Lancement de l étude «Extension de la sécurité sociale et responsabilité sociale des entreprises multinationales : Etude exploratoire»

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Transcription:

Page1 Lancement de l étude «Extension de la sécurité sociale et responsabilité sociale des entreprises multinationales : Etude exploratoire» SECSOC (BIT), ORSE, 6 fév. 2013, Ministère des Affaires Etrangères Ref : 2013-22 Cette note est un verbatim du lancement de la publication réalisée par le Département de la Sécurité Sociale (SECSOC) du Bureau International du Travail (Genève), en partenariat avec l Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE), présentée le 6 fév. 2013 à Paris, au Centre de conférence ministériel, Ministère des Affaires Etrangères. Jean-Marie Spaeth, Président du GIP SPSI, a été invité à clôturer cet événement. Jean-François Trogrlic, Directeur du Bureau de l OIT pour la France et Président de séance introduit les échanges en exprimant sa joie quant à la tenue de cette conférence sur un thème qu il affectionne particulièrement. Il donne sans plus attendre la parole à Cyril Cosme. Cyril Cosme, Délégué aux affaires européennes et internationales des ministères sociaux (ministère du travail, de l emploi et de la santé et ministère des solidarités et de la cohésion sociale) : Cyril Cosme indique que la France, l administration qu il représente y compris, a beaucoup œuvré ces dernières années pour faire de la sécurité sociale un élément reconnu. Il rappelle l adoption de la Recommandation 202 de l OIT sur les socles de protection sociale lors de la 101 ème session de la Conférence Internationale du Travail en juin 2012 ainsi que celle de la Résolution des Nations-Unies sur la couverture sanitaire universelle en décembre 2012, s inscrivant dans une prise de conscience générale. Il met en avant le fait que la protection sociale est devenue un objet de consensus sur lequel les pays développés comme la France, les pays émergents ainsi que les pays en développement ont un avis convergent, ce qui est relativement rare. Il fait valoir que le défi consiste aujourd hui à transcrire les concepts tels que celui de «Socle de Protection Social» (SPS) dans des termes opérationnels, à s interroger sur les dispositifs et outils à développer ainsi que sur l identification des bénéficiaires. Il affirme qu il existe donc une perspective de coopération très vaste pour l expertise internationale ainsi que pour l expertise française qui est déjà importante en la matière. La France participe notamment à plusieurs projets visant le développement de la protection sociale en Afrique. Il mentionne par ailleurs la réflexion parallèlement entamée par la Ministre Marisol Touraine au sein du ministère des affaires sociales et de la santé, concernant la protection sociale. Cyril Cosme avance que l on a tendance à privilégier les débats et insiste sur le fait que ces derniers ont une importance cruciale. Il met l accent sur l intérêt des analyses macro et indique 1

Page2 que l un des mérites du concept de SPS est celui de ne pas être lié à un stade de développement économique. Il ajoute qu il est important de voir le rôle que peuvent jouer les entreprises multinationales dans l extension de la protection sociale et il met en avant l intérêt à moyen terme que cela peut représenter pour ces dernières à savoir notamment mettre fin à la peur du lendemain pour les salariés, ou encore fidéliser les salariés. Cyril Cosmes mentionne les problèmes à venir liés notamment à la consommation des ménages et explique que la protection sociale permet d optimiser les capacités de consommation. Il insiste sur le fait que la RSE est une composante qui peut devenir primordiale dans le marché économique mondial, notamment car elle implique l influence de nombreux acteurs du marché à savoir les investisseurs, les consommateurs, les média, ainsi que l influence active des partenaires sociaux. L image et la réputation des entreprises dépendent aujourd hui de plus en plus de leur capital social et capital moral. L évaluation du capital est donc essentielle et les conditions de travail des salariés, voire leurs conditions de vie, font partie de ces critères d évaluation. On peut donc espérer conduire les entreprises sur une voie plus sociale et plus morale. Cyril Cosme avance la nécessité d un cadre commun pour encadrer la RSE et rappelle notamment l importance de la Déclaration de l OIT relative aux droits et principes fondamentaux au travail de 1998. Il termine en alléguant que le normatif et le volontaire se renforcent mutuellement dans l utilisation de ces normes internationales. Les Accords-cadres internationaux ouvrent à ce titre des perspectives intéressantes et fructueuses. Un cadre normatif commun allié à la capacité des entreprises ainsi qu à la force de la société civile permettrait de donner un véritable sens à la RSE et d en faire un véritable levier d action du développement. Jean-Marc Châtaigner, Directeur général adjoint de la mondialisation du Ministère des Affaires étrangères : Jean-Marc Châtaigner se réjouit d accueillir cette conférence sur le thème de la protection sociale abordée plus particulièrement dans la perspective de la RSE. Il rappelle l idée développée au colloque tenu en novembre 2012, d étendre la protection sociale dans le contexte de mondialisation. Il indique qu il s agit d une extension s articulant autour des thématiques de santé, de revenu et d éducation. Il salue l impulsion de la Présidence française du G20 qui a progressivement ancré la protection sociale dans les enjeux du développement et indique que le Ministère accorde de plus en plus d importance à cette thématique, notamment dans la construction de l Agenda pour le développement post 2015. Il affirme qu on ne peut que se féliciter des engagements pris en matière de protection sociale ces dernières années, que ce soit au niveau national, européen ou international. La Commission européenne a publié sa première Communication relative à la protection sociale 2

