Les enjeux sont à la fois de Santé Publique et sanitaires, mais aussi juridiques pour l'employeur et le salarié



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Transcription:

ASSOCIATION NATIONALE DE MEDECINE DU TRAVAIL ET D ERGONOMIE DU PERSONNEL DES HOPITAUX Président : Dr L. Sctrick C.H. Poissy-St-Germain-en-Laye 10 rue du Champ Gaillard BP 3082 78303 POISSY Cedex Tél. : 01 39 27 50 46 (47) Fax : 01 39 27 44 76 lsctrick@chi-psg.com Secrétaire générale : Dr H. Béringuier Hôpital Saint Jean Roussillon 20, av du Languedoc BP 4052 66046 PERPIGNAN Cedex Tél. : 04 68 61 69 16 Fax : 04 68 61 67 80 helene.beringuier@ch-perpignan.fr Vice-Présidentes : - Dr J. Juan CHU Caremeau Place du Pr Robert Debré 30029 NIMES Cedex 9 Tél. : 04 66 68 30 41 josette.juan@chu-nimes.fr - Dr M.L. Lepori CHU Brabois Rue du Morvan 54500 VANDOEUVRE LES NANCY Tél. : 03 83 15 42 37 ml.lepori@chu-nancy.fr Secrétaires générale adjointe : - Dr M.D. Raine AMET 6, avenue Lauzière, 94100 ST MAUR Tél. : 01 48 85 77 31 yaraine@wanadoo.fr Trésoriers : - Dr F. Gauthier-David Centre Hospitalier de la Région d'annecy 1, avenue de l'hôpital METZ-TESSY - BP 90074 74374 PRINGY Cedex Tél. : 04.50.63.62.28 Fax : 04.50.63.61.89 fgauthier-david@ch-annecy.fr - Dr J.L. Marande Groupe Hospitalier Cochin 27, rue du Fg St Jacques 75679 PARIS Cedex 14 Tél. : 01 58 41 10 34 jean-luc.marande@cch.ap-hop-paris.fr agréée "organisme de Formation Médicale Continue" par le Conseil National de la Formation Médicale Continue, en date du 1 er janvier 2008, sous le numéro 100239. Organisme de formation reconnu n 11788087478 en date du 3août 1984 N SIRET 352 084 255 000 38 - Association Loi 1901 Site Internet de l ANMTEPH : www.anmtph.fr Secrétariat : 83, Boulevard PONIATOWSKI - 75012 PARIS Tél. : 01 43 41 08 63 - Fax : 01 43 41 04 59 secretariat@anmtph.fr SOMMAIRE du Bulletin d Information de l ANMTEPH FMC n 80 du 15 mars 2010 Bonnes pratiques en Santé au Travail dans les E.S. : la traçabilité des expositions professionnelles Editorial - L. Sctrick... 3 Introduction : la traçabilité des expositions, démarche de prévention des risques professionnels - M.L. Lepori (CHU-Nancy, 54)... 5 Notions de traçabilité collective des expositions professionnelles - D. Tripodi (CHU-Nantes, 44), L. Sctrick (CHI-Poissy, 78)... 8 Dossier médical papier et traçabilité individuelle - J. Juan (CHU-Nîmes, 30), H. Béringuier (CH-Persignan, 66)... 14 Dossier médical informatisé et traçabilité individuelle - A.C. Delavelle (CHU-Reims, 51), M. Faure (CH-Meulan, 78)... 20 Transmission et communication des dossiers médicaux : procédures et traçabilité - I. Clément (CHU-Besançon, 25), E. Wertenschlag (CH-Colmar, 68)... 26 Traçabilité des avis et propositions du médecin du travail - M.D. Raine (AMET, 93), A. Mandil-Moret (CH-Montauban, 82)... 35 Traçabilité des expositions professionnelles du personnel médical - J.L. Marande (AP-HP, Cochin)... 40 Archivage des dossiers médicaux en santé au travail - J.L. Marande (AP-HP, Cochin), F. Gauthier-David (CH Annecy, 74)... 41 Documents annexés... 45 Bibliographie... 87 Responsable de rédaction : H. Béringuier Comité de Rédaction : I. Clément A.C. Delavelle M. Faure F. Gauthier-David J. Juan M.L. Lepori A. Mandil-Moret J.L. Marande M.D. Raine L. Sctrick D. Tripodi E. Wertenschlag

