Le paradoxe du jazz lyonnais : Histoire du jazz à Lyon des années 1930 à nos jours

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1 UNIVERSITÉ DE LYON Institut d Études Politiques de Lyon Le paradoxe du jazz lyonnais : Histoire du jazz à Lyon des années 1930 à nos jours Soutenu par Amélie CLAUDE Diplôme d Institut d Études Politiques Section Communication Culture et Institutions Séminaire «Histoire Politique des XIXe et XXe siècles» Année universitaire Sous la direction de M. Gilles VERGNON et M. Jean-Philippe REY Composition du jury : M. Gilles VERGNON M.Jean-Philippe REY Date de soutenance : mercredi 2 septembre 2020

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3 Déclaration anti-plagiat 1. Je déclare que ce travail ne peut être suspecté de plagiat. Il constitue l aboutissement d un travail personnel. 2. À ce titre, les citations sont identifiables (utilisation des guillemets lorsque la pensée d un auteur autre que moi est reprise de manière littérale). 3. L ensemble des sources (écrits, images) qui ont alimenté ma réflexion sont clairement référencées selon les règles bibliographiques préconisées. NOM : CLAUDE PRÉNOM : AMÉLIE DATE :

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5 LE PARADOXE DU JAZZ LYONNAIS : HISTOIRE DU JAZZ À LYON DES ANNÉES 1930 À NOS JOURS 4

6 Remerciements Je tiens d abord à remercier mes deux directeurs de séminaire Gilles Vergnon et Jean- Philippe Rey pour leur accompagnement au cours de l élaboration de ce mémoire, et ce malgré les circonstances atténuantes que nous avons tous et toutes rencontré.e.s en cette année Je tiens également à remercier tou.te.s les passioné.e.s du jazz à Lyon qui ont bien voulu, avec la plus grande des bienveillances, m accorder un peu de leur temps et discuter de leur(s) passion(s) avec une jeune étudiante en sciences politiques à peine avertie sur le sujet : Sami Chidiac, Frédéric Bruckert, Olivier Truchot, Pierre Sigaud, Gérard Vidon, Jean-Paul Boutellier et Mateo Garcia. Ces discussions vont bien au-delà d un simple entretien de mémoire. Merci d avoir su me transmettre vos passions et contribuer à ma culture jazzistique de la plus belle des manières. Je voudrais d ailleurs remercier (une seconde fois) spécialement Frédéric Bruckert, Gérard Vidon, Pierre Sigaud et Jean-Paul Boutellier pour l accompagnement tout particulier qu ils ont su me fournir au cours de mes recherches. Vos ressources, votre bienveillance et la passion que vous portez pour la magnifique culture qu est le jazz sont infinies, et je suis incroyablement reconnaissante d avoir pu en récolter quelques bribes. Merci enfin à mes colocataires Lou, Antoine et Marie de m avoir accompagné dans cette aventure. Enfin, un dernier grand merci à la communauté du jazz lyonnais dans son ensemble. Continuez et à faire vivre nos passions tel que vous le faites aujourd hui. 5