Page3 en août 2012, l OIT a adopté la Recommandation 202 sur les Socles de Protection Sociale en juin 2012, le G20 a mis en place une plateforme interagence sur la protection sociale, et l ONU a adopté une Résolution en décembre 2012 sur la couverture sanitaire universelle. La question de l accès à la protection sociale intéresse évidemment les salariés. Jean-Marc Châtaigner salue à ce titre l enquête menée par le BIT et l ORSE car celle-ci permet de dresser un panorama très instructif de l extension de la protection sociale au sein des entreprises ayant leur siège en France, alors même que cette dimension est pour l instant peu explorée. Il insiste à son tour sur le fait que, en intégrant ces critères éthiques, les entreprises font le pari du long terme et d une productivité accrue par la construction du capital humain dans l entreprise. Il affirme qu il ne peut y avoir de développement sans développement humain. Le développement économique d une entreprise dépend/découle aussi du niveau d instruction et de formation de ses salariés. Il indique que cette logique guide le rationnel qui sous-tend l action et l influence diplomatique de la Direction du développement et de la mondialisation, notamment la «diplomatie économique». Jean-Marc Châtaigner salue le travail de Michel Doussin, Ambassadeur chargé de la bioéthique et de la RSE, qui joue un rôle moteur pour représenter l expérience française dans ce domaine. Il indique que la France œuvre depuis longtemps et continue de faire progresser la réflexion sur la RSE et les accords multilatéraux sur le sujet, et qu une nouvelle impulsion est actuellement donnée à cette réflexion sur la RSE, puisqu elle constitue un axe de réflexion des Assises sur le développement. Christine Bockstal, Département de la Sécurité sociale, BIT Christine Bockstal explique que la Responsabilité Sociale des Entreprises est un sujet dont le Département de la Sécurité sociale du BIT vient récemment de se saisir. Elle remercie le Ministère des Affaires Etrangères ainsi que la DAEI pour son précieux soutien aux travaux menés sur l extension de la protection sociale, de même que le GIP SPSI. Elle remercie également l ORSE avec qui le Département a collaboré pour la réalisation de son enquête ainsi que les entreprises qui ont accepté de participer à celle-ci. Elle explique que dans le cadre de la lutte pour ramener la paix en Europe, la création de l OIT en 1919 s est fondée sur l idée d une paix universelle et durable ne pouvant exister que sur la base de la justice sociale. Cette justice sociale se traduit notamment par un travail librement choisi, productif et justement rémunéré, assorti d une protection sociale. C est finalement la définition du «travail décent» qui constitue une des composantes maitresses de la liberté de l individu. Elle argue que la protection sociale figure donc au cœur du mandat de l OIT et que cela s est récemment traduit par l adoption de la Recommandation 202 sur les Socles de Protection Sociale. Celle-ci est fondamentale pour Christine Bockstal car elle préconise certaines recommandations aux Etats membres de l OIT sur la stratégie à adopter afin d étendre la protection sociale. 3

Page4 Christine Bockstal rappelle que la RSE n est cependant pas un sujet nouveau au sein de l OIT, le travail et le dialogue social constituant des éléments fondamentaux de celle-ci et figurant au cœur du mandat de l OIT. A ce titre, l OIT a élaboré une Déclaration en 1977 relative aux entreprises multinationales et la politique sociale, incluant d ailleurs la protection sociale des salariés. Christine Bockstal termine en affirmant que l étude réalisée constitue un premier pas dans la voie de l extension de la protection sociale à travers la RSE. Elle espère qu elle sera suivie par beaucoup d autres, en coopération avec les différents acteurs présents à la conférence. François Fatoux, Délégué de l Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE) François Fatoux explique que l ORSE s attache à recenser les meilleures pratiques des entreprises adhérentes. Sa première satisfaction a été de constater que les entreprises adhérentes se sont mobilisées sur le sujet de la protection sociale. L ORSE a la volonté de mettre en place un travail méthodologique afin d aider les autres entreprises à participer. François Fatoux explique que parmi les entreprises interrogées, beaucoup ont déclaré être dans l attente d un tel document méthodologique pour pouvoir s engager dans cette voie. L ORSE prévoit donc de réaliser un guide méthodologique qui sera traduit en anglais. Le Délégué de l ORSE déclare que son autre satisfaction est la collaboration de l Observatoire avec l OIT. Il met en avant le fait que cette étude arrive à un moment clé pour plusieurs raisons : - Il existe une nouvelle règlementation en France (adoptée dans le cadre du Grenelle de l environnement), applicable aux entreprises françaises cotées avec une obligation de rapport portant notamment sur des questions afférentes à la santé et sécurité au travail ; - Le Parlement européen travaille sur un projet de Résolution relative au reporting ; - La Global Reporting Initiative possède un indicateur spécifique à la protection sociale (LA3), mais il s agit toutefois d un indicateur facultatif, qui figure en outre au titre des indicateurs les plus mal renseignés. François Fatoux avance le fait qu il n est pas évident d avoir des indicateurs quantifiés en matière de protection sociale et que des indications sur les stratégies adoptées par les entreprises seraient peut-être plus pertinentes. Il appelle au dialogue social en matière de RSE afin de définir de tels indicateurs et fait valoir qu il existe déjà une certaine appétence des grands groupes avec les Fédérations syndicales internationales par le biais des ACI. Il explique que l ORSE avait d ailleurs proposé un indicateur à la GRI sur le sujet mais que celle-ci n a pas désiré donner suite. L étude des 80 ACI montre qu il existe un véritable soutien de l ensemble des acteurs sociaux via le dialogue social, sur la thématique santé/sécurité au travail. François Fatoux met en avant le fait qu il est en outre intéressant de positionner le sujet comme contribuant à la non discrimination au travail. La santé peut être un critère/source de 4

