LES OBLIGATIONS DU VENDEUR Recensement. Aux termes de l'article 1603 du Code civil, le vendeur assume deux types d'obligations principales, celle de délivrer la chose vendue (II) et celle de garantir cette même chose (III). La deuxième moitié du XXe siècle a connu une évolution significative du droit de la vente, à laquelle les tribunaux ont activement participé. Ceux-ci ont diversifié les obligations mises à la charge du vendeur: obligation d'information (I) et obligation de sécurité pour l'essentiel. Paragraphe premier L'OBLIGATION D'INFORMATION, DE RENSEIGNEMENT OU DE CONSEIL Généralité. L'obligation d'information n'est pas propre au contrat de vente. Elle est générale, concernant tous les contrats. La règle n'est pas légale, mais a été développée par les tribunaux lors de la deuxième partie de du XXe siècle. Vente. L'article 1602 du Code civil impose au vendeur d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Ce texte a longtemps été interprété à l'aune de l'adage emptor debet esse curiosis (le débiteur doit être curieux). Aujourd'hui, il permet aux tribunaux de mettre une obligation d'information à la charge du vendeur. Elle n'est pas différente de l obligation générale d'information. Protection des consommateurs. Par ailleurs, le Code de la consommation met à la charge du vendeur professionnel une obligation d'information à l'égard de l acheteur consommateur.
Objet de l obligation. L'obligation d'information porte sur les caractéristiques de la chose afin que l acquéreur puisse consentir en toute connaissance de cause. Le vendeur doit aussi le renseigner sur le mode d'utilisation de la chose. La jurisprudence est pléthorique. Le vendeur doit enfin, lorsqu'il est professionnel, informer l acheteur sur l adaptation de la chose à l usage voulu par l acquéreur, c'est-à-dire le conseiller sur l opportunité de la vente. Le degré d'intensité de l obligation d'information dépend de la complexité de la chose, de sa dangerosité et de la nouveauté de la chose. Paragraphe second LES OBLIGATIONS RELATIVES A LA DELIVRANCE ET A LA GARANTIE DE LA CHOSE Ordonnance du 17 février 2005. Depuis l ordonnance n 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur, il faut distinguer, pour envisager les obligations du vendeur relatives à la délivrance de la chose, entre les dispositions communes à toute vente, et celles propres au contrat de vente de biens meubles corporels conclus entre le vendeur professionnel et l acheteur agissant en qualité de consommateur. I. LES REGLES COMMUNES A TOUTES LES VENTES A. / L OBLIGATION DE DELIVRANCE Définition et distinction. Obligation de délivrance : transport de la chose vendue en la puissance et la possession de l'acheteur (C. civ., art. 1604). La délivrance suppose que le vendeur ait mis à la disposition de l acheteur un bien conforme aux stipulations contractuelles. 1 Etendue de l obligation de délivrance La chose prévue. Le vendeur doit délivrer la chose même objet du contrat et ses accessoires. Nécessité d'une identité entre la chose livrée et celle spécifiée dans le contrat, en
quantité et en qualité. Distinction avec les vices cachés. La non-conformité se distingue du vice caché. La conformité de la chose s'apprécie par rapport aux seules stipulations contractuelles : c'est un défaut de correspondance entre celles-ci et la chose vendue. Lorsqu'en revanche, l acheteur a bien été livré de la chose convenue mais que celle-ci se révèle inapte à son usage en raison d'un défaut, il y a vice caché. Fruits et accessoires. L'obligation de conformité porte sur la chose mais aussi : sur les fruits qu'elle a produits depuis la vente, sauf clause contraire ; sur les accessoires indispensables à l'utilisation normale de la chose vendue. 2 Lieu et temps de la délivrance Lieu. La délivrance doit se faire au lieu où était, au temps de la vente, la chose qui en a fait l'objet, s'il n'en a été autrement convenu (C. civ., art. 1609). La délivrance se distingue donc de la livraison. Temps. La délivrance doit être effectuée dans le temps convenu entre les parties (C. civ., art. 1610). Si le contrat prévoit une délivrance immédiate : l'époque de la délivrance est, en principe, celle de la formation du contrat. Si le contrat ne prévoit rien en termes de délai: la délivrance doit avoir lieu dès que cela est possible ou, à tout le moins, dans des délais raisonnables. Lorsque le contrat a été conclu entre un vendeur professionnel et un acheteur consommateur : le professionnel doit, si le prix convenu excède 500 euros, indiquer la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation.
