PANORAMA DE LA RELATION BANQUES/INSTITUTIONS DE MICROFINANCE A TRAVERS LE MONDE N 07-79



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Transcription:

PANORAMA DE LA RELATION BANQUES/INSTITUTIONS DE MICROFINANCE A TRAVERS LE MONDE N 07-79 François Seck FALL* Séminaire/doctorants du CARE Rouen * CARE, Université de Rouen. Email : fallfranc@yahoo.fr 1

Résumé : L objet de cet article est de passer en revue les différentes formes de relations entre les banques et les institutions de microfinance. Par cet exercice exploratoire, nous nous proposons de déterminer les différents aspects que revêt la nature de la relation entre ces deux types d intermédiaires financiers. Nous remarquons que la nature de leur relation varie d une zone à une autre, selon le degré de maturité du secteur de la microfinance et les spécificités de chaque système financier. Abstract : The aim of this article is to go over the different forms of relations between banks and microfinance institutions. Such a study will enable us to point out the different aspects between both types of financial intermediaries. We will note that that relation varies from an area to another one, according to how mature the area is about microfinance and also according to each financial system specificities. Mots clés : Banques classiques ; Institutions de Microfinance ; Downscaling ; Upscaling ; Relations de partenariat ; Concurrence ; Complémentarité. Codes JEL : G21, O17, O5 2

Introduction La microfinance n aurait pas connu un tel engouement et un tel succès, si le professeur Yunus et d autres pionniers n avaient pas démontré que les pauvres étaient bancarisables et que le micro-crédit pouvait être une activité rentable 1. Fort de cette idée, certaines banques classiques, à la recherche de nouvelles niches de clientèle, expérimentent les voies de la microfinance. Par ailleurs, des institutions de microfinance (IMF) suffisamment matures et en phase terminale de développement se glissent dans le système financier traditionnel. Les banques et les institutions de microfinance sont deux catégories d institutions d essences différentes mais qui, bien souvent, se dévouent pour le même objectif à savoir : collecter l épargne des agents excédentaires pour les besoins de financement de projets jugés rentables. Généralement, ces deux types d institutions n ont pas la même stratégie de localisation, la même technologie de production et ne proposent pas exactement les mêmes types de produits et services. Elles n ont pas, également, la même cible de clientèle et ne sont pas toujours soumises à la même réglementation bancaire. Cependant, quelles que soient leurs différences structurelles et organisationnelles, ces deux types d intermédiaires ont une raison commune d existence : les coûts de transaction et d information élevés qu engendre l échange direct sur le marché. A priori, ces «intermédiaires» n auraient pas de raison d être si tous 1 - les échanges directs étaient faciles d accès et non coûteux (Vénard, 2001). Dans la littérature théorique, l avènement du secteur de la microfinance a été amplement expliqué par une défaillance du secteur bancaire dans le financement des catégories pauvres (Coquart, 2000 ; Hugon, 1996 ; Morduch, 2000). Dans la plupart des pays en développement, l émergence du secteur de la microfinance a fait suite à la vague de libéralisations financières à la fin des années 70, dont les fondements théoriques se trouvent dans les travaux de Mc Kinnon (1973) et Shaw (1973). Cette libéralisation financière a poussé plusieurs banques centrales vers des réformes drastiques de leurs systèmes financiers, amenant ainsi les banques 1 Cette assertion n est nullement une adjudication des origines de la microfinance au Professeur Yunus. Elle consiste, tout simplement, à faire le lien avec le prix Nobel de la paix et par là, donner une référence aux lecteurs les moins avisés. L origine de la microfinance, en effet, remonte à bien des années avant son appropriation par le professeur Yunus. Pour des informations plus amples sur ce sujet, suggestion est faite de se rapprocher des oeuvres du professeur Servet (professeur à l IUED) en particulier son livre Banquiers aux pieds nus, la microfinance, paru en 2006 chez Odile Jacob. 3

à plus de prudence dans la sélection de leurs crédits. Dans la zone UEMOA (Union Economique et monétaire ouest Africaine), le nouveau dispositif prudentiel et la surveillance accrue de la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l Afrique de l Ouest) avaient renforcé la frilosité des banques en matière de crédit et par là, le développement de pratiques financières informelles. Cependant, ces pratiques, bien qu aidant une bonne partie des petits entrepreneurs à trouver les moyens de financement de leurs activités, se trouvaient être sous optimales (Lelart, 1993) 2. Elles représentent non seulement une perte sèche pour le Trésor, mais sont onéreuses, risquées et peu commodes (Littlefield et al. 2004). Ainsi les institutions de miro finance, prenant appui sur cette finance informelle, sont apparues, cherchant à pallier cette déficience du système financier et à réduire l écart entre le secteur formel et le secteur informel (Hugon, 1991). En effet, la microfinance a eu pour objectif de départ de combler le vide laissé à la fois par les banques privées pour lesquelles les pauvres représentaient un marché peu rentable et coûteux et par les banques de développement dont la plupart ont été liquidées pour des raisons d inefficacité (Labie et al. 2005). Elle est définie comme l offre de services financiers au profit des populations à faible revenu, pauvres et très pauvres en situation d auto emploi (Otero, 2000). Cependant, l industrie bancaire, bien que sa définition institutionnelle s écarte de celle économique (Dietsch, 1990), revêt un caractère précis et stable comparée à l industrie de la microfinance qui est ambiguë (Mayoukou, 2000) et varie d un pays à l autre (Isern et al. 2005). Son offre est généralement destinée à des catégories pauvres exclues du système financier classique, faute de garanties suffisantes (Morduch, 2000). Aussi, si les banques fonctionnent suivant une logique financière de rentabilité, les institutions de microfinance poursuivent une double mission, sociale et financière. Tous ces éléments nous laissent penser que les deux types d intermédiaires sont de nature purement complémentaire. Mais une fois de plus, les faits nous montrent que la théorie n est pas toujours maître de la réalité du terrain. Aujourd hui, avec le succès spectaculaire du secteur de la microfinance, un nombre croissant de banques commerciales entrent dans ce 2 Lelart M. (1993), «Ces systèmes ne permettent pas une allocation optimale des ressources dans l économie alors que le capital est précisément une ressource rare dans ces pays» 4