Page5 discrimination. On pense notamment à la séropositivité. Intégrer la protection sociale dans la RSE pourrait ainsi constituer une des motivations de l entreprise de ne pas pratiquer de discrimination à l embauche ou à la réembauche. Selon François Fatoux, derrière le concept de RSE présenté comme une approche unilatérale des entreprises, et parfois comme une approche de greenwashing, la RSE peut trouver sa place dans une approche multilatérale et notamment dans l articulation entre les initiatives publiques et les initiatives privées : entreprises, gouvernements, etc. Selon lui, cela démontre que la soft law peut être employée au service de la hard law. Helmut Schwarzer, Département de la Sécurité sociale, BIT Helmut Schwarzer remercie le Gouvernement dans ses différentes composantes ainsi que l ORSE et les entreprises qui ont participé à l enquête. Il présente le cadre conceptuel dans lequel s inscrit l enquête : Le plaidoyer en faveur de l extension de la protection sociale au niveau international ainsi que le développement très rapide d initiatives privées dans les domaines social et environnemental. Il rappelle que la protection sociale fait l objet d une attention particulière à l OIT depuis l adoption par les mandants, de la Déclaration de Philadelphie en 1944. Il explique que cette attention a conduit à l adoption d une stratégie bidimensionnelle comportant : - une stratégie horizontale à savoir la nécessité pour tout pays de mettre en place un SPS ; - une dimension verticale à savoir le besoin de garantir de façon progressive des niveaux plus élevés au plus grand nombre de personnes possibles. Helmut Schwarzer fait valoir que la stratégie bidimensionnelle a été renforcée et complétée par la Recommandation 202 proposant des recommandations afin que les pays puissent établir des systèmes complets de protection sociale, autrement dit des systèmes comprenant 4 garanties : une garantie effective des soins de santé et une garantie de revenus pour les personnes âgées, les enfants et les personnes invalides ou incapables de se prendre en charge seules. Selon H. Schwarzer, la stratégie bidimensionnelle ouvre les portes à la RSE. Celle-ci est définie à l OIT comme la façon dont les entreprises prennent en compte l impact de leur activité sur leur environnement et la société. Il s agit d initiatives volontaires allant au-delà du simple respect de la loi. Il allègue que l investissement socialement responsable (ISR) contribue de diverses manières à la RSE et la mise en place de systèmes volontaires de couverture sociale y contribuerait également. Il avance le fait que les activités liées à la protection sociale peuvent s intégrer aux préoccupations liées à la RSE et que cela peut se traduire de plusieurs façons au sein de l entreprise : via les RH, les achats, ou la production de biens et services essentiels faisant partie du SPS. Il ajoute que lier l extension des SPS et la RSE est un moyen de renforcer les institutions et le dialogue tripartite. 5

Page6 Il indique que les investisseurs peuvent par ailleurs trouver un intérêt pour cette forme de RSE. Il prend l exemple des fonds de pension socialement responsables au Brésil. Lier l extension de la protection sociale aux pratiques de RSE est donc également un moyen de renforcer les politiques et les pratiques d ISR. Il cite différentes initiatives de légifération pour un reporting RSE : France, Norvège, Afrique du Sud, Thaïlande. H. Schwarzer explique qu intégrer la protection sociale dans la RSE permet d une part, le renforcement de la couverture sociale et contribue à la prospérité sociale mondiale, et permet d autre part en retour aux entreprises d acquérir un renforcement de leur production et de leur compétitivité: Cela contribue en définitive au développement du modèle économique H. Schwarzer présente les différentes étapes du travail réalisé par SECSOC et l ORSE: - L étude des possibles contributions de la RSE à la protection sociale - Un état des lieux des recherches actuelles sur le sujet - Une restitution de l enquête réalisée auprès de 15 EMN ayant historiquement leur siège en France. Il laisse la parole à Lou Tessier pour la restitution des résultats de l enquête. Lou TESSIER, Département de la Sécurité sociale du BIT Lou Tessier explique qu à partir du résultat du screening des ACI ainsi que des différents instruments de reporting standardisé utilisés par les entreprises, le constat a été fait que les EMN ayant historiquement leur siège en France semblaient plus avancées en matière d extension de la protection sociale. A titre d exemple, sur l ensemble des ACI étudiés, seuls 7 intègrent des préoccupations relatives à la protection sociale et il s avère qu il s agit de groupes d origine française. Il a donc été décidé d approfondir les résultats obtenus par une enquête auprès de 15 EMN ayant historiquement leur siège en France. Résultats de l enquête : - Il est ressorti de celle-ci que pour beaucoup d entreprises, la première motivation pour étendre la protection sociale à l ensemble des salariés du groupe, reposait sur l investissement dans le capital humain. Il est important pour le BIT que la RSE et la protection sociale soient pleinement intégrées dans le modèle économique de l entreprise et Lou Tessier met en avant le fait qu il était intéressant à ce titre de noter que l intégration dans le modèle économique existe finalement au sein même de l entreprise et pas seulement au niveau national. - La mise en place d une protection sociale dans l entreprise passe souvent via un assureur ; - Les stratégies employées varient en fonction des modèles et contextes mais sont toujours présentées en complément des dispositifs obligatoires de protection sociale ; - Parmi les initiatives étudiées, beaucoup sont relativement récentes et n en sont qu au stade des 6