7 Tables des matières INTRODUCTION... 8 PARTIE 1 LA CONSTITUTION D UNE «CATASTROPHE APPRIVOISÉE» À LA LYONNAISE (DES ANNÉES 1930 AUX ANNÉES 1970) CHAPITRE 1 : GUERRE ET OCCUPATION : UNE CONSOLIDATION DU JAZZ LYONNAIS? I. L apparition des premiers groupes de musicien.ne.s et clubs de jazz A. Années 1930 : les débuts d un jazz-variété dansé par le grand public B. La débacle de 1940 : une source de stimulation pour le jazz lyonnais, entre swing, variété, et embryon(s) d amateur.ice.s C. La figure de Ray Ventura II. La construction d un cercle du jazz lyonnais pendant la guerre ( ) A. État du jazz sous l Occupation : l idée fausse du jazz interdit B. Un Hot-Club de plus en plus étoffé : organisation (et désorganisation) des amateur.ice.s du jazz «hot» lyonnais III. Le jazz lyonnais libéré : nouveau Hot club, nouveau souffle? ( ) A. La vie jazzistique d après-guerre : un retour à l activité laborieux B. Création et succès d un troisième Hot-Club : le «Hot-Club Lyonnais» (1946) C. Le conflit entre jazz «hot» et be-bop et son influence sur Lyon CHAPITRE 2 : APRÈS-GUERRE ET HOT-CLUB(S) DE LYON, OU LE TEMPS DE LA CONFUSION CRÉATIVE I : les Hot-Clubs au cœur de la «guerre du jazz» A. Décembre 1948 : un mois de changements pour le jazz lyonnais B. Le «schisme de 1947» appliqué à Lyon : Hot-Club et Cercle d Étude du jazz, une réalité complexe II. Figures et valeurs du nouveau Hot-Club de Lyon A. Itinérance des «zazous du Cru» B. Les musiciens et musiciennes du Hot-Club de Lyon : reflet de l interdisciplinarité du jazz lyonnais Les musiciens et musiciennes du Hot des années Raoul Bruckert : figure fédératrice du Hot III. L après-guerre et le jazz à Lyon A. Y-a-t il une scène jazz lyonnaise d après-guerre? B. Y-a-t-il une scène jazz en dehors des initiatives Hot-Club de Lyon? C. La venue des jazzmen et women : un élément structurant pour le jazz lyonnais d après-guerre CHAPITRE 3 : LA «CATASTROPHE APPRIVOISÉE» DES ANNÉES 1960 ET 1970 : UN ÂGE D OR DU HOT-CLUB DE LYON? I. L «âge d or» du Hot Club de Lyon? A. De la Fromagerie à l Arbre-Sec : épopée vers une «catastrophe apprivoisée» B. Subjectivité d une «catastrophe apprivoisée» du Hot-Club Un Hot-Club en décalage avec ses condisciples Mais surtout, un Hot-Club en pleine «catastrophe apprivoisée» II. Un entre-soi au Hot-Club? L aventure du Jazz-Club de Lyon A. Création et vie du Jazz-Club de Lyon (1967) B. Le Jazz-Club, fruit d un manque d ouverture du Hot-Club de Lyon? III. Une nouvelle querelle : free jazz, liberté et avant-garde A. L apparition du free jazz en France B. L arrivée du free jazz à Lyon : bouillonnements au Hot-Club

8 PARTIE 2 PARADOXE(S) DU PROCESSUS DE LÉGITIMATION DU JAZZ LYONNAIS (DES ANNÉES 1980 À NOS JOURS) CHAPITRE 1 : LA FIN DES ANNÉES 1970 : LE DÉBUT D UN JAZZ LYONNAIS INSTITUTIONNALISÉ? I. Le processus d institutionnalisation du jazz lyonnais, politique(s) d État A. Le jazz peut-il être une politique d État? B. Vers un enseignement du jazz dans les écoles de musique II. Organisation du jazz à l échelle locale : un attrait pour le niveau régional A. Une folie créative des associations et structures de diffusion régionales Associations Structures de diffusion B. Ré-organiser le Hot-Club de Lyon ( ) III. La construction d un microcosme jazz de plus en plus puissant : le temps de l expérimentation lyonnaise A. L Arfi, un choc dans la capitale des Gaules reflet d un mouvement d organisation des musicien.ne.s. 90 B. Des tentatives de création de nouveaux lieux privilégiés du jazz IV. Festivals et problèmes financiers : un paradoxe lyonnais A. Festivals Rhône-Alpins : historique d un évitement de Lyon B. La théorie de l éternel retour CHAPITRE 2 : LE JAZZ LYONNAIS AU XXIe SIÈCLE : UNE ILLUSTRATION PAR EXCELLENCE DES PARADOXES DU JAZZ I. Un mouvement de professionnalisation des musiciens et musiciennes de Lyon : vers un effacement du jazz amateur? A. Des années 1990 aux années 2000 : après un coup d arrêt du jazz lyonnais, l effacement du «folklore» jazzistique B. Au milieu des années 2000 : une mutation de l activité de musicien.ne de jazz à Lyon II. Ébullitions créatives des lieux et publics du jazz A. Depuis 2007, un renouveau des salles et clubs de jazz à Lyon Le Périscope, reflet des mutations de la scène musicale lyonnaise : une compatibilité possible avec le jazz? Mieux comprendre les dynamiques du jazz lyonnais : panorama des clubs de jazz à Lyon dans la décennie B. Un regain d intérêt pour le jazz chez le public du jazz lyonnais? Le public du jazz lyonnais contemporain : quelle perception du jazz dans la dernière décennie? Un mouvement général postmoderniste à l origine du renouveau du jazz lyonnais? III. L approfondissement du processus de légitimation du jazz lyonnais A. Structuration et lacunes de l enseignement du jazz : un reflet du paradoxe du jazz lyonnais B. La consolidation d un service de diffusion du jazz lyonnais et de la région IV. Les mutations du jazz lyonnais illustrées : la «révolution» du Hot-Club A. La «révolution» en question : historique d une confrontation sous tension B. La «révolution» du Hot-Club : un reflet du cheminement du jazz lyonnais? CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE TABLE DES ANNEXES

