«Quel travail dans 20 ans?» Démarche prospective conduite par ARAVIS Laurent BALAS Directeur ARAVIS l.balas@aravis.aract.fr
Sommaire La démarche conduite par ARAVIS Résultat : 5 scénarios d avenir Les grandes tendances autour desquelles se cherchent de nouveaux équilibres
La démarche Aravis a marqué 2010, l année de ses vingt ans, en engageant une démarche de prospective sur le thème «Quel travail dans 20 ans?» L objectif : Mettre à disposition des acteurs politiques, économiques et sociaux, une réflexion sur l évolution du travail et mettre en évidence des enjeux à moyen et long terme. La démarche : La méthodologie du cabinet Futuribles : La méthode des scénarios Une démarche collective avec différents points de vue (80 acteurs de la régions mobilisés ) 3 étapes : La définition du sujet avec l identification de 21 variables clefs L exploration des évolutions possibles de chaque variable La construction des scénarios exploratoires
Les variables Thème 1 : Contexte socio-économique 1 La division internationale du travail 2 Le rôle des acteurs publics dans l économie 3 Le marché du travail en France 4 Changements technologiques majeurs 5 La couverture des risques sociaux Thème 2 : Entreprises et activités économiques 6 Les modèles de consommation 7 Nature des activités productives et répartition sectorielle de l activité 8 Modes de gouvernance des entreprises 9 Relation des entreprises entre elles Thème 3 : Organisation du travail 10 Organisation de la production 11 Formes d emploi et contrat de travail 12 La place de l encadrement dans l organisation 13 GRH de l entreprise Thème 4 : Les régulations du travail 14 les objets de la régulation 15 les formes de la régulation 16 les acteurs de la régulation 17 les cadres de la régulation Thème 5 : La valeur Travail 18 Valeur du travail pour la personne 19 Articulation vie prof, vie perso, vie sociale 20 Les parcours professionnels 21 Place du travail dans la société 28/09/2012 N 4
La fin des collectifs de travail Responsabilité sociétale Des normes à tous les niveaux Le devoir de travail Produire hors emploi
2 scénarios tendanciels 1. La fin des collectifs de travail vers une judiciarisation des relations professionnelles Pour garantir leur place dans un modèle hyper compétitif, les entreprises structurent leur fonctionnement autour d'une individualisation du travail poussée à son paroxysme. Le modèle de contractualisation employeurs/salariés s'apparente aux modèles commerciaux clients/ fournisseurs. La notion de collectif de travail s'efface devant celle de collection d'individus. On assiste à une judiciarisation des relations professionnelles et à un éclatement des processus de régulations sociales. Le travail ne joue plus son rôle de construction sociale et la réalisation de soi par le travail est devenue un luxe réservé à une minorité.
2 ème scénario tendanciel 4.Le devoir de travail accepté pour préserver un minima social dans le scénario 1 l'etat se désengage progressivement d'une politique d'appui au développement économique et de protection sociale, dans celui-ci, l'etat impose "un devoir de travail», face à une liste de risques sociaux qui a plutôt tendance à s'allonger (notamment sous l effet du vieillissement de la population) Pour les demandeurs d'emploi, on est passé d'une obligation de recherche active d'emploi à une obligation de travail en mettant en place différents niveaux d'incitation et de sanction. La population, qui comprend une part grandissante de séniors, accepte ce marché pour se garantir une "sécurité sociale" minimale.
3 Scénarios de ruptures (1/3) 2. Responsabilité sociétale L'engagement de tous sur le territoire La prise de conscience des dysfonctionnements du monde du travail et de ses excès se conjugue à des tendances plus positives telles que la consommation éthique et responsable, le développement des modes collaboratifs en réseau, le développement de modes de management plus participatifs Elle ne remet pas en cause le système économique actuel mais permet d'envisager un futur fait de multiples ajustements : L'approche locale et des dynamiques territoriales deviennent prépondérantes. Les notions de responsabilité des entreprises en matière d'environnement, de responsabilité sociale, de sécurisation des parcours... s imposent
2 ème scénario de rupture (2/3) 3. Des normes à tous les niveaux Pour un "modèle social et environnemental européen" Après une crise sociale d'envergure, l'europe, sous l'impulsion de plusieurs grands états, développe des mesures protectionnistes en s'accordant sur des politiques normatives. L Etat reprend la main et construit un modèle socio-économique en éditant des règles, lois, normes pour affirmer le droit à un travail décent pour tous : une standardisation des modèles de gestion, un contrôle accru et des pénalités conséquentes en cas de non respect des règles. Le bonheur est orchestré, les individus abandonnent toute forme d'accomplissement individuel au profit d'une "sécurité sociale" accrue.
