SITUATION DES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES DE COTE D IVOIRE



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NATIONS UNIES Opération des Nations Unies en Côte d Ivoire ONUCI UNITED NATIONS United Nations Operation in Côte d Ivoire SITUATION DES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES DE COTE D IVOIRE UNITE DE L ETAT DE DROIT (RULE OF LAW) ONUCI JUILLET 2005 AVRIL 2006 Aout 2006 Rapport sur la situation des établissements pénitentiaires en Côte d Ivoire Juillet 2005-avril 2006 SOMMAIRE

RESUME EXECUTIF 1 A- LES ETABLISSEMENTS DE LA ZONE GOUVERNEMENTALE 7 INTRODUCTION 7 I- ADMINISTRATION CENTRALE 9 1-Structures et Organisation 9 1.1-Organigramme de la Direction de l Administration Pénitentiaire 9 1.2-Missions de la Direction de l Administration Pénitentiaire 10 2-Fonctionnement et Moyens d Action 10 2.1-Moyens humains 10 2.2-Moyens financiers 12 2.3-Moyens matériels 13 2.4-Appui des ONG et Associations 14 2.5-Mecanismes de contrôle 15 II- EVALUATION DES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES 16 1. Maison d arrêt et correction d Abengourou 16 2. Maison d arrêt et de correction d Abidjan 18 3. Maison d arrêt et correction d Aboisso 22 4. Maison d arrêt et de correction d Adzopé 24 5. Maison d arrêt et de correction d Agboville 26 6. Maison d arrêt et de correction de Bondoukou 26 7. Maison d arrêt et de correction de Bongouanou 29 8. Maison d arrêt et de correction de Bouaflé 31 9. Maison d arrêt et de correction de Dabou 33 10. Maison d arrêt et de correction de Daloa 34 11. Maison d arrêt et de correction de Dimbokro 36 12. Maison d arrêt et de correction de Divo 39 13. Maison d arrêt et de correction de Grand-Bassam 40 14. Maison d arrêt et de correction de Lakota 42 15. Maison d arrêt et de correction de Mbahiakro 43 16. Maison d arrêt et de correction d Oumé 45 17. Maison d arrêt et de correction de Sassandra 47 18. Maison d arrêt et de correction de Soubré 49 19. Maison d arrêt et de correction de Tabou 50 20. Maison d arrêt et de correction de Tiassalé 52 21. Maison d arrêt et de correction de Toumodi 53

III CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS 55 B- LES ETABLISSEMENTS DE LA ZONE SOUS CONTROLE DES FAFN 61 Introduction I- ADMINISTRATION CENTRALE 63 1-Structures et organisation 63 1.1- Structure de la direction de l Administration Pénitentiaire 63 2-Fonctionnement et moyen d action 63 2.1-Moyens humains 64 2.2-Moyens financiers 65 2.3-Moyens matériels 65 2.4-La population carcérale et les conditions de détention 65 2.5-Appui des ONG et Associations 66 II-EVALUATION DES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES 68 i -Etablissements en fonction 68 1. Prison civile de Bouaké 68 2. Maison d arrêt et de correction de Korhogo 71 3. Maison d arrêt et correction de Séguela 73 4. Maison d arrêt et de correction de Bouna 77 5. Maison d arrêt et de correction de Man 79 ii -Etablissements non fonctionnels 80 6. Prison civile de Danané 80 7. Maison d arrêt et de correction de Boundiali 83 8. Maison d arrêt et de correction de Katiola 83 9. Maison d arrêt et de correction de Odienné 84 10.Maison d arrêt et de correction de Touba 85 11.Camp pénal de Bouaké 86 III - CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS 87

RESUME EXECUTIF Le présent rapport dresse un tableau synoptique du système pénitentiaire à partir de données recueillies sur le terrain de juillet 2005 à avril 2006. Ce travail a été effectué par l Unité Rule of Law (Etat de Droit) de l ONUCI. Sans être exhaustif, il décrit les disfonctionnements majeurs du système et propose un certain nombre de mesures à prendre en vue de son renforcement ou de son rétablissement selon les cas. La partition du pays a entrainé de fait l éclatement du système pénitentiaire en deux entités. La partie sud comprenant 22 établissements pénitentiaires est restée sous la tutelle du Ministère de la Justice et des Droits de l Homme et la partie nord, où 11 prisons sont localisées, est tombée sous le contrôle des FAFN depuis le déclenchement de la crise en 2002. L évaluation a épousé les contours de cette configuration, en s appuyant sur l établissement de fiches faisant ressortir des paramètres relatifs au budget, au personnel, au profil des détenus, aux femmes et mineurs détenus, à la détention préventive, à l entretien des détenus, à la médecine pénitentiaire, aux infrastructures de base, aux équipements et à l appui des communautés locales. Ainsi, la partie du territoire national administrée par le Ministère de la Justice et des Droits de l Homme se caractérise par une administration bien en place, chapeautée par un Directeur de l Administration Pénitentiaire. L organisation qui en résulte a facilité l évaluation du système pénitentiaire dans le sud, grâce au fonctionnement de l ensemble des éléments du système de justice pénale. En revanche nous avons rencontré des difficultés à recueillir des informations dans les établissements contrôlés par les FAFN. La documentation de toutes les prisons a en effet été totalement détruite lors des révoltes dont elles ont été le théâtre pendant la guerre. Il s avère que la Direction de l Administration Pénitentiaire n a pas d autonomie de gestion. Ses dotations budgétaires se caractérisent par leur insuffisance notoire par rapport à l ampleur de sa mission. Les crédits destinés aux établissements pénitentiaires sont directement administrés par le Directeur des Affaires Financières et du Patrimoine du Ministère de la Justice et des Droits de l Homme. Or le budget global de ce Ministère est lui-même totalement insuffisant. En 2005 les crédits de fonctionnement ont connu globalement une légère baisse, alors que les besoins d humanisation des conditions de détention sont énormes. Il en est de même pour les infrastructures et les équipements, malgré une légère hausse enregistrée sur les crédits d investissement. Quant aux établissements pénitentiaires du nord, ils ne bénéficient plus d aucune dotation budgétaire. Les responsables des FAFN gèrent ces institutions carcérales sur la base du bénévolat. La contribution financière directe des FAFN se limite aux repas qu ils fournissent souvent en quantité insuffisante et que les surveillants doivent partager avec les détenus. L insuffisance du personnel de surveillance des établissements pénitentiaires du sud et leur manque de professionnalisme constaté sur le terrain sont sans commune mesure avec 1

