Ouvrage collectif piloté par le CFMD sous la direction du général Baudouin ALBANEL Le management au Ministère de la Défense, 2004 ISBN : 2-7081-3042-0
Introduction Baudouin Albanel par le général de division aérienne Baudouin ALBANEL, directeur du centre de formation au management du ministère de la Défense (CFMD) Manager à la Défense, ce dont il s agit Depuis le premier choc pétrolier, il y a 30 ans, le rôle de l État a profondément changé de nature pour s adapter aux évolutions de l économie et de la société. Depuis plus de dix ans, face à la montée de la mondialisation et des technologies de l information et de la communication, une nouvelle forme de management public se met en place. Le ministère de la Défense a su anticiper et s adapter à ce nouveau contexte. Au sein d un ministère spécialisé dans le commandement, le management a progressivement acquis ses titres de noblesse. En effet, le management définit une nouvelle manière de diriger avec comme objectifs d optimiser les ressources et d améliorer les résultats. Le management pour une entreprise consiste à conduire les différentes entités pour mener à bien des projets complexes en donnant du sens à l action de chaque acteur et en développant les capacités de chacun dans un climat de confiance réciproque (Jean-Louis Beffa). Même si dans le secteur public, les notions de profit et de rentabilité ne constituent pas des priorités, la définition du président de Saint-Gobain pourrait s appliquer à la défense. Le centre de formation au management du ministère de la Défense (CFMD), en collaboration avec ses correspondants, a défini le management comme la «direction, dans un contexte donné, d équipes ayant à définir et à atteindre en commun des objectifs en privilégiant la recherche de la performance par une mobilisation optimale des ressources». Très longtemps soupçonné d appartenir à la sphère de l entreprise privée, dont il est effectivement issu, et d avoir des visées exclusivement axées sur le profit, le management public, après avoir acquis et démontré ses spécificités, a désormais droit de cité. Il est reconnu de manière incontestable. Il a trouvé sa place dans le secteur public, une place à part entière, avec son génie et ses cadres propres. S il est un milieu où l élaboration des ordres et des directives, leur transmission, leur interprétation, leur mise en œuvre et l évaluation de leurs résultats, en un mot le
6 Le management au ministère de la Défense commandement, constituent une composante forte, c est bien celui des armées. Et c est précisément là que le commandement s est enrichi en évoluant dans certains cas vers le management. Les armées, dans ce vaste mouvement inéluctable, ont depuis longtemps joué, et jouent plus que jamais, un rôle de précurseur et d éclaireur. Les raisons d être d un tel ouvrage Le présent ouvrage n a pas la prétention d apporter de théories nouvelles en matière de management. Il se veut un état des lieux sur les pratiques managériales au sein du ministère de la Défense et prétend apporter au lecteur des pistes de réflexions sur les différentes facettes complémentaires que comporte le management. Peut-être constituera-t-il pour d autres institutions une source de «benchmarking»? À cet ouvrage collectif, il faut le souligner, ont contribué des personnalités de très haut niveau, des universitaires, des spécialistes du management, des praticiens également mais aussi quelques hauts managers de la défense. La variété des approches et la hauteur de vue dont ils ont fait preuve renforcent l intérêt de l ensemble. Cependant, tous les thèmes du management n y sont pas abordés avec la même intensité. La diversité du champ d action de ce mode de gestion a conduit à faire des choix, certes subjectifs, mais permettant d acquérir une vision juste de la situation actuelle du ministère de la Défense en la matière. De la modernisation de l État Cette publication s inscrit dans le vaste mouvement de réforme qui parcourt l ensemble de l État et dans lequel le ministère de la Défense joue un rôle de premier plan, pour au moins deux raisons principales : D abord, une aptitude avérée à se réformer, comme en témoigne l immense chantier mené à bien, que constitue la professionnalisation des armées. Ensuite, une tradition confirmée de planification et de programmation exercée au travers du plan prospectif à 30 ans, du modèle d armée 2015 et des lois de programmation militaires successives. Se fixer des objectifs pluriannuels et évaluer les résultats obtenus constituent les étapes d une démarche déjà bien ancrée au ministère de la Défense. En effet, quel autre département ministériel s est doté depuis aussi longtemps d un document inscrit dans la loi, lui traçant la voie pour les années à venir et le dotant des moyens nécessaires? Le vote de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), réformant l ordonnance du 2 janvier 1959, vient de donner à la réforme de l État un puissant coup d accélérateur et ouvre des perspectives nouvelles aux travaux engagés depuis plus d une décennie. En faisant passer l administration d une logique de moyens à une logique de résultats, l enjeu de la LOLF pour l administration, est d arriver à mettre en œuvre un système de gestion de la performance, comme l ont déjà fait d autres pays européens.
