Note d analyse Saisir l opportunité de l accès aux données de santé SOMMAIRE 1. Le SNIIRAM : un outil riche mais sous-exploité 2. Une ouverture élargie source d opportunités pour les acteurs des citoyens, aux sujets éthiques ou encore à la pertinence et fiabilité de leur traitement. Novembre 2016 L accès aux données est une opportunité majeure à saisir pour les acteurs de la santé. L exploitation des données de santé ouvre en effet de nouvelles perspectives en termes de recherche, de télémédecine ou encore de médecine prédictive. Cependant, en dépit de ces pistes prometteuses, l ouverture de l accès aux données soulève de nombreuses questions quant aux usages réels à en tirer, à la sécurité des bases de données, au recueil du consentement Plusieurs réflexions ont donc été amorcées pour identifier les défis et usages attendus de l analyse des données de santé. Une réflexion spécifique sur le big data en santé a notamment été lancée à l initiative du Ministère de la santé et des affaires sociales ; celle-ci doit déboucher sur un «plan big data» en fin d année 2016 formalisant les ambitions stratégiques et les actions à lancer pour rattraper le retard pris par la France dans ce domaine. Ainsi, une consultation publique lancée sur la plate-forme collaborative «Faire simple» d avril à juin 2016 et deux ateliers citoyens animés par le SGMAP en mai et juin ont permis de faire remonter l avis des citoyens sur les bénéfices et risques acceptables d une ouverture de leurs données personnelles. Cet avis été présenté lors d un colloque animé par le Ministère de la Santé et des Affaires sociales le 4 juillet 2016. En parallèle, les freins à cette ouverture se lèvent progressivement au fur et à mesure de l évolution du cadre juridique sur la protection des données. Ce changement s opère à l échelle européenne avec l adoption d un règlement européen en avril 2016 qui définit pour la première fois la notion de données de santé et dispose de recourir à un hébergeur agréé en cas d externalisation du stockage. En France, c est dans le cadre de la loi du 26 janvier 2016 sur la modernisation de notre système de santé que cette évolution s inscrit. En effet, cette loi prévoit notamment l incorporation du Système national d information inter-régimes de l assurance maladie (SNIIRAM) dans le futur Système national des données de santé (SNDS). Le projet de décret sur ce futur système est en cours d élaboration avec en cible une mise en œuvre pour le second semestre 2017. Base de données d une richesse inégalée, le SNIIRAM pourrait être une source de développement considérable de l open-data en santé mais demeure à ce jour largement sous-exploité. C est le principal constat que tire la Cour des comptes dans un rapport sur les données personnelles de santé gérées par l Assurance maladie publié en mai 2016. Qu en est-il? Quelles sont les pistes d exploitation potentielles? Le SNIIRAM : un outil riche mais sous-exploité Créé en 1999 par la loi de financement de la Sécurité sociale puis mis en service en 2004, le SNIIRAM est un outil de pilotage des dépenses de santé qui enregistre au sein d une seule et même base les données médicoadministratives issues des liquidations des bénéficiaires des régimes obligatoires d assurance maladie. Sa mise en place répondait initialement à un double objectif : Étendre la connaissance sur les dépenses d assurance maladie et de santé Communiquer aux offreurs de soins des données pertinentes sur leur activité Depuis 2010, les données du SNIIRAM et du Programme de médicalisation des systèmes d information (PMSI) ont été rapprochées, favorisant une meilleure connaissance des consommations de soins hospitaliers et de ville. Le SNIIRAM constitue une base sans équivalent en Europe au regard de : Son périmètre : les données du SNIIRAM couvrent 98% de la population (assurés et ayants droits) Son volume : il s agit du plus grand entrepôt de données médico-sociales du monde Sa diversité : issu des remboursements réalisés par tous les régimes obligatoires d assurance maladie, le nombre de données contenues dans le SNIIRAM est conséquent : âge, sexe, lieu de résidence, pathologie traitée, date du soin, médicament prescrit, durée et motif de l'hospitalisation 1 Prendre soin de l avenir
