Comment mieux ouvrir la fonction publique aux personnes handicapées? Conférence-débat n 2 Bernadette MOREAU, Directrice de la Compensation à la CNSA ; Professeur Alain DOMONT, Professeur à l Hôpital Corentin Celton d Issy-les-Moulineaux ; Audrey HENOCQUE, Directrice des Ressources humaines du Conseil général du Rhône ; Jean-Robert MASSIMI, Directeur général du CNFPT ; Jean-François de CAFARELLI, Directeur général du FIPHFP. La table-ronde était animée par Vincent LOCHMANN, Rédacteur en chef de Vivre FM. I. Introduction (Jean-Robert MASSIMI) Le CNFPT a choisi de faire de l accompagnement des politiques publiques, et en particulier de l accompagnement de la politique d emploi des personnes handicapées, une priorité. Il se devait dans ce cadre d aider les collectivités locales à appliquer la loi de 2005 et à ouvrir la fonction publique aux personnes handicapées, qu il s agisse du recrutement ou du maintien dans l emploi. II. La définition du handicap par la loi de 2005 (Alain DOMONT) La loi de 2005 définit le handicap comme suit : «constitue un handicap toute limitation d activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne, en raison d une altération substantielle, durable ou définitive d une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou cognitives, d un poly-handicap ou d un trouble de santé invalidant.» Elle tient compte de la situation, ce qui constitue une nouveauté essentielle, et insiste sur la compensation des capacités entre elles, dans une perspective positive. La loi souligne également la variété des handicaps, et incite, en milieu de travail, à tenir compte tant des handicaps visibles que des handicaps invisibles, ces derniers étant souvent mal perçus dans les collectifs de travail. Or le handicap visible n est pas majoritaire et la plupart des personnes ne naissent pas handicapées, mais le deviennent. La fonction publique est d ailleurs active sur ce point : elle assure le maintien dans l emploi de personnes ayant des difficultés de santé, et qui ne sont trop rarement reconnues Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 1
comme handicapées. La loi invite par ailleurs à veiller aux conditions de travail, afin qu elles ne soient pas génératrices de handicap. III. L évaluation des capacités d une personne handicapée 1. L évaluation médicale (Alain DOMONT) Travailler nécessite trois types de capacités : la capacité professionnelle ; la capacité sociale ; la capacité médico-psychologique. Les médecins accompagnent les personnes dans le cadre des soins, puis passent le relais à différents acteurs. Ils sont essentiellement formés à détecter les incapacités fonctionnelles, et non à les mettre en perspective en fonction des situations de vie et de travail. Seuls les médecins du travail sont en mesure d évaluer les nécessités d adaptation des postes de travail. 2. L évaluation de la capacité de travail par les Maisons départementales du handicap (Bernadette MOREAU) La loi de 2005 introduit le droit à compensation pour les personnes handicapées. Il s agit d aider ces personnes à trouver un emploi, par la formation, et de les maintenir dans l emploi, que ce soit en milieu ordinaire ou en milieu adapté. Dans ce contexte, les Maisons départementales du Handicap interviennent pour réaliser ou faire réaliser par différents experts les évaluations d employabilité d une personne handicapée, chaque situation étant traitée individuellement. Elles travaillent sur ce sujet avec les organismes de formation et le service public de l emploi, en particulier quand une réorientation professionnelle est nécessaire. La commission des droits et de l autonomie décide pour sa part de l orientation vers le milieu ordinaire ou vers le milieu spécialisé de travail et décide des aides techniques apportées à une personne pour assurer son insertion dans le milieu professionnel. Il peut s agir d une prothèse auditive, du paiement des frais de transport ou de l aménagement physique du poste de travail chez l employeur. 3. L aménagement du poste de travail (Alain DOMONT) Seuls 20 % des postes occupés par des personnes handicapées nécessitent un aménagement, qui peut consister en un aménagement des horaires, la possibilité de réaliser des soins dans la journée ou l obtention d un repas spécifique. Grâce à la loi de Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 2
2005, ces aménagements sont financés, ce qui facilite nettement le maintien dans l emploi des personnes handicapées. Dans la fonction publique, la loi ouvre les possibilités de reclassement d une personne devenue handicapée, en tenant compte de ses propres capacités. En effet, elle s intéresse à la situation individuelle de chaque personne, en faisant intervenir un réseau organisée par la Maison du Handicap. IV. L emploi des personnes handicapées dans la fonction publique territoriale 1. L accès à la fonction publique (Jean-Robert MASSIMI) Pour employer des personnes handicapées, il faut bien connaître les compétences nécessaires pour chaque poste, ce que fait la fonction publique via le répertoire des métiers et des compétences du CNFPT. Les personnes handicapées bénéficient en outre d adaptations techniques lors des épreuves des concours de la fonction publique, qui leurs sont tous ouverts. Le CNFPT propose par ailleurs des formations aux DRH et aux services des collectivités locales, afin de les aider à mieux accueillir les personnes handicapées. De fait, quand le management est sensibilisé, la volonté de recruter des personnes handicapées se manifeste plus fortement. C est pourquoi le CNFPT a rédigé un guide spécifique pour les dirigeants et les élus des collectivités de petite taille, qui rencontrent plus de difficultés à mettre en place une stratégie d accueil des personnes handicapées. Le CNFPT cultive en outre ses relations avec les MDPH, afin de mieux conseiller les élus locaux. Concernant le maintien dans l emploi, le répertoire des métiers et des compétences est très utile quand un agent doit changer de métier. De manière générale, la fonction publique facilite les reclassements. En revanche, elle fait face à une sous-reconnaissance des handicaps des agents. 