les tâches et les responsabilités qui sont les leurs. Les effectifs actuels tournent autour de 700 agents. Ils couvrent à peine la moitié des besoins, selon l évaluation des postes qui fait ressortir un capital travail minimum requis de 1368 personnes pour l ensemble des établissements pénitentiaires dans la zone sud, soit un déficit d environ 670 surveillants. A cela s ajoute un manque grave de personnels spécialisés tels que les infirmiers et les travailleurs sociaux etc... Les besoins prioritaires des personnels pénitentiaires tournent autour de quatre points essentiels : le relèvement du niveau de recrutement des différentes catégories de personnel (Régisseur, Surveillants-Chefs et Surveillants), une formation pénitentiaire initiale et continue appropriée, de meilleures conditions de travail et des traitements salariaux qui équivalent aux standards établis pour les Forces de Défense et Sécurité (FDS). L effectif global du personnel pénitentiaire de la zone sous contrôle des FAFN est d environ 116 agents. Il est entièrement constitué d éléments bénévoles des FAFN, sans expérience professionnelle en milieu carcéral. Ils ne reçoivent aucune formation avant leur affectation dans les prisons. Dans la zone sous contrôle gouvernemental, la surpopulation est la caractéristique prédominante. Au 31 mars 2006, les 22 établissements connaissaient un surencombrement extrême avec 9274 détenus pour une capacité totale d accueil de 3371 pensionnaires. La Maison d Arrêt et Correctionnelle d Abidjan (MACA) par exemple, conçue pour 1500 détenus en abritait 4028 à cette date. Ces chiffres ne tiennent pas compte des événements de novembre 2004, qui ont entraîné l évasion massive et extraordinaire de 3658 détenus de la MACA et le décès de 64 autres. La population carcérale en général est essentiellement composée d hommes. Les femmes détenues et les mineurs privés de liberté représentent seulement 2,33 % et 1,66 % de cette population. Cette catégorie de détenus dite vulnérable ne bénéficie pas de traitements en rapport avec les standards internationaux : les besoins hygiéniques spécifiques des femmes ne sont pas pris en compte et il n existe pas de services particuliers pour les femmes enceintes et les femmes nourrices. Il en est de même pour les mineurs privés de liberté qui ne sont pas totalement séparés des adultes dans la plupart des établissements. Au Nord, au 12 janvier 2006, sur une population carcérale de 295 détenus, seuls 4 femmes et un mineur y figuraient. Dans la partie sud du territoire national, la détention préventive concerne près de 30 % de la population carcérale, ce qui n est pas élevé par rapport à d autres pays africains. Les prévenus ne sont pas séparés des condamnés conformément à la réglementation interne et aux recommandations internationales. Les prévenus ne bénéficient d aucune assistance judiciaire et sociale, à quelques exceptions près. Une grande partie des prévenus est également en situation de détention injustifiée au regard des articles 138 et 139 du Code de Procédure Pénale, en raison du renouvellement tardif ou du non-renouvellement du mandat de dépôt. Selon les informations recueillies les raisons du nombre important de longues détentions préventives sont les suivantes : la lenteur des procédures judiciaires (spécialement les informations judiciaires ouvertes par les juges d instruction), l irrégularité de certaines détentions et l absence de sessions de cours d assises depuis des années. Toutefois, il importe de souligner qu avec le projet FED (Fonds Européen de Développement) relatif à «La prévention et la lutte contre la détention préventive abusive» initié par PRSF (Prisonniers Sans Frontières), on assiste à la mise en place progressive d un système informatique 2

dans les maisons d arrêt et les tribunaux qui permet de veiller à un plus grand respect des règles de procédure (lutte contre les détentions injustifiées). Avec l effondrement du système de justice pénale dans la zone sous le contrôle des FAFN, les détenus incarcérés n ont pas bénéficié de procédures judiciaires régulières. Sans espoir d être régulièrement jugés, ils sont en quelque sorte en détention préventive permanente jusqu à ce que le commandant de zone ou de secteur ou le préfet de police en charge décide de les libérer, sur base d une appréciation personnelle de la gravité des infractions commises et du temps déjà passé en prison. Dans les établissements pénitentiaires situés dans la zone sous contrôle gouvernemental l alimentation, la santé et l hygiène sont largement tributaires de l enveloppe budgétaire mise à leur disposition et que l on pourrait qualifier de négligeable. Cette enveloppe ne permet d accorder en moyenne que 120 francs par jour de ration alimentaire à chaque détenu. Un seul repas par jour à faible valeur nutritive est servi. Il en résulte un déséquilibre alimentaire dont les conséquences majeures se traduisent par la malnutrition qui entraîne de nombreux décès au sein de la population carcérale. Signalons que pour suppléer aux carences de l administration, de nombreux détenus reçoivent d indispensables compléments alimentaires de leurs proches mais ce n est pas le cas de tous. Dans la plupart des établissements nous avons relevé de sérieux problèmes d assainissement et d hygiène : les dortoirs ne comportent pas de toilettes intérieures, la disponibilité de l eau n est pas permanente, le savon et les autres produits antiseptiques n y sont pas distribués régulièrement. Seuls quelques établissements disposent d infirmeries, mal équipées et sans infirmier officiant à temps plein. L insuffisance de la couverture médicale contraint souvent les détenus à solliciter leur famille pour l achat de certains médicaments nécessaires à leurs soins. Si la plupart des décès résultent de la malnutrition qui sévit dans les établissements pénitentiaires, le pourcentage le plus élevé a été observé à Daloa et à Bouaflé. Concernant la prison de Bouaflé, les chiffres tiennent compte du décès brutal et suspect de 13 détenus de la prison de Bouaflé qui avaient été déférés aux autorités judiciaires dans l affaire du déguerpissement des personnes résidant dans le parc de la Marahoué en février 2005. Soulignons à titre d exemple de violation des droits fondamentaux observée l enchaînement des pieds des détenus en tant que sanction : cela consiste à placer sous entraves un ou deux détenus ensemble durant 1 à 3 mois, y compris la nuit, selon la gravité des faits qui leur sont reprochés. Le port de chaînes, en plus de porter gravement atteinte à la dignité humaine, peut entraîner des blessures et des infections graves. Cette pratique va à l encontre des règles minima pour le traitement des détenus 1. Nous observons que l Administration Pénitentiaire Centrale effectue des efforts pour que cette pratique soit abolie. Dans les établissements du nord, aucun cas de malnutrition n a été observé pendant la période en revue. Toutefois, il importe de souligner que le manque de fonds contraint l autorité des FAFN à libérer les détenus malades qu elle n est pas à mesure de prendre en charge. L état du parc immobilier se caractérise par la vétusté, l exiguïté, l inadaptation et le délabrement avancé de la plupart des établissements pénitentiaires. Depuis 24 ans il n y a pas eu de nouvelles 1 Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, Adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans les résolutions 663 C du 31 juillet 1957 et du 13 mai 1977. 3