Les données contenues dans le SNIIRAM Hospitalisation/ PMSI (dont 11 millions de séjours hospitaliers (MCO)) Référentiel patient (données médicales, assurés, etc.) SNIIRAM Le SNIIRAM reste toutefois une base médicoadministrative : Aucune information médicale ou médico-sociale n y figure, qu il s agisse du type de pathologie ou des données sur l état de santé, les soins non remboursés, la part prise en charge par l assurance complémentaire ou le profil socio-économique des patients ; Il s agit par ailleurs d une base lourde à maintenir notamment dans ses processus de sécurité (obsolescence de l algorithme d occultation, absence de procédure de remplacement des clés de cryptage ) ; Elle est aussi complexe à exploiter. Une exploitation insuffisante : architecture complexe et contrôle trop restrictif Les outils de structuration des données permettant d utiliser le SNIIRAM (comme la création de l EGB en 2005) en ont facilité l utilisation en dehors du cadre de l assurance maladie en définissant une offre standard dont l accès est simplifié. Note d analyse L accès aux données de santé Soins de ville - 1,2 milliard de feuilles de soins - 500 millions d actes médicaux santé interdit en principe leur collecte et leur traitement, un accès permanent ou ponctuel aux données du SNIIRAM peut être accordé à certains acteurs publics ou privés : Les accès permanents, qui sont définis par arrêté. En 2015, environ 25 organismes avaient obtenu un tel accès (agences sanitaires, IDS, INSERM ). Les accès ponctuels à des fins de recherche ou à des fins d évaluation des pratiques de soins et de prévention. Ils peuvent porter sur : l offre standard : ils sont alors facilités puisqu un simple avis de l IDS suffit ; l offre non standard : ils demeurent alors restreints du fait d une procédure d autorisation longue (en moyenne 18 mois) et complexe impliquant plusieurs acteurs peu coordonnés entre eux (CNIL, Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche (CCTIRS), IDS, CNAMTS). Une procédure d autorisation d accès ponctuel aux données longue et complexe Bien que contraignant, ce cadre n a pas découragé l utilisation des données et les demandes d accès au SNIIRAM ont augmenté ces dernières années. Evolution du nombre de demandes approuvées chaque année par l IDS Néanmoins, le SNIIRAM dans son ensemble demeure un système peu accessible en raison d une architecture très complexe. Les efforts engagés de simplification du système restent encore insuffisants au regard de cette complexité. Ces demandes devraient continuer à croître d autant plus que le Conseil d État, dans un arrêt daté du 20 mai 2016, a déclaré illégal l arrêté fondé sur une loi de 2013 qui interdisait l'accès aux données de santé aux organismes de recherche à but lucratif. Si le caractère sensible et personnel des données de 2 Prendre soin de l avenir
Cette décision ouvre la perspective d une ouverture d un accès aux données pour les études par tous les acteurs y compris industriels, offreurs et financeurs. Les dernières recommandations de la Cour des comptes vont par ailleurs dans le sens d un allègement du contrôle a priori exercé notamment par la CNIL et de l instauration d un contrôle a posteriori pour vérifier le Note d analyse L accès aux données de santé bon usage des données. Ce changement devrait cependant s accompagner d une sécurisation accrue du système et d une vigilance de la CNIL pour contrer les risques de réidentification. 13 grandes recommandations ont été émises par la Cour des comptes Une ouverture élargie source d opportunités pour les acteurs Les données déjà ouvertes PMSI Géré par l ATIH FINESS Fichier national des établissements sanitaires et sociaux AUTRES BASES Base de données publiques sur les médicaments, démographie des praticiens de santé, Transparence Santé, etc DAMIR Base des données de l assurance maladie proposée par la CNAMTS OPEN MEDIC et MEDIC AM HOSPI DIAG Proposée par l ANAP Depuis 2014, la mission Etalab publie chaque année une cartographie des données publiques disponibles dans le domaine de la santé. En 2014, elle avait recensé 260 bases ou jeux de données ouverts au public. Un an plus tard, elle en comptait 320 (parmi lesquelles le PMSI, l OpenDamir, FI- NESS, etc.). L ouverture des données de santé est donc une réalité encouragée par les acteurs publics. Ainsi, lors d un hackathon sur les données de santé organisé en janvier 2015, la CNAMTS a dévoilé une première version agrégée de la base DAMIR (extraction du SNIIRAM) utilisée pour le suivi des dépenses de santé en France. Demain, le patient sera sûrement le grand gagnant de cette ouverture. 3 Prendre soin de l avenir
Note d analyse L accès aux données de santé Autre exemple d exploitation de ces bases de données publiques comme Medic am ou Open Medic, les études réalisées sur la prescription de médicaments, qu il s agisse des ventes ou des répartitions des prescriptions. Exemples d études réalisées grâce aux données en accès libre Dans plusieurs pays scandinaves et anglo-saxons, l utilisation de l open-data au service de la surveillance sanitaire a atteint un stade avancé. Ainsi, dans les pays scandinaves, des Population data centers créent des connexions entre différentes bases de données et sont largement accessibles aux chercheurs pour favoriser la surveillance sanitaire. Au Royaume-Uni, le Clinical Practice Research Datalink contient des données médicales anonymisées recueillies lors des soins primaires. Près de 900 articles ont été publiés à partir de ces données. Le CPRD permet notamment une surveillance post-commercialisation de plus en plus fréquente. Ainsi plusieurs études observationnelles de cohorte ont pu être réalisées sur le