Archivage et conservation des archives informatiques. L'expérience belge



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Transcription:

Archivage et conservation des archives informatiques. L'expérience belge par Jean PIEYNS Archives de l'etat - LIÈGE 709

Donnons tout d'abord une définition de ce que sont les archives informatiques et essayons de cerner la réalité qu'elle recouvre. Le Comité de 1'1 nformatique du Conseil 1nternational des Archives sous la rubrique: Archives informatiques, Machine-readable archives, Datenarchiv de son glossaire des termes informatiques à l'usage des archivistes propose le texte su ivant : "ensemble d'archives traditionnelles et d'archives à lecture automatique comprenant: des documents préparatoires, des bordereaux de collecte, des documents de traitement et des produits de sortie obtenus par des procédés informatiques". Cette définition peut, croyons-nous, être acceptée par les professionnels et les usagers des archives, car elle -rencontre tout ce que représentent les archives informatiques. En effet, si les arch ives traditionnelles ; dossiers, registres, etc... ne nécessitent, si on peut dire, pour leur archivage qu'une étude préliminaire d'identification du document; origine administrative principalement, et d'appréciation de sa valeur documentaire et/ou historique avant que ne soit prise la décision de conservation à terme ou définitive et si les résultats de cette ou de ces études sont consignés dans l'introduction à l'inventaire d'archives ou dans des ouvrages ou des articles spécialisés, on peut affirmer qu'en ce qui concerne les archives informatiques, il faut dès l'abord aussi, les considérer comme des archives no'rmales ou traditionnelles sans tenir compte du support matériel qui les conserve. La première démarche de l'archiviste restera donc à leur égard la même que celle qu'il entreprend pour les archives traditionnelles. Ce n'est qu'au moment où une décision de conservation temporaire ou définitive aura été prise et qu'on procèdera effectivement à l'archivage qu'on devra se préoccuper d'adjoindre au "fonds" constitué par ces archives informatiques une série de documents supplémentaires dont il est fait mention dans la définition. Quels sont ces documents? Nous nous limiterons ici à citer les plus importants: a) la fiche technique informatique qui comprendra l'identification du support: bande magnétique, par exemple, accompagnée des spécifications propres au support: longueur, densité, étiquetage, facteur de blocage... et sa référence dans les collections; b) les documents relatifs aux enregistrements contenus sur ce support ou dans ce "fichier" : localisation, longueur, format: description et contenu des différentes zones, types de séparateur, etc...; c) le dossier, le plus complet possible, relatif à la genèse et à la signification du document, y compris les listes des codes éventuellement utilisés dans les enregistrements avec leur signification. Voilà esquissé très largement ce que sont les archives informatiques. Belgique, c'est ce que nous allons essayer d'examiner maintenant. Qu'en est-il de leur sort en 711

L'informatisation des Administrations belges s'est développée à tous les niveaux depuis plus de vingt-cinq ans. Tous les niveaux administratifs sont touchés par ce phénomène: administrations centrales, provinciales, communales, parastataux. Tous les fichiers créés dans le cadre de ces applications informatiques n'ont évidemment pas la même valeur administrative ou, à plus long terme, historique. On peut estimer, chiffres de référence fournis à la fois et indépendamment par des services nationaux d'archives, tels le National Archives and Records Service de Washington D.C. et les Archives Nationales suédoises, que seulement 5 à 10% de cette masse documentaire méritera, après étude archivistique, la conservation définitive. Certains documents s'attireront une attention particulière: ce sont les' grands fichiers nationaux, nous pensons notamment ici à ceux du Registre National, aux documents primaires des recensements décennaux détenus par l'i.n.s., à toutes les collections d'intérêt général. En tout état de cause, la masse documentaire est considérable. Ce problème de la quantité peut être résolu, ne disons pas facilement, mais de façon très satisfaisante, si ne venaient s'y greffer des problèmes techniques. En matière d'informatique, c'est une évidence de dire que la technologie subit une évolution galopante. Pour des raisons d'efficacité et de rentabilité, les Administrations utilisatrices de l'ordinateur ont suivi cette évolution du mieux qu'elles pouvaient. Malheureusement, elles n'ont pas toujours songé que des archives créées il y a quelques années ne pouvaient plus, pour des raisons techniques, être "lues" sur le matériel actuellement disponible. Dans ce cas, les Archives se doivent de pallier le mieux qu'elles peuvent ce manque. Dès qu'un archivage aura été effectué, un de leurs rôles sera de maintenir les documents dans un état permanent d'accessibilité sur le matériel contemporain. En ce qui concerne l'avenir, on sait déjà maintenant qu'on disposera bientôt de moyens de conserva tion de l'information beaucoup plus compacte et beaucoup plus fiable que ceux dont nous disposons. Le disque dur à laser existe déjà. Quelle sera concrètement l'activité des Archives de l'etat dans l'archivage de ces nouvelles archives? Le plan de travail déterminé comprend deux étapes préliminaires avant l'archivage proprement dit, à cela s'ajoute le problème, combien important, de l'aspect légal de la question. On a entrepris, aux Archives de l'etat, une enquête générale afin de connaître et localiser les Administrations centrales, provinciales, communales et autres susceptibles d'utiliser l'informatique dans les tâches qui leur sont dévolues et afin d'avoir une évaluation de la quantité de documents 712