nouveau marché (Christen, 2001), motivées d une part par la concurrence de plus en plus accrue dans la secteur bancaire (Bell, 2002 ; Westley, 2006) et d autre part, par la pression de certains Etats (Alcorn, 2005). Dans l autre sens, des institutions de microfinance suffisamment rentables et en stade final de développement se glissent dans le système financier formel. Cependant, si certaines institutions choisissent l entrée directe dans l autre marché, d autres préfèrent jouer la carte de la prudence en nouant des relations de partenariat avec les institutions voisines. La dynamique de la relation Banques/Institutions de microfinance dans les zones à forte maturité du secteur de la microfinance Asie, Amérique Latine montre que la relation entre les banques et les IMF s amorce sur des liens de complémentarité pour finir sur des rapports de compétition. L analyse qui précède nous amène aux interrogations suivantes : Quelles sont les différentes formules de passage d un marché à un autre, pour les deux catégories d institutions? Quelles sont les principales motivations des unes et des autres lorsqu elles décident de faire le pas vers le marché voisin? Quelles sont les différentes formes que revêt la nature de la relation entre les banques et les institutions de microfinance? Quelle est la dynamique de la relation entre les deux secteurs? Enfin, quels sont les facteurs qui déterminent la nature et l évolution de la relation entre les deux types d intermédiaires? Pour tenter de répondre à ces questions, cette revue sera organisée de la manière suivante : nous abordons d abord l entrée directe des banques en microfinance (section 2) et l incursion des institutions de microfinance dans le système financier formel (section 3) ; ensuite nous présentons les passages indirects d un segment à l autre (section 4) ; et enfin, nous tirons des conclusions sur les différents aspects que revêt la nature de leur relation, ainsi que les facteurs déterminant la nature et l évolution de celle-ci (section 5). I - L entrée directe des banques en microfinance : le «Downscaling» Une banque pour entrer en microfinance dispose de deux voies principales : la voie directe le «Downscaling» et la voie indirecte «les relations de partenariat avec les institutions de micro finance». Le «Downscaling» qui nous interpelle dans cette section, consiste pour une banque à descendre en gamme de clientèle. Il s agit particulièrement pour 5

celle-ci de réduire son échelle d intervention afin de pouvoir atteindre une niche de clientèle à revenu plus faible (Segrado, 2005, Seibel et al., 2003) 3. Les premières expériences de «Downscaling» ont été enregistrées en Amérique Latine et en Asie où des institutions pionnières comme Banco Do Nordeste, Bank Rakyat Indonesia et Banco de Credito ont pénétré avec succès dans ce marché. Christen (2001) et Valenzuela (1998), nous montrent que c est en Amérique Latine que ce phénomène s est le plus illustré. Les banques commerciales fournissent 29 % des fonds alloués aux micro-entrepreneurs en Amérique Latine (Christen, 2001), ce qui auparavant était l oeuvre exclusive des ONG et sociétés coopératives. Au départ, le terrain de la microfinance était un domaine particulièrement réservé aux ONG et autres institutions en faveur du développement, mais aujourd hui la donne semble avoir changé : avec le développement remarquable du secteur, de plus en plus de banques commerciales pénètrent dans ce marché. En effet, depuis que des pionniers de renom comme la Grameen Bank au Bangladesh et Accion en Amérique Latine ont démontré que les pauvres pouvaient être solvables (Isern et al. 2005), les banques commerciales jouent un rôle grandissant dans ce secteur. Outre le fait qu elle permet aux entrepreneurs pauvres d avoir les moyens de réduire leur vulnérabilité et de participer au développement économique de leurs pays, elle a prouvé qu elle pouvait s établir sur la durabilité et opérer sur une base commerciale efficace et rentable (Littlefield et al. 2004) 4. Sa double efficacité sociale et financière a interpellé certaines institutions bancaires qui jusqu alors considéraient la microfinance comme une arène réservée aux ONG à vocation sociale, et non comme un domaine où pouvaient s activer les banques et autres intermédiaires financiers classiques (Littlefield et al. 2004). Deux principales raisons motivent les banques lorsqu elles décident de descendre en gamme de clientèle : la concurrence de plus en plus forte dans le secteur 3 Segrado (2005), «The word Downscaling expresses the involvement of commercial banks in microfinance, which implies reducing the volume of their affaires by opening to a new even if more risky market niche : poor people and microentrepreneurs». 4 Cette idée est largement partagée par Littlefield E. et al. (2004), «It enables the poor to build asset, diversify and increase incomes, and reduce their vulnerability to economic stress. Microfinance is sustainable : Dozen of institutions have proved that financial services for poor people can cover their full cost, through adequate interest spreads, relentless focus on efficiency, and aggressive enforcement of repayment. A large and growing proportion of today s microfinance services is being provided by institutions that are profitable». 6