EDITORIAL Dans la série des «Bonnes pratiques en santé au travail dans les établissements de santé», l ANMTEPH vous propose, avec ce 80 ème numéro trimestriel de son Bulletin d Information FMC, d aborder un thème d actualité aujourd hui incontournable en santé au travail, à savoir celui de la traçabilité des expositions professionnelles. Mieux connaître les expositions des travailleurs aux risques professionnels en se penchant sur les conditions de traçabilité des expositions aux dangers, les modalités de conservation des informations recueillies, les conditions d accès à ces informations telles étaient les orientations arrêtées lors de la Conférence tripartite sur les conditions de travail du 4 octobre 2007. Dans le cadre de la mission confiée aux partenaires sociaux par le ministre du travail, des principes ont été ensuite définis afin de caractériser la problématique de la traçabilité des expositions professionnelles ; une note de synthèse a été approuvée à l unanimité par la Commission des Accidents du Travail et des Maladies Professionnelles (CATMP), le 12 mars 2008. Monsieur Daniel Lejeune, inspecteur général des affaires sociales (IGAS), chargé d une mission d appui, a présenté un rapport début octobre 2008, rapport qui a fait l objet d un consensus politique. Le rapport Lejeune préconise de s appuyer sur les dispositions réglementaires et les outils d évaluation des risques déjà existants qu il importe de mieux utiliser ; ainsi il convient de mieux impliquer les services de santé au travail (SST) dans la prévention et la traçabilité des expositions professionnelles en améliorant le dossier médical en santé au travail (DMST), l information des salariés sur leur propre suivi médical et en améliorant les outils informatiques d analyse et de suivi des expositions. Pour une meilleure traçabilité des expositions professionnelles, le SST a un rôle déterminant rappelle Daniel Lejeune, car le DMST est l outil essentiel de cette traçabilité. Reste à déterminer ce qui relèvera du médecin du travail lui-même et ce qui incombera à d autres intervenants du SST. Ainsi la reconstitution d un parcours professionnel peut être assurée par un infirmier de santé au travail lequel transmettra une synthèse au médecin du travail. Dans son rapport, Daniel Lejeune recommandait l adoption d une loi afin d engager une expérimentation ; la loi n 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l environnement indique notamment dans son article 39 du chap Ier, TitreIII : la réduction de l'exposition aux substances préoccupantes, notamment en milieu professionnel, nécessite une meilleure information des entreprises et de leurs salariés. Un portail internet de diffusion des données environnementales sera mis en place. Les fiches de données de sécurité seront perfectionnées et le suivi de l'exposition aux substances préoccupantes en milieu professionnel sera renforcé par une concertation entre les partenaires sociaux, avec la contribution des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et des médecins du travail. Un dispositif visant à assurer un meilleur suivi des salariés aux expositions professionnelles des substances classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégories 1 et 2 (CMR 1 et CMR 2) sera expérimenté en concertation avec les partenaires sociaux dans des secteurs professionnels ou zones géographiques déterminés. Cette expérimentation, dont le bilan devra être fait avant le 1er janvier 2012, a pour objet de permettre à l'etat et aux partenaires sociaux de définir des modalités de généralisation d'un dispositif confidentiel de traçabilité des expositions professionnelles. Ce dispositif devra être généralisé avant le 1er janvier 2013. L ANMTEPH rappelle, dans le présent ouvrage destiné aux médecins du travail, des éléments de bonnes pratiques en matière de traçabilité des expositions professionnelles. Bonne lecture. Dr Lionel SCTRICK Président ANMTEPH 3

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CHAPITRE I LA TRACABILITE DES EXPOSITIONS PROFESSIONNELLES : COMMENT EN AMELIORER LE RECUEIL? La Haute Autorité de Santé, le rapport Lejeune, la proposition de carnet de santé du travailleur par le Sénat (Grenelle de l environnement, Sénat du 21 octobre 2008), soulignent l importance et la priorité d inscrire la traçabilité des expositions professionnelles dans une démarche stratégique de prévention des risques conduite par l entreprise avec tous ses acteurs. Cette traçabilité doit être lisible à la fois sur le plan collectif à l aide de différents documents : document unique, fiche d entreprise, rapports des différentes instances etc mais aussi au niveau individuel de manière à garantir un suivi spécifique à chaque salarié tout au long de sa carrière et d en tirer des données épidémiologiques ou constituer des bases de données. Les enjeux sont à la fois de Santé Publique et sanitaires, mais aussi juridiques pour l'employeur et le salarié De nouveaux risques apparaissent en raison des évolutions technologiques, organisationnelles et managériales : intensification des rythmes de travail, turn over rapide,... Il est important que la Médecine du Travail soit intégrée dans les démarches de santé publique et soit inscrite plus nettement dans le dispositif de veille sanitaire. Selon la Haute Autorité de Santé La santé au travail est organisée sur la base de plusieurs grands principes : prévention, indépendance des médecins, pluridisciplinarité. Malgré l ampleur du dispositif existant et des réformes mises en oeuvre, la santé au travail ne remplit pas pleinement ses missions de prévention : le nombre de travailleurs identifiés comme étant exposés à un risque professionnel est en augmentation ; l organisation actuelle de la santé au travail ne lui permet pas de répondre à l évolution du monde du travail ; le nombre de médecins et le temps médical demeurent insuffisants pour assurer l ensemble des missions réglementaires ; les connaissances des dangers potentiels et des risques en milieu de travail sont insuffisantes ; la médecine du travail est mal insérée dans le système de soins et dans le dispositif de veille sanitaire. Le rôle du médecin du travail qui est un médecin spécialisé est d éviter l altération de la santé des travailleurs du fait de leur activité. À cette fin, il exerce une surveillance clinique du personnel en relation avec les postes de travail. Parallèlement, il étudie les actions à mener sur le milieu du travail, propose des actions de prévention des risques professionnels et des actions correctrices (1/3 temps). Il peut également participer à des enquêtes et recherches à caractère épidémiologique qui peuvent contribuer à la veille sanitaire. La HAS a mis en ligne en mars 2009 des recommandations de bonnes pratiques concernant le dossier médical en santé au travail (DMST) sur son site www.has-sante.fr. 5

