Les Minivis orthodontiques pour les redressements d axes : Damien CARROTTE* Introduction Nombreux sont les patients qui présentent des sites d extractions dentaires non compensés, et qui nécessitent le comblement de l espace édenté par une couronne sur implant. L absence de calages proximaux entraîne fréquemment des bourrages alimentaires, qui ont quelques fois un coût biologique élevé pour des dents saines sans prédisposition à la lésion carieuse. L espace édenté est alors souvent réduit par version des dents bordant la zone édentée, tandis que le volume osseux sous-jacent est suffisant pour loger un implant de diamètre standard, voire large pour le cas le plus fréquent que nous allons commenter, à savoir en lieu et place d une première molaire. L accès à la crête osseuse sera rendu possible par le redressement de l axe dentaire de la dent distale à l édentement, par mise en place d un ancrage orthodontique (Ancotek, Tekka 1.2, 1.5 ou 2 mm de diamètre et d une longueur moyenne de 9 mm). (Schéma 1) Schéma 1- Depuis une dizaine d années, les vis d ancrage orthodontique sont apparues dans l arsenal thérapeutique des praticiens orthodontistes et implantologistes. (Chung 2010) Les principales caractéristiques qu il faut retenir de ces mini-implants qui les différencient des implants dentaires classiques (endo-osseux vissés) sont au nombre de trois : 1- Leur mise en place se fait généralement dans un site différent du lieu de pose de l implant dentaire : Distal à la 2 è molaire, quelques fois interdentaire, avec un ressort pour pousser une des dents proximales si un diastème s est créé. 2- Les critères de pose sont souvent inspirés de l implantologie traditionnelle mais très distincts : Le torque d insertion doit être situé entre 8 et 10 N/cm (Motoyoshi 2007), 5 *D C D, D.I.U. implantologie de Lyon Exercice privé : 146, rue Louis Becker - 69100 Villeurbanne
Emergence en gencive libre ou attachée, préférentiellement dans la gencive kératinisée, La mise en charge immédiate sera effectuée malgré un axe souvent très incliné par rapport à l application de la force (90 ), Activation de l ancrage même dans les cas de fibro-intégration (Vande Vannet 2007) 6 Le seul inconvénient sera la stabilité de l ancrage dans le temps et le risque de douleur ou d infection, très rare cependant, pour empêcher le bon déroulement du traitement. (Moroni 2002) 3- Mise en place provisoire : Même si, depuis 1970, Linkow se servait déjà de ses lames pour faciliter les ancrages lors de traitements ODF de l adulte, depuis les années 2000, les auteurs décrivent tous une mise en place provisoire de ces minivis (durée de 90 jours en moyenne). De ce principe découle le choix de l état de surface différent, l alliage différent, (TiAl 6 V 6 (ISO 5832-3) + oxydation anodique (couleur) pour le matériel TEKKA. Le choix du diamètre pour couvrir toutes les indications se fera en fonction de l espace inter-radiculaire disponible (1.2 mm dans les cas extrêmes : entre 2 molaires maxillaires) et 2 mm pour distaler une molaire mandibulaire. Le plus gros diamètre utilisable est préférable dans tous les cas, puisque les valeurs de seuil de rupture sont les suivantes : une vis de 1.2 mm de diamètre cassera autour de 16 N/cm (soit proche du couple d insertion idéal!), une vis de 1.5 mm casse vers 24 N/cm et une vis de 2 mm autour de 29 N/cm. (source Tekka ) La résistance à la torsion est proportionnelle au cube du diamètre du noyau, donc une légère augmentation du diamètre du noyau (mesure sans les spires de vissage) améliore grandement la solidité. (Perren 1976) L objectif étant le blocage osseux, et non pas forcément l ostéo-intégration, le choix naturel des praticiens s est majoritairement tourné vers les vis de 1.5 de diamètre. (Schéma 2) Schéma 2- Deux exceptions à ces principes Il peut être nécessaire d utiliser des implants traditionnels (en longueur, diamètre et état de surface) pour trouver l ancrage absolu dans une zone stratégique (en palatin sagittal médian par exemple, avec une longueur de 4 ou 5 mm seulement). Lorsque la place est déjà disponible pour l implant définitif (agénésie d une prémolaire associée à la perte d une 2 è molaire : pour redresser la 1 ère molaire, un implant en position de 2 è molaire sert pour redresser l axe de cette dernière). (Arcuri 2007) Choix de la vis (Schéma 3-4) La vis sera à tête plot ou bracket, et le diamètre au moins de 1.5 mm (et 6 ou 7 mm minimum de longueur). La section transversale du noyau détermine la résistance de la vis à la torsion. Schéma 3-
