Consultation publique de la Commission européenne sur la protection du savoir-faire des entreprises et des chercheurs



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Transcription:

27 mars 2013 Consultation publique de la Commission européenne sur la protection du savoir-faire des entreprises et des chercheurs REPONSE DES AUTORITES FRANÇAISES Sommaire I Observations générales : Pour une meilleure protection des secrets d affaires en complément des droits de propriété intellectuelle II Réponse au questionnaire ******* A titre liminaire, les autorités françaises souhaitent préciser qu à la fin de l année 2012, le gouvernement français a lancé un groupe de travail sur le «secret des affaires» pour déterminer si une intervention du législateur est nécessaire pour en renforcer la protection. Des travaux sont donc actuellement en cours (étude d'impact, étude comparée sur les bonnes pratiques des pays européens), pour identifier les lacunes éventuelles dans le dispositif actuel (sur le plan juridique mais également sur le plan pratique). I - Pour une meilleure protection des secrets d affaires en complément des droits de propriété intellectuelle Le droit positif français ne relève pas moins de 151 références au secret des affaires ou secret d affaires dans les Codes, lois et règlements en vigueur. Pour autant, il est fait le constat d une efficacité imparfaite 1 qu a tenté et que tentent de combler la proposition de loi française du 22 novembre 2011 visant à sanctionner la violation du secret des affaires. Les récents travaux initiés par la Commission européenne sur ce thème du secret d affaires montrent également bien la disparité des dispositions relatives à la protection des secrets d affaires au sein de l Union européenne. 1 Le groupe de travail présidé par Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation, mandaté par le haut responsable chargé de l intelligence économique, a remis un rapport en avril 2009 faisant le constat d «un ensemble de texte et de jurisprudence dont la cohérence et l efficacité restent très imparfaite», rapport Mathon, p 23. De même, Bertrand Warusfel parle de règles «insuffisantes et largement lacunaires», B. Warusfel, Entreprises innovantes et propriété intellectuelle : les limites de la protection juridique du patrimoine immatériel, in B. Laperche (Dir) Propriété industrielle et innovation : la «nouvelle économie» fausse t-elle le jeu?, L Harmattan, 2001, p 49-69. 1

Une protection adéquate des secrets d affaires au sein de l Union européenne constitue donc un enjeu important pour les entreprises françaises et européennes. Aux fins du dispositif à adopter, plusieurs éléments devront être pris en compte tels que la nature des informations visées, les différents moyens de protections, ou encore la définition du secret d affaires. 1) Nature des informations relevant des secrets d affaires La nature des informations à retenir comme relevant des secrets d affaires ou des informations commerciales confidentielles est large. Ces informations peuvent être stratégiques (projets de diversification, plans de recherche et développement ), techniques (designs, dossiers de fabrication de nouveau produits, code sources de logiciels, données d essai ), commerciales (études marketing, listes de clients, réponses à appel d offres ) économiques et financières (études d investissement, marge ) ou encore organisationnelles (plan de recrutement ), voire juridique (conditions d une fusion ). Toutes ces informations contribuent à la position concurrentielle de l opérateur économique et représentent ainsi une certaine valeur pour cet opérateur, demandant à être protégées de l accès et de l utilisation par les tiers. Il est donc important que le dispositif envisagé ne se limite pas à un type d information et qu il puisse déterminer les conditions à remplir pour qu une information puisse acquérir le statut de secrets d affaires. 2) Moyens de protection préventifs et défensifs La protection des secrets d affaires ne passe pas seulement par la mise en place d un corps de règles déterminant le champ d application et assurant la sanction de sa violation. Elle fait également appel à différentes catégories de mesures sur les bonnes pratiques à adopter. Il s agit d une part de mesures préventives de gestion ou d accompagnement de secret d affaires : mesures générales de sécurité (sécurité physique comme le contrôle d accès aux locaux, sécurité informatique), mesures contractuelles (clauses dans les marchés publics et les contrats entre opérateurs économiques, clauses de confidentialité expresse dans les contrats de travail, ainsi que les clauses de non concurrence, engagement de confidentialité dans les relations avec les tiers (stagiaires, consultants, prestataires ), mesures d organisation (politique de confidentialité définissant le niveau de sensibilité des informations circulants et les procédures à observer pour leur traitement et diffusion, sensibilisation des salariés ). Il est important d introduire une large diffusion et une meilleure prise en compte de ces moyens préventifs en amont de moyens d actions défensif. D autre part, la protection défensive passe elle-même par une matérialisation de l information en vue d assurer l existence d une date certaine de création ou de possession pour l acquisition de preuve et l opposabilité au tiers. Il incombe donc à celui qui s estime victime d une atteinte à un secret d affaires d en établir l existence. Il y a donc nécessité à le définir préventivement et en amont d une éventuelle violation. 2