Si on observe la multiplicité des supports de dossiers papiers ou informatiques en Santé au Travail, il apparaît rapidement que beaucoup d entre eux sont insuffisamment étoffés pour le recueil des expositions professionnelles (rubrique manquante ou en fin de dossier ou non remplie.). Le contenu du dossier répond à l arrêté du 24 juin 1970 et ne fait que très peu de place aux renseignements des risques professionnels, or l objectif principal des recommandations est d améliorer la qualité des informations permettant d évaluer le lien entre l état de santé du travailleur, les postes et les conditions de travail actuels et antérieurs : l accent est mis sur la traçabilité des expositions professionnelles, des données de santé et des informations, propositions et avis délivrés par le médecin du travail. Le DMST devra intégrer les recommandations préconisées ; aussi notre travail s attachera t-il à proposer un DMST le plus à même à répondre à ces critères qualités. Des critères de qualité ont été ainsi posés par la HAS Le dossier médical en santé au travail Document destiné aux médecins du travail et aux personnels infirmiers collaborateurs du médecin du travail But de la démarche : améliorer la qualité des informations permettant d apprécier le lien entre l état de santé du travailleur et le(s) poste(s) et conditions de travail actuels et antérieurs, notamment améliorer la traçabilité des expositions professionnelles, des données de santé et des informations, propositions et avis délivrés au travailleur par le médecin du travail Objectif 1. Assurer la traçabilité des éléments du DMST Organisation et classement du dossier Inscription dans le DMST de l identité des médecins du travail et des personnels infirmiers du travail collaborateurs du médecin du travail ayant rempli le dossier Objectif 2. Disposer dans le DMST des informations permettant de connaître les risques auxquels le travailleur a été exposé Mention des secteurs d activité antérieurs et/ou des professions antérieures Objectif 3. Disposer dans le DMST des informations permettant de connaître les risques auxquels le travailleur est actuellement exposé Mention de l intitulé du poste Description des activités ou tâches effectuées permettant d identifier les risques Description de la nature des risques identifiés Mention des périodes d exposition aux risques identifiés Mention de l importance de l exposition aux risques identifiés Objectif 4. Disposer dans le DMST des informations permettant de connaître l état de santé du travailleur Réalisation d une synthèse actualisée des antécédents médicaux personnels présentant un intérêt dans le cadre du suivi de la santé du travailleur Renseignement du statut vaccinal, orienté en fonction des expositions professionnelles Mention de la présence ou l absence de symptômes (physiques ou psychiques) ou signes cliniques destinés à évaluer le lien état de santé du travailleur/poste et conditions de travail Mention des résultats des examens paracliniques Mention des résultats des dosages d indicateurs biologiques d exposition 6

Objectif 5. Disposer dans le DMST des informations concernant les propositions et avis du médecin du travail Mention de la forme et la date des informations délivrées au travailleur sur les expositions professionnelles et les risques identifiés Présence d une trace restituable de l avis médical (fiche d aptitude ou de suivi médical) Le rapport LEJEUNE, préparé à la demande de Xavier BERTRAND a été remis à la Commission des AT et MP en octobre 2008 et est accessible en ligne à partir du lien ci-après http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000684/index.shtml Il met en exergue la notion de traçabilité des expositions professionnelles à organiser de façon collective et/ou individuelle selon des modèles à mettre en œuvre progressivement : par exemple, une démarche de recensement et prévention des CMR avec déclaration obligatoire des procédés de travail dangereux concernant les CMR 1 et 2. Il encourage une meilleure implication des SST en améliorant le DMST, les outils informatiques d analyse et de suivi des expositions professionnelles, en incitant le suivi post exposition. Il conforte l analyse les données annuelles des bilans sociaux et il encourage des démarches expérimentales. Quant au futur carnet de santé du travailleur, il avait été évoqué la possibilité pour le médecin du travail d introduire des données du curriculum laboris dans un «volet professionnel» du DMP (dossier médical personnel) via un support informatique type clé USB mais sans que le médecin du travail ait accès aux données du DMP pour éviter des critères de sélection à l embauche. On observe donc une forte pression à tous niveaux pour améliorer la traçabilité des expositions professionnelles et il nous est apparu primordial de réfléchir comment mettre en place cette traçabilité dans notre pratique quotidienne à partir de toutes les informations déjà à disposition dans nos établissements. Nous essayerons de proposer de nouvelles organisations pour la centralisation des informations liées aux expositions professionnelles et leur traduction dans un DMST actualisé. Après avoir tracé les expositions à risque, les mesures de suivi en découleront et seront à programmer avec information du salarié à l aide de support écrit. L élaboration d un DMST étoffé, rendant compte des expositions précises du salarié, et de son suivi exige différentes séquences que nous aborderons dans les différents chapitres qui vont suivre : la qualité de la trame de notification du dossier papier ou informatisé, les recommandations de rédaction de la fiche d aptitude, les modalités de transmission du DMST lors du changement d entreprise, les modalités d accès du salarié ou ayants droits à son dossier, les conditions réglementaires d archivage. 7

CHAPITRE II NOTIONS DE TRACABILITE COLLECTIVE DES EXPOSITIONS PROFESSIONNELLES Définition de la traçabilité des expositions professionnelles C est l identification du risque ou des risques auxquels un groupe de salariés ou un salarié a été exposé, l évaluation du niveau de l exposition et la conservation des données recueillies. Intérêt de la mise en place de la traçabilité collective des expositions professionnelles C est un moyen de suivre l évolution d indicateurs d exposition aux risques professionnels ; c est une méthode qui peut permettre de mieux appréhender «les effets différés» sur la santé d un groupe, notamment en matière de cancers ou troubles de la reproduction. Pour l employeur, l intérêt d assurer la traçabilité des expositions collectives apparaît avant tout comme l optimisation de l analyse a priori des risques professionnels et de l action corrective en référence à la mise en place et au suivi du document unique d évaluation des risques (décret 2001-1016 du 5 novembre 2001, circulaire DRT n 6 du 18 avril 2002, circulaire DHOS/P1/CM/Cv du 2 juillet 2002). Si la réalisation, par l employeur, du document unique consiste effectivement à identifier, hiérarchiser, puis consigner pour chaque unité de travail les sources de dangers pour la santé et la sécurité des travailleurs, la traçabilité va elle se différencier de cette démarche d évaluation utilisée pour l élaboration du document unique. Il s agit d une traçabilité a posteriori qui intègre la durée d exposition au risque que ce soit sur le plan collectif ou individuel. L intérêt d une traçabilité, en second lieu, mais non des moindres, c est que l employeur est tenu de conserver des documents de prévention du fait de la réglementation ou parce qu il a tout intérêt à le faire puisque la preuve écrite est requise dans de nombreuses procédures (le droit français étant un droit «écrit»). Il lui faudra souvent pouvoir présenter une traçabilité des évènements, des incidents, des accidents, des expositions, des informations communiquées aux salariés (par exemple, lors d une mise en examen au motif de la faute inexcusable), etc Pour le salarié, la traçabilité des expositions lui permet de devenir un acteur informé de la réalité de ses conditions de travail ; la traçabilité peut également être utile en étayant des liens de causalité dans une démarche de reconnaissance de maladies à caractère professionnel ou encore pour la mise en œuvre de certains suivis post-professionnels. Pour le médecin du travail, la traçabilité des expositions permet d assurer un suivi médical adéquat et sur le plan collectif une action sur les conditions de travail à partir de données pertinentes. Pour les instances de prévention des risques professionnels, la traçabilité des expositions va pouvoir alimenter une base de données fiables, étape nécessaire à une réflexion sur les moyens de prévention à proposer dans chaque situation de travail. Objectifs de la traçabilité collective Il s agit d évaluer le risque encouru par les salariés sur le court, moyen et long terme dans un objectif de prévention primaire. La mise en place d un système de traçabilité uniquement de type individuel, même tout au long de la carrière du salarié, serait insuffisant et ne permettrait pas de lien entre exposition et altération de la santé a posteriori, d où la définition des enjeux de la mise en place d un dispositif de traçabilité collective. 8