bancaire (Bell, 2002 ; Westley, 2006) et la pression de certains Etats 5 (Alcorn, 2005). Dans la littérature théorique, on recenserait quatre schémas d intervention des banques en microfinance (Lopez et al. 2003). Il s agit précisément de l Unité interne, la Filiale financière, la Société de services en micro finance et des Alliances stratégiques. Hormis les alliances stratégiques, ces schémas correspondent à une intervention directe des banques en microfinance. En les appuyant quelquefois par des exemples empiriques, nous allons successivement les présenter. 1.1. L unité interne spécialisée en microfinance Dans cette stratégie, deux possibilités s offrent à la banque : créer une unité de microfinance en son sein, ou incorporer un produit de microfinance dans une unité déjà existante de la banque (Lopez et al. 2003). De ces deux possibilités, l introduction du nouveau produit dans une unité déjà en marche semble être la moins coûteuse et la plus facile à mettre en oeuvre, toutefois, elle est moins couronnée de succès. La simplicité de sa mise en oeuvre réside dans le fait que l introduction du nouveau produit ne nécessite pas de préparation spécifique : le produit est tout simplement introduit comme tout nouveau produit de la banque, en faisant appel, notamment à une campagne de Marketing et de promotion. La facilité avec laquelle le produit est traité explique sans doute son manque de succès : le microcrédit étant un produit spécifique qui ne nécessite pas le même mode de préparation qu un produit bancaire classique. En revanche, la cellule interne a fait l objet de réussite dans certaines banques, à l instar de la BRI en Indonésie et de Banco Do Nordeste au Brésil. Toutefois, il convient de souligner que ces dernières sont des banques d Etat, ce qui peut susciter une réelle motivation et une sincère implication de ces banques dans les opérations de micro-crédit. Dans le cas de banques privées, la création d une unité interne peut s avérer très difficile en raison des tensions internes que cela peut susciter (Lopez et al. 2003). L exemple de la banque royale du Zimbabwe (Kingdom Bank) nous donne une bonne illustration des tensions que peut susciter une telle stratégie : le personnel de l unité de microfinance souhaite sortir de la banque afin de renforcer son identité propre. L avantage de ce modèle réside dans le fait que sa mise en 5 Le «Downscaling» est le fait principalement de deux types de banques : les banques commerciales privées motivées davantage par la concurrence de plus en plus aiguë dans le secteur bancaire, et les banques d Etats, dont bon nombre sont poussées par la pression de leurs Etats. 7

oeuvre ne nécessite pas la sollicitation d un agrément. L unité interne n a pas de personnalité juridique distincte de celle de la banque et ne fait pas l objet d une réglementation distincte de celle-ci. Généralement, l unité interne est étroitement rattachée à la banque, ce qui réduit son coût de mise en oeuvre. Elle utilise les infrastructures existantes de la banque pour ses diverses activités. Néanmoins, du fait de la spécificité du micro-crédit, les décisions relatives aux prêts et à leur suivi nécessitent souvent le recours à un personnel qualifié dans le domaine de la microfinance. Cependant, si ce modèle est simple dans sa mise en oeuvre, il expose la banque à deux principales difficultés : l instauration d une culture bancaire appropriée aux opérations de microfinance et l établissement d une gouvernance autonome pour l unité de microfinance. Les banques qui décident de créer une unité interne doivent adapter leurs systèmes et procédures aux besoins spécifiques des opérations de microfinance (Isern et al. 2005). Pour ce faire, elles peuvent accorder une grande marge de manoeuvre à l unité interne en lui permettant de recourir à des systèmes de gestion et à des politiques de crédit qui lui sont spécifiques. En l absence de dispositions particulières pour les activités de microfinance relevant purement du domaine informel, le risque pour la banque est de subir un retour de bâton quant à son implication en microfinance. Donc, cette stratégie, même si elle semble à priori banale, doit être accompagnée d un minimum de précautions. 1.2. La filiale financière Une façon de pallier les inconvénients de l unité interne tensions interpersonnelles, absence de gouvernance autonome etc. - consiste pour une banque à créer une filiale financière spécialisée en microfinance (Lopez et al. 2003). La filiale financière est une institution réglementée par les autorités bancaires. Elle doit faire l objet d un agrément auprès des autorités bancaires locales, ce qui la soumet aux exigences de fonds propres minimum et au respect de tous les impératifs disposés par l agrément. La filiale financière peut être une propriété exclusive de la banque ou prendre la forme de «joint ventures» avec d autres associés. Cette formule de coentreprise peut s avérer très avantageuse pour la banque lorsque les investisseurs associés disposent d un savoir faire et d une expérience en microfinance. Par ailleurs, l ouverture du capital de la filiale à d autres investisseurs lui permet aussi de réduire 8