3) Définition du secret d affaire Les droits français et communautaire reconnaissent dans différents textes et dans différents contextes l existence du secret d affaire et l intérêt légitime de son détenteur à le voir protégé. Pour autant, il n existe pas de définition communément admise du secret d affaire au sein de l UE. Dans chaque contexte particulier, le droit se doit de définir l équilibre à établir entre la transparence nécessaire au marché et l intérêt légitime d un opérateur à éviter une divulgation. En France, la définition varie en fonction du type d actions engagées. Dans le cadre d une action en responsabilité contractuelle, c est le contrat qui précise la nature de l information protégée. Dans une action en responsabilité délictuelle, c est la notion de «savoir faire» qui généralement délimite les contours de la protection. Enfin, en matière pénale, la définition est fonction du texte invoqué, spécifique pour la violation du secret de fabrique (L 621-1 du CPI ou L 152-7 du Code du travail), ou de droit commun pour le vol (311-1 et suivants du Code pénal) dans la mesure où la jurisprudence accepte le principe du vol d information (en l absence de soustraction du support matériel) ou encore l abus de confiance (314-1 et suivant du Code pénal). Une proposition de loi tendant à instaurer un système de marquage des documents confidentiels «secret entreprise» a été adoptée en première lecture à l Assemblée nationale le 23 janvier 2012. Ce texte définissait la nature des informations protégées dont la divulgation était sanctionnée. Au niveau international, la définition de référence est fournie par l accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce, dit accord ADPIC, à l article 39.2 sous la référence «renseignements non divulgués» qui prévoit que : «en assurant une protection effective contre la concurrence déloyale, les Membres protégeront les renseignements non divulgués [en donnant] la possibilité d'empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d'une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements soient secrets (en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles), aient une valeur commerciale parce qu'ils sont secrets, et enfin aient fait l'objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets». Cette définition est susceptible de s adapter à des informations de différentes natures même si elle est limitée à celles présentant une valeur commerciale. Sur ce point, l utilisation dans le questionnaire de la Commission européenne des termes «secrets d affaires» semble davantage appropriée que celle des termes d «informations commerciales confidentielles» plus restrictifs par leur nature commerciale. 3

4) Conclusion L article 39 de l accord ADPIC oblige les États parties à assurer une protection effective des «renseignements non divulgués», qui correspondent aux secrets d affaires. La France est partie à cet accord, de même que l Union européenne. Dès lors, l opportunité d une initiative communautaire (législative ou non) sur la protection du secret des affaires nécessite d analyser l application, au sein de l Union européenne, du cadre prescrit par l accord ADPIC en la matière. A cet égard, le rapport réalisé par le cabinet d avocat Hogan Lovells en 2012 sur la protection du secret des affaires dans les Etats membres constate que : «La loi relative aux secrets des affaires dans l'ue est un patchwork. Dans certains pays, la protection est efficace, dans d'autres - parfois en raison de la difficulté de son application - la loi prévoit une protection inadéquate. La loi est également fragmentée dans certains États car différents tribunaux sont compétents pour connaître les différents cas de secrets des affaires. Il serait avantageux s'il y avait une cohérence quant aux types d'informations qui peuvent être protégées. Cependant, tenter de donner une définition à la fois détaillée et complète de «secret des affaires» est probablement inutile. L accord ADPIC utilise simplement l'expression «renseignements non divulgués» et précise les critères qui doivent être remplis pour que ces informations soient protégées. Les praticiens dans la plupart des États membres s'accordent à dire que cette expression neutre et ces critères constituent une bonne base pour décrire des informations confidentielles qui mérite d'être protégées.» 2 Les autorités françaises estiment également que la définition des informations protégées relevant du secret des affaires retenue dans un futur instrument communautaire devrait s inspirer de cette définition internationale qui s impose tant aux Etats membres qu à l Union européenne. La définition retenue par l instrument international des ADPIC combine trois critères : les renseignements concernés ne présentent pas un caractère public, ont une valeur commerciale du fait du caractère secret et ont fait l objet de mesures de protection destinées à les garder secrets. Comme souligné précédemment, cette définition est susceptible de s adapter à des informations de différentes natures même si elle est limitée à celles présentant une valeur commerciale. Dans ce cadre, adopter une définition de la notion de «secret des affaires» au niveau communautaire ne doit aboutir à une protection ni restreinte ni excessive de ce secret. Toute définition devra être suffisamment souple pour prendre en considération un éventail important de caractéristiques et de modes opératoires. 2 Conclusions du rapport «Report on Trade Secrets for the European Commission», Hogan Lovells International LL, page 43. 4