Page7 perspectives quant aux besoins à identifier pour la suite. Lou Tessier préconise de : - Recenser les pratiques des entreprises de façon systématique afin d avoir une idée globale de leur action en matière d extension de la protection sociale ; - Mener une étude d impact plus approfondie, notamment quant au relai avec les organisations syndicales et contextualiser la situation dans chaque pays - Structurer et standardiser le reporting Elle identifie 3 besoins corollaires à savoir: - promouvoir la protection sociale au sein des instances en charge de la RSE au niveau mondial, notamment le Pacte Mondial - Sensibiliser les organismes émetteurs de standards - Impulser un cercle vertueux sur le long terme Lydie RECORBET, ORSE Lydie Recorbet présente la méthodologie utilisée pour mener l enquête auprès des 15 EMN. Elle explique que l ORSE s est focalisé sur l étude du cas des entreprises françaises qui semblaient les plus en pointe sur le sujet selon l étude des outils de reporting standardisés. L ORSE a sollicité un certain nombre d entreprises sur la base de ce constat, mais celui-ci se basant essentiellement sur des éléments de communication, l enquête a été élargie à d autres entreprises ne communiquant pas sur le sujet. 15 entreprises ont répondu favorable à la participation à cette enquête ainsi qu à la publication qui en a résulté. Lydie Recorbet explique que le questionnaire s est concentré sur les salariés locaux dans les filiales du Groupe (ne tenait donc pas compte de la situation des expatriés ou des personnes détachées). L enquête s est focalisée sur la couverture des risques maladie, maternité, incapacité/invalidité, décès car il s agit des risques généralement priorisés par les entreprises interrogées. La retraite a fait l objet de nombreuses discussions mais n a pas été intégrée aux résultats de l enquête. L ORSE a établi un questionnaire chronologique afin de connaître la démarche d extension de la protection sociale à l ensemble des salariés mise en œuvre par l entreprise. Lydie Recorbet précise que beaucoup d entreprises en étaient encore au stade du diagnostique et à la détermination des points essentiels. Déroulement du questionnaire : - les motivations des entreprises ; - la formalisation de l engagement ; - l état des lieux avec les fonctions impliquées au sein de l entreprise et la méthodologie utilisée ; - la mise en œuvre avec un focus sur la santé, la maternité, l incapacité/invalidité, et le décès ; 7

Page8 - la population couverte : étude de l extension de la couverture aux familles des salariés, aux communautés locales, voire même aux salariés des sous-traitants ; - le questionnaire intégrait également le dialogue social et à plus forte raison la manière dont étaient intégrés les partenaires sociaux dans le processus d extension de la protection sociale à tous les salariés du groupe. (rôle des partenaires sociaux + à quel moment du processus interviennent-ils) ; - le questionnaire a permis d identifier certains freins à l action des entreprises que ces dernières identifient comme des points de vigilances, à l instar du suivi de la mise en œuvre. Il n existe pas de procédure de reporting consolidée au sein du Groupe, pas plus qu il n en existe en externe. - le questionnaire portait enfin sur l évaluation de l impact de l extension de la couverture sociale mise en œuvre par l entreprise. Lydie Recorbet explique que l ORSE a constaté que pour certaines entreprises les démarches mises en oeuvre étaient peu valorisées et que beaucoup d entreprises interrogées répondaient notamment spontanément qu ils ne faisaient rien en la matière. Il est ressorti de l enquête que le sujet est en général traité de façon très éclatée au sein de l entreprise et qu il est relativement difficile d identifier le bon interlocuteur. Il apparaît qu en définitive les entreprises s organisent en fonction des pratiques et obligations locales auxquelles elles doivent faire face. L ORSE a eu quelques retours de la part des entreprises sur cette enquête: les entreprises ont notamment affirmé qu il s agissait pour elles un moyen de les «challenger», et de voir ce qui existe déjà le cas échéant. TABLE RONDE Jean-François Trogrlic présente les 3 thèmes clés autour desquels va s articuler la table ronde : - Quelle motivation à l origine de la mise en place? - Quelle stratégie de mise en œuvre d une couverture de protection sociale adoptée par l entreprise? - Quels impacts pour l entreprise au regard du dialogue sociale et des intéressés? Il explique que ces 3 thèmes ont été identifiés à l OIT dans le respect du tripartisme, puisque les instances permanentes de représentants des organisations syndicales et patronales ACTRAV et ACTEMP ont été associées à cette décision. Il rappelle que les entreprises ont évoqué plusieurs motivations, jamais exclusives les unes des autres et que cette diversité de motivations tient beaucoup au fait que les entreprises en sont à des stades d avancement différents. Il en rappelle quelques unes : - La préoccupation d investissement dans le capital humain tout d abord - Jean-François Trogrlic (à l instar d Alain Supiot) préfère parler des hommes et femmes de l entreprise ou des ressources 8