les risques d entrée en microfinance, en les partageant avec ces derniers 6. D autres avantages liés à ce modèle tiennent au fait que les activités de microfinance sont dotées d une gouvernance distincte, ce qui se traduit par une structure de personnel et des méthodes de gestion appropriées. Il convient aussi de noter que la mise en place d une filiale financière permet à la banque de s exposer moins aux risques liés à sa réputation 7. Toutefois, si ce modèle permet de répondre à bon nombre d inconvénients de l unité interne, il convient de souligner qu il est susceptible, en particulier lorsque les deux structures sont fortement différenciées, de conduire à une duplication des tâches pour la banque. Cette duplication des tâches est synonyme d une augmentation du coût d entrée en microfinance. Pour éviter ainsi ce risque, certaines banques mettent leur infrastructure à la disposition de leurs filiales (bureaux, système d information et de comptabilité, trésorerie etc.). 1.3. La société de service en microfinance La société de service en microfinance est une variante de la filiale financière qui a l avantage d être moins coûteuse et moins complexe dans son fonctionnement et sa mise en oeuvre. Elle est définie comme une société non financière qui pourvoit des services d octroi et de gestion de crédit à une banque (Lopez et al. 2003). Contrairement à la filiale financière, la société de service ne nécessite pas d agrément et ne fait pas l objet d une réglementation par les autorités monétaires. Ce modèle est assez récent et a été testé pour la première fois par Accion. A l image de la filiale financière, elle peut être une propriété exclusive de la banque ou appartenir à plusieurs investisseurs associés. Ce modèle donne à la banque la possibilité de solliciter l expertise de partenaires extérieurs par une ouverture de son capital à des investisseurs actifs en microfinance, ce que ne lui permettrait pas la création d une unité interne. Dans ce modèle, tout le travail de promotion, d évaluation, d approbation, de suivi et de recouvrement des crédits incombe à la société de service. Toutefois, les crédits sont 6 La forme de "joint ventures" est doublement bénéfique pour la banque, lorsque les partenaires ont des compétences en microfinance : non seulement elle peut profiter de l expériences de ces derniers, mais aussi elle partage le risque avec eux. Lopez C. et al. [2003], appuient cette idée : «In creating a financial subsidiary, a bank has the opportunity to limit its risk of entry into microfinance by sharing risk with other shareholders, particularly if those shared holders bring experience and know-how in microfinance». 7 Lorsqu une banque entre directement en microfinance, en créant notamment une filiale financière, elle expose en partie son image et sa réputation. A cet égard, la séparation entre les deux entités est une façon pour celle-ci de réduire ce type de risque. 9

enregistrés dans les registres de la banque mère 8, et la société se fait rémunérer pour ses services. La société de service, à l image de la filiale financière, dispose généralement d une gouvernance autonome, d une identité, et d une structure de personnel qui lui sont propres. Les agents de la société de service directement impliqués dans la gestion des crédits sont un personnel qualifié en microfinance et se différencient des agents de la banque. La seule implication étroite de la banque consiste à fournir à la société, des services payants tels que le support informatique, certaines technologies et du personnel pour les opérations pas étroitement liées à la microfinance. Ce modèle peut varier d une banque à une autre selon les clauses établies au départ entre la société et la banque. Le cas de Sogebank et Sogesol en Haïti nous dévoilent les avantages qu inclut ce modèle par rapport aux deux schémas précédents. II - L incursion des IMF dans le système financier : le «Upscaling» Une institution de microfinance pour entrer dans le système financier traditionnel dispose aussi de deux voies principales : la voie directe «le Upscaling» et la voie indirecte «les relations de partenariat». Le «Upscaling» est le fait d institutions de microfinance qui montent en gamme de clientèle dans le but d atteindre une niche de clientèle plus aisée. Il s agit particulièrement d institutions de microfinance suffisamment matures et d un niveau de rentabilité assez élevé, qui se 6 sentent aptes à se glisser dans le système financier formel et à entrer en compétition directe avec les banques traditionnelles. Certains économistes analysent l incursion des IMF dans le système financier comme un signe d entrée dans leur phase finale de développement (Christen, 2001). En effet lorsque nous étudions l évolution d une institution de microfinance, le constat que l on peut faire d emblée est qu à partir d un certain niveau de développement, le montant moyen des prêts augmente, en corrélation avec le degré de maturité de la clientèle. Cependant, outre le fait que chaque IMF cherche à atteindre la viabilité et la rentabilité à terme, toute institution, dans un souci de fidéliser sa clientèle, est contrainte d adapter son offre à la demande de celle-ci. Ainsi, lorsque l activité de la clientèle se développe, leurs besoins en financement 8 Lopez C. et al. (2003), «The service company does all the work of promoting, evaluating, approving, tracking and collecting loans ; however, the loans themselves are on the books of the bank». 10

s accroissent, et donc le montant des sommes demandées. Et sous peine de perdre sa clientèle, l IMF est logiquement amenée à aligner son offre sur les besoins de sa clientèle. A partir de ce moment, le besoin en ressources longues et peu coûteuses se fait sentir pour l institution de microfinance. Ce besoin, renforcé par la rareté des ressources des bailleurs dans les phases finales de développement, amène souvent l institution de microfinance à changer de statut en sollicitant un agrément bancaire. L agrément bancaire lui confère le pouvoir d accéder au marché des capitaux et de mobiliser les dépôts aussi bien de gros investisseurs institutionnels que de clients pauvres. Cependant, l entrée dans le système financier ne peut être le fait de toute institution désireuse d accéder aux ressources du marché. En réalité, l obtention d un agrément bancaire requiert au préalable certaines conditions contraignantes telles que la rentabilité, la viabilité institutionnelle et financière. L incursion directe des IMF dans le système financier, en Amérique Latine, pose aujourd hui le débat sur la commercialisation et la dérive de mission de la microfinance (Christen, 2001). D après Labie et al. (2005), il semblerait qu en l état actuel des choses, l approche commerciale de la microfinance ait eu tendance à devenir le paradigme dominant pour le secteur. Toutefois si certains comme Christen (2001) s interrogent sur une possible dérive sociale de la microfinance, d autres à l image de Porteous (2006), voient dans cette approche une réelle volonté de faire évoluer les institutions vers des entités à logique et pratiques bancaires. L incursion des IMF dans le système financier officiel prend deux formes majeures : d une part, des institutions de microfinance en phase terminale de croissance qui se transforment en banque ou créent leur propre structure bancaire, et d autre part, des ONG qui se transforment en banque. Toutefois, si certaines institutions de grande taille telles que les ONG et autres institutions très rentables s introduisent dans le système financier sur une base personnelle, d autres de moindre envergure choissent de se lancer en réseau 9. Nous allons voir ces deux cas principaux à travers l exemple de la BANCOSOL (en Bolivie) et de la BIMAO (Afrique subsaharienne). 9 C est le cas de la BIMAO mise en place conjointement par le Crédit Mutuel du Sénégal (CMS) et l union JEMENI du Mali. 11