Enjeux d un dispositif de traçabilité collective - Mieux cerner les populations dans le cadre du suivi professionnel et post-professionnel, mettre en place des actions prioritaires - Disposer de données permettant d évaluer les interactions entre environnement, société, travail et facteurs personnels. - Réaliser des études épidémiologiques de type suivi de cohortes, par exemple (calculs possibles de risques relatifs, odds ratios). - Evaluer la relation dose/effet, la relation durée d exposition/effet, en terme d exposition chimique et notamment aux CMR. La traçabilité des expositions : constat actuel A. Des dispositifs réglementaires de traçabilité collective existent à ce jour dans les Etablissements de Santé en France et nous pouvons les rappeler ci-après. 1/ Le système de traçabilité des expositions aux rayonnements ionisants Créé en 1967, il repose sur une classification du personnel suivant le niveau d exposition (actuellement catégories A et B), le suivi dosimétrique passif et opérationnel individuel, l éventuel suivi dosimétrique d ambiance, la carte individuelle de suivi médical délivrée par le médecin du travail, un système d information permettant la synthèse des expositions par salarié sur une année, mais aussi la synthèse des expositions par unité de travail. 2/ Plus récemment, depuis 2001 (décret 2001-97 du 1er février 2001, dit décret CMR ; décret 2003-1254 du 23 décembre 2003 sur la prévention des risques liés aux agents chimiques dangereux) a été introduit dans les entreprises, la traçabilité des expositions aux agents chimiques. - L employeur doit fournir la liste actualisée des travailleurs exposés aux agents chimiques dangereux très toxiques, toxiques, nocifs, corrosifs, irritants, sensibilisants, cancérogènes, mutagènes ou toxiques de catégorie 3 pour la reproduction, ainsi qu aux CMR des catégories 1 et 2 définis à l article R.4412-60 du code du travail, en précisant la nature de l exposition, sa durée, son degré estimé par les contrôles atmosphériques effectués (article R.4412-40 du code du travail). - Dans le cas où des travailleurs sont exposés, ou susceptibles d être exposés, à des agents CMR de catégorie 1 ou 2, l employeur doit tenir à la disposition des travailleurs, des agents de la CRAM, du médecin du travail, du MIRTMO et des membres du CHSCT un dossier, dit dossier CMR comprenant des informations sur : les activités ou procédés mettant en œuvre des agents CMR dans l établissement, les quantités de produits contenant des agents CMR, fabriquées ou utilisées dans l établissement, le nombre de travailleurs exposés, les mesures de prévention prises, le type d équipements de protection à utiliser, la nature, le degré et la durée d exposition, les cas de substitution par un autre produit ou procédé (article R.4412-86 du code du travail). - Une fiche d exposition doit être établie par l employeur, mentionnant la nature du travail effectué, les caractéristiques des produits, les périodes d exposition, les risques chimiques, biologiques et physiques associés, les dates et les contrôles d exposition, l importance des expositions accidentelles. Le médecin du travail en reçoit un exemplaire et le salarié peut consulter cette fiche (article R4412-41 du code du travail). 9

- Une attestation d exposition aux agents chimiques dangereux (ACD) mentionnés à l article R.4412-40 est remise au salarié lorsqu il quitte l établissement, quel qu en soit le motif, cette attestation est co-signée par l employeur et le médecin du travail (article R.4412-58 du code du travail). Un arrêté conjoint des ministres du travail et de l agriculture détermine les conditions de remise de cette attestation en cas d exposition à des CMR (toujours en attente de parution). - L'employeur établit une notice, dénommée notice de poste pour chaque poste de travail ou situation de travail exposant les travailleurs à des agents chimiques dangereux ; cette notice, actualisée en tant que de besoin, est destinée à informer les travailleurs des risques auxquels leur travail peut les exposer et des dispositions prises pour les éviter. Elle rappelle les règles d'hygiène applicables ainsi que, le cas échéant, les consignes relatives à l'emploi des équipements de protection collective ou individuelle (article R.4412-39 du code du travail). - Si un travailleur est atteint d une maladie professionnelle, d une maladie ou d une anomalie susceptible de résulter d une exposition à des ACD, le médecin du travail détermine la pertinence (donc l intérêt) et la nature des examens éventuellement nécessaires pour les autres personnels exposés. - La traçabilité exhaustive des agents chimiques présents dans l établissement doit être réalisée avec la FDS, fiche de donnée de sécurité, de chaque produit chimique faisant état de sa composition exacte. Le fournisseur d'une substance ou préparation dangereuse fournit au destinataire de cette substance ou préparation une fiche de données de sécurité conforme aux exigences prévues au titre IV et à l'annexe II du règlement (CE) n 1907/2006 du Parlement et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (article R.4411-73 du code du travail). - La fiche toxicologique de l INRS peut être consultée ; ces fiches constituent une synthèse de l'information disponible concernant une substance ou un groupe de substances. - Doivent également être tracés les rapports d organismes, tels les services de prévention de la CRAM, sur les données biométrologiques d ambiance comparées aux seuils réglementaires (valeurs limites d exposition professionnelle, VLEP ; indicateurs biologiques d exposition, IBE) : pour la surveillance de l exposition collective des personnels des plateaux techniques des services de biologie, d anatomocytopathologie, des blocs opératoires et les services logistiques (peintres, plombiers, menuisiers ). L employeur doit tenir à disposition des agents de contrôle de la CRAM et du MIRTMO les résultats du contrôle des VLEP aux postes de travail exposant les salariés aux CMR ; ces résultats doivent être communiqués au CHSCT ainsi qu au médecin du travail (article R.4412-60 du code du travail). 10