constructions et les travaux de réhabilitation sont insuffisamment réalisés ou mal entrepris. Le très mauvais état des infrastructures de l Administration Pénitentiaire et son sous-équipement réduisent considérablement la sécurité passive (c est à dire l ensemble des infrastructures et équipements, incluant les enceintes péri-métriques, les portes d entrée, les systèmes d alerte et de communication internes etc.). Il en est de même pour la sécurité active (l ensemble des gestes professionnels encadrés par des procédures clairement définies et maîtrisées, la connaissance de la population carcérale, la cohésion de tous les acteurs de la détention) qui souffre de la mauvaise organisation du travail, du manque de professionnalisme et de la démotivation des personnels. Aucun établissement ne dispose d un plan de sécurité et d intervention. Au Nord, la plupart des établissements sont partiellement ou entièrement détruits. L oisiveté est quasi-permanente dans la plupart des établissements et l activité des détenus est réduite pour l essentiel au service général. Les programmes de réinsertion sociale prévus par la loi ne sont pas suffisamment mis en œuvre sur le terrain. Par ailleurs, le juge de l application des peines n exerce pratiquement pas ses attributions. Aussi, les mesures d individualisation ou de personnalisation de la peine sont-elles totalement ignorées de la majorité de la population carcérale. Toutefois, il convient de souligner que la politique d ouverture initiée par les autorités du Sud comme du Nord a permis de développer un partenariat fécond avec des ONG et des communautés locales dont l assistance a été indispensable à l humanisation des conditions de détention et à la prévention de violations graves des droits de l homme. C est le cas notamment avec Médecins sans Frontières, Prisonniers sans Frontières, le Comité International de la Croix Rouge et le Bureau International Catholique pour l Enfance et les Communautés religieuses. Les Forces Impartiales de l ONUCI assistent aussi certaines prisons, notamment sur le plan sanitaire. Enfin il ressort de l évaluation que les mécanismes de contrôle prévus par la législation et la réglementation ne sont pas suffisamment mis en œuvre. Cela se traduit malheureusement par des manquements professionnels préjudiciables au travail des personnels et au respect des droits fondamentaux des détenus. RECOMMANDATIONS Compte tenu des conclusions du rapport, il est proposé de : - Doter l Administration Pénitentiaire d une autonomie de gestion de ses ressources budgétaires et de ses ressources humaines au regard de sa double mission de sécurité publique et de réinsertion sociale ; - Prendre en compte, dans la proposition de la Côte d Ivoire au Projet du Fonds Mondial de Lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, les établissements pénitentiaires qui sont un grand foyer de ses pandémies. En tenant compte des exigences et des contraintes liées à l exercice de la profession, il est recommandé de : 4

- Revaloriser le statut des personnels pénitentiaires ; - Relever le niveau de recrutement de toutes les catégories de personnels pénitentiaires ; - Créer une école propre à l Administration Pénitentiaire avec un programme de formation spécifique ; - Procéder au recrutement exceptionnel de surveillants pour résorber le déficit observé. En raison du délabrement prononcé des infrastructures, de l insécurité, de l oisiveté, des mauvaises conditions de détention, des problèmes d alimentation et de santé observés dans la quasi totalité des établissements pénitentiaires, il est recommandé de : - Augmenter substantiellement les dotations budgétaires de l Administration Pénitentiaire, ce qui implique une augmentation du budget du Ministère de la Justice et des Droits de l Homme. Cette mesure permettrait d une part de réhabiliter les infrastructures et d en assurer la maintenance et d autre part de renforcer les capacités de prise en charge des soins et frais médicaux, de l hygiène individuelle et collective de la population carcérale de chaque établissement pénitentiaire ; - Relever le montant de la ration journalière des détenus, en s inspirant de l Arrêté nº 2610 du 19 avril 1952 fixant la ration journalière des détenus de statut civil africain, civil européen et assimilés pendant l époque coloniale. Ce texte prenait déjà en compte les préoccupations des autorités de l époque pour assurer une bonne alimentation aux prisonniers ; - Procéder au détachement d un infirmier dans chaque Établissement Pénitentiaire conformément, à l esprit de la note circulaire Nº 1245/MSP-DG-10 du 28 avril 1967 du Directeur Général de la Santé ; - Mettre en œuvre suffisamment, les mesures d individualisation de la peine et promouvoir les activités socio-éducatives ainsi que le travail pénitentiaire. Enfin, dans la perspective du rétablissement du système de justice pénal et du redéploiement de l administration dans la partie nord du territoire national, il est urgent de s atteler à la remise en place du système pénitentiaire. A cet effet, il est vivement recommandé de : - Travailler à la mise en place d un programme d urgence de reconstruction et de réhabilitation des infrastructures ; - Travailler à obtenir le recrutement d urgence de surveillants formés avec l appui de l ONUCI, entre autres ; 5