III - La voie indirecte : les différentes formules de partenariat Banques/IMF Une façon pour une banque de s impliquer en microfinance, sans s exposer directement au risque, consiste pour elle, à développer des relations de partenariat avec les institutions de microfinance déjà en place sur le marché. Aussi, une façon pour une institution de microfinance de s automatiser, de se viabiliser et d acquérir des ressources longues pour son développement futur consiste à nouer des relations de partenariat avec le secteur bancaire. Cette voie indirecte exhibe une marque de complémentarité, dans la mesure où chaque institution dispose d un avantage comparatif dans la production de son bien de référence. Dans la littérature, les alliances et les partenariats sont définis comme des relations de coopération entre des entreprises appartenant à un même secteur (alliances), à la même filière ou à des champs concurrentiels totalement différents (partenariats) et qui font le choix de mener à bien de façon conjointe un projet ou une activité, leurs activités principales restant indépendantes (Dayan et al. 2004). Dans le cadre de la coopération entre une banque et une institution de microfinance, les alliances développées sont de nature complémentaire, dans la mesure elles portent sur l échange de compétences ou de ressources. Dans l alliance complémentaire, les firmes s apportent mutuellement des contributions complémentaires en matière de production ou de commercialisation. Elles peuvent se trouver ou non en situation de concurrence (Dayan et al. 2004). Le partenariat entre les deux types d institutions est mutuellement bénéfique : chacun des deux partenaires peut y trouver son compte. Selon Littlefield et al. (2004), les IMF, par ces relations de partenariat peuvent réduire leurs frais et développer leur clientèle, alors que les banques, par là, peuvent profiter des possibilités qui leur sont offertes d accéder à de nouveaux marchés, de diversifier leurs actifs et d accroître leurs recettes. C est en Afrique de l ouest que l on trouve les formules les plus diversifiées de partenariat entre ces deux catégories d institutions. Dans la littérature empirique, il existe plusieurs types de partenariat entre les deux catégories d institutions qui peuvent être de nature, institutionnelle, financière, technique ou hybride. 12

3.1. Le partenariat institutionnel La forme la plus simple et qui engage moins la banque est le mécénat. Cette formule de partenariat peut recouvrir plusieurs formes institutionnelles : parrainage, subventionnement, apport d expertise, initiateur, maître d ouvrage etc. Elle permet à la banque d être reconnue comme supporter de la microfinance, sans exposer son image de marque. Ce type de partenariat est plus fréquent dans les zones où la microfinance est en phase de démarrage. Au Mali par exemple, la Banque Nationale de développement Agricole (BNDA) a joué un rôle considérable dans la création de certains réseaux de CVECA 10 et d Institutions de Crédit Solidaire. Elle a assuré le rôle de maître d ouvrage dans la création de cinq réseaux de CVECA parmi les six existants, ainsi que dans deux institutions de crédit solidaire. Dans ces projets entrepris avec des bailleurs de fonds extérieurs (KFW, AFD, UE) 11, l apport de la BNDA a été considérable, notamment par sa connaissance des zones d implantation et des acteurs du milieu agricole. Elle a assuré le suivi des réseaux jusqu à leur automatisation, ce qui lui a permis de mieux connaître le fonctionnement des caisses et de créer une confiance mutuelle avec ces dernières. Au Sénégal, la Caisse Nationale de Crédit Agricole (CNCAS) a joué un rôle déterminant dans la création de certaines institutions de microfinance à l image de la Mutuelle d Epargne et de Crédit de Hann (MECH) à Dakar, la Mutuelle d Epargne et de Crédit de Sédhiou (devenue UMEC Sédhiou) et la Mutuelle d Epargne et de Crédit du PRODAM à Matam. Elle est la principale partenaire des institutions de microfinance en milieu rural et son partenariat avec ces dernières est fondé particulièrement sur le rôle de complémentarité que peuvent lui prodiguer les IMF, dans l atteinte des populations rurales. D autres formules de partenariats institutionnels plus banales consistent pour une banque à subventionner le démarrage d institutions de microfinance ou à édifier un trophée pour les acteurs de la microfinance 12. 10 Caisses Villageoises d Epargne et de Crédit Autogérées. 11 Banque allemande pour la reconstruction ; Agence Française de Développement, Union Européenne. 12 Selon une source de PlanetFinance, CITIGROUP aurait subventionné à hauteur de 11 millions de dollars de 145 IMF dans 50 pays, en particulier en Asie. Selon cette même source ABN AMRO (en Inde) a lancé, en partenariat avec PlanetFinance, en 2005 les MPEA (Microfinance Process Excellence Awards) qui est un concours visant à inciter les IMF à améliorer leurs techniques de gestion. 13

