impô ts Charges sociales 9 9 9 9 9 9 99 9 9 9 9 9 99 Graphiques c PECO : impôts et charges sociales (en % du PIB) (*) Impôts indirects Autres impôts Charges sociales (*),, République Tchéque, 9 9 9 9 9 99 p. Flash N
Pourquoi les petits pays sont-ils incités à utiliser la concurrence fiscale? C est clairement un effet de taille. Baisser la taxation des entreprises (du capital) dans un petit pays permet d espérer attirer les entreprises des grands pays, donc d accroître la base fiscale et, dans le futur, les impôts avec de grandes implantations d entreprises de bien plus que la perte initiale de recette fiscale, qui ne concerne que la petite base fiscale initiale du petit pays Remarquons que pour l instant ceci ne s est pas produit. A la fois parce que les recettes fiscales ont baissé et parce que les dépenses publiques ont augmenté, les pays d Europe Centrale montrent des déficits publics considérables (graphiques a b c), surtout la, la, la et la. Graphique a PECO : pression fiscale, dépenses et déficit public (en % du PIB) (*) (*),, République Tchéque, Sources : OCDE, EIU, IXIS CIB Pression fiscale totale (G) Dépenses publiques (G) Déficit public (D) - 9 9 9 9 99 - - - - - - - - - -9 - Sources : OCDE, EIU, IIF Graphique b Déficit public (en % du PIB) Estonie Lituanie - - 9 9 9 9 9 99 - - - - -9 - Graphique c Déficit public (en % du PIB) - - - - - - - - - - - - Sources : OCDE, EIU, IIF - - 9 9 9 9 9 99 De plus, si les grands pays répondent à la politique fiscale des petits pays en baissant aussi leurs taux d imposition à l équilibre, ces baisses de taux d impôts s annulent, les bases fiscales ne s accroissent pas et des déficits publics apparaissent dans tous les pays de l Union. Flash N p.
Second problème : dans une union économique monétaire, les disciplines publiques et privées ne s appliquent pas aux petits pays (i) Discipline publique Les limitations des déficits publics, des déficits extérieurs ou de l inflation, dans un pays d une union économique et monétaire (prenons l exemple de la zone euro) s expliquent par les externalités générées sur les autres pays de l union par la hausse des taux d intérêt, le déficit budgétaire ou extérieur global de l union monétaire, l inflation globale de l union, donc peut être la dépréciation du change, le freinage des investissements privés, la nécessité de monétiser les déficits publics... Mais les petits pays d une Union Monétaire pèsent si peu que ces externalités n apparaissent pas. Supposons que, dans le futur, un grand nombre de pays d Europe Centrale appartiendront à la zone euro. Leur poids sera très faible, surtout si on exclut la qu on peut difficilement rentrer dans le groupe des «petits pays» (graphiques a b). Graphique a PIB PECO / PIB zone euro (valeur, en % ) (*) PIB PECO / PIB zone euro PIB PECO (hors ) / PIB zone euro Graphique b Exportations des PECO (en % des exportations de la zone euro) Exportations PECO (*) / exportations zone euro (en %) Exportations PECO (hors ) / exportations zone euro (en %) (*),, République Tchéque,, Let tonie, Lituanie, Estonie, Sources : FM I, IXIS CIB 9 9 9 9 9 99 Sources : DRI, IXIS CIB (*),, République Tchéque,, Let tonie, Lituanie, Estonie, 9 9 9 9 9 99 Les déficits budgétaires (vu plus haut) ou extérieurs (graphiques a - b) de ces petits pays d Europe Centrale, ou encore leur inflation (graphiques 9 a b) (collectivement, ou encore plus pris un par un) pèsent très peu, ne génèrent pratiquement pas d externalités ne pourront pas provoquer de réaction de la BCE lorsqu ils seront membres de la zone euro. Ils ne pourront pas craindre la hausse des taux d intérêt en réaction à leurs politiques économiques domestiques : aucune discipline publique ne pourra s appliquer à ces pays une fois qu ils sont rentrés. - - - - Graphique a Balance commerciale (en % du PIB) République tchèque Estonie Sources : EIU, IXIS CIB - - 9 9 9 9 9 99 - - - - - - - - - - - Graphique b Balance commerciale (en % du PIB) Lituanie Sources : EIU, IXIS CIB - - 9 9 9 9 9 99 - - - - - - - p. Flash N
Graphique 9 a Inflation (GA en %) Estonie Graphique 9 b Inflation (GA en %) Lituanie (G) (D) (D) (D) Sources : Eurostat, FMI - 9 9 9 9 9 99 - Sources : Eurostat, FMI - 9 9 9 9 9 99 - (ii) Discipline privée Si les disciplines publiques ne peuvent pas s appliquer, peut être peut-on compter sur la discipline privée : les marchés financiers pénaliseraient par des taux d intérêt plus élevés les pays ayant des déficits ou dettes publics, des déficits extérieurs excessifs. Mais ceci est peu vraisemblable : on voit dès aujourd hui, qu ils ne le font pas, ni à l intérieur de la zone euro ni pour les pays d Europe Centrale (graphiques a b c, graphiques a b)., Graphique a Spread des taux ans (%, vs Allemagne),, Graphique b Spread des taux ans (%, vs Allemagne),,, France Pays Bas Espagne,,,,, Italie Portugal Belgique,,,,,,,,,,,,, -, 99 -, -, 99 -,, Graphique c Spread des taux ans (%, vs Allemagne),, Autriche Grèce,, Finlande Irlande,,,,,, -, 99, -, Flash N p.
Graphique a Spread des taux ans (%, vs Allemagne) Estonie Graphique b Spread des taux ans (%, vs Allemagne) Lituanie - - La ou la ont ainsi des déficits publics très importants et des coûts d emprunt à ans supérieurs de moins de points de base par rapport à ceux de l Allemagne. Synthèse : la «malédiction» des unions économiques et monétaires incluent des petits pays Comme on vient de le voir, la présence de petits pays dans une union économique et monétaire fait courir plusieurs risques : - déclenchement de la concurrence fiscale, par effet de taille ; - mise en place d une structure de la fiscalité, inacceptable du point de vue de l équité ; - déficits publics généralisés, si les baisses de taux d imposition des différents pays s annulent ; - absence de discipline publique sur les petits pays, qui sont trop petits pour que leurs choix (de déficits budgétaire ou extérieure d inflation) aient des effets visibles sur l union, donc soient combattus ; - absence de discipline venant des marchés financiers. Ces petits pays agiront, donc, comme «passagers clandestins» vis-à-vis des grands pays. p. Flash N