3/ La fiche d entreprise (ou d établissement) La fiche d'entreprise est un document élaboré et mis à jour par le médecin du travail (article D4624-37 du code du travail). Elle est obligatoire depuis l arrêté du 31 mai 1989 et le décret 2004-760 du 28 juillet 2004 la rend obligatoire pour toutes les entreprises, depuis le 1 er Janvier 2006. Elle doit renseigner, de façon actualisée, les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés. Transmise à l'employeur, elle lui est d une aide importante, notamment pour la réalisation du document unique (ainsi qu au médecin du travail en cas d intervention d entreprises extérieures dans les établissements de soins). Elle est présentée au CHSCT, peut être consultée par l'inspecteur du Travail, les agents de prévention de la CRAM, le médecin inspecteur régional du Travail. La fiche d entreprise pourrait être exigée par l inspecteur du travail en cas d intervention d entreprises extérieures. 4/ Le document unique Le document unique, à la charge de l employeur, «trace» le risque professionnel pour une unité de travail à un moment donné ; il ne détaille pas réellement les différentes étapes de l analyse du risque mais se doit de proposer des actions correctrices. Le document doit consigner l identification des dangers et l évaluation du risque. Dans l absolu, celles-ci devraient être réévaluées annuellement (décret 2001-1016 du 5 novembre 2001). Comme la fiche d entreprise, le document unique a ses limites en terme de traçabilité mais il peut servir de base à la mise en place d un dispositif de traçabilité collective. 5/ Autres documents réglementaires - Etudes de poste de travail. - Plan de prévention des entreprises extérieures. - Enquêtes du CHSCT. - Rapport annuel d activité du Médecin du Travail. - Notes d observations, lettres de mise en demeure de l Inspection du Travail. - Attestations, consignes, résultats et rapports relatifs aux vérifications des équipements de travail et des EPI ou registres regroupant ces documents. - Registre de vérifications des installations électriques (APAVE, etc ) et autres vérifications réglementaires. - Evaluation des niveaux de bruit : les résultats de l évaluation des niveaux de bruit et du mesurage sont conservés sous une forme susceptible d en permettre la consultation pendant une durée de dix ans (article R.4433-3 du code du travail). - Evaluation des niveaux de vibrations mécaniques : les résultats de l'évaluation des niveaux de vibrations mécaniques ou du mesurage sont conservés sous une forme susceptible d'en permettre la consultation pendant une durée de dix ans (article R.4444-3 du code du travail). 11

B. Autres éléments pouvant servir à la traçabilité des expositions professionnelles spécifiques aux établissements de santé - Dans le cadre du risque professionnel biologique (contages tuberculeux, coquelucheux, rougeoleux, méningococciques, etc.) : documents conformes aux procédures ou rapports validés par le CLIN (instance de consultation et de suivi chargée de la lutte contre les infections nosocomiales) et l Equipe Opérationnelle d Hygiène. Les différents rapports des contages biologiques au sein d un service, leur signalement aux instances (DDASS, INVS ) et leur suivi peut faire office de traçabilité du risque biologique. - Mais la traçabilité doit concerner également bien d autres risques professionnels tels les TMS, les risques psycho-sociaux, etc. et de nombreux documents peuvent apporter une contribution à cet effet : fiches de signalement et suivi des évènements indésirables et des AT, contrôles réglementaires et métrologiques (eau, air, aliments, surfaces), contrôles internes à l établissement réalisés par le CLIN (eau, surfaces), fiches de poste, bilan des différentes commissions ou rapports : CLIN, bilan social, CLACT(contrat local d amélioration des conditions de travail), ARACT (Agence Régionale d Amélioration des Conditions de Travail), CRAM, etc C. Etudes, enquêtes, projets en matière de traçabilité des expositions Selon les catégories de risques professionnels des méthodes d approche collective ou d évaluation de l état de santé de corps de métiers spécifiques ont été réalisées au cours des dernières années par les médecins du travail, les instituts de recherche nationaux tel l INRS, INVS ou le ministère de l emploi. - Ainsi, en France, les enquêtes SUMER (1994, 2003 puis 2009) ont permis de recueillir auprès d un échantillon important de salariés des informations sur les expositions à diverses nuisances. Des matrices emplois-expositions pour les agents chimiques (SUMEX) avaient été réalisées à partir des données de l enquête SUMER 1994 qui permettaient d obtenir des groupes homogènes d emplois pour une exposition donnée. Les préventeurs et médecins du travail peuvent bénéficier de cet outil de repérage des expositions attachées à une profession ou à un secteur d activité. - Citons également les différentes études épidémiologiques sur les risques professionnels menées par l INVS, l enquête européenne PRESST-NEXT (Dr. Estryn-Behar, 2004-2006) portant sur la satisfaction des soignants, l enquête ORSOSA relative aux risques psychosociaux dans les établissements de soins (Pr. A. Sobaszeck, Lille, 2008), l enquête sur les risques perçus en milieu de soins (D Tripodi, Nantes, 2006), etc. - Enfin des expérimentations sont en cours d évaluation dans le cadre d études épidémiologiques en matière de traçabilité des expositions professionnelles collectives : la modélisation empirique de l exposition professionnelle aux agents chimiques à partir de la base de données COLCHIC réalisée par l INRS (étude en cours depuis 2008), le carnet individuel de suivi des entreprises extérieures par la pétrochimie, la convention «cancers professionnels 93», les fiches-guides du CHU de Reims, le réseau national de vigilance des pathologies professionnelles (RNVPP, depuis 2001), etc. 12