3.2. Le partenariat technique Le partenariat technique est basé généralement sur la prestation de service de la banque au profit de l IMF. Il peut porter sur la formation, le transfert de fonds, l audit, le contrôle, la mise à disposition par la banque de son infrastructure à l IMF etc. Lopez & Rhyne (2003) ont nourri largement l idée que les banques commerciales bien établies peuvent offrir au secteur de la microfinance des avantages dont ne bénéficient généralement pas les ONG ou IMF issues de transformation. Les banques disposant d une infrastructure matérielle et humaine conséquentes peuvent offrir aux IMF des possibilités de réduction de coûts d ouverture de points de distribution de services de microfinance 13. Les banques, de part leur personnel compétent dans plusieurs domaines afférents aux services financiers, peuvent jouer un rôle important dans la formation du personnel d institutions de microfinance. Pour les deux institutions, le partenariat technique est mutuellement bénéfique : une banque qui met ses guichets à la disposition d une institution de microfinance peut en tirer avantage, en prenant, notamment, connaissance des habitudes d épargne des clients à bas revenus. Une formule de partenariat technique plus étroit consiste pour une banque à assurer à ses guichets la collecte de l épargne et l octroi de crédit pour l IMF, pendant que cette dernière se concentre sur l analyse et la validation des demandes, ainsi que le suivi des prêts. En Egypte, l expérience de ABA 14 est particulièrement enrichissante. Cette IMF a noué un partenariat efficace avec une banque de la place, à travers lequel ses clients effectuent des opérations de retraits et de dépôts. L institution de microfinance a déposé dans la banque un fonds de crédit dont elle a été dotée. A travers ce compte bancaire, les clients de l IMF effectuent leurs retraits et leurs remboursements. Cependant le travail d évaluation, d approbation, de suivi et de recouvrement incombe à l institution de microfinance. Quotidiennement, la banque tient informée l institution de microfinance des versements et retraits effectués par ses clients, ce qui lui permet de prendre connaissance d éventuelles défaillances, et de pouvoir intervenir à temps. Au Niger SONIBANK et KOKARI ont adopté la même stratégie, à la seule différence que la banque octroie les crédits sur ses propres fonds ou sur des lignes de crédits extérieurs domiciliées chez elle. Mais dans ce partenariat, KOKARI joue uniquement un rôle d interface 13 Ce type de partenariat est très répandu en Afrique subsaharienne où certaines banques à l instar de la Financial Bank Bénin (FBB) mettent leur infrastructure à la disposition des IMF. Au Liban, Jammal trust Bank et Crédit Libanais offrent des services de front ou de Back-Office. En Géorgie, Constanta développe son réseau en louant des agences bancaires. 14 Alexandra Business Association, une institution de microfinance égyptienne. 14

entre la banque et les groupements villageois. Au Sénégal, dans les régions du Bassin du Fleuve, des partenariats banques et IMF sont en train de naître, dans le but d une meilleure mobilisation de l épargne des migrants de l Europe vers les villages du Bassin du Fleuve. Dans la plupart des cas, le partenariat technique est souvent accompagné d un partenariat financier. 3.3. Le partenariat financier Le partenariat financier peut recouvrir plusieurs formes en fonction du degré de confiance liant les deux institutions. La forme de partenariat la plus courante et la plus simple est le placement auprès d une banque de l excédent d épargne de l IMF. Cette forme de partenariat est une relation traditionnelle du client avec son banquier. Toutes les institutions de microfinance, eu égard à la réglementation PARMEC, sont tenues de placer leur excédent de trésorerie en banque. Ce partenariat simple revêt une image de complémentarité dans la mesure où les deux partenaires en tirent simultanément avantage : l institution de microfinance trouve un gage de sécurisation pour son épargne et la banque y trouve une source d élargissement de son épargne. Une autre forme de partenariat financier plus poussée consiste pour les deux institutions à signer un partenariat de refinancement. Ce partenariat de refinancement requiert un degré de confiance plus élevé entre la banque et l institution de microfinance et sa pérennité est généralement conditionnée par des résultats de gestion satisfaisants de la part de l IMF. Le refinancement bancaire des IMF est une forme de partenariat financier très développée en Afrique subsaharienne, notamment au Burkina Faso et au Mali (Mayoukou 1999). Un nombre croissant de banques s active dans les opérations de refinancement d institutions de microfinance. Le cas de la Société Générale au Bénin (SGBB) et l exemple de la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA) avec les caisses villageoises au Mali font partie des expériences de refinancement les plus captivantes en zone UMOA. Depuis sa création en 2002, la SGBB s est fixée comme stratégie de contribuer à la réduction de la pauvreté dans les pays en voie de développement, dans une perspective de développement durable, notamment par le soutien d IMF de bon standing. Elle est largement présente dans le financement des populations à faible revenu en s adossant sur les IMF. Elle 15