9 INTRODUCTION 8

10 Au cœur du premier arrondissement de Lyon, caché dans l étroite rue Lanterne, au numéro 26, se trouve le Hot-Club de Lyon, plus vieux club de jazz d Europe en activité totalisant 72 ans d existence : un fait rarissime dans le monde du jazz européen. Cet élément devrait manifestement faire de Lyon une ville de jazz. Or, ce phénomène historique semble souvent ignoré par le public lyonnais et français. Peut-être qu une des conséquences directes de ces lacunes soit que son histoire n ait jamais été rassemblée et analysée dans sa totalité sur un document. À travers ce mémoire, il s agit donc de retracer cette curieuse histoire, souvent oubliée du grand public. Définition des termes Il s agit d abord de définir les termes principaux que l on utilisera au fil de ce développement. Le jazz est un genre musical complexe et multiple, qu il est capital d appréhender dans sa pluralité. Alain Lomax décrit ainsi en 1950 avec pertinence toute la complexité sociale, historique et culturelle qui compose le genre : «Le jazz a revêtu de nombreux aspects, frénétique, destructif, hystérique, décadent, vénal, alcoolique, douceâtre, fade ; il a enrichi les ventres pleins ; il a corrompu des innocents ; il a trahi et calomnié ; mais partout et sous toutes ses formes, une de ses caractéristiques, acquises à sa naissance, a profondément touché tous ceux qui l ont écouté.» 1 Il est difficile d appréhender l histoire du jazz sans l analyser dans sa complexité et sa pluralité. Donner une définition simple du jazz, en le caractérisant de musique d improvisation noire américaine destinée à être jouée en public, serait juste, mais incomplet. Historiquement, le jazz trouve ses sources dans les traditions d Afrique occidentale, transmises par les esclaves des plantations à partir de 1895, commençant avec le blues, puis le ragtime, se mêlant progressivement aux tonalités et aux structures musicales classiques européennes, pour constituer une forme artistique américaine nouvelle, avec pour berceau la Nouvelle-Orléans 2. 1 Lomax, Alain, dans Cooke, Mervyn, L Histoire du Jazz, Gründ, Paris, 2013, p.8 2 Cooke, Mervyn, L Histoire du Jazz, Gründ, Paris, 2013, p.14 9