Conclusion La réalisation d un suivi de ces indicateurs par service, pôle, établissement devrait aboutir à la mise en place d un dispositif de suivi collectif des populations à risque. La traçabilité «collective» se doit d être une synthèse qui reflète la traçabilité individuelle. En l absence de référentiels communs pour la collecte et la saisie des données, l agrégation des informations individuelles s avère difficilement exploitable à des fins collectives. La mise en place de systèmes d enregistrement et de bases de données permettant le traitement de ces informations par service, pôle ou établissement reste un défi pour les années à venir. Le rapport Lejeune, remis en octobre 2008 à la Commission des Accidents du Travail et des Maladies professionnelles à la demande de Monsieur Xavier Bertrand, ministre du travail, traite de l optimisation de la traçabilité des expositions professionnelles dans les entreprises. Parmi les propositions émises soulignons la limitation de la «déclaration obligatoire des procédés de travail dangereux» en la centrant exclusivement sur les CMR 1 et 2, afin de prioriser les champs de prévention primaire, mais en l adressant annuellement à la CRAM au lieu de la CPAM actuellement. Il insiste notamment sur la nécessité d une traçabilité prospective, exhaustive, mutualisée et exploitable : la mise en place d un DataMart «collectif» correspondant aux données du dossier CMR (R 4412-86 du Code du Travail) destiné à développer la prévention primaire et au criblage des actions de prévention au sein de l entreprise. Les données seraient accessibles aux CRAM, DRTE, et Médecins du Travail. Un tel système d information existe en Italie depuis 1996 et permet aux entreprises d échanger les données concernant les mesurages des CMR à l ISPESL (Institut Supérieur du Travail et de la Sécurité). Le DataMart «collectif» serait lui aussi alimenté d un DataMart «Nominatif» reposant sur le suivi des expositions professionneiles et le suivi post-professionnel. Il préconise aussi d assurer une meilleure traçabilité des conseils édictés par le médecin du travail en direction des employeurs, des salariés et des représentants du personnel. Daniel Lejeune conseille enfin d améliorer l approche pluridisciplinaire par projet au sein des services de santé au travail : mieux impliquer les SST dans la prévention et la traçabilité des expositions professionnelles, notamment aux risques CMR. 13

CHAPITRE III TRAÇABILITE DES EXPOSITIONS PROFESSIONNELLES INDIVIDUELLES ET DOSSIER MEDICAL EN SANTE AU TRAVAIL : A PROPOS DU DMST PAPIER Le dossier médical en santé au travail : une obligation réglementaire Le médecin du travail des établissements de santé doit constituer un dossier médical en santé au travail (DMST) lors de la visite d embauche, dossier qui est complété lors de chaque examen médical ultérieur comme le précise l article D.4626-33 du code du travail (article D.4624-46 pour les autres champs d application). Le modèle a été fixé par l arrêté du 24 juin 1970 (annexes), non abrogé à la date d aujourd hui, paru au Journal Officiel du 12 septembre 1970, prévu par le décret n 69-623 du 13 juin 1969 relatif à l organisation des services médicaux du travail. Le dossier médical en santé au travail : une évolution nécessaire L ANMTEPH avait déjà, il y a 20 ans, élaboré et conçu un dossier médical papier qu elle recommandait à ses adhérents, dossier «papier» commercialisé par les Editions Levrault ; depuis 2007 une nouvelle version de ce modèle de dossier «papier», actualisée au regard de l évolution de la législation du travail en matière de risques professionnels et de leur prévention, est disponible (modèle déposé avec copyright, référence 530105, éditions Berger Levrault). Sur ce modèle, le médecin du travail est ainsi plus systématiquement enclin à renseigner des rubriques précises afin de tracer les expositions professionnelles successives de l agent (son curriculum laboris) et les accidents, les maladies professionnelles ou les maladies contractées en service, déclarées ou non. Néanmoins, la réglementation existante ne permettant pas de répondre de façon précise à la question du contenu du dossier et notamment en matière de risque professionnel, rien n oblige encore aujourd hui les médecins du travail à utiliser un modèle de DMST dit «papier» identique d un service de santé au travail à un autre ; il en est d ailleurs de même avec les progiciels spécifiques au dossier médical dans les différents services de santé au travail ; en conséquence, les supports utilisés (papier ou informatique) et les outils (logiciels et thésaurus) sont des plus variés. De plus, il est un fait que le DMST est renseigné de façon «hétérogène» d un médecin du travail à un autre ; ce constat est souvent fait par les médecins du travail eux-mêmes lors de la transmission de dossiers dans le cas de mutation d un agent dans un autre établissement. Le DMST ne doit pas rester qu un dossier médical, à savoir un dossier renfermant uniquement des renseignements cliniques, de vaccinations ou de résultats d examens complémentaires ; la traçabilité des expositions professionnelles, des recommandations et actions de prévention doit nécessairement être développée et rigoureusement transcrite. 14