Par ailleurs, une clause stipulant le délai à titre indicatif peut tomber sous le cours du Code de la consommation pour être jugée abusive. Retard de délivrance. Si le contrat prévoit un délai impératif de délivrance, un retard justifie la résolution, sans mise en demeure. Celle-ci est nécessaire si le délai n est pas impératif. 3 Inexécution de l obligation de délivrance conforme a) Preuve de l'exécution ou de l'inexécution Charge de la preuve. C'est au vendeur qu'incombe la charge de prouver que la délivrance a bien eu lieu. En revanche, c'est l'acheteur qui doit démontrer la non-conformité de la chose. Moyen de preuve. L'acte juridique de réception permet de rapporter la preuve de la délivrance, mais la réception peut être tacite. II devient alors très important pour l'acquéreur d'émettre des réserves s'il constate un défaut de conformité. En effet, lorsque le défaut était apparent, l'absence de réserve couvre la non-conformité. b) Sanctions de l inexécution Option de l acheteur. Si le vendeur manque à son obligation de délivrance, soit qu'il ne délivre pas, soit que le délai pour délivrer est expiré, soit encore que le bien délivré n'est pas conforme à celui commandé, alors l'acheteur dispose d'une option : soit demander la résolution de la vente ; soit demander l'exécution forcée (C. civ., art. 1610). La demande doit être faite en justice, sauf clause contraire telle une clause résolutoire.
Résolution de la vente. La résolution, pour être prononcée par le juge, doit être suffisamment grave. En cas de retard de délivrance, la résolution n'est prononcée que si les conséquences du retard sont importantes. Dommages intérêts. Nécessité de prouver le préjudice et le lien de causalité. Faculté de remplacement. Si la vente est commerciale, il résulte des usages que l'acquéreur peut exercer sa faculté de remplacement sans recourir au juge. Réduction du prix. En principe, le juge n'a pas le pouvoir de refaire la convention, le contrat étant la chose des parties. Toutefois, les usages commerciaux autorisent la réfaction du contrat (ne concerne donc que les ventes commerciales). B. / L'OBLIGATION DE GARANTIE DES VICES CACHES Double garantie. Outre l obligation de délivrer la chose vendue et celle d'informer l'acheteur, le vendeur est tenu à l'égard de ce dernier d'une double garantie : la garantie d'éviction et la garantie des vices cachés. On s'en tiendra ici à la seconde. 1 Les conditions de la garantie des vices cachés Bonne foi? La connaissance du vice par le vendeur n'est pas une condition de la garantie. La bonne et la mauvaise foi n'ont une incidence que sur les clauses restrictives de garantie et sur les éventuels dommages intérêts dus à l'acheteur (v. plus loin).