3 ème Scénario de ruptures (3/3) 5. «Produire hors emploi» quand "le prix à payer" pour travailler s'avère trop élevé Une rupture forte s est produite, résultant d'un double phénomène : Le dysfonctionnement de la sphère travail : conflits violents liés à la précarité de l'emploi et à la dégradation des conditions de travail. Le souhait de réinvestir sa vie personnelle. Pour une frange de plus en plus importante de personnes, le travail en entreprise n'est plus la priorité L activité prend le pas sur le travail salarié. On assiste à une limitation des dépenses en instaurant des modes de fonctionnement mutualisés et à un modèle économique parallèle (Réseau d entraide, troc, dons.). Les liens sociaux sont investis en priorité : Les espaces de temps ne sont pas pensés en fonction du salaire mais des «formes de sociabilité». Pour lutter contre un risque d'éclatement de la société civile et du monde économique, les acteurs du territoire tentent de développer, à leur niveau, un véritable dialogue sociétal.
Grandes tendances pour de nouveaux équilibres 1. L'individualisation du travail 2. La perméabilité des frontières entre la sphère professionnelle et la sphère privée 3. L évolution des modèles de contractualisation 4. Une fracture sociale entre salariés 5. Le renouvellement et l élargissement du cercle des acteurs de la régulation 6. Des intentions éthiques et des contraintes par la norme, les règles
L'individualisation du travail organisation du travail : éclatement des collectifs de travail lié notamment à la montée en puissance des services, au développement du télétravail, de nouvelles technologies : les outils de travail nomades (perte d'unité de temps et de lieux), responsabilisation des salariés, individualisation des objectifs GRH : individualisation de la rémunération, du temps de travail, diversité des modes de contractualisation (type de contrat, durée ), évaluation individuelle, formation (DIF) De droit du travail : avec le passage de protections et de garanties collectives à de plus en plus de place à la négociation individuelle
Individualisation : conséquences Il en résulte une tension entre : D'un côté, la revendication d'une culture du choix, chacun affirmant son autonomie, sa capacité d orienter son action sans être contrôlé et contraint. De l'autre, les risques liés à l'individualisation (isolement, inéquité ou ségrégation liés à la capacité de négociation, compétition, perte de la dimension sociale, difficile solidarité ) Par ailleurs, on peut supposer que la forte individualisation du travail vient percuter une des attentes majeures /travail autour de la relation sociale, les relations avec les collègues, l'attachement au collectif de travail
La perméabilité des frontières entre la sphère professionnelle et la sphère privée Remodelage des temps de travail : Concentration du travail sur une période de vie de plus en plus courte (25/55 ans) pendant laquelle il faut tout concilier (difficulté pour les femmes), Evolution de l'organisation du temps de travail : horaires "atypiques», allongement des journées de travail notamment pour la population cadres et techniciens supérieurs, horaires imprévisibles (travail à l'appel) ou journées hachées (caissières), TIC Nouvel aménagement de lieux de travail : Dans les trains, les gares, les aéroports, les hôtels, les cafés mais aussi par la création de mobilier à usage multiple (table de salon qui se transforme en bureau chez Ikéa ou Vétra ) Développement de projets notamment concernant la "Qualité de vie au travail" ou "Bien être au travail" qui intègrent un certain nombre de facteurs parmi lesquels le fait de pouvoir concilier vie au travail et vie privée.
La perméabilité des frontières, conséquences Une aspiration collective de mieux concilier vie au travail et vie privée (enquête EVS) Des frontières de plus en plus floues entre vie au travail et vie privée du fait notamment d'un temps et des lieux de travail de moins en moins marqués.
L évolution des modèles de contractualisation de nouvelles formes d emplois «hybrides» entre travail salarié et travail indépendant. Des formes d emplois «triangulées» : intérim, portage salariale, groupement d'employeurs Un passage du contrat de travail au contrat commercial : contrat d'exclusivité dans le secteur assurance/banque/immobilier, sous-traitance d'activité précédemment salariée à des auto-entrepreneurs (changement de statut pour un même individu) Des stages en tout genre au sein de projets de formation, en début ou en cours de parcours professionnels, qui permettent de «mettre un pied» dans l emploi et institutionnalisent un quasi salariat, Des cumuls de temps partiels voire très partiels, avec des statuts de salariés qui pourraient s'apparenter à des statuts d'indépendants Des frontières entre statuts de plus en plus floues. Ce qui fait dire à Jean-Daniel Reynaud (La théorie de la régulation sociale Sociologue) : «Ces politiques modifient en effet en profondeur les termes de l échange salarial : l échange traditionnel (stabilité de l emploi contre subordination) est remplacé par celui de l employabilité contre la performance de l entreprise.»
Contractualisation, conséquences Dans un contexte de crise économique et de l'emploi, il en résulte une tension entre : Les attentes des individus (besoin de sécurité et besoin d'autonomie) et des entreprises (performance, sécurisation de la ressources...) Les termes de l'échange liés au contrat qui lient les parties.
Une fracture sociale entre salariés un noyau de travailleurs salariés «stables» qui se réduit, et une main d'œuvre d'appoint de travailleurs temporaires, intérimaires, à temps partiels, voire très partiels. L'émergence de formes particulières d emploi, notamment pour les moins qualifiés mais aussi pour l'entrée en emploi ou les fins de carrière Le développement des temps partiels avec une augmentation du sous-emploi Des parcours de plus en plus subis Une fracture renforcée par la représentation syndicale qui varie avec le statut d emploi (TS 9,5 % pour les CDI temps plein, 6,1% pour les CDI temps partiel, 2,4% pour les CDD et intérim) La constitution d'une sorte de banlieue du travail salarié dans lequel on retrouve un nombre croissant d'exclus volontaires ou involontaires.
La fracture sociale, des questions Le rôle du travail dans la construction individuelle et sociale en matière d identité professionnelle (rapport à l'œuvre), d'apprentissage des rapports sociaux (faire ensemble), de formation, de capacité de projection une fracture intergénérationnelle (les seniors défendent plus fortement la valeur travail) et de nouveaux positionnements politiques (workfare travail contre prestation) Des modalités d'inclusion/exclusion du travail qui interrogent les politiques de sélection et d'accompagnement à l'intégration de l'entreprise.
Le renouvellement et élargissement du cercle des acteurs de la régulation Un élargissement des signataires potentiels d'accords collectifs Une judiciarisation des conflits : des plaintes auprès des services de travail, des procédures juridiques TIG, saisines des conseils de prud'hommes Un recours croissant à des tiers (experts consultants, organismes de certification, coachs, médiateurs) / complexification du droit du travail et des obligations, nouveaux thèmes de travail (TMS, RPS) mal maitrisés par les acteurs internes de l'entreprise, besoin de prise de distance L entrée en scène d acteurs extérieurs au système de relations professionnelles qui viennent peser de manière plus informelle sur sa régulation : ONG, associations, agences de notation sociale qui agissent en dénonçant les conditions de réalisation de l activité productive et leurs conséquences sur les salariés, l environnement, les économies locales, etc.
Le renouvellement et élargissement du cercle des acteurs de la régulation Il en résulte : Une complexification du système d'acteurs et une difficulté à organiser le système de régulation Une difficulté des acteurs internes à prendre toute leur place en matière de régulation
Des intentions éthiques et des contraintes par la norme, les règles Le nouvel environnement économique international amène un climat éthique dans l entreprise et le besoin d adapter les pratiques managériales. Des concepts développés par les organismes internationaux : "Travail décent", "la RSE/RSO", "Qualité du travail et de l'emploi", De nouvelles normes (Iso 26000), Une obligation de négocier ou d'impliquer l'ensemble des acteurs, imposée par l'état ou les pouvoirs publics territoriaux Des rapports, démarches et outillages proposés par des intervenants externes : Bien être et efficacité (Rapport Lachmann), baromètre du bienêtre au travail (Bernard Julhiet/IPSOS/La tribune), Guide d'éthique organisationnelle (centre d'expertise GRH, Québec), SQVT (Réseau ANACT)
Normes et éthique Une tension pour l'entreprise entre : Un devoir d'éthique : "L entreprise doit se comporter de manière responsable vis-à-vis de l environnement et ses partenaires tout en restant économiquement efficace«. Et une mise "en musique" sur le terrain qui nécessite une élaboration collective et un débat régulier pour arbitrer, prioriser, faire des choix entre des dimensions quelque fois contradictoires à un temps donné. Ces mises en débat nécessitent des règles mais aussi des compétences pointues (gouvernance de projet, temporalité, système de concertation/décision, diversité de points de vue, égalité des acteurs ) pour rendre efficientes ces approches participatives.
Pour retrouver ces éléments : www.queltravaildans20ans.com et aussi : www.aravis.aract.fr www.anact.fr