Dans le cas où une législation communautaire serait envisagée, elle devra préciser, outre la définition, les conditions à remplir pour qu une information soit considérée comme relevant du secret des affaires, ce qui conduira à prévoir les atteintes aux secrets des affaires et le principe de leur répression. Cependant cette législation devra être flexible afin de laisser aux Etats membres une marge de manœuvre pour préciser la répression des violations du secret des affaires et les éventuelles sanctions ou indemnisations correspondantes. En effet, dans le respect du principe de subsidiarité et de l autonomie procédurale des Etats membres, les principes de la définition d atteinte aux secrets des affaires qui pourraient être prévus dans une initiative communautaire devront, pour leur application, renvoyer à la marge de manœuvre des Etats membres. Par ailleurs, les autorités françaises rappellent qu un cadre national de protection directe ou indirecte des secrets des affaires existe d ores-et-déjà dans certaines législations nationales. Dès lors, une initiative communautaire ne devrait pas conduire à une régression de la protection accordée par les dispositifs existants dans les Etats membres, notamment par le biais des lois de blocage, mais devrait s attacher à rendre le cadre communautaire plus efficace et représenter une valeur ajoutée manifeste. En outre, l approche communautaire qui sera proposée devra tenir compte des incidences potentielles du nouvel instrument sur les règlementations sectorielles existantes (cf. articulation avec la règlementation en matière de marchés publics par exemple). S agissant des mesures contractuelles, en particulier en ce qui concerne les règles contractuelles sur les clauses entre le détenteur du secret et ses propres salariés, une intervention de l Union européenne n apparaît pas opportune en l absence de situation transfrontalière occasionnant des conflits de loi (le contrat de travail détermine la loi applicable). En ce qui concerne plus largement les clauses de confidentialité avec les tiers, des règles communautaires uniformes pourraient se heurter à la nécessaire libre négociation (liberté contractuelle) de ces clauses dont la rédaction est en outre d ores et déjà particulièrement complexe. Toutefois, dans le cadre d un partage de bonnes pratiques, il pourrait être prévu une mise à disposition d éléments relatifs à une meilleures prise en compte de la problématique du secret d affaires au travers les règles contractuelles, par les clauses de confidentialité notamment. A cet égard, en matière de marchés publics, un pouvoir adjudicateur peut s'engager, contractuellement, à maintenir confidentielles les informations touchant au secret des affaires, signalées comme telles, qu'il aurait pu recevoir du titulaire. Elles ne devraient pas être communiquées en dehors de la personne publique sauf si cela est autorisé par les dispositions contractuelles. Toute communication autorisée devrait se faire sur la base de conditions conservant la confidentialité des informations. Toute communication autorisée devrait se limiter, autant que possible, à la partie des informations utile pour réaliser les objectifs prévus par la personne publique. Par exemple, le marché public peut prévoir l utilisation des informations techniques, élaborées pendant son exécution, pour des marchés ultérieurs, attribués ou non au même opérateur économique ; la mise en œuvre des droits d'utilisation de 5