Un vice inhérent à la chose. Le vice est un défaut qui rend la chose «impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l acheteur ne l'aurait acquise, ou n'en aurait donne qu'un moindre prix, s'il les avait connus» (C. civ., art. 1641). II ne suffit pas de démontrer que la chose est impropre à son usage normal. II faut encore prouver que cette impropriété est due à un vice inhérent à la chose. Un vice caché. Le vendeur n'est tenu de garantir que les vices cachés. Les vices apparents ne sont pas garantis. II ne faut évidemment pas déduire que l'acheteur est démuni face à des vices apparents. Simplement, le vendeur n'est pas tenu de les garantir. II incombe donc à l acheteur : soit de refuser la réception de la chose ; soit de réceptionner la chose en émettant des réserves relatives aux vices apparents. soit de refuser de payer le prix en invoquant l'exception d'inexécution. Un vice antérieur à la vente. De la jurisprudence, il ressort clairement que le vice n'est garanti que s'il existait au moment de la vente. 2 Mise en œuvre de la garantie Cumul d'action? Lorsque le problème soulevé par l'acheteur entre dans la définition des vices cachés, seule est admise en principe l'action en garantie des vices cachés. Est donc exclue, par exemple l'action en non-conformité de la chose ou encore en nullité pour erreur. Toutefois, par une décision récente, la Cour de cassation a admis la possibilité d'agir en nullité pour dol. L'intérêt d'agir sur un fondement autre que le vice caché est d'éviter de tomber dans les filets du court délai de prescription (v. plus loin).
Chaînes de contrats. Si plusieurs ventes se sont successivement réalisées à propos du même bien, le sous-acquéreur dispose d'un choix pour la mise en œuvre de la garantie des vices cachés. II peut agir contre son vendeur direct, ce dernier pouvant alors se retourner contre son propre vendeur. II peut aussi agir directement contre le vendeur initial. Cette action directe est contractuelle. Une clause de non-garantie opposable par un vendeur intermédiaire à son propre acquéreur ne peut faire obstacle à l'action directe de l'acquéreur final contre le vendeur originaire, dès lors qu'aucune clause de non-garantie n'a été stipulée lors de la première vente 1. Vendeur initial vendeur intermédiaire 1 vendeur intermédiaire 2 Acquéreur final Clause de non-garantie Action directe Prescription. Avant l ordonnance du 17 février 2005, prescription extinctive (c'est-à-dire le délai pour agir en justice) = «bref délai» (C. civ., art. 1648 ancien). Désormais, depuis l ordonnance du 17 février 2005, la prescription est de deux ans. La règle concerne les contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur. Le point de départ n est pas le jour de la vente, mais celui de la découverte du vice (C. civ., art. 1648). Très souvent c est le rapport d expertise, établi judiciairement ou conventionnellement, qui permet à l acquéreur de prendre connaissance du vice. En ce cas, le délai commence à courir à la date de la remise de rapport par l expert. Sanctions. L'acheteur qui souhaite mettre en œuvre la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue dispose d'une option (C. civ., art. 1644) : Rendre la chose et se faire restituer le prix : action rédhibitoire, c'est-à-dire 1 Cass. 3 e civ., 16 nov. 2005 : pourvoi n 04-10.824, Crédit immobilier d'alsace-lorraine c/ Sté européenne de supermarchés et a.
résolution du contrat. Garder la chose et se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts : action estimatoire. Le Code civil ne prévoit donc que deux sanctions. II n'est pas possible pour l acquéreur d'exiger du vendeur l exécution forcée de la vente par la réparation ou le remplacement du bien. L action en garantie des vices cachés ne permet par d obtenir des dommages et intérêts du garant. Il faut donc distinguer action en garantie et action en responsabilité civile. L acheteur qui souhaite obtenir des dommages et intérêts devra démontrer la responsabilité civile du vendeur. Il devra alors établir sa mauvaise foi. Celle-ci résulte, aux termes de l article 1646 du Code civil, de la connaissance du vice ou du fait qu il ne pouvait l ignorer en sa qualité de professionnel. Où l on voit que si la mauvaise foi n est pas une condition de l action en garantie des vices cachés (laquelle permet d obtenir la résolution ou la réduction du prix) elle doit être en revanche démontrée pour obtenir des dommages et intérêts. 3 Conventions relatives à la garantie Clause de non-garantie. En principe les parties sont libres d'exclure la garantie des vices cachés ou encore de l aménager. La seule condition à l efficacité de pareille clause n'est pas propre à la matière mais concerne toute clause limitative ou exclusive de responsabilité ou de garantie : le vendeur ne doit pas être de mauvaise foi, il ne doit pas connaître, au moment de la vente, les vices affectant la chose. La connaissance que doit avoir le vendeur professionnel des vices de la chose qu il vend l empêche d invoquer une clause qui exclut la garantie ou qui l aménage. Certains auteurs disent qu il est réputé être de mauvaise foi. Plus exactement, le vendeur professionnel est censé connaître les vices de la chose. C est une présomption irréfragable (source : jurisprudence). En conséquence, le vendeur professionnel ne peut opposer la clause de non garantie à un acheteur non professionnel. Si l acheteur est lui-même professionnel, la clause est opposable que si vendeur et acheteur sont de même spécialité.