C est ainsi, en toute logique, que la Société Française de Médecine du Travail (SFMT, fédération de sociétés de médecine et santé au travail créée en 1987) a demandé à la Haute Autorité de Santé (HAS) d élaborer des recommandations sur le DMST. Ces recommandations ont été mises en ligne sur le website de la HAS (www.has-sante.fr) en mars 2009. A partir de ces recommandations peuvent être déclinés des critères de qualité en vue de l évaluation et de l amélioration des pratiques professionnelles. 1/ Pourquoi une traçabilité des expositions professionnelles? 1.1. Intérêt individuel : - Repérer les expositions professionnelles tout au long d une carrière professionnelle - Afin d identifier les risques professionnels dans le but d alerter sur leurs impacts sur la santé. - Sensibiliser à l utilisation des moyens de prévention. - Eventuellement aider à la réparation d une maladie d origine professionnelle. 1.2. Intérêt collectif : Participer à l évaluation des risques professionnels de l établissement dans le but d améliorer la prévention collective. 1.3. Remarques : Au-delà de l intérêt certain de cette traçabilité, il faudra être attentif à ce qu elle ne soit pas utilisée à l encontre de l intérêt de l agent en empêchant de reconnaître une maladie d origine professionnelle sous prétexte que l exposition au risque n aurait pas été identifiée ou que le risque pour la santé n aurait pas été envisagé. Il est souhaitable que soit précisé : «la reconnaissance d une maladie d origine professionnelle ne peut être exclusivement conditionnée au repérage de l exposition au risque dans le DMST». 2/ Comment effectuer le recueil des données dans le DMST? Le DMST doit contenir des informations sur l emploi et les activités professionnelles actuelles et antérieures du salarié afin d identifier les risques d expositions professionnelles. 2.1. Collecte de données individuelles : A. Informations socio-administratives (données de la DRH) : Grade (ex : ASH) Métier ou fonction (ex : ASH entretien ménager, ASH équipe hôtelière) Affectation (ex : unité d entretien d hygiène, pôle mère-enfant) 15

Quotité de travail (100 %, 75 %) Organisation du travail (2X8, 3X8, Nuits, Journée) Durée quotidienne de travail (7H, 7H30, 8H, 10H, 12H, gardes de 24H) Date d arrivée sur le poste, date de départ Accidents de travail, maladies professionnelles, maladies contractées en service B. Alimentation du DMST par des données obtenues par le SST : Expositions antérieures à l embauche : obtenues par l'interrogatoire du salarié ou mieux par la consultation de son dossier médical précédent ; il est souhaitable que la demande de transfert du DMST soit faite systématiquement sous réserve de l accord du salarié. Résultats d'indicateurs individuels d exposition : exemples des résultats de la dosimétrie passive chez des manipulateurs en radiologie ou autres agents soumis aux rayonnements ionisants, des résultats de l enregistrement par badges individuels de l exposition aux gaz anesthésiques, etc. 2.2. Inclusion des données collectives : A partir du document unique d évaluation des risques professionnels : liste des dangers identifiés par service et par métier avec mention du niveau d exposition. Exemple pour un service de chirurgie orthopédique = aide-soignant d hospitalisation de jour : risques infectieux moyen (transmission contact, air, gouttelettes, sang), risques en rapport avec l activité physique fort (manutentions de malades, déplacements à pied importants), risques psychosociaux forts (contact maladies graves, modifications de planning fréquentes, peu de temps collectif de partage d expériences), risque chimique moyen (manipulation de désinfectants), risque d exposition aux R.I. faible (retour de malades après exploration par des radio-isotopes). A partir de la fiche d'entreprise ( si elle a été établie). A partir des fiches de données de sécurité (FDS) des produits chimiques utilisés dans l établissement qui permettent de classer les agents à risque chimique (SMR) et d'élaborer la fiche d'exposition aux CMR ; elles permettent aussi d'identifier un risque particulier, par exemple une exposition à un produit irritant pour les voies respiratoires chez un agent asthmatique. A partir de rapports ou résultats de mesures ayant trait à un poste de travail déterminé : on peut citer en exemple le contrôle atmosphérique des vapeurs de formol dans un service d'anatomo-cytopathologie ou le contrôle annuel réglementaire par un organisme agréé d'un service d'imagerie médicale ou de médecine nucléaire. 16

D'autres résultats de mesure permettant d'affirmer ou d'infirmer un risque potentiel doit être noté dans le dossier, notamment le contrôle d'ambiance sonore, lumineuse, thermique, de sécurité incendie,... A partir des études de poste élaborées par d'autres acteurs ; c'est le cas des fiches d exposition des travailleurs soumis aux rayonnements ionisants rédigées par la personne compétente en radioprotection. A partir de la littérature : liste des risques possibles pour la santé en fonction des risques professionnels recensés : pathologies infectieuses (hépatite C, tuberculose, gale ), pathologies ostéo-articulaires (tendinites MS, hernies discales cervicales ou lombaires, etc ), pathologies mentales (troubles psycho-pathologiques, stress, épuisement professionnel), allergies (cutanées, respiratoires, ORL, ), etc. Il parait fondamental que ces données collectives puissent alimenter le DMST à partir d un thésaurus commun national de façon à limiter à un ajustement local le travail du SST au niveau de chaque établissement (notamment en fonction de la charge de travail et des moyens de protection disponibles dans l établissement), sans toutefois négliger cette dernière étape, les risques n étant pas transposables à l identique d un établissement à l autre. Il est certain que cette fonctionnalité sera beaucoup plus aisée à utiliser lorsque le DMST sera informatisé de façon appropriée 2.3. Corréler les données individuelles aux données collectives : A minima : ajustement du risque pour la santé par rapport à la durée de l exposition (durée annuelle du travail en jours X quotité de travail X nombre d années travaillées sur le poste) Au mieux : entretiens réguliers entre le salarié et le médecin du travail ou l infirmier du SST (affinement des expositions). 3. Quand effectuer le recueil des données? 3.1. A minima : à chaque changement d affectation et à chaque modification importante constatée dans le document unique. 3.2. Au mieux : une fois par an, à l occasion d une visite de SMR, ou tous les 2 ans à l occasion d une visite périodique en santé au travail. 17