ces informations ne doit pas être perturbée par un nouveau dispositif relatif au secret des affaires. Par contre, lors de la procédure de consultation, la confidentialité s'impose au pouvoir adjudicateur (interdiction de transmettre des informations d'un soumissionnaire vers un autre soumissionnaire). II - Réponse au questionnaire Les autorités françaises ne répondront qu à la partie I du questionnaire de la Commission européenne relative à la notion générale de «secrets d affaires» et leur appropriation illicite, la protection existante contre celle-ci et les nouvelles mesures qui pourraient être prises au niveau de l Union européenne. Question I.1 Selon vous, quelle est l importance des «secrets d affaires»/des «informations commerciales confidentielles» pour : - la recherche et le développement : élevée - l exploitation de l innovation, c est-à-dire la conversion d une invention en un produit commercialisable : élevée - les performances des PME en matière d innovation et de compétitivité : élevée - les performances des grandes entreprises, internationalement actives, en matière d innovation et de compétitivité : élevée - la croissance et l emploi dans l économie de l UE en général : élevée Question I.2 Selon vous, quelle est l'influence des «secrets d affaires»/des «informations commerciales confidentielles» sur les éléments suivants? - la recherche dans les instituts de recherche : très positive - la recherche et le développement dans les entreprises: très positive - l exploitation de l innovation, c est-à-dire la conversion d une invention en un produit commercialisable: très positive - les performances des PME en matière d innovation et de compétitivité : très positive - les performances des grandes entreprises, internationalement actives, en matière d innovation et de compétitivité : très positive - la croissance et l emploi dans l économie de l UE en général : très positive. - la compétitivité de l UE au niveau mondial : très positive - le choix offert aux consommateurs: sans opinion. - Prix plus bas des produits et services : sans opinion 6

Question I.3 Considérez-vous que le recours au «secret d affaires» aux «informations commerciales confidentielles» représente, pour les entreprises et les instituts de recherche de l UE, un outil important de protection de leurs informations valorisables? Oui, en complément de la protection des droits de propriété intellectuelle et des autres règlementations existantes. Question I.4 Considérez-vous que la protection juridique accordée contre l appropriation illicite des secrets d affaires/des informations commerciales confidentielles est : - au niveau national: Le droit français ne protège pas le «secret des affaires» de façon générique, mais sa protection est indirectement assurée par des dispositions variées (tant civiles que pénales) et par le juge (qui dispose d un pouvoir d interprétation du texte). La protection aujourd hui offerte par le droit interne en matière de secret des affaires peut notamment s apprécier au travers des points suivants : - si la loi pénale ne sanctionne pas l espionnage industriel entant que tel, elle sanctionne le recours à différents moyens illicites utilisés par les entreprises pour obtenir les secrets de leurs concurrents : soustraction et détournement de documents confidentiels sanctionnés comme constituants les délits de vol (article 311-1 du code pénal) ou d abus de confiance (article 314-1et suivants, article 314-2 du code pénal), corruption d employés (article L. 152-6 du code du travail). Il apparait que la loi pénale couvre donc déjà un champ assez vaste d actes délictueux qu il est possible de rattacher aux actes d espionnage économique ; - en matière civile, la recherche des secrets des concurrents n est pas fautive en elle-même ; elle le devient seulement lorsqu elle est réalisée par des moyens déloyaux (embauche de personnel ayant quitté l entreprise concurrente en vue de recueillir les secrets de fabrication ou de prendre connaissance des dossiers commerciaux de cette entreprise) ; - enfin, d autres dispositions visent à prévenir les divulgations intempestives. Des obligations de discrétion peuvent être imposées (ex : aux membres d un conseil d administration (L. 225-37 du code de commerce) ou de surveillance (article L. 225-92 de ce même code). - en situation transfrontière au sein de l UE : la protection juridique accordée contre l appropriation illicite des secrets d affaires/des informations commerciales confidentielles est faible. - en situation transfrontière au-delà de l UE : la protection juridique accordée contre l appropriation illicite des secrets d affaires/des informations commerciales confidentielles est faible. 7

Question I.6 Situation transfrontière: si vous avez répondu à la question I.4 que vous considérez comme faible la protection juridique dont bénéficie actuellement une entreprise ou un institut de recherche qui exerce son activité dans plusieurs pays contre l appropriation illicite de ses secrets d affaires/de ses informations commerciales confidentielles, où se situent, d après vous, les faiblesses? - La protection n est pas la même selon les États membres de l UE (par exemple, des faits d appropriation illicite objectivement similaires peuvent donner lieu à des mesures et sanctions différentes et donc à un niveau de protection variable). - Faute de connaître suffisamment le régime juridique des autres États membres de l UE, il est difficile d optimiser les mesures de protection (par exemple, les clauses de confidentialité dans les contrats). - Il sera plus difficile à une entreprise ou un institut de recherche de détecter une exploitation illicite de ses secrets d affaires dans les pays où cette entreprise ou un institut de recherche n est pas implanté (veille plus difficile à réaliser). Question I.7 Quels effets a la coexistence de règles nationales différentes ou divergentes en matière de protection des secrets d affaires contre l appropriation illicite lorsque l on exerce son activité dans plusieurs États membres de l UE? - Un risque commercial plus élevé dans les États membres où la protection est plus faible. - Des dépenses accrues en mesures préventives de protection de l information. - Moins d incitation à engager des activités de recherche et développement dans d autres pays. - Une activité réduite dans les autres pays, en raison d une perte de confiance dans la protection juridique accordée dans les autres États membres. Questions I.8 et I.8.1 Il n y a pas de législation de l UE traitant spécifiquement de l appropriation illicite des secrets d affaires, et les règles nationales en la matière sont divergentes. Estimez-vous que la protection juridique contre l appropriation illicite des secrets d affaires/des informations commerciales confidentielles devrait faire l objet de mesures spécifiques au niveau de l UE? Adopter une définition de la notion de «secret des affaires» au niveau communautaire ne doit aboutir à une protection ni restreinte ni excessive de ce secret. La définition devra être suffisamment souple pour prendre en considération un éventail important de caractéristiques et de modes opératoires. A cet égard, les autorités françaises estiment que la définition des informations protégées relevant du secret des affaires retenue dans un futur instrument communautaire devrait s inspirer de la définition retenue dans l accord ADPIC. 8