A la mandibule : Le positionnement de la minivis se fait dans la zone du trigone rétro-molaire, en lieu et place de la 8 ou à environ 5 mm (ou plus, si la version est totale, donc la 2 è molaire en contact avec la prémolaire) en arrière de celle-ci lorsqu elle est présente. Le point d émergence sera choisi dans la limite du possible en gencive kératinisée, et l axe en opposition à la force qui sera appliquée. Schéma 4- La résistance à la torsion étant proportionnelle au cube du diamètre du noyau, il suffit d augmenter le diamètre de quelques dixièmes de mm pour accroître énormément la solidité de la vis et ainsi 2, 21 éviter les risques de fracture à l insertion. La dent versée étant «tombée» dans l espace laissé libre par l extraction, il faut s assurer avant de poser l indication que : l antagoniste ne soit pas égressé (ou qu une simple coronoplastie permettra de rétablir une courbe de SPEE convenable à la compensation occlusale en propulsion et latéralité), la dent antérieure à l édentement ne soit pas ou peu versée distalement (que la recherche du point de contact perdu puisse être obtenue en forçant le point de contact mésial pendant le temps prothétique). la quantité d émail proximal sur les dents voisines à l édentement puisse subir un stripping si nécessaire (prévoir et anticiper une perte d ancrage précoce, une inflammation ou une infection nécessitant la dépose anticipée du dispositif, sans alourdir le plan de traitement). Protocole de pose et indications L indication retenue dans notre cas : le redressement d axe molaire, souvent la 2 è molaire qui se verse mésialement après extraction précoce de la 1 ère molaire pour raisons carieuses. Au maxillaire supérieur : Plus rarement pour un redressement d axe, il s agit fréquemment d ingresser la 1 ère molaire suite à la perte de l antagoniste plusieurs années auparavant. (Kravitz 2007) Pour les cas de redressement d axe de la 2 e molaire, les difficultés propres aux sites (nécessité d extraire la dent de sagesse plus souvent par manque de place en distal, implantation dans os mou tubérositaire, mise en place de la vis quelques fois en partie dans le sinus maxillaire) sont compensées par un déplacement plus rapide de la dent et de son parodonte au travers d une structure osseuse moins dense. (Kravitz 2007.2) Protocole chirurgical Désinfection et anesthésie selon les critères propres à chaque praticien (ici désinfection à la bétadine verte par tamponnement du site. Eviction à la fraise olive de la gencive kératinisée ou trait d incision à l aide d un bistouri Beaver, si faible quantité (économie). Perforation corticale avec fraise diamant type biseau. Insertion de la vis autoforante autotaraudante (Tekka) directement au moteur contrôle de torque + contre-angle d implantologie. Axe en biais ou droit avec les précautions du geste d implantologie habituelles. 7
Contrairement à ce que peuvent penser quelques prescripteurs de ces techniques, l utilisation de la minivis semble très anodine mais comporte tout autant de risques qu un implant dentaire classique(nerf alvéolaire inférieur, nerf lingual, artère palatine antérieure, membrane sinusienne, obtention d un couple d insertion, gestion des tissus mous et suites opératoires et surtout lésion radiculaire des dents adjacentes). (Kuroda 2007) Cas cliniques Fig. 1- Mai 2006 : panoramique 1 e consultation. Fig. 2- Juin 2006 : photo avant pose de l ancrage. Fig. 3- Rétroalvéolaire pré-opératoire. Fig. 4- Rétroalvéolaire per-opératoire (validation des distances de sécurité). Fig. 5- Rétroalvéolaire de fin de chirurgie (noter l intérêt d un col transgingival). 8 Fig. 6- Photo fin de chirurgie. Fig. 7- Vue occlusale après collage des boîtiers-boutons.