informatisés qu'elles conservent. Sans attendre la fin de cette entreprise, dès qu'on a eu les résultats d'un cas précis, on commence une étude archivistique complète des documents, à savoir: leur origine, leur genèse, leur utilité, leur valeur administrative. et, ultérieurement, historique, leur nombre pour conclure dans les meilleurs délais à une décision de conservation définitive ou non. On passera ensuite. à l'archivage. Cette procédure classique du métier d'archiviste devrait pouvoir être facilitée par l'existence de dispositions légales précises et spécifiques. Malheureusement, nous ne sommes pas suffisamment armés en la matière. La loi des archives existe, elle est claire, mais, datant de 1956, elle n'a pas pu prévoir le cas des archives informatiques et la nécessité d'agir à leur égarddans un délai très largement plus court que pour les archives traditionnelles. Disons tout de suite que des Administrations déjà contactées comprennent ce fait et ne se retranchent pas immédiatement derrière cette. loi. Une révision ou des amendements à cette loi s'imposent rapidement. De même que devient urgent, dans le cas qui nous préoccupe ici, d'obtenir la publication des textes légaux, actuellement à l'étude par le législateur, sur la protection de la vie privée. De telles lois existent déjà dans de nombreux pays. Concrètement, qu'ont fait les Archives de l'etat pour l'archivage et la conservation des archives informatiques? Outre l'enquête signalée plus haut, on s'est livré à un travail de prospection et d'étude sur la méthodologie à appliquer, principalement du point de vue technique. Ces exemples ont été pris et étudiés dans des pays qui disposent à l'heure actuelle d'une expérience certaine dans ce domaine: U.S.A., Canada et Suède, principalement. Grâce à l'obligeante collaboration de certaines Administrations, les Archives ont reçu leurs premières archives informatiques. Nous allons décrire ici la façon dont matériellement elles ont procédé pour archiver ces documents, créer le catalogue de ces fichiers, prévoir leur maintenance et leur conservation matérielle. Au stade de l'archivage, l'administration versante transfère aux Archives de l'etat une copie des bandes magnétiques; ces copies sont accompagnées d'un dossier complet d'identification des fichiers tel que nous l'avons décrit plus haut. En fonction de ces données, les.archives copient ces bandes dans leur propre bandothèque en essayant de réduire au maximum l'espace occupé par ces documents. C'est ainsi que ladensité des bandes archivées est de 6250 BPI et que le facteur de blocage est le plus élevé possible. Certains problèmes se sont présentés; le plus important fut que la densité 713

primitive des bandes versées était de 800 BPI et que cette densité n'est plus guère utilisée dans les Centres de Traitement; heureusement, le Centre auquel nous nous adressons possédait encore l'équipement nécessaire et on a pu sauter cet obstacle. A chaque copie d'un fichier sur les bandes de conservation, on a créé une fiche documentaire informatisée comprenant un certain nombre de renseignements: 1) Numéro de la bande, c'est-à-dire sa référence dans la bandothèque; 2) la densité utilisée; 3) le numéro du fich ier sur la bande; 4) le nom du fichier, en fait son DSN; 5) la longueur d'un enregistrement logique (LRECL); 6) le format de l'enregistrement (RECFM); 7) le facteur de blocage; 8) le nombre d'enregistrements; 9) la date de création par l'administration; 10) la date de première copie par les Archives de l'etat; 11) la date du dernier "back up", c'est-à-dire de la dernière exécution des copies de sécurité et de renouvellement de ces copies; 12) la' cote de référence dans un fichier des documents fournis par l'ordinateur au cours des opérations sub 10, 11 ou 13; 13) les références aux deux autres copies de sécurité créées par les Archives; 14) un code identifiant le Ministère dont sont originaires les documents; 15) un code identifiant la Direction; 16) un code identifiant le Service; 17) la référence au dossier de versement, conservé dans une collection qu'on appellera Catalogue général descriptif; 18) une rubrique Remarques. Ces divers points sont suffisamment explicites. En ce qui concerne le point 17, pour des raisons pratiques et de future consultation, il est prévu que ces dossiers serontcopiés sur microfiches et conservés ~ous cette forme. Ce fichier documentaire, grâce à deux séries de programmes d'ordinateur, va servir d'une part à créer un catalogue des fichiers conservés, d'autre part à gérer le "fonds des archives. informatiques". Le catalogue se présente sous la forme de pages de listing où les diverses rubriques mentionnées plus haut sont disposées et titrées de telle sorte que sa consultation soit aisée. Il sera accompagné de tables permettant de s'y orienter. Ces tables sont évidemment confectionnées automatiquement. 714

Une saine gestion d'archives informatiques exige actuellement la recopie périod ique des bandes archivées. Les normes que nous avons adoptées sont les suivantes: une bande originale, deux copies de sécurité; tous les deux ans, recopie successive des trois bandes. On prévoit qu'un programme, déjà écrit et testé, traitera le catalogue et fournira automatiquement chaque semaine la liste des fichiers à traiter de cette façon et mettra à jour ce catalogue. La conservation matérielle des bandes se fait actuellement dans des armoires spéciales; ultérieurement et selon l'importance que prendra ce fonds, on envisagera l'aménagement d'une salle spéciale: ignifugée et munie d'un conditionnement d'air. L'expérience se développe actuellement sous les meilleurs auspices et nous espérons bien que lorsqu'on atteindra la phase définitive, nous serons en mesure de remplir à l'égard des archives informatiques, le rôle que nous avons toujours joué à l'égard des archives traditionnelles. 715