Dans le cas où une législation communautaire serait envisagée, cette dernière devra préciser les conditions à remplir pour qu une information soit considérée comme relevant du secret d affaires, ce qui conduira à définir les atteintes aux secrets des affaires. Cette législation devra en outre être flexible afin de laisser aux Etats membres une marge de manœuvre. En effet, dans le respect du principe de subsidiarité et de l autonomie procédurale des Etats membres, les principes de la définition d atteinte aux secrets des affaires qui pourraient être prévus dans une initiative communautaire devront, pour leur application, renvoyer à la marge de manœuvre des Etats membres. Une éventuelle harmonisation ne doit pas remettre en cause l équilibre des règlementations nationales ni aboutir à un cadre trop rigide, en particulier sur la définition de la notion de secret des affaires ou la détermination de la nature des informations couvertes par le secret, ou encore sur les mesures pouvant être mises en œuvre pour en assurer la protection et en sanctionner la violation. En outre, l approche communautaire qui sera proposé devra clairement mentionner la base légale de l intervention compte tenu des incidences potentielles sur les règlementations sectorielles existantes. Par ailleurs, en matière de diffusion des bonnes pratiques, un organe européen pourrait fournir des informations aisément accessibles, fiables et mises à jour non seulement sur les différences existant entre les législations nationales, mais aussi sur les enjeux et les risques pour sensibiliser les entreprises sur l importance de la protection de leurs secrets des affaires, et sur les solutions pouvant être mises en œuvre (guide des bonnes pratiques), par exemple sur un site web dédié. Question I.9 Si vous estimez qu il devrait y avoir une législation de l UE ou une recommandation de la Commission traitant de l appropriation illicite des secrets d affaires, quel devrait être son contenu? - Définition de ce qui constitue un acte d appropriation illicite de secrets d affaires/des informations commerciales confidentielles et interdiction de tels actes : oui - Dispositions habilitant les tribunaux à ordonner qu il soit mis un terme, dans l ensemble de l UE, à l utilisation illégale de secrets d affaires/d informations commerciales confidentielles ayant fait l objet d une appropriation illicite : oui - Dispositions habilitant les tribunaux à ordonner à toutes les autorités douanières de l UE d arrêter aux frontières extérieures de l UE les importations de produits en provenance de pays hors UE, fabriqués grâce à l appropriation illicite de secrets d affaires/ ou d informations commerciales confidentielles : non En ce qui concerne les importations de produits en provenance de pays hors UE, quel type d action est visé? S agit-il de mesures provisoires ou de décisions rendues a posteriori, sur le fond? La mise en œuvre de telles mesures apparaît complexe : comment s assurer que les produits effectivement importés sont ceux qui ont fait l objet de la décision judiciaire? Comment s assurer que le défendeur est l importateur ou le destinataire des produits (il n est pas nécessairement déclaré comme tel auprès des Douanes)? 9