Cas cliniques (suite) Fig. 8- Démarrage du déplacement à l aide d un ressort à mémoire de forme (50 grammes environ). Fig. 9- Après 6 à 8 semaines, mise en place de chaînettes élastiques pour distaler la 1 ère molaire et compenser la rotation de la 2 è molaire. Fig. 10-6 à 8 semaines plus tard, dépose du dispositif (sous anesthésie locale légère, dévissage de la minivis). Fig. 11- Et contrôle par cliché rétroalvéolaire avant pose de l implant. Fig. 12- Décembre 2006 : radio de contrôle après pose de l implant Tekka Progress 4 x 10 mm, avec une vis haute de couverture de 4.5 mm de diamètre pour caler la 1 ère molaire Fig. 13- Avril 2007 : 3 mois ½ après, validation de l ostéointégration de l implant et pose du faux-moignon implantaire. Une dent provisoire avec des points de contact renforcés est mise en place pour 15 jours. Fig. 14- Avril 2010 : 3 ans après consolidation. 9
Conclusion Bien qu il semble facile d adresser nos patients à un confrère orthodontiste, ceci n est toutefois pas sans poser de problème : Le spécialiste qualifié en orthodontie ne s arrêtera pas au seul traitement de cet axe molaire, mais compensera tous les problèmes intra et interarcades. (sa compétence l exige!). Dès lors, le traitement risque de décourager le patient, et le faire céder à des propositions de corrections d axes prothétiques. Il faut prendre en compte une règle fondamentale des déplacements dentaires chez l adulte : les mouvements doivent être lents, progressifs (50 à 200 grammes de force maximale sur une dent pluriradiculée) et une phase de contention doit être assurée. (Carrillo 2007) Pour nos cas, la contention est assurée par la pose de la prothèse. On est parfois obligés de procéder à de légers strippings des dents déplacées, pour assurer des bons contacts proximaux. Bibliographie u Arcuri C, Muzzi F, Santini F, Barlattani A, Giancotti A.- Five years of experience using palatal mini-implants for orthodontic anchorage. J Oral Maxillofac Surg. 2007 Dec;65(12):2492-7 u Carrillo R, Rossouw PE, Franco PF, Opperman LA, Buschang PH.- Intrusion of multiradicular teeth and related root resorption with mini-screw implant anchorage: a radiographic evaluation. Am J Orthod Dentofacial Orthop. 2007 Nov;132(5):647-55 u Chung KR, Kim SH, Chaffee MP, Nelson G.- Molar distalization with a partially integrated mini-implant to correct unilateral Class II malocclusion. Am J Orthod Dentofacial Orthop. 2010 Dec;138(6):810-9. u Kravitz ND, Kusnoto B, Tsay TP, Hohlt WF.- The use of temporary anchorage devices for molar intrusion. J Am Dent Assoc. 2007 Jan;138(1):56-64 u Kravitz ND, Kusnoto B, Tsay PT, Hohlt WF.- Intrusion of overerupted upper first molar using two orthodontic miniscrews. A case report. Angle Orthod. 2007 Sep;77(5):915-22 u Kuroda S, Yamada K, Deguchi T, Hashimoto T, Kyung HM, Takano-Yamamoto T.- Root proximity is a major factor for screw failure in orthodontic anchorage. Am J Orthod Dentofacial Orthop 2007; 131:S68-73. u Linkow LI.- Implant-orthodontics. J Clin Orthod 1970; 4:685-690 u Moroni A, Vannini F, Mosca M, Giannini S.- State of the art revue : Techniques to avoid pin loosening and infectionin external fixation. J Orthop Trauma 2002 ;16:189-195 u Motoyoshi M, Yoshida T, Ono A, Shimizu N- Effect of cortical bone thickness and implant placement torque on stability of orthodontic mini-implants. Int J Oral Maxillofac Implants. 2007 Sep-Oct;22(5):779-84 u Perren SM.- Force measurements in screw fixation. J Biomech 1976 ;9:669-675 u Vande Vannet B, Sabzevar MM, Wehrbein H, Asscherickx K.- Osseointegration of miniscrews: a histomorphometric evaluation. Eur J Orthod. 2007 Oct;29(5):437-42 10