A- LES ETABLISSEMENTS DE LA ZONE GOUVERNEMENTALE INTRODUCTION. Le présent rapport constitue une étape dans la poursuite des objectifs de la mission assignée à l Unité Rule of Law (Etat de Droit) conformément aux résolutions 1528(2004) et 1609(2005) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans son rapport S/2004/3/Add 1. sur la mission des Nations Unies en Côte d Ivoire, présenté en application de la Résolution 1514(2003) du Conseil de Sécurité, le Secrétaire Général soulignait que le système pénitentiaire national n a jamais été prioritaire et connaît de ce fait de graves problèmes de financement et d autres difficultés du même ordre. Le rapport préconisait que la composante judiciaire et police civile de l opération de maintien de la paix envisagée comporte également une unité pénitentiaire. Cette unité travaillerait en collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux à fournir un appui et des avis aux Autorités nationales dans la mise en œuvre de stratégies pour améliorer les dispositifs de sécurité, limiter les violations des droits de l homme et promouvoir l autonomie afin de rétablir le système pénitentiaire et de renforcer ses capacités à assurer des conditions de détention sûres et humaines. Dans ce contexte, une évaluation des 22 établissements pénitentiaires situés dans la zone sous contrôle gouvernemental a été entreprise à partir de juillet 2005 par la section des affaires pénitentiaires de l unité Rule of Law. L évaluation vise les Maisons d Arrêt et de Correction suivantes: Abidjan, Agboville, Adzopé, Aboisso, Abengourou, Bongouanou, Bondoukou, Bouaflé, Divo, Daloa, Dimbokro, Dabou, Grand Bassam, Lakota, M Bahiakro, Oumé, Soubré, Sassandra, Toumodi, Tiassalé et Tabou. Il est à signaler que la Maison d Arrêt et de Correction de Gagnoa n a pas encore été évaluée, à cause des blocages et menaces perpétrés par des groupes qui se sont identifiés comme de jeunes patriotes. L objectif général de cette évaluation détermine les conditions d existence des détenus et du respect des Normes Internationales adoptées par les Nations Unies, relativement au traitement des personnes privées de liberté. L exploitation de la fiche d évaluation détermine aussi quatre objectifs spécifiques à savoir: - le recueil des données relatives au budget et au personnel des établissements pénitentiaires, - la démographie carcérale et les statistiques pénitentiaires, - l évaluation des infrastructures de base et leur fonctionnalité par rapport aux normes nationales et Internationales en vigueur, - les mesures d individualisation de la peine et l attitude des Communautés. 6

Afin d atteindre l objectif précité, un modèle de fiche d évaluation faisant ressortir dix (10) points focaux a été utilisé aux fins de renseignements relatifs : au budget, au personnel des établissements pénitentiaires, au profil du détenu, aux femmes et mineurs détenues, à la détention préventive, à la gestion des détenus, à la médecine pénitentiaire, aux infrastructures de base, aux équipements et à l appui des communautés. L évaluation a permis d identifier les besoins spécifiques de l administration, des personnels pénitentiaires et des détenus. Elle a aussi montré que la réhabilitation des infrastructures de base, dans presque tous les établissements pénitentiaires, s imposait de même que la mise en œuvre de projets de développement en vue d améliorer sensiblement les conditions de détention. 7

I- ADMINISTRATION CENTRALE. 1 - Structure et Organisation. Placée sous l autorité du Garde des Sceaux depuis 1969, l Administration Pénitentiaire est l une des directions du Ministère de la Justice et des Droits de l Homme. Son Directeur est nommé par Décret du Président de la République, sur proposition du Garde des Sceaux. 1.1-Organigramme de la Direction de l Administration Pénitentiaire. 8

1.2-Les Missions de la Direction de l Administration Pénitentiaire. Aux termes du Décret 2003-193 du 03 juillet 2003, portant organisation du Ministère d Etat, Ministère de la Justice, la Direction de l Administration Pénitentiaire comprend trois Sous- Directions et 33 Établissements Pénitentiaires répartis en Maisons d Arrêt, Maisons d Arrêt et Correction et Camps pénaux. A ce titre elle est chargée : de la gestion et du contrôle des établissements pénitentiaires, du contrôle et de la surveillance de l exécution des décisions privatives de liberté, de l organisation du service social et du travail en milieu carcéral, de l application du régime progressif et des procédures de libération conditionnelle, des propositions de réformes en matière d administration pénitentiaire, de la formation et de la réinsertion sociale des détenus. Conformément au Décret 69-189 du 14 mai 1969, portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d exécution des peines privatives de liberté, sont désignés par le mot «détenu» les personnes faisant l objet d une mesure privative de liberté à l exclusion de celles gardées à vue en application des articles 63,76 et 154 du Code de Procédure Pénale ou de l article 9 de la Loi 63-1 du 11 janvier 1963. Les détenus comprennent les condamnés, les prévenus et les contraignables par corps. 2. Fonctionnement et Moyens d Action. La mise en œuvre de la politique pénitentiaire relève du Ministère de la Justice et plus particulièrement de la Direction de l Administration Pénitentiaire. A ce titre des moyens d action tant humains, financiers que matériels sont mis à sa disposition pour accomplir ses missions. De nombreux partenaires interviennent également à ses côtés en faveur de l accompagnement et de la réinsertion des personnes détenues. 2.1-Moyens humains Au niveau de l Administration Centrale, l on note le décret d organisation du Ministère nº2003-193 du 3 juillet 2003, qui créé une nouvelle Sous-Direction, celle des affaires sociales et sanitaires, au sein de la Direction de l Administration Pénitentiaire qui en compte trois depuis 2003 : la Sous- Direction de la Politique Carcérale, la Sous-Direction de la Réinsertion et la nouvelle Sous-Direction des Affaires Sociales et Sanitaires. Si les deux premiers postes sont pourvus en effectifs, il n en est pas de meme pour le troisième nouvellement créé. Selon les informations plusieurs requêtes auraient été formulées dans ce sens par l Autorité compétente pour permettre à la Direction de l Administration Pénitentiaire d avoir une véritable politique de santé en milieu carcérale. Compte tenu des sollicitations du Ministère de la Justice exprimées en 2001 et en dépit des efforts de recrutement déployés par le Ministère du Travail et de la Fonction Publique de 2002 à nos jours, les besoins de recrutement en personnel de surveillance restent encore considérables. L évaluation réalisée dans ce domaine fait ressortir un capital travail minimum requis de 1797 années/personnes pour le fonctionnement adéquat de l ensemble des 9