Page9 humaines - permet d améliorer la productivité et de réduire le turn-over. - D autres entreprises ont le souci de faire de cet axe un outil d une politique de développement durable - D autres enfin ont décidé de procéder à une extension de la protection sociale dans un besoin d harmonisation des avantages sociaux afin d éviter les discriminations 1 er thème : Les Motivations de l entreprise Philippe FERRIE, Vallourec Philippe Ferrie explique que Vallourec a une activité industrielle telle que l acierie, la tuberie, etc. mais qu elle implique en même temps une activité artisanale demandant un savoir-faire très important et ainsi un investissement temps pour former les salariés non négligeable. Vallourec dispose ainsi d une communauté de travail fidèle sur la durée. Il ajoute que Vallourec développe son activité dans une vingtaine de pays dans le monde et qu elle a de ce fait progressivement déployé une politique sociale à la fois pour les besoins de l entreprise et des pays d implantation. Il donne l exemple de la Chine où le turn-over est de 18-20% et des Emirats Arabes Unis où il peut s élever jusqu à 30%. Philippe JACQUESSON, Lafarge Philippe Jacquesson explique que Lafarge a ressenti la nécessité de lancer une politique en matière de santé/sécurité au travail, notamment pour pouvoir assurer une réparation aux salariés en cas de problème sur le lieu de travail. Un élément fondamental selon Ph. Jacquesson est la prévention, notamment pour éviter les accidents du travail et améliorer la santé sur le lieu de travail. Il explique que les politiques de prévention varient en fonction du contexte et spécificités, nécessités du pays : - En Afrique Subsaharienne par exemple, la pandémie du VIH/SIDA avait beaucoup touché le personnel de Lafarge il y a 10 ans ; grâce à la politique de prévention mise en place par Vallourec, celle-ci a été divisée par 4. - Aux USA, c est plutôt des problèmes liés à l obésité et aux risques cardiovasculaires qui prédominent : Lafarge a mis en place une sorte de politique de santé publique en interne. Dans chaque pays, les filiales ont ainsi choisies de se focaliser sur des risques adaptés à la situation locale. Ph. Jacquesson ajoute que Lafarge s attache aux questions liées à la réincorporation des effectifs de personnes accidentées ou malades, de même qu à la question de la réparation et qu elle a progressivement développé à ce titre une assurance. Ph. Jacquesson insiste sur le fait que la prévention est fondamentale et qu elle fait partie de la politique de développement durable de l entreprise depuis longtemps. 9

Page10 Ph. Jacquesson termine en indiquant que Vallourec a des objectifs à échéance de 2020 incluant notamment la santé/sécurité au travail. Ainsi la réduction de l exposition à la poussière, de l émission de CO2 et des accidents du travail a été intégrée aux aspects de RSE. Brigitte DUMONT, Orange Brigitte Dumont explique qu Orange a lancé son programme d entreprise «Conquête 2015», coconstruit avec les «pays d Orange» (= pays d implantation) et les hommes et femmes de ces pays. Elle indique qu Orange est implantée dans 30 pays majeurs et est présente dans 200 pays. Brigitte Dumont fait valoir qu en termes de politique RH et de stratégie, il était clair pour Orange qu il fallait établir une politique pour les hommes et femmes travaillant pour l entreprise. 2 ème thème : la Stratégie adoptée par l entreprise 2 types de stratégies identifiés : - une décision a priori par la Direction centrale du Groupe - une démarche amorcée de manière progressive Sandra FOUCARD, Danone Sandra Foucard explique que la stratégie de Danone repose sur une décision a priori de la Direction mais qu elle s est quand-même réalisée/mise en place de manière progressive. Sandra Foucard indique que Danone représente 100 000 personnes dans le monde (= les danoners), est implantée dans 50 pays représentant une main d œuvre importante et qu elle a pour mission d apporter la santé par l alimentation au plus grand nombre. Proposer un programme tel que Dan Cares a donc du sens dans les faits selon elle. Elle explique que prendre en charge les avantages sociaux ou «benefits» de ses salariés ne constitue pas nécessairement une démarche RSE chez Danone mais que l entreprise a fait le constat le constat qu il était relativement complexe de savoir ce qui se faisait dans ses pays d implantation en la matière. Elle ajoute que la protection sociale est par ailleurs un domaine extrêmement pointu nécessitant une analyse dans le détail et ainsi la mobilisation de beaucoup de personnel. Danone s est donc fixé pour ambition dans un premier temps de couvrir ce qu elle considère comme majeur dans le risque maladie à savoir l hospitalisation, la maternité et les frais médicaux. La direction de Danone a dégagé 3 critères pour se faire ; l accessibilité, le reste à charge et la qualité. Les aspects techniques de la mise en œuvre sont entièrement délégués aux filiales qui œuvrent la plupart du temps par le biais de microassurances et de couvertures privées. 10