assure le refinancement des IMF locales sur fonds propres essentiellement et en adaptant son offre à leurs besoins. Les financements sont accordés à moindre coût mais sur une base claire : fourniture d informations financières fiables, rapports annuels, notations externes (audit). Si la conclusion d un partenariat de refinancement est souvent conditionnée par un engagement de l institution de microfinance de déposer systématiquement ses excédents de trésorerie ou une part non négligeable de ses dépôts sous forme de garantie de refinancement (Mayoukou, 1999), certaines banques, à l instar de la BNDA-Mali, ont refinancé les institutions de microfinance sans beaucoup exiger de ces dernières. L exemple de la BNDA- Mali est assez singulier dans la mesure où la plupart des refinancements bancaires s effectuent sous la couverture d un fonds de garantie. Un fonds de garantie est un fonds logé au sein d une banque par un bailleur, destiné à compenser les pertes éventuelles enregistrées par la banque, en cas de non remboursement des clients bénéficiaires. Il existe trois modèles de fonds de garanties : le modèle individuel, le modèle du portefeuille et le modèle de l intermédiaire. Dans le cadre du partenariat technique entre une banque et une IMF, le modèle de l intermédiation constitue un lien fort de complémentarité. L IMF trouve par là une source de refinancement et la banque un moyen de servir la clientèle pauvre à moindre risque. En dehors de ces trois principaux types de partenariat, il existe d autres formes hybrides de partenariat entre les banques et les institutions de microfinance. 3.4. Autres formes de partenariat Il s agit principalement de la prise de participation et du fonds d investissement au profit de la microfinance. Ils sont très développés dans les pays du nord en particulier l Europe et sont le fait de grandes banques et institutions financières dont les principaux investisseurs vouent une sensibilité au concept de développement et de l investissement socialement responsable. Ces modèles de partenariat sont des modèles hybrides dans la mesure où ils peuvent prendre un contour à la fois financier, technique et institutionnel. Lorsqu une banque prend une participation dans une institution de microfinance, à la hauteur de sa contribution, elle peut détenir des voies et peser sur les décisions du conseil d administration. Ainsi en fonction de ses priorités, ses interventions peuvent jouer sur le plan technique (en aidant l institution à améliorer son infrastructure, son personnel etc.), financier (en appuyant 16

l institution en cas de difficultés financières via un prêt ou même assurer le refinancement de celle-ci) et institutionnel (en aidant à la définition du modèle institutionnel de l institution). On peut distinguer deux grands types de fonds d investissement : les fonds dédiés entièrement à la microfinance et les fonds ayant une composante microfinance. La plupart des fonds d investissement de banque en microfinance sont l oeuvre de banques européennes. Les banques luxembourgeoises et suisses sont très connues pour leurs deux grands fonds d investissement dédiés entièrement à la microfinance : Dexia Microcredit Fund (DMCF) et Responsability. Dexia Microcredit Fund 15 et Responsability Global Microfinance Fund 16 investissent des capitaux dans les institutions de microfinance, dans l objectif de favoriser le développement durable des microentreprises des pays émergents. Ces deux fonds sont entièrement dédiés aux institutions de microfinance de bon standing, via le marché des capitaux. Si Dexia Microcredit Fund et ResponsAbility ont entièrement dédié leur actif à la microfinance, d autres fonds à l instar de «Nord Sud Développement - CDC IXIS AM» et «Axa World Fund Development Debt CDC IXIS AM» ont dédié leur actif à hauteur respectivement de 5 % et 10 %. Nord Sud Développement 17 se donne comme objectif d allier le financement du développement avec une épargne rémunérée au taux du marché des capitaux. Son actif est essentiellement composé d obligations émises par des institutions spécialisées dans le financement du développement. Quant à Axa World Development Debt 18, sa stratégie est particulièrement fondée sur le choix de projets axés sur le développement durable et solidaire. 15 Dexia Microcredit Fund est une sicav luxembourgeoise mise en place par la Dexia Banque Internationale en 1998 et cogérée par Dexia Asset Management (Dexia AM) et BlueOrchard Finance. 16 Responsability est une plate forme d investissement à caractère social lancée en 2003 au Luxembourg par quatre banques suisses. Ce fonds est distribué en France par BNP Paribas. 17 Nord Sud Développement est une Sicav gérée à Paris par CDC IXIS ASSET MANAGEMENT dont 5 % de l actif est dédié à la Microfinance. 18 C est un fonds obligataire de droit luxembourgeois, qui concilie rendement élevé et développement durable. 17

IV - Les différents aspects de la relation banques et institutions de microfinance La première conclusion que l on peut tirer à l issue de ce survey est que la relation entre les banques et les institutions de microfinance revêt un caractère polymorphe. Elle varie d une zone à une autre, en fonction du degré de maturité du secteur de la microfinance et des spécificités de chaque système financier. Les expériences empiriques nous montrent que dans les zones où la microfinance s est amplement déployée et a atteint une grande maturité Amérique Latine, Asie etc. -, la relation entre les deux catégories d institutions est très poussée et revêt souvent l empreinte d une marque de concurrence. En revanche dans les zones où le secteur de la microfinance est encore jeune et en phase d expansion ou de consolidation Afrique Subsaharienne -, la relation entre les deux secteurs est relativement timide et revêt souvent l empreinte d une marque de complémentarité. Ce constat, cependant, n a rien d étonnant quand on sait que l attirance des banques vis-à-vis de ce secteur est souvent conditionnée par les performances financières et la solidité des instituions de microfinance. Deux cachets principaux peuvent être consignés quant à la relation entre les banques et les institutions de microfinance: l un de nature concurrentielle, l autre complémentaire. La relation de nature concurrentielle est caractérisée par les interpénétrations directes entre les deux secteurs, tandis que la relation de nature complémentaire est caractérisée par les partenariats développés entre les deux. Les deux types d intermédiaires pour passer d un marché à l autre ont le choix entre la voie directe et la voie indirecte. Une banque qui opte pour la voie directe (le «Downscaling») est supposée entrer en microfinance dans une logique de concurrence. Cette banque trouve dans ce secteur des opportunités de marché dont elle désire s accaparer en dépit de la concurrence qui peut en découler avec les institutions de microfinance en place. De même, une institution de microfinance qui opte pour la voie directe (le «Upscaling») est supposée entrer dans le système financier formel dans une logique de concurrence. Cette institution cible des clients «haut de gamme» qui, auparavant, étaient exclusivement servis 18