établissements pénitentiaires du pays contre un capital existant d environ 700 surveillants, soit un déficit de plus de 60%. On observe la même tendance chez les personnels spécialisés, tels que les infirmiers, les sages-femmes, les médecins et les travailleurs sociaux dont le déficit préoccupe sérieusement l administration centrale. Des structures sont créées, des politiques clairement définies, mais leur mise en œuvre demeure encore difficile en raison du recrutement ou du détachement encore faible de cette catégorie de personnel indispensable à l humanisation de l univers carcéral. L Administration Pénitentiaire ne gère pas directement ses personnels, qui sont administrés par la Direction des Services Judiciaires du Ministère de la Justice. Si cette organisation permet globalement de centraliser les ressources humaines, en revanche, elle ne favorise pas l Administration Pénitentiaire qui devrait exercer un contrôle total sur ses effectifs, en raison de la complexité de l univers carcéral, du caractère social de sa mission et des impératifs de sécurité qui s y rattachent. Une telle structure requiert pour son fonctionnement, une Administration Centrale bien informée, jouissant de la plénitude de ses moyens et capable d impulser une gestion de proximité sous-tendue par une discipline dans les rangs, un sens profond de la hiérarchie et une promptitude à réagir en temps utile face à toutes les situations, notamment celles relatives aux questions de sécurité. Des informations recueillies révèlent que la maîtrise sur la gestion du personnel reste l une des préoccupations majeures de la Direction de l Administration Pénitentiaire. Son implication dans le processus de l administration du personnel se situe effectivement à un niveau secondaire car le pouvoir de décision revient à son collègue des Services Judiciaires. Depuis la phase de recrutement jusqu à celle de la retraite, en passant par la formation et l affectation, le Directeur a seulement la faculté d émettre des avis ou de formuler des propositions sur les actes et les mesures concernant les Agents. Quant l évaluation, le principe de la hiérarchie est respecté, le Directeur note les Régisseurs et ces derniers notent le personnel pénitentiaire placé sous leur autorité. A ce propos il convient de souligner que l Administration Pénitentiaire contribue largement àl objectif général de sécurité publique dans le pays, car son action se situe à l arrière-garde de celle des Forces de Défense et de Sécurité dont c est la mission principale. A ce titre les personnels pénitentiaires sont amenés à assurer la garde permanente d individus de plus en plus dangereux que leur confient les Magistrats après leur interpellation par les Forces de Défense et de Sécurité. C est pour cette raison que la Loi 95-695 du 07 septembre 1995 portant Code de la Fonction Militaire en fait des «Réservistes des Forces de Défense et de Sécurité» au même titre que les Agents des Douanes et des Eaux et Forêts. Il n existe pas de structures, encore moins de plans adéquats pour la formation spécifique des personnels pénitentiaires. La question de la formation est l une des préoccupations majeures de l Administration Centrale. Pour les surveillants nouvellement recrutés, elle est assurée par la Direction de la Formation et des Stages du Ministère de la Justice. Elle comprend deux volets : un volet administratif dispensé en quatre mois et axé sur la réglementation pénitentiaire, la technique de sécurité des établissements pénitentiaires, les pratiques des greffes, la rédaction administrative, le secourisme et des notions de droit ; un volet militaire de 45 jours à 03 mois confié à la gendarmerie nationale depuis 2004. En raison de l inexistence de ressources, une contribution financière est exigée aux stagiaires pour leur formation militaire. Il s y ajoute la question non moins importante relative au niveau de recrutement des agents que la tutelle souhaiterait porter du Certificat d Etudes Primaires au Brevet d Etudes du Premier Cycle pour 10

les Surveillants, du Brevet d Etudes au Baccalauréat pour les Surveillants-Chefs, et du Baccalauréat à la Maîtrise pour les Régisseurs. 2.2-Moyens financiers Les questions d ordre financier et budgétaire du Ministère de la Justice ont été centralisées à la Direction des Affaires Financières et du Patrimoine (D.A.F.P.) du Ministère de la Justice dont le Directeur est l Ordonnateur des dépenses. La Direction de l Administration Pénitentiaire n a pas d autonomie de gestion et ses dotations budgétaires se caractérisent par leur insuffisance notoire par rapport à l ampleur de sa mission. Les moyens financiers provenant du Budget et destinés au fonctionnement des Établissements Pénitentiaires, échappent au contrôle du Directeur de l Administration Pénitentiaire qui administre uniquement les crédits destinés au fonctionnement de la Direction en tant qu entité administrative. Les établissements pénitentiaires sont également considérés comme des entités administratives et leurs crédits sont directement gérés par les Régisseurs qui en sont les Administrateurs. Quant aux crédits d investissement (infrastructures équipements et logistique) destinés à l Administration Pénitentiaire, ils sont directement administrés par le Directeur des Affaires Financières et du Patrimoine. Les données disponibles et accessibles révèlent que de 2003 à 2005 les dotations budgétaires ont connu globalement une légère hausse. Au titre de l année 2005, le total des crédits alloués à l Administration Pénitentiaire est de 1.057.213.089 FCFA, répartis comme suit : 843.230.000 FCFA pour le fonctionnement et 213.983.089 F CFA pour les investissements. Si les crédits d investissement de cette année ont connu un accroissement de 170.915.548 FCFA par rapport à l année 2003, en revanche, les crédits de fonctionnement ont enregistré une baisse de 138.182.000 FCFA, alors que les besoins d humanisation des conditions de détention, en termes d alimentation, de couverture sanitaire, d hygiène, de travail pénitentiaire, d activités socio-éducatives, de sécurité etc., s imposent. Cela vaut pour les crédits d investissement dont l accroissement n a pas eu d impact réel sur l état des structures encore moins sur le niveau des équipements. L absence d appropriation par la Direction de l Administration Pénitentiaire de l exercice de prévisions budgétaires et de contrôle de l exécution des dépenses auxquels elle n est pas associée, expliquerait probablement ce déphasage. A cela pourrait s ajouter le défaut d un programme de réhabilitation des infrastructures et d un plan d équipement des services cohérents. Au regard des besoins de modernisation et d investissement de l Administration Pénitentiaire, l effort certes appréciable des autorités reste cependant très en deçà des besoins recensés au cours de l évaluation. Le système de concentration des moyens financiers et le défaut de responsabilisation de la Direction dans la préparation et la gestion du budget ne militent pas au renforcement et à l adaptation du système pénitentiaire ivoirien aux normes internationales relatives aux questions pénitentiaires. 11