2. Le rôle du fonds pour l insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) (Jean-François de CAFARELLI) Le FIPHFP collecte les fonds versés par les employeurs publics de plus de 20 salariés qui ne respectent pas la loi de 2005 et les utilisent pour aider les employeurs publics, quelle que soit leur taille, dans leurs actions de recrutement et de maintien dans l emploi des salariés. Il est géré par les employeurs des trois fonctions publiques, les représentants des salariés et les représentants des associations de personnes handicapées, tant au niveau national qu au niveau local. Le fonds participe à tout type d aides : aménagement de poste, mise disposition de moyens de transport, formation sur l accueil de personnes handicapées, etc. Il intervient de façon ponctuelle ou signe des conventions portant sur plusieurs années avec des Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 3
employeurs de taille importante, afin qu ils mettent en œuvre des stratégies spécifiques d emploi des personnes handicapées. A ce jour, tous les Ministères ont signé des conventions, ainsi qu un certain nombre de centres hospitaliers et de Départements. Le fonds intervient en outre dans le cadre de partenariats avec les organismes suivants : l AGEFIPH, pour le cofinancement des caps emplois, organismes spécialisés de placement des personnes handicapées, et pour les formations à destination des demandeurs d emploi handicapés ; les centres de gestion de la fonction publique territoriale, qui jouent un rôle de relais du FIDHFP auprès des collectivités locales. Le fonds, qui est en cours de développement, mettra en outre en place d autres actions au cours des prochains mois. V. Les actions menées par le Conseil général du Rhône en faveur de l emploi des personnes handicapées (Audrey HENOCQUE) Le Département du Rhône cherche à éviter toute discrimination, tout en souhaitant recruter des personnes handicapées éloignées du marché du travail. Ainsi, il a créé en 2008, dans le cadre de redéploiement, 90 postes en catégorie C qui leur sont adressés en priorité, ainsi qu aux salariés en reclassement car en situation de handicap. De fait, une grande variété de postes du Département du Rhône est bien adaptée pour accueillir des personnes handicapées éloignées de l emploi et la collectivité utilise cette possibilité depuis de nombreuses années. Le Département du Rhône met par ailleurs en place une politique intégrée, en utilisant les financements du FIPHFP. Il souhaite notamment développer le parcours d intégration des personnes handicapées, en faisant intervenir la DRH, la médecine de prévention et des ergonomes. Il développera également les sensibilisations et formations des services accueillant des personnes handicapées. Les difficultés essentielles pour mettre en place un tel programme consistent à dégager des ressources humaines et à entrer en contact avec les organismes spécialisés. La FIPHFP peut à ce niveau intervenir dans le financement d un prestataire extérieur assurant la rédaction d une convention. Par ailleurs, le Département du Rhône cherche à développer sa communication pour que les agents fassent reconnaître leurs handicaps. Il mettra en place une politique de discrimination positive et proposera une participation plus importante à la mutuelle complémentaire, ce qui devrait jouer un rôle incitatif, sachant que les salariés n ont aujourd hui pas réellement d intérêt à être reconnus handicapés. Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 4
VI. Débat Le Conseil général de Seine-Saint-Denis rencontre les mêmes difficultés que le Conseil général du Rhône concernant l adaptation des postes existants en fonction des handicaps des salariés qui les occupent. L effort des collectivités locales en la matière n est pas pris en charge par le FIPHFP. Ce dernier peut en effet prendre en charge le salaire des tuteurs, mais pas les salaires des agents dont la productivité serait moindre en raison d un handicap. A la Mairie de Nancy, la performance des personnes handicapées paraît plutôt plus élevée que celles des autres salariés. En revanche, les promotions restent rares, les personnes ne cherchant plus à évoluer une fois qu elles ont réussi à obtenir un poste. Le Département du Rhône emploie pour sa part des personnes handicapées à tout niveau et est très attentif à la première année de présence à un poste. Aux yeux du CNFPT, la promotion des personnes handicapées est essentiellement une question posée aux services ressources humaines des collectivités. Il n intervient qu en termes de formation des DRH. Enfin, alors que les représentants du personnel se doivent de donner un avis, en CAT, en CTP ou en Comité d Hygiène et de Sécurité, sur l emploi des salariés handicapés, ils ne savent à qui s adresser pour se former sur cette question. Ce problème devrait être résolu à l avenir, car il s agit d un des objectifs du FIPHFP, qui pourra être mis en œuvre au niveau local en fonction des besoins. Document rédigé par la société Ubiqus Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 5