Page11 La direction de Danone est allée assez vite au contact des filiales : selon Sandra Foucard, la stratégie adoptée par Danone est en définitive un mixte entre une approche pragmatique et une approche globale. Elle indique que Danone a signé un ACI avec l UITA. Elle explique qu au départ Dan Cares était un «petit projet» et personne ne pensait qu il prendrait une telle ampleur et qu il serait remarqué par des instances aussi importantes que l OIT par exemple. Le programme permet évidemment de mettre davantage l accent sur les filiales ce qui est important à tous niveaux. Cela fait du sens d offrir une telle protection aux danoners. Sandra Foucard termine en précisant que Danone ne cherche pas à transposer le modèle français à l international et que les pays d implantation ne semblent d ailleurs pas favorables à une telle transposition et ne veulent pas se voir imposer un tel modèle. Nicola MORA, Agence Française de Développement (AFD) L AFD est une agence d Etat sous tutelle du Ministère des Affaires Etrangères. L AFD finance des projets d aides au développement et notamment de systèmes de protection sociale. Elle représente 2000 personnes réparties sur 60-70 pays avec les DOM COM. Nicolas Mora explique que le sujet s est imposé de lui-même à l AFD de part l objet social de l agence qui doit être exemplaire sur la façon dont elle traite son personnel et de part l urgence de la situation. L AFD a mis en place une protection sociale simultanément dans 60 pays, couvrant la santé, la vieillesse, l incapacité/invalidité et le décès. Nicolas Mora explique que l AFD a voulu éviter la négociation par pays afin d éviter les risques d exclusion tels que les cas de salariés en congés maladie longue durée. Un contrat a donc été mis en place au niveau du Groupe monde, incluant le personnel retraité. Brigitte DUMONT, Orange Brigitte Dumont explique que dans le contexte de Conquête 2015, les performances économiques et les performances sociales sont indissociables et qu à ce titre, les dirigeants sont impactés par les performances sociales de l entreprise dans la détermination de leur salaire. Orange a établi une Charte «Orange People Charter» composée de principes communs sur l ensemble du Groupe et engageant à être éthique et socialement responsable. C est un moyen de récompenser les salariés du développement de l entreprise. Orange est notamment implantée en Afrique, dans les pays d Europe de l Est, au Moyen Orient et en Asie où la protection sociale est faible. Brigitte Dumont avance que les filiales d Orange constituent toujours des entreprises majeures dans le développement économique des pays 11

Page12 d implantation (quelques points de PIB). Brigitte Dumont explique qu Orange a étudié ce que chaque filiale faisant en fonction du contexte et des priorités locales et que l entreprise a eu des remontées innovantes par rapport à ce que faisait l Etat ou les autres employeurs. Elle indique qua dans la plupart des filiales, la protection sociale touche les salariés et leurs familles. Brigitte Dumont ajoute qu Orange souhaite, comme Danone, avoir une meilleure compréhension de ce qui se fait au sein du Groupe et qu elle a pour ce faire, lancé un «mapping» de l Etat des prestations offertes dans les pays d implantation. Philippe JACQUESSON, Lafarge Lafarge a établi un certain nombre de politiques relatives aux avantages sociaux ou «benefits». Philippe Jacquesson explique que les politiques afférentes à la couverture santé des salariés sont développées au niveau corporate, leur mise en œuvre est toutefois déléguée aux filiales. Il énonce 3 principes guidant l entreprise dans la mise en œuvre et le développement de la couverture santé: - un système robuste qui tienne sur le long terme - dont le financement n ait pas besoin d être réévalué - et qui s inscrive dans le marché des entreprises comparables à Lafarge ; - la flexibilité : choix collectifs ou individuels des salariés correspondant à leurs besoins - la gouvernance : la diversité des situations des pays implique la présence sur place de personnes formées à un sujet aussi «sophistiqué». Ph. Jacquesson explique que l assurance locale est le principal mode de contribution mais cela n est pas simple à gérer. Philippe FERRIE, Vallourec Philippe Ferrie explique que Vallourec a été confrontée à beaucoup de pragmatisme local. Les filiales implantées en Europe ne font pas tellement l objet de problèmes car la situation au sein des filiales est souvent bonne. Mais une partie des activités de Vallourec (liées au pétrole et au gaz) est implantée dans des zones plus délicates où les systèmes, les cultures sont différents. Il faut donc adapter l entreprise aux besoins réels des filiales. Ph Ferrie explique qu il faut être compétitif par rapport à la capacité de rétention des salariés, Il donne l exemple des fondations pour l éducation dans les favelas au Brésil, la gestion d assurances privées complémentaires au Moyen Orient. Ph. Ferrie fait en outre valoir qu une telle extension de la protection sociale dans l ensemble du Groupe ressemble un peu à du néocolonialisme : on jongle avec des valeurs qui sont celles issues de notre monde occidental. Il explique qu au Pakistan par exemple, les valeurs sont différentes, le travail des enfants est souvent perçu comme une nécessité pour les familles où les enfants se retrouvent parfois orphelins et où l aîné prend le relais des parents défunts. Le fait d interdire le 12

Page13 travail des enfants, y compris aux sous-traitants est un «problème de riches». Les entreprises occidentales ferment leurs portes aux enfants alors que ceux-ci en ont besoin. Il insiste sur la nécessité d intégrer les données, spécificités et besoins locaux dans la réflexion. François Fatoux, ORSE François Fatoux fait valoir qu une préoccupation essentielle pour les entreprises repose sur le fait de ne pas créer de dettes futures qui pèseront sur les générations de demain. Il ressort une volonté de la part de celles-ci de prendre des engagements et d en maîtriser les coûts. Philippe JACQUESSON, Lafarge Philippe Jacquesson explique que dans certains pays en développement, Lafarge a été confrontée à la réticence des salariés pour qui le salaire importait plus que la protection sociale : «on veut notre salaire, le reste on se débrouille!». Jean-François Trogrlic fait remarquer qu il y a eu des situations similaires aux Etats-Unis. 3 ème thème : L impact Comment peut-on regarder la manière dont les entreprises ont décidé de s engager ou vont s engager? Renvoyant au point évoqué par François Fatoux, Jean-François Trogrlic rappelle que l absence d indicateurs spécifique de reporting afférent à la protection sociale peut être un élément important. Sandra FOUCARD, Danone Sandra Foucard revient sur l ACI signé par Danone avec l UITA en 2011. Elle explique qu en 2012, Danone a demandé à ses filiales de faire une autoévaluation de l état de la protection sociale des salariés, par rapport aux critères inscrits dans l ACI. Danone récolte actuellement les résultats. Sandra Foucard fait valoir qu avoir des critères internationaux pourrait avoir du sens, reste à définir lesquels. Elle insiste sur le fait que ces critères ne doivent pas être «subis» par les entreprises et doivent rester souples. Sandra Foucard explique que dans le contexte de l autoévaluation dans le cadre de Dan Cares, la Direction a demandé des choses simples à ses filiales : indicateurs qui soient applicables dans l ensemble des filiales et business models (= modèles d affaire). Elle appelle les organisations internationales à aider les entreprises à l instauration d indicateurs, tout en précisant qu il ne doit pas en résulter «une grosse machine». 13