2. 3-Moyens matériels La Direction de l Administration Pénitentiaire est actuellement logée au 14éme étage de la Tour Administrative D d Abidjan. Bien que fonctionnels, les locaux sont nettement insuffisants et les agents s entassent dans les bureaux. La nouvelle Sous Direction des Affaires Sociales et Sanitaires ne dispose pas encore de locaux. Le téléphone est mis au restreint à l exception de la ligne directe du Directeur. Le matériel informatique est insuffisant et la maintenance n est pas correctement assurée. Il en est de même pour le mobilier et le matériel de bureau. Les établissements pénitentiaires sont encore plus démunis avec un matériel vétuste, insuffisant et inadapté. Le très mauvais état de la plupart des infrastructures est justifié par le fait que la quasi-totalité des édifices abritant les Établissements ont été hérités de l époque coloniale et qu à l origine, ils n étaient pas destinés à abriter des prisons et servaient le plus souvent à une toute autre activité. A l exception de la réalisation de la maison d arrêt et de correction d Abidjan (MACA), il n y a pas eu de nouvelle construction depuis plus de deux décennies. Il en est de même pour les travaux de réhabilitation et d équipement des établissements pénitentiaires, qui n ont pas été engagés depuis 1998. Il existe aussi des logements à proximité des établissements mais ils sont dans la plupart des cas occupés par des non ayants droit, sauf à la MACA qui dispose d une véritable cité des personnels pénitentiaires qui est malheureusement dans un état de dégradation avancée. A propos de cette question et face à l inertie de l Administration Centrale le syndicat des personnels pénitentiaires (SYNAPAPCI) a inscrit dans sa plate forme revendicative depuis plusieurs années, l expulsion des irréguliers, la réhabilitation des casernes et l attribution des logements aux ayants droit. Malgré les efforts déployés par l Administration Centrale pour les dotations en moyens et matériels de travail, les établissements sont gravement sous-équipés. Les uniformes des agents sont dans un très mauvais état et leur renouvellement n est pas régulier. Il ressort des évaluations que la plupart des agents achètent eux-mêmes leurs uniformes qu ils portent en général sans aucun attribut distinctif. Selon les renseignements reçus de la Direction, la dernière dotation en uniforme remonte à 1997. Des crédits ont été obtenus en 1999, mais la livraison des tenues commandées est à ce jour partielle. En 2003 une dotation budgétaire de 16.000.000 de F CFA a permis d habiller moins de 100 surveillants. Au titre de l année budgétaire 2005 les crédits destinés à l habillement se chiffrent à 10.000.000 de F CFA contre des besoins estimés à 200.000.000 F CFA pour 800 agents. Le défaut de maîtrise des moyens matériels par la Direction combiné à l absence d un plan d équipement élaboré en liaison avec les professionnels du milieu a également induit des déficiences matérielles graves observées dans les bureaux et les postes de garde, ainsi que dans les dortoirs et les infirmeries des établissements pénitentiaires. Concernant l armement, en dépit des efforts observés à la maison d arrêt et de correction d Abidjan, la sécurité souffre aussi de plusieurs insuffisances liées à la qualité et la quantité des équipements. Il importe également de signaler que les matériels et équipements indispensables au maintien de l ordre pénitentiaire font gravement défaut. C est le cas des menottes, des grenades lacrymogènes, des boucliers etc. Les armes automatiques de guerre dont sont dotés les établissements sont inadaptées pour la mission pénitentiaire et constituent un danger réel pour les détenus. 12

Le parc automobile est à l image des autres secteurs. La Direction possède un seul véhicule qui tient lieu de véhicule de service pour le Directeur. Quant aux services extérieurs ils disposent de cinq véhicules de type cellulaire ou camionnette bâchée répartis entre trois établissements. L état des véhicules ne permet pas de parcourir de longues distances, selon le Directeur et cela réduit considérablement les déplacements à l intérieur du pays. 2. 4- Appui des Organisations Non Gouvernementales. La politique d ouverture initiée par l Administration Pénitentiaire a largement contribué à l effort d humanisation des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Les visiteurs de prison, les ministres des différents cultes religieux de même que les organisations non gouvernementales et autres associations ou personnes charitables offrent régulièrement leurs services aux détenus et aux personnels en termes d assistance ou de formation. Au titre des Organisations Non Gouvernementales, il y a lieu de souligner les activités du Comité International de la Croix Rouge (CICR), de Médecins Sans Frontières (MSF) et de Prisonniers Sans Frontières (PRSF) qui agissent dans des domaines aussi sensibles que la santé, l hygiène, l alimentation, l assistance judiciaire et le rapprochement familial. L Organisation Non Gouvernementale Médecins Sans Frontières en partenariat avec le Ministère de la Justice et le Ministère de la Santé Publique intervient à la MACA depuis 1997 pour appuyer les efforts de l État dans le domaine de la santé des détenus. Elle participe activement à la prise en charge des frais d acte, d hospitalisation et de soins de nombreux détenus indigents, met en place un programme de supplément d alimentation pour les détenus malades et réalise d importants travaux de réhabilitation et de maintenance du réseau d assainissement et du système d évacuation des eaux usées de l établissement et de la Cité Pénitentiaire. A ce jour, l ensemble des réalisations et des services offerts à l Administration Pénitentiaire est estimé à 1.300.000.000 F CFA. L ONG a mis fin à ses activités depuis le 31 décembre 2005. Le Comité International de la Croix Rouge (CICR) a l autorisation pour visiter les prisons. Il a un rôle de conseil et de plaidoyer, en plus des activités concrètes qu il mène pour l amélioration des conditions de détention, notamment en matière d alimentation.des représentants du Comité ont à cet effet visité plusieurs établissements et distribué des produits d entretien, de l outillage, des semences et des produits phytosanitaires, réhabilité des infrastructures et réalisé des ouvrages destinés à l alimentation en eau potable et à l évacuation des eaux usées dans certains établissements. L ONG Prisonnier Sans Frontières, intervient régulièrement dans plusieurs établissements et soutient des activités de production agricole, d élevage et d amélioration des conditions de détention, avec l appui de la coopération française et l Union Européenne. Entre autres actions elle a contribué à réaliser et réhabiliter d importantes infrastructures dans plusieurs établissements ainsi qu à mettre en œuvre un ambitieux programme financé par la Commission Européenne, pour la prévention et la réduction de la détention préventive injustifiée. Elle a également engagé des démarches, en liaison avec l Administration Centrale, pour obtenir de 13