11 Le jazz est donc à l origine une musique noire, issue du blues, chantant le désespoir de toute une communauté marginalisée et cette origine est capitale à prendre en compte. En raison des évolutions particulièrement rapides du jazz au cours du XXe siècle, les définitions de ce dernier sont alors multiples, et entrent parfois en conflit. Dès le début du second conflit mondial avec l apparition du be-bop en France, un nouveau genre en provenance des États-Unis, les amateur.ice.s de jazz se déchirent déjà sur le sens de ce mot, en se rangeant à Paris derrière Hugues Panassié, partisan d un «vrai» jazz «hot», ou derrière Charles Delaunay, plus ouvert aux évolutions du genre. Il n empêche que le jazz englobe un grand nombre de déclinaisons : variété, be-bop, hard-bop, middle jazz, New-Orleans, ou encore jazz fusion ou jazz rock. Si, afin d être plus fluide dans la rédaction de ce raisonnement, nous emploierons le terme «jazz», il serait donc pertinent de parler des jazzs en tant que genres multiples, mais également que cultures, modes de vie (dans leurs pluralités), allant bien au-delà du phénomène musical luimême. Il serait également pertinent de définir le jazz lyonnais, sur lequel le fil de ce raisonnement est basé. Cependant, faire une histoire du jazz à Lyon, est-ce avancer qu il existe un jazz lyonnais? Il existe en effet des figures du jazz lyonnais pensons notamment à Raoul Bruckert et des lieux emblématiques du jazz lyonnais historiquement le Hot-Club de Lyon, mais aussi le Bec de Jazz, la Clef de Voûte, ou plus récemment le Périscope. Mais ce panorama aujourd hui plus-ou-moins riche est-il forcément le reflet de l existence d un véritable jazz lyonnais? Chaque ville a un son, une histoire, des musiciens emblématiques. Débusquer l existence d un jazz purement lyonnais serait un travail inédit et pertinent à effectuer, mais celui-ci devrait être élaboré par un ou une musicologue. Toutefois, sur le plan historique, il est possible d avancer qu au gré des migrations, chaque ville crée sa propre histoire du jazz, aux États-Unis aussi bien qu en France. Bien qu aujourd'hui, l actualité du jazz demeure très centralisée sur la région parisienne où le mythe de Saint-Germain-des-Près perdure encore aujourd hui, à Lyon, le jazz a aussi son histoire, ses personnalités, ses propres mythes. 10

12 Bornage spatio-temporel de l étude L analyse se concentre donc sur la ville de Lyon intra-muros, mais il semble également pertinent d intégrer d autres espaces limitrophes, tout particulièrement Villeurbanne (où se trouve l École Nationale de Musique, une des premières écoles spécialisées de jazz), et seront également mentionnées certaines villes Rhône-alpines clés dans la diffusion du jazz à l échelle régionale : à savoir, Vienne, Rive-de-Giers et leurs festivals, Saint-Fons, qui abrite caves et écoles de jazz. En termes de bornage temporel, il s agit ici de tenter d appréhender l histoire du jazz lyonnais dans sa totalité, en apportant des précisions sur quelques périodes-clé (par exemple celle de l Occupation, de la sortie du second conflit mondial ou encore de l année 1968). Néanmoins, il semble nécessaire afin d analyser justement les dynamiques historiques du jazz lyonnais, de tenter de couvrir son cheminement de ses premières apparitions (difficiles à déceler, certes), concrétisées dans les années 1930 à ses dernières mutations dans la décennie Enfin, écrire une histoire du jazz à Lyon revient à se concentrer plus précisément sur certains lieux et moments de jazz qui permettent de saisir les dynamiques (ou parfois nondynamiques...) façonnant l histoire lyonnaise du jazz. Il serait donc pertinent ici de centrer (mais ne pas réduire) cette histoire du jazz, particulièrement sur certaines périodes, autour du Hot-Club de Lyon de 1948 et de ses membres. Comprendre le cheminement du plus vieux club de jazz d Europe encore en activité permettrait en effet de saisir les implications et paradoxes de l histoire du jazz lyonnais sans omettre les autres initiatives (y compris celles où l on ne retrouve que très peu d écrits), capitales à la compréhension de la pluralité de cette histoire. Pourquoi donc écrire une histoire du jazz à Lyon? Le jazz est donc un genre, plus qu incontournable, pilier de la musique contemporaine. Le jazz, s il est constitué de nombreuses niches, possède dès sa popularisation quelque chose d universel. On se demande alors «quelle est donc cette chose qui a fait danser et sourire les gens, des taudis de la Nouvelle Orléans jusqu aux plus grandes capitales du monde?» 3 : pour 3 Lomax, Alain, dans Cooke, Mervyn, L Histoire du Jazz, Gründ, Paris, 2013, p.8 11