risque d apparition de maladies auto-immunes ou de fausses couches après l injection du vaccin Gardasil. Surveillance épidémiologique La surveillance épidémiologique pourrait être réalisée à plus grande échelle. Ainsi, à Singapour, un outil prédictif des épidémies de dengue a permis de mettre en place les efforts préventifs nécessaires. Une évaluation au cœur des politiques publiques Si ces initiatives montrent qu il existe plusieurs pistes possibles pour exploiter des données de santé, elles ne permettent pas cependant d avoir le même niveau de précisions ou la même échelle que le SNIIRAM. Les données à ouvrir qui favoriseraient de nouvelles opportunités Surveillance, évaluation ou encore parcours sécurisé : les bénéfices de l ouverture des données sont multiples pour le patient comme pour le système. Une surveillance renforcée Surveillance sanitaire L exploitation des données de santé pourrait permettre d identifier des dérapages de consommation ou des prescriptions hors AMM ainsi que des effets indésirables. Les données longitudinales collectées par le SNIIRAM pourraient également permettre de faire des études sur les interactions médicamenteuses et la persistance de certaines pathologies. La loi n 2004-806 d août 2004 a attribué au SNIIRAM la mission de participer à «la définition, la mise en œuvre et l évaluation de politiques de santé publique». Une utilisation accrue de ses données s inscrirait pleinement dans cet objectif en permettant d identifier les inefficiences du système actuel et de l améliorer en conséquence : meilleure maîtrise des dépenses, visibilité accrue de l activité et du coût des professionnels de santé pour réduire les inégalités territoriales, mise sur le marché de médicaments plus adaptés, etc. Ces données sont aussi la condition d évaluations plus objectives guidant les politiques publiques. Bien que les données agrégées du SNIIRAM puissent permettre d identifier les types et les localisations sectorielles ou géographiques d aberrations de prescriptions et d actes médicaux, leur usage par les organismes, souligne la Cour des Comptes dans son rapport, demeure limité et hétérogène. Ce, alors que le potentiel du SNIIRAM dans le cadre de la lutte contre la fraude et la mauvaise prescription est immense. La création de services à valeur ajoutée plus ciblés pour les patients L exploitation de ces données favorise aussi la création de nouveaux services, centrés sur le patient, sa pathologie et ses conditions de vie. Le développement de services plus adaptés permet au patient d être acteur de sa santé tout en bénéficiant d un système plus efficient. L accès aux données de santé des patients, via l open data, constitue en effet un levier supplémentaire au service de l évaluation objective des parcours et des pratiques de soins et donc de leur optimisation. Au travers de cette connaissance des parcours de soins et de vie se jouent ainsi la qualité et l efficience du système : sécurisation, réduction des errances médicales, fléchage, etc. 4 Prendre soin de l avenir
Note d analyse L accès aux données de santé Conclusion Si le SNIIRAM est une base au potentiel inégalé, son usage reste limité pour des raisons techniques et règlementaires. Ce constat est emblématique d une réelle difficulté pour la France à embrasser la révolution de l open-data. Et pourtant, les bénéfices sont multiples. Au travers d une meilleure évaluation des politiques publiques et d une surveillance sanitaire renforcée, c est la protection des citoyens qui est en jeu. L open-data permet aussi la mise en place de services d accompagnement ciblés et personnalisés pour les patients. C est enfin une opportunité à saisir, le potentiel d emplois et d activité lié à l ouverture des données étant important : R&D médicale, création de start-ups, lutte contre la fraude Autant de raisons pour la France d accélérer le rythme en matière d open-data. NOTRE EXPERTISE OpusLine accompagne l ensemble des acteurs de la santé pour relever ces nouveaux défis OpusLine est très impliqué sur la question de l accès et du traitement des données de santé, tant sur le plan juridique que sur le plan technique, avec pour mission d éclairer les décisions stratégiques ou les réalisations opérationnelles, en s appuyant notamment sur une analyse approfondie et exigeante des données de santé disponibles. OpusLine peut être présent au côté des acteurs de la santé pour les accompagner dans la révolution open-data et l exploitation des données. OpusLine est un cabinet de conseil en stratégie et management dédié au secteur de la santé. Cinquante consultants spécialisés, au service de vos projets, de la stratégie à la mise en œuvre opérationnelle. POUR EN SAVOIR PLUS : Alix Pradère Joëlle Bouet Bertrand de Neuville 06 60 11 95 52 07 87 94 03 11 06 69 01 59 63 Alix.pradere@opusline.fr Joelle.bouet@opusline.fr Bertrand.deneuville@opusline.fr Suivez nous sur les réseaux sociaux Linkedin et Twitter @Opus_Line 5 Prendre soin de l avenir