l Union européenne le financement d une étude générale sur la situation des établissements pénitentiaires en vue de leur réhabilitation et la construction de nouvelles prisons. 2. 5-Mécanismes de contrôle. Bien que prévus par les textes réglementaires, les mécanismes de contrôle ne sont pas suffisamment mis en œuvre par les autorités compétentes. Au niveau central il y a l Inspection Générale des Services Judiciaires et Pénitentiaires dont l organisation, les attributions et le fonctionnement sont fixés par le Décret nº 85-516 du 12 juillet 1985. Dans le cadre de ses activités cette structure procède à deux catégories d inspections : des inspections de portée générale et permanente de contrôle des établissements pénitentiaires et des inspections de portée limitée incluant celles effectuées sur instruction du garde des sceaux, par rapport à des situations précises. Également le Décret nº 2003-193 du 03 juillet 2003, prévoit que la Direction de l Administration Pénitentiaire est chargée du contrôle des établissements pénitentiaires et de la surveillance de l exécution des décisions privatives de liberté. Les articles 111 et 112 du décret nº 69-189 du 14 mai 1969, portant réglementation des établissements Pénitentiaires et fixant les modalités d exécution des peines privatives de liberté, donnent aux Magistrats, aux Préfets et aux Sous-Préfets la faculté de visiter les établissements pénitentiaires de leur circonscription. Il fait obligation au Juge de l Application des Peines, au Juge d Instruction et au Juge des Enfants de visiter au moins une fois par mois la prison. La visite est trimestrielle pour le Procureur de la République, en ce qui concerne les établissements du Siége du Tribunal, et annuelle quant au Président de la Chambre d Accusation. Toutes ces visites doivent être sanctionnées par un procès-verbal dont une expédition est transmise au Ministère de la Justice à la Chancellerie. L accès des Organisations Non Gouvernementales aux établissements pénitentiaires constitue également un mécanisme de contrôle externe qui garantit le respect des normes nationales et internationales. C est le cas par exemple avec le CICR dont les rapports sont destinés aux plus hautes autorités et notamment au Président de la République. Ce statut de visiteur de prison leur confère une fonction de veille dont l exercice permet d alerter objectivement les autorités concernées par la question. En dépit de l existence de tous ces instruments et des appuis multiformes, l Administration Pénitentiaire est encore loin de ses objectifs, en raison de l écart existant entre les moyens théoriques de fonctionnement dont elle dispose et la réalité dans les différents établissements pénitentiaires visités. 14

II- EVALUATION DES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES. 1- Maison d Arrêt et de Correction d Abengourou. a -Fonctionnement. -Budget. Le budget de la Maison d arrêt et de correction d Abengourou s élève à 13.480.000 FCFA ainsi répartis : - Alimentation : 11 150 000 FCFA. - Médicaments : 800 000 FCFA. - Entretien des locaux : 300 000 FCFA. - Entretien des installations (électricité, plomberie, etc.) 200 000 FCFA. - Fournitures techniques : 100 000 FCFA. - Entretien matériel administratif : 100 000 FCFA. - Abonnement et fourniture de gaz : 500 000 FCFA. - Affranchissement et autres frais d envoi : 100 000 FCFA. - Petits matériels et fournitures de bureau : 150 000 FCFA. - Achat de carburant : 80 000 FCFA. -Personnel : Le personnel de l établissement se compose de : 01 Régisseur, 01 Adjoint au Régisseur, 01 Commandant de compagnie, 01 Responsable du Greffe, 01 Responsable du secteur de femmes, 01 Secrétaire, 01 Responsable du jardin et du champ pénal, 03 Chefs de Brigade, 08 Surveillants. Il résulte de l étude des postes que l établissement devrait disposer d un effectif de 67 surveillants. L effectif réel est de 15 surveillants, soit un déficit de 52 surveillants. b- Population carcérale. -Effectifs. A la date du 04 avril 2006 l effectif de la population pénale se chiffrait à 394 détenus ainsi répartis : Condamnés 333, prévenus 61. Cet effectif comprend : 389 hommes, 03 femmes et 02 mineurs. -Détention préventive. Des cas de détention préventive injustifiée ont été recensés. Ils concernent 10 personnes placées sous mandat de dépôt entre le 24 janvier 2001 et le 29 décembre 2003 poursuivies pour des crimes et qui attendent d être jugées. Les infractions les plus récurrentes sont : le vol, le meurtre et l escroquerie. -Femmes détenues. L effectif des femmes incarcérées à la Maison d arrêt et de correction d Abengourou s élève à 06 détenus âgés entre 30 et 45 ans ; elles sont séparées des hommes et exclusivement surveillées par un personnel féminin. A la maison d arrêt et de correction d Abengourou, les femmes bénéficient de l assistance de la mission catholique locale, de l église méthodiste, de l association des frères musulmans et de l ONG Prisonniers Sans Frontières. -Santé : L établissement dispose d un infirmier d état résidant qui effectue les consultations. Les cas sérieux sont orientés systématiquement vers les formations sanitaires spécialisées. Les femmes et les mineurs sont inclus dans ce dispositif sanitaire. Les soins médicaux ne sont pas 15

assurés aux détenus quand les médicaments de la pharmacie de santé publique ne correspondent pas à leurs besoins spécifiques. Aucune prise en charge de dépistage du VIH/SIDA n est effectuée. Cependant neuf (09) tuberculeux ont été recensés. -Décès. De juin 2004 en mars 2006, la maison d arrêt et de correction d Abengourou a enregistré 35 cas de décès. -Evasions. Deux cas d évasion ont été enregistrés à la maison d arrêt et de correction d Abengourou de juin 2004 en mars 2006. c- Infrastructures de base. -L état général des infrastructures est déplorable, exception faite du mur d enceinte dépourvu de barbelés et du mirador dépourvu d échelle, réalisés en 1990. Les postes de garde ne sont pas fonctionnels. Les bureaux et le magasin d armement sont vétustes et exigus. Le quartier des femmes comprend un seul dortoir qui sert parfois de cuisine si les conditions climatiques sont défavorables. Il n y a pas séparation entre les prévenus et les condamnés et les mineurs partagent la cour avec les adultes. Les dortoirs sont surpeuplés et insuffisamment dotés de nattes. Sur les dix (10) dortoirs du quartier que partagent les adultes et les mineurs, cinq (05) sont dépourvus de toilettes intérieures. Les dortoirs 08 et 09 sont également dépourvus d électricité. Ils sont insuffisamment aérés et les murs totalement défraîchis. Les toilettes communes sont mal entretenues ; les fosses et les canaux d évacuation à ciel ouvert augmentent l insalubrité. d- Mesures d individualisation de la peine. -Gestion des détenus. Aucune mesure de préparation à la réinsertion sociale ou d individualisation de la peine n est mise en œuvre dans cet établissement. Il n existe pas une séparation des détenus en fonction de la catégorie pénale ; ainsi prévenus et condamnés partagent un même secteur et les mineurs sont mélangés aux adultes. Les détenus sont dans la cour de l établissement tous les jours de 07H00 à 17H30. -Rapports avec les communautés. La communauté affiche un désintéressement total à l endroit de la prison. Selon le régisseur, les autorités municipales ont une perception négative de la prison qu elles considèrent comme facteur de pollution et d insalubrité. Prisonniers sans frontières et les congrégations religieuses chrétiennes visitent la prison sans rien apporter cependant pour l amélioration des conditions de détention. 16