Plus largement, il semble difficile d habiliter les autorités douanières à retenir ou à saisir des produits qui auraient été fabriqués grâce à l appropriation illicite de secrets d affaires. En effet, une telle preuve est difficile à rapporter. Les autorités douanières pourront donc difficilement, à l examen des produits et des documents fournis par le titulaire du secret, constater la violation dudit secret. - Règles concernant le calcul des dommages et intérêts qui tiennent compte de tous les facteurs pertinents (pertes de ventes, profits injustifiés du défendeur, redevances, etc.) : Dans le cas où une législation communautaire serait envisagée, cette dernière devra préciser les conditions à remplir pour qu une information soit considérée comme relevant du secret d affaires, ce qui conduira à prévoir les atteintes au secret des affaires et le principe de leur éventuelle répression. Toutefois, les autorités françaises seront attentives à ce que cette législation laisse aux Etats membres une marge de manœuvre, comme par exemple ce qui est prévu dans la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle. - Règles contractuelles uniformes pour les clauses de non-concurrence et/ou de confidentialité entre le détenteur du secret d affaires et ses salariés : non En ce qui concerne les règles contractuelles sur les clauses entre le détenteur du secret et ses propres salariés, une intervention de l Union européenne n apparaît pas opportune en l absence de situation transfrontalière occasionnant des conflits de loi (le contrat de travail détermine la loi applicable). En ce qui concerne plus largement les clauses de confidentialité avec les tiers, des règles communautaires uniformes pourraient se heurter à la nécessaire libre négociation (liberté contractuelle) de ces clauses dont la rédaction est en outre d ores et déjà particulièrement complexe. Toutefois, dans le cadre d un partage de bonnes pratiques, il pourrait être prévu une mise à disposition d éléments relatifs à une meilleures prise en compte de la problématique du secret d affaires au travers les règles contractuelles, par les clauses de confidentialité notamment. - Règles sur les sanctions pénales et/ou les amendes applicables aux personnes et aux organisations coupables de s être illicitement approprié des secrets d affaires/des informations commerciales confidentielles : Dans le respect du principe de subsidiarité et de l autonomie procédurale des Etats membres, les principes de la définition d atteinte aux secrets des affaires qui pourraient être prévus dans une initiative communautaire devront, pour leur application, renvoyer à la marge de manœuvre des Etats membres. 10

- Règles garantissant que la confidentialité des secrets d affaires/des informations commerciales confidentielles est préservée durant les procédures et auditions judiciaires, de façon à ce qu une action en justice ne puisse donner lieu à la divulgation de secrets d affaires/ d informations commerciales confidentielles : Dans le respect du principe de subsidiarité et de l autonomie procédurale des Etats membres, les principes de la définition d atteinte aux secrets des affaires qui pourraient être prévus dans une initiative communautaire devront, pour leur application, renvoyer à la marge de manœuvre des Etats membres. Question I.10 Selon vous, quels seraient les effets probables d une législation adoptée au niveau de l UE? 1.10.1. Effets positifs (cochez la ou les cases correspondantes) - «Une meilleure protection contre l appropriation illicite des secrets d affaires/des informations commerciales confidentielles». - «Les entreprises/les chercheurs pourraient davantage se fier à une application efficace de la loi en situation transfrontière, et les coûts d une action en justice dans un autre État membre de l UE seraient moins élevés». - «Une meilleure protection juridique des résultats de l innovation favoriserait les investissements dans la recherche et le développement et dans l innovation». - «Un environnement plus sûr pour les entreprises ouvrirait aux différents acteurs de plus grandes opportunités de coopérer en matière de recherche et développement et de projets d innovation («innovation en réseau/collaborative», par opposition à l «innovation interne»)». - Les PME seraient davantage en mesure de mobiliser des financements ou du capital risque. 1.10.2. Effets négatifs (cochez la ou les cases correspondantes) Parmi les effets négatifs, les autorités françaises relèvent néanmoins le risque de compromettre l équilibre existant entre droit du travail, droit de la propriété intellectuelle, droit civil et droit pénal au niveau national. Question I.11 Pensez-vous que l adoption, au niveau de l UE, d une législation visant à lutter contre l appropriation illicite des secrets d affaires/des informations commerciales confidentielles améliorerait le fonctionnement du marché intérieur de la propriété intellectuelle? 11

I.11.2. Oui, parce que - «une plus grande sécurité juridique et une plus grande facilité à faire respecter la loi encourageraient l échange d informations techniques, protégées par des droits de propriété intellectuelle entre États membres de l UE» ; - «une meilleure coordination et/ou une plus grande harmonisation entre les États membres de l UE est susceptible de contribuer à décourager l appropriation illicite de la part des pays hors UE et rendraient la coopération intra-ue plus intéressante». La protection du secret des affaires doit toutefois demeurer un complément de la protection accordée par les droits de propriété intellectuelle. ******* 12