par les banques et autres intermédiaires financiers classiques. En revanche, une banque ou une institution de microfinance qui opte pour la voie indirecte (les relations de partenariat) est supposée entrer dans le marché voisin dans une logique de complémentarité. En effet, celle-ci voit dans l autre secteur des opportunités de marché qu elle croit mieux atteindre en passant par l institution voisine, sensée mieux connaître ce segment. Les interpénétrations directes entre les deux secteurs sont plus fréquentes dans les phases terminales de développement du secteur de la microfinance ; les exemples de l Amérique latine et de l Asie nous en donnent une bonne illustration. Dans ces zones, la relation entre les deux secteurs prend souvent un aspect concurrentiel. Cette concurrence tout de même n a rien de surprenant quand on sait que dans ces pays les institutions de microfinance les plus performantes sont plus rentables que la meilleure banque commerciale locale (Littlefield et al. 2004). Comme nous le laissent entendre ces derniers, la plupart des institutions de microfinance, dans ces zones, laisseraient jouer les forces du marché, en faisant usage de règles et techniques de finance qui nécessitent l application de systèmes de gestion et d information de qualité, et l évaluation par des cabinets d audit réputés. En Amérique latine et en Asie, les chevauchements entre les deux catégories d institutions sont assez fréquents : plusieurs banques entrent dans le secteur de la microfinance et vice-versa. Inversement, dans d autres zones, comme l Afrique Subsaharienne où le secteur est en phase de consolidation, les relations de partenariats sont prédominantes et la relation entre les deux secteurs prend un aspect de complémentarité. Cette complémentarité se manifeste dans le fait que les banques pour étendre leurs activités dans les zones à bas revenu les zones rurales notamment s appuient sur les institutions de microfinance, et les IMF pour se développer, se renforcer institutionnellement et technologiquement, nouent des relations avec le secteur bancaire. La prédominance de la voie indirecte en Afrique subsaharienne s explique en grande partie par l absence de maturité de ce secteur. Dans cette zone, la plupart des institutions de microfinance sont en quête de viabilité et de maturité, ce qui explique le fait qu elles s appuient sur le système bancaire à des fins financières et institutionnelles. Ainsi, par des relations de partenariat avec les banques, ces dernières espèrent se doter de sources de financements et de contreforts en infrastructures, pouvant les aider à s automatiser et à s aligner davantage sur les normes bancaires traditionnelles. 19

En suivant l évolution de la relation entre les deux secteurs dans les zones où la microfinance a atteint son stade final de développement (Amérique latine, Asie..), on peut remarquer que les relations entre les deux secteurs s amorcent sur une base de complémentarité pour atterrir sur des rapports de concurrence. Ce caractère se justifie par le fait que la nature de leur relation varie en fonction du degré de maturité du secteur de la microfinance, quoique chaque pays ait ses spécificités. La croissance d une institution de microfinance suit un processus en quatre phases : la phase de démarrage, d expansion, de consolidation et d intégration. A ces quatre phases, on peut faire correspondre quatre types de relations avec le secteur bancaire : L absence de relation : Cette absence de relation entre les deux secteurs est un fait marquant dans les phases de démarrage du secteur de la microfinance. Les facteurs expliquant ce fait sont soit internes ou externes au secteur. Sur le plan interne, la préoccupation principale, au sein des institutions de microfinance est la recherche de stratégies et de méthodologies permettant de rentabiliser les activités de microfinancement. De ce fait, la tonalité est particulièrement mise sur les ressources humaines capables de mettre en oeuvre des techniques adéquates aux activités de microfinance. Sur le plan externe, l absence de réglementation et l abondance des ressources des bailleurs de fonds, expliquent la défiance (ou le désintéressement) des banques et l indifférence des institutions de microfinance, respectivement. Ce stade correspond à une phase de test pour les IMF et l écart entre les deux secteurs explique, in extenso, l absence de relation. Le marché, en effet, est en construction et peu attrayant pour susciter l attention des banquiers. Pour les IMF, l affluence de ressources externes abrège tout besoin de solliciter des ressources auprès du secteur bancaire. Les partenariats timides : Dans la deuxième phase qui correspond à la phase d expansion, des relations de partenariat commencent à voir le jour, mais, toutefois, restent timides. Les institutions de microfinance sont en quête d économies d échelle. L accent est particulièrement mis sur le développement et la diversification des activités d une part, et l élargissement de la clientèle de l autre. L expansion de la clientèle augmente la demande en crédit et par là, le besoin en ressources supplémentaires pour les institutions, malgré le soutien toujours d actualité des bailleurs de fonds. A partir de cet instant, les institutions de microfinance se tournent vers le système bancaire pour des prêts souples, permettant de répondre aux besoins inopinés de leur clientèle. 20