2- Maison d Arrêt et de Correction d Abidjan. -La Maison d Arrêt et de Correction d Abidjan a été inaugurée le 03 mai 1980.Elle est dirigée par un Régisseur principal, assisté de dix Régisseurs faisant fonction d adjoints. En plus de la hiérarchie administrative exercée par le Directeur de l Administration Pénitentiaire, le Régisseur est placé sous l autorité et le contrôle du Procureur de la République d Abidjan. a- Fonctionnement -Budget. La MACA fonctionne avec un budget annuel de quatre cent quatre vingt quatorze millions six cent mille francs (494 600 000) CFA ainsi réparti: - Alimentation : 462 500 000 FCFA. - Fournitures de bureau : 1 000 000 FCFA. - Carburant : 5 600 000 FCFA. - Fournitures techniques : 2 000 000 FCFA. - Produits pharmaceutiques : 1 000 000 FCFA. - Entretien des locaux : 1 000 000 FCFA. - Entretien et maintenance matériel administratif : 400 000 FCFA. - Entretien électrique, plomberie : 1 000 000 FCFA. - Entretien et réparation véhicule: 3 000 000 FCFA. - Abonnement gaz : 17 000 000 FCFA. - Affranchissement et courrier : 100 000 FCFA. Le Budget de fonctionnement se caractérise par son insuffisance. Il s y ajoute également l impossibilité de moduler les crédits de fonctionnement selon l évolution de la population pénale. Le Régisseur a cependant la possibilité de dépenser 25% des crédits destinés à l alimentation par des contrats de gré à gré, ce qui lui confère une petite marge de manœuvre. En revanche, il n existe pas de commission d achat et de réception au sein de l Etablissement. -Personnel. A la date du 05 octobre 2005, l effectif du personnel en activités à la maison d arrêt et de correction d Abidjan s élevait 118 agents ainsi répartis : 11 régisseurs 32 surveillants-chefs et 75 surveillants dont 32 stagiaires. Le service de surveillance est assuré par 50 surveillants dont 32 stagiaires et 13 femmes répartis en trois brigades comportant chacune une composante féminine qui a la charge du quartier des femmes et qui est soumise à la garde de nuit au même titre que les hommes. De l étude des postes de surveillance il résulte que l établissement devrait disposer d un effectif de 250 surveillants contre un effectif réel de 87 surveillants soit un déficit de 163 surveillants. 17

b- Population carcérale. -Effectif carcéral. A la date du 21 mars 2006, l effectif carcéral de la MACA s élevait à 4034 détenus ainsi répartis: hommes 3887, femmes 94 et 56 mineurs dont 03 filles. La répartition en fonction de la catégorie pénale donne 1243 prévenus et 2791 condamnés. Il convient de noter que 04 enfants vivent avec leurs mères en prison. -Détention préventive. Les prévenus ne sont pas séparés des condamnés, ils sont dans une oisiveté totale et ne bénéficient d aucune assistance sociale ou judiciaire ; Ils sont visités par leurs proches qui peuvent également leur apporter de la nourriture. Les prévenus sont en majorité en situation de détention injustifiée au regard des dispositions des articles 138 et 139 du Code de Procédure pénale de la Côte d Ivoire à cause du non-renouvellement ou du renouvellement tardif du mandat de dépôt. Il y a lieu de signaler que 32 parmi eux sont l objet d une longue détention préventive suite a un mandat de dépôt pris entre le 06 janvier 2000 et le 10 mars 2003. Il s y ajoute que souvent même le renouvellement du mandat de dépôt n est pas communiqué au chef de l établissement pénitentiaire en vue d une notification au détenu. Les délits les plus récurrents chez les femmes détenus à la maison d arrêt et de correction d Abidjan sont le trafic de drogue, le vol et la sorcellerie. -Femmes détenues. Les femmes détenues sont âgées de 18 à 70 ans et se répartissent ainsi qu il suit selon la catégorie pénale : 64 condamnées, 45 prévenues et 2 mineures sous ordonnance de garde provisoire. Les femmes détenues sont incarcérées dans des quartiers distincts de celui des hommes. Elles sont exclusivement placées sous la surveillance d un personnel féminin ; il y a lieu de souligner cependant que la proximité du quartier des femmes avec le secteur des hommes favorise des échanges et des contacts de nature à compromettre leur sécurité. Lors des émeutes de novembre 2004 les femmes ont été sorties in extremis pour éviter qu elles ne soient violées comme lors des émeutes précédentes. Les femmes enceintes sont transférées à l hôpital ou à la maternité au terme de leur grossesse. La mère allégée est réintégrée à la prison avec son enfant dés que l état de l une et de l autre le permet, selon l article 161 du Décret 69-189 du 14 mai 1969, portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d exécution des peines privatives de liberté. L article 162 du même Décret dispose que les enfants peuvent être laissés avec leur mère en détention jusqu à l âge de 02 ans. Le transport des femmes dans de telles circonstances se fait, faute d ambulance, dans des conditions inadmissibles par un fourgon cellulaire. Il s y ajoute également le problème de la prise en charge des frais d hospitalisation et des médicaments notamment ceux du nourrisson qui n est pas pris en compte par l administration. Les femmes nourrices sont hébergées dans un dortoir où elles vivent séparées des autres. Cependant, la cellule ne présente pas les commodités requises. Les ONG «Médecins sans frontières» et le Bureau International Catholique pour l Enfance (BICE) apportent une assistance aux femmes et particulièrement aux femmes nourrices et aux enfants. -Décès. La maison d arrêt et de correction d Abidjan a enregistré 37 cas de décès de juin 2004 en mars 2006. -Evasions. Compte non tenu de l évasion massive de 3540 détenus, survenu au mois de novembre 2004, la maison d arrêt et de correction d Abidjan a enregistré de juin 2004 en mars 2006, 81 évasions. 18