4. Sous quelle forme effectuer ce recueil? Un «carnet d exposition aux risques professionnels» inclus dans le DMST (rubriques spécifiques) sous réserve que ce dossier «suive» systématiquement le salarié lors des mutations ou changement d établissement ou encore de SST (ce qui n est pas le cas actuellement) et que le médecin du travail puisse accéder facilement aux informations nécessaires. Ce carnet doit être simple, synthétique, lisible rapidement, compréhensible quel que soit le lecteur : Expositions habituelles : Type de Durée Risque risque de pour l expo- santé sition Ex : Physique la Ex : hernie discale cervicale, hernie discale lombaire MP. 98 Exposition Présence ou absence d EPC et/ou d EPI Manutentions de malades EPC : oui mais insuffisants (lits à hauteur variable, lèvemalades peu faciles d accès) EPI : non Niveau risque la santé fort de pour Métier, affectation Aide-soignant d hospitalisation, orthopédie AT Date de l AT Lésions Date de Guérison ou de consolidation Taux d IPP éventuel MP et MCS Date début de la MP N MP et Lésions Durée d exposition Date de guérison ou de consolidation Taux d IPP éventuel Dans le tableau des expositions habituelles, la rubrique sur l'existence des moyens de protection permet d apprécier le risque résiduel. Exemple : en cas de risque d'aes, la présence ou l'absence d'instruments sécurisés modifiera le niveau d'exposition. De même, la vaccination est un atténuateur de risque infectieux et donc participe à la diminution du niveau d'exposition. Le niveau d'exposition et de risque est toujours corrélé aux EPC et aux EPI. La présence ou l'absence de protections collectives et/ou individuelles est précisée chaque fois qu'un risque professionnel est identifié afin de déterminer la réalité de l'exposition. De plus, il apparaît indispensable de tracer dans le DMST la nécessité ou non d un suivi post-professionnel. 5. Conditions de faisabilité 5.1. Connaître les changements d affectation. 5.2. Connaître les changements intervenus dans les risques professionnels (intérêt du document unique et de son actualisation) ; intérêt de l actualisation de l étude de poste de travail. 18

5.3. Assurer obligatoirement le suivi de ces informations en cas de changement d établissement. 6. Remarques Dans le contexte actuel de gestion des personnels dans les établissements de santé, à savoir la polyvalence, les «turn-over», les recrutements de personnels vacataires et le travail hebdomadaire parfois concentré sur deux ou trois journées (cas du travail type «garde de 24H» ou du «travail en 12H»), un agent peut être amené à travailler de façon concomitante dans plusieurs établissements sans le mentionner à ses différents employeurs et ainsi être exposé à des risques professionnels non révélés (par non possibilité de transmission ou refus d accord de transfert du DMST). Il paraît ainsi justifié de prévoir une réglementation afin d éviter de tels biais. Conclusion : La mise en place de la traçabilité des expositions professionnelles permet de répondre aux critères de qualité du dossier médical en santé au travail énoncés par la HAS, à savoir : - Objectif 2 : disposer dans le DMST des informations permettant de connaître les risques auxquels le travailleur a été exposé. - Objectif 3 : disposer dans le DMST des informations permettant de connaître les risques auxquels le travailleur est actuellement exposé. Au total, le DMST devrait ainsi tracer : - les informations socio-administratives ; - les informations concernant l emploi et les activités professionnelles actuelles et antérieures ; - les informations concernant la santé du travailleur ; - les propositions et avis du médecin du travail tels les informations délivrées sur les expositions professionnelles, les risques identifiés, les moyens de protection, etc. Si l intérêt de la traçabilité des expositions professionnelles est évident, sa mise en pratique reste actuellement difficile. L utilisation de l historique des expositions ne peut être utile, pertinente et exploitable que si une mise à jour est régulièrement effectuée à l occasion des changements de poste ou de service. Elle nécessite un investissement du médecin du travail donc une disponibilité qui n est pas toujours systématiquement possible dans le contexte démographique professionnel actuel ; elle nécessite également une implication de la direction de l établissement dans la transmission de données indispensables. 19

CHAPITRE IV TRAÇABILITE INDIVIDUELLE DES EXPOSITIONS DANS LE DOSSIER INFORMATISE L utilisation du dossier médical informatisé est soumise à l accord de la CNIL (Commission Nationale de l Informatique et des Libertés) et à l information collective et individuelle du salarié présentant notamment les droits d accès et de rectifications. La traçabilité individuelle des expositions dans un dossier informatique ne peut être exploitée qu après un paramétrage préalable à l utilisation du logiciel de médecine du travail. Certains établissements de santé, bien qu utilisant un dossier informatisé, n ont parfois pas encore effectué cette étape importante et incontournable pour un suivi médico-professionnel efficient du salarié. La page d accueil d un dossier informatisé de médecine du travail n introduit pas systématiquement en premier lieu la notion d expositions professionnelles, rubrique représentant pourtant le thème principal de préoccupation du médecin du travail. On trouve souvent un dossier médical classique comprenant les antécédents médicaux et chirurgicaux, actualisés au fil des visites, la biométrie, le mode de vie ou habitus, les prescriptions, etc. Les items correspondant aux expositions professionnelles avec dates, niveaux d exposition et éventuel suivi post professionnel interviennent à un stade ultérieur et variable selon les logiciels utilisés. La dernière partie concerne les données d aptitude, aptitude spéciale/habilitation et l orientation du salarié. LES ETAPES DU PARAMETRAGE Les nuisances auxquelles peut être exposé un salarié sont initialement listées dans un catalogue (listing) proposé par le logiciel ou au cas par cas dans un catalogue préalablement créé par établissement (avec codage spécifique dans ce cas) selon les désirs d utilisation. On distingue ainsi quatre grandes catégories de nuisances : - conditions de travail - risques physiques - risques chimiques - risques biologiques Ces nuisances vont alors venir documenter chaque fiche de poste type qui va être construite afin de pouvoir tracer les expositions professionnelles se rattachant au poste, nuisance «évaluée» par niveau d exposition estimé (une date d évaluation y est adjointe). Quatre niveaux d exposition sont proposés par le logiciel : 1 = potentiel 2 = faible 3 = moyen 4 = fort 20