13 le comprendre, il est nécessaire de rassembler un corps d écrits sur l histoire du jazz local, du jazz pluriel. L histoire lyonnaise en particulier n a donc jamais été écrite et réunie en entier. Le panorama des travaux publics portant sur l histoire du jazz à Lyon est en effet peu développé (il existe toutefois quelques initiatives privées d amateurs et d amatrices, très peu diffusées). On compte sur le sujet deux documentaires sur le Hot-Club de Lyon, dont le dernier en date est produit par Émilie Souillot en Outre ces productions, le panorama de travaux sur l histoire du jazz à Lyon se résume à quelques articles d amateurs et amatrices (souvent lyonnais.es) dans la presse régionale et très souvent réduits à l histoire du Hot-Club de Lyon, puis quelques mentions de la ville dans des travaux d histoire générale du jazz en France (nombre d entre eux prenant soin de mentionner la pauvreté de la scène lyonnaise au XXe siècle). Ce n est toutefois pas sans raison qu il existe peu de travaux sur le sujet : il est tout d abord difficile d étudier l histoire du jazz locale, celle-ci étant parfois très peu organisée et donc très peu documentée le jazz se vit plus souvent qu il ne s archive. Et cela semble être particulièrement vrai pour l histoire lyonnaise : l écrire revient donc à relever un défi, celui de restituer une «mémoire oubliée» 4 du jazz à Lyon, de ses dynamiques, et de ses paradoxes. Rassembler une histoire du jazz plurielle semble capital pour la compréhension globale du jazz, dans laquelle Lyon a son rôle à jouer. Il devient donc nécessaire de sortir d une histoire monolinéaire du jazz. En effet, tout comme la littérature semble s être parfois trop concentrée sur le cas de la Nouvelle-Orléans aux États-Unis, les études françaises ont parfois semblé privilégier l histoire parisienne aux histoires locales. Toutefois, «N importe-t-il pas d essayer de savoir, avec précision, comment et pourquoi, avec quels musiciens, dans quels endroits et à quelle époque les choses se sont déroulées? N est-il pas nécessaire d aborder ces questions avant toute autre si l on ne veut pas prendre le risque d esquisser un propos aussi provisoire que limité?» 5. 4 Histoire(s) de Jazz, Émilie Souillot, Propos de Jean-Louis Mandon, ancien président du Hot-Club de Lyon 5 Yvinec, Yann, «Écrire l histoire du jazz : choix conceptuels et substantiels», Les Cahiers du Jazz Nouvelle série, n 1, 2004, p.74 12

14 À la lumière de ces propos, il devient donc capital d écrire une histoire du jazz «stratifiée, diversifiée, plurilinéaire, où l aventure de cette musique pourrait se développer dans sa dispersion, son étoilement, au lieu d être ramenée ou réduite à un parcours unifié selon la seule perspective d une évolution monolinéaire.» 6. Faire le choix de rassembler sur un même document l histoire du jazz lyonnaise, c est donc répondre à cette nécessité. Mais aussi et surtout, restituer cette histoire, c est tenter de faire sens d un véritable paradoxe du jazz lyonnais. Lyon, une des plus grandes villes de France, indéniablement culturellement dynamique, semble être une oubliée du jazz français, notamment de l écriture et de la restitution de son histoire. Or, et cet aspect sera démontré tout au long de cette restitution, Lyon n est pas inconnue dans le monde du jazz. Bien au contraire, la ville, ses amateurs et musiciens pourrait bien être l inconnue dans l équation d une histoire plurielle du jazz en France. Et aujourd hui encore, si la ville de Lyon accueille une scène jazz florissante nous le verrons plus tard cet élément semble souvent surprenant aux yeux des lyonnais non-amateurs 7. Il s agit plus ici de restituer cette mémoire oubliée d un genre pilier de la musique contemporaine dans la capitale des Gaules, et ainsi, de tenter d expliquer le paradoxe du jazz lyonnais. Et si l histoire ne peut peut-être pas le clarifier pleinement, restituer cette mémoire permettra au moins de mettre en avant la place, bien réelle, de Lyon dans la scène jazz française et dans la construction de son histoire plurielle. Le Jazz lyonnais : une histoire en décalage avec l histoire générale au sein d une légitimation en quatre étapes Pour finaliser l introduction du sujet, il est enfin nécessaire de poser les bases de l histoire nationale du jazz, notamment de la capitale, afin de comprendre que le cheminement du jazz lyonnais est quasiment systématiquement en décalage avec l histoire du jazz générale. Ludovic Tournès distingue, dans son Histoire du Jazz en France quatre périodes générales de légitimation du jazz français, repérables sur la frise chronologique en figure 1 (page 17). 