Page14 Elle prend l exemple du Mexique où les salariés vont où ils sont le mieux payés, peu importe l offre de couverture sociale ou non «moi je ne suis pas malade!». Elle explique que ce n est donc pas évident pour les entreprises, qui même si elles instaurent une couverture sociale pour leurs salariés, peuvent les voir partir chez le voisin où ils n auront pas de couverture mais un salaire plus important. Elle indique que Danone a néanmoins constaté que le turn-over avait diminué grâce à la protection sociale, certains salariés étant libérés de la peur du lendemain restent dans l entreprise. Jean-François Trogrlic relève le fait qu offrir une protection sociale à ses salariés à une incidence économique certaine. Il relate les propos de Murielle Pénicaud, DRH de Danone qui avait fait valoir lors d un colloque organisé par l OIT et l agence de notation Vigeo en 2011, que Danone avait été accusée par une entreprise concurrente de «dumping social à l envers». Brigitte DUMONT, Orange Brigitte Dumont fait valoir qu Orange est relativement ouverte sur la question. Elle ajoute qu il s agit d un sujet complexe qui implique de prendre des engagements et d instaurer une feuille de route, notamment envers les institutions représentatives du personnel (IRP). Dans les pays où il n y a pas d équivalent de IRP, Orange demande la création d un forum. Brigitte Dumont indique qu Orange a mis en place un baromètre social trimestriel en France et annuel au niveau du Groupe mondial. Il s agit d une évaluation faite par les salariés sur la base d indicateurs portant sur l attractivité, la rétention, la performance vis-à-vis des clients, la fidélisation. B. Dumont explique qu il en ressort qu une «entreprise responsable» est valorisée dans le pays où elle est implantée. Elle nuance cela en disant qu il reste à savoir ensuite si les indicateurs sont partagés, benchmarckés et s ils servent de référence aux entreprises et autres. Jean-François Trogrlic demande si à l interne, le dialogue social peut faire l objet de conflit. Brigitte Dumont répond que le dialogue social est maintenant bien intégré et ancré dans les habitudes de l entreprise. Elle ajoute que le mapping lancé au niveau mondial aidera à en savoir davantage sur le sujet. Philippe FERRIE, Vallourec Répondant également à la question de Jean-François Trogrlic, Philippe Ferrie fait valoir que dans certains pays, la présence des partenaires sociaux ne constitue pas un problème, notamment en France, ou en Allemagne, d autant plus que ces pays ont signé la Charte européenne de l environnement et de la santé incluant le principe de responsabilité. Il explique que dans d autres pays par contre, la représentation du personnel n est pas forcément «inter entreprises». Certains pays organisent la représentation du personnel par branche. C est le cas au Brésil où les représentants locaux sont très sourcilleux de voir arriver d autres entités étrangères pour discuter de la situation dans leur pays. «Un représentant syndical chinois est perplexe devant un homologue français». Ph. Ferrie donne également l exemple des Etats-Unis 14

Page15 où il existe les Labor Unions. A la différence des modèles culturels, l adhésion à ces «syndicats» assure un certain nombre de protection minimum en échange d une cotisation. Ph. Ferrie indique que Vallourec a inclus tous les critères en lien avec les pratiques de RSE dans le dialogue social. Philippe JACQUESSON, Lafarge Philippe Jacquesson indique que Lafarge a signé un accord international avec BIW, syndicat basé à Genève en 2005, portant notamment sur la prévention et la sécurité. Une revue des progrès réalisés est effectuée régulièrement, notamment via des portes-paroles santé sécurité. Ph. Jacquesson fait valoir les difficultés rencontrées par l entreprise dans le respect des mesures de sécurité. Il prend l exemple du port du casque qui n est pas évident à faire respecter dans les pays où il fait chaud. Il ajoute que lorsque l entreprise est la seule dans le pays à revendiquer le port obligatoire du casque ça n est pas simple. Quant à la question du reporting, Lafarge effectue une cartographie actualisée en fonction des renseignements obtenus afin de savoir où en sont les filiales dans les pays d implantation. Ph. Jacquesson explique que Lafarge dispose d un système pour répondre aux enquêtes de manière qualitative mais que répondre de manière quantitative s avère difficile, notamment lorsqu il y a 60 pays différents à prendre en compte. Ph. Jacquesson indique en outre que Lafarge a mis au point une enquête de satisfaction auprès des salariés. Il en est ressorti que les salariés sont satisfaits lorsqu ils ont une couverture sociale alors qu il n y en avait pas avant dans l entreprise ou qu il n y en a pas chez le voisin, ce même si la protection sociale ne faisait pas l objet de revendication. Philippe FERRIE, Vallourec Philippe Ferrie indique que Vallourec a prévu la réalisation d une enquête de satisfaction en 2013 auprès de 21 000/23 000 salariés, portant sur la pénibilité au travail, les avantages sociaux, etc. Il s agit là d une expérience nouvelle pour l entreprise dans le cadre de son adhésion au Pacte Mondial des Nations-Unies. Jean-François Trogrlic demande aux entreprises leurs relations avec les mouvements syndicaux internationaux. Il indique que Danone est régulièrement représentée ainsi que des représentants de l UITA à la réunion de comité mondial à Genève dans le cadre de l ACI qu ils ont signé. Il demande aux autres entreprises ce qu il en est les concernant. Orange : Brigitte Dumont indique qu Orange a signé un ACI avec l UNI en 2006 Lafarge a signé un ACI avec l IBB et l ICEM en 2005 portant sur la RSE (il est en cours de modernisation). Philippe Jacquesson indique que les relations sont en général bonnes au 15