II. LES REGLES PROPRES AU CONTRAT DE VENTE DE BIENS MEUBLES CORPORELS CONCLUS ENTRE LE VENDEUR PROFESSIONNEL ET L ACHETEUR CONSOMMATEUR Code de la consommation. Les règles spéciales édictées par l ordonnance du 17 février 2005 ont été introduites dans le Code de la consommation. 1 Champ d application Contrat de vente de biens meubles corporels (L. 211-1). La vente d électricité n est pas concernée (L. 211-2). Contrat entre le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l acheteur agissant en qualité de consommateur (L. 211-13). La clause d exclusion ou de limitation des droits de l acheteur est réputée non écrite si elle a été stipulée avant la réclamation faite par ce dernier (L. 211-17). Contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur (Ord. 17 févr. 2005, art. 5). 2 Notion de défaut de conformité du bien au contrat Notion unitaire de conformité. L ordonnance de 2005 a introduit une notion unitaire de la conformité : elle se rapproche aux deux notions du droit français de la vente, l obligation de délivrance conforme et la garantie des vices cachés. Mais en une seule, fusionnée, dans l ordonnance. Toutefois la définition de cette notion unitaire n est pas identique à celles de l obligation de délivrance conforme et la garantie des vices cachés. Définition. Article L. 211-5 nouv. : «Pour être conforme au contrat, le bien doit : 1º Etre propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant : - correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celuici a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ; 2º Ou présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté». 3 Sanction du défaut de conformité Principe. En principe, l acheteur dispose d un choix : réparation ou remplacement du bien (L. 211-9). A comparer avec les règles communes. Exceptions. Cas où le choix fait par l acheteur occasionne un coût manifestement disproportionné au regard de l autre branche du choix. Solution : le vendeur n est pas tenu de respecter le choix fait par l acheteur et peut suivre l autre branche du choix (L. 211-9, al. 2). Cas où la réparation et le remplacement sont impossibles : l acheteur dispose d une autre option (L. 211-10) : o Résolution (restitutions réciproques), sauf défaut mineur. o Diminution du prix (donc conservation de la chose). Dommages et intérêts. Possibilité de demander en plus des dommages-intérêts (L. 211-11, al. 2). Le texte ne parle pas d une condition de mauvaise foi. 4 Mise en œuvre Prescription. Prescription de deux ans à compter de la délivrance du bien. A comparer avec le point de départ du délai du Code civil (art. 1648 nouv. : à compter de la découverte du vice). Autres recours possibles. Possibilité pour l acheteur consommateur d agir sur le fondement d autres textes, notamment ceux relatifs à la garantie des vices cachés ou à l obligation de délivrance conforme tirés du Code civil.
5 Garantie commerciale Distinction. Il ne faut pas la confondre avec la garantie des vices cachés. La garantie commerciale est une garantie contractuelle, proposée par le vendeur dans le cadre de son service après vente. La deuxième est légale. Formalisme informatif. Pour l essentiel, l ordonnance exige que la garantie commerciale offerte par le vendeur prenne la forme d un écrit et contiennent certaines mentions obligatoires, ce qui est une exception au principe du consensualisme.