Introduction Baudouin Albanel 7 Au-delà de la mise en application, pour 2006, de la réforme budgétaire et comptable, il s agit aussi d un vaste chantier visant à la refondation de la gestion publique. La logique de l ouvrage L ouvrage est construit sur une logique simple qui est de définir dans un premier temps ce dont il est question, le management, avant d en décrire les différentes approches, stratégiques et opérationnelles, ainsi que les grands domaines tout en essayant d aborder les questions clés que les managers se posent. La participation de 50 auteurs permet de donner au lecteur plusieurs points d entrée avec des approches différentes et complémentaires. Le premier chapitre, après quelques éléments de définition du management, a pour finalité de poser la problématique du passage d un État providence, sans véritable management, à un État déjà soucieux d atteindre des résultats préalablement définis et déjà préoccupé de mettre en place de nouveaux modes de management davantage fondés sur la transversalité, la délégation, l autonomie et la subsidiarité. Il permet ensuite une comparaison, toujours délicate au ministère de la Défense, entre management et commandement. Ces deux termes ne s opposent pas, ils doivent simplement être distingués. L un et l autre sont deux styles de direction d équipes qui ne s appliquent pas indifféremment aux mêmes contextes et aux mêmes activités. Ce chapitre évoque, également, le basculement opéré en 1989 suite à la chute du mur de Berlin et à la réduction des crédits consacrés à la défense qui s en est suivie. Enfin, il aborde l importance aujourd hui du management et du métier de manager au sein du ministère de la Défense : comment la formation peut permettre, sous certaines conditions, de dépasser les points de résistance susceptibles d apparaître tout en développant l esprit managérial. Le deuxième chapitre constitue une des parties essentielles de l ouvrage. Il traite d un domaine où le ministère de la Défense possède une longue expérience, voire une longue tradition. La gestion par objectifs à atteindre et par résultats à obtenir, au sein de programmes ministériels, ou a fortiori de missions interministérielles, va entraîner, de manière inéluctable, la mise en œuvre de stratégies radicalement nouvelles. Après avoir identifié les enjeux prioritaires dans le cadre de la planification, il convient d en décliner les grandes orientations et les choix majeurs avec la loi de programmation militaire. Les tâches du quotidien, de plus en plus nombreuses et urgentes, réduisent notablement la capacité d anticipation des dirigeants. Ce constat a conduit certains services à se doter de centres de prospective dégagés des contingences du court terme et destinés à fournir à la hiérarchie des analyses de fond assorties d éléments d anticipation présentés selon des scénarios différents. Après avoir présenté les évolutions successives des modes d organisation, et les différents types de management associé, le troisième chapitre présente les systèmes d orga-
8 Le management au ministère de la Défense nisation modernes qui permettent, plus que les structures traditionnelles de type vertical, une souplesse accrue dans la décision et le mode de management. Le quatrième chapitre est, quant à lui, consacré aux démarches de pilotage et de mise sous contrôle qu implique une profonde mutation vers une culture du résultat. Si ces démarches constituaient un progrès, elles sont devenues désormais, LOLF oblige, une exigence. Rendre des comptes, la Constitution elle-même y contraint le gestionnaire. Apprécier à termes réguliers l avancement d un projet procède d une véritable logique de pilotage de la performance, s appuyant sur l audit, la qualité et le contrôle de gestion. Ce dernier, d ailleurs, est à distinguer nettement de l évaluation des politiques publiques, également objet de ce chapitre. Si l évaluation constitue la phase terminale du long processus d élaboration et de mise en œuvre d une politique