Page16 niveau international. Il ajoute que les FSI peuvent par ailleurs jouer le rôle de soutien et d aide lorsqu il y a des difficultés au niveau local. Ils viennent en modérateur et conciliateur. Vallourec : «On reste local dans notre milieu». Philippe Ferrie explique que Vallourec n a pas signé d ACI car il existe une culture syndicale interne très forte et qu il n y a par ailleurs pas de demande. AFD : Nicolas MORA indique que le dialogue est essentiellement franco-français à l AFD. Jean-François Trogrlic conclut la table ronde en affirmant que le BIT a du travail à faire sur la définition de critères. Il rappelle que le BIT est bien placé pour se faire puisque la Déclaration de principes tripartite adoptée en 1977 est le seul instrument international incluant la protection sociale dans ses préoccupations, à la différence des autres instruments mondiaux. Il laisse la parole à Jean-Marie Spaeth, Président du GIP Santé Protection Sociale International. L attention portée à la protection sociale et à la couverture sanitaire universelle, constitue une prise de conscience récente datant du début des années 2000. L extension de la protection sociale n est pas seulement une question «humaniste» ou de dignité de la personne, il s agit également d un élément fondamental du développement économique, du développement des entreprises, de la répartition des richesses et enfin de la régulation de la mondialisation. La protection sociale contribue au dynamisme des entreprises car en libérant les salariés de la peur du lendemain, elle libère les imaginations et les dynamiques individuelles et collectives. La protection sociale constitue également un facteur de fidélisation des salariés comme cela s est fait en France et en Europe. Celle-ci était en effet pleinement intégrée dans le schéma économique des entreprises, trouvant finalement ses fondements dans les grandes entreprises de main d œuvre telles que les entreprises minières, sidérurgiques, textiles, etc. Au-delà des questions de santé au travail, les grands groupes industriels mettaient notamment en place des politiques familiales et favorisaient l accès aux soins de leurs salariés via des dispensaires, afin de résoudre les problèmes d absentéisme, de mortalité infantile, ou de maladies telles que la tuberculose. C est ensuite que la sécurité sociale a pris le relais avec, à ses débuts, une gestion exclusive des partenaires sociaux. Le rapport à la protection sociale au sein des entreprises a évolué avec la mondialisation et la financiarisation de l économie. La protection sociale est devenue une annexe de la production de richesses et a finalement été reléguée à la sphère du privé, de l individu et/ou à la responsabilité non plus des entreprises mais de l Etat. Le développement du concept de RSE marque une évolution fondamentale à ce titre puisque la RSE permet de ramener la préoccupation protection sociale dans la sphère de l entreprise. Même si son évolution au niveau mondial est en devenir, on note ces dernières années un consensus général entre les initiatives développées par les entreprises d une part et une prise de conscience des Etats d autre part, à travers le plaidoyer du G20 notamment, il y a même eu un 16

Page17 B20 et un L20 sur le sujet, et des grandes institutions internationales telles que l ONU, l OIT et autres. L intégration de la protection sociale dans la RSE est encore en gestation. Trois enjeux paraissent donc fondamentaux pour l avenir: - Il faut alimenter la dynamique au sein des organisations internationales et peser sur l agenda diplomatique par un travail de plaidoyer. Il est également nécessaire d alimenter le débat auprès de l opinion publique dans les pays développés et montrer à cette dernière qu il en va de son intérêt de développer la protection sociale dans les pays pauvres ou en développement. Convaincre l opinion publique n est pas gagné d avance. - Il existe déjà des initiatives en matière d extension de la protection sociale au sein des entreprises, mais il faut développer encore davantage la dimension santé/protection sociale dans la RSE. Cela n est pas simple car la question de l accès aux soins est un sujet complexe. Comment mettre en place une assurance santé quand il n y a pas d offre de soins? Comment étendre la couverture sociale aux familles des salariés? Jusqu où s étend la famille? - Il faut en outre réfléchir à la façon de contribuer à une couverture sociale pour les salariés autochtones des grandes entreprises industrielles, sans pour autant déséquilibrer les rapports au sein des pays d implantation entre les personnes employées par les groupes internationaux et le reste de la population. Le Président du GIP SPSI préconise de: Continuer à échanger sur le sujet et le documenter; Mieux connaître ce que font les entreprises françaises ; Déterminer de quelle façon les entreprises qui le désirent pourraient bénéficier de l expertise française en matière de protection sociale ; Enfin, réfléchir à la manière d intégrer dans la RSE la dimension protection sociale à part entière, avec des indicateurs spécifiques à définir en partenariat avec l ensemble des parties prenantes de la RSE. 17