publique, le contrôle de gestion, lui, est l outil d un pilotage qui s exerce en continu, en amont et en aval de l action. L évaluation d une politique publique consiste à comparer ses résultats aux moyens qu elle met en œuvre et aux objectifs initialement fixés. Le but recherché est l efficience de la structure publique. Passant d une logique de moyens utilisés à une logique de résultats à obtenir, les gestionnaires devront viser à une plus juste adéquation des facteurs humains et financiers avec les besoins en organisation déterminés par les objectifs qu ils poursuivent. S agissant des ressources humaines, objet du cinquième chapitre, un choc démographique sans précédent a déjà commencé. Environ la moitié des fonctionnaires vont partir à la retraite dans les quinze prochaines années tandis qu arriveront sur le marché du travail des classes d âge moins nombreuses. Il s agit donc d abord de recruter et surtout de fidéliser le personnel tout en envisageant sa reconversion en fin de carrière. Le nouveau contexte budgétaire favorise tout naturellement le passage d une logique quantitative, caractérisée par l expression de besoins en effectifs à une logique d analyse des emplois et de recherche des compétences nécessaires à l accomplissement de la mission. Le sixième chapitre montre à quel point un dialogue social de qualité constitue, par la négociation et la concertation, une condition de réussite des opérations de changement. Tout le monde s accorde aujourd hui pour considérer qu il n est pas réaliste d ambitionner de rendre performante une organisation sans un investissement très lourd dans la gestion de ses ressources humaines. C est avec les hommes et les femmes qui composent l organisation que le changement peut s effectuer. La modernisation de l administration se fera avec les agents publics, quelle que soit leur place dans la hiérarchie des fonctions, ou elle ne se fera pas. L externalisation, comme sa variante interne la mutualisation, développée dans le septième chapitre, occupe depuis quelques années une place croissante dans la conduite du fonctionnement de l État. Elle constitue un des outils mis à la disposition du décideur consistant à passer du «faire» au «faire faire». Le recours à l externali-
Introduction Baudouin Albanel 9 sation correspond à la nécessité de se recentrer sur le cœur de métier et de rechercher des sources d économie. Celles-ci peuvent être obtenues en rationalisant les organisations et les structures avec, notamment, la mutualisation systématique des charges entre les différentes composantes de la Défense, avec d autres ministères ou collectivités, voire avec d autres nations. Elles peuvent également provenir d externalisations bien ciblées. Le huitième chapitre présente les enjeux de la modernisation de l État, les défis qui restent à relever pour un État moderne, rationalisé en termes d efficacité et de moyens nécessaires à l accomplissement des missions, tourné enfin vers la satisfaction d un usager devenu client. Dans ce vaste mouvement, le ministère de la Défense joue un rôle prépondérant et moteur. Les deux dernières décennies et les réformes de fond qui les ont jalonnées témoignent de sa capacité à se réformer. S il est communément admis que c est sous la contrainte et la pression des événements que bouge une organisation, les principes novateurs de la LOLF constituent à cet égard un puissant aiguillon du changement et un ensemble d opportunités à saisir. Enfin, en annexe, un organigramme du ministère de la Défense ainsi qu un glossaire des sigles sont proposés afin de permettre à tous les lecteurs de cet ouvrage, qu ils appartiennent ou pas au ministère de la Défense, de se repérer au sein d une structure complexe dont la caractéristique première est de s exprimer en sigles, chaque sigle identifiant une entité particulière. Un histogramme relatif à l évolution des effectifs du ministère depuis 1990 permet de mieux mesurer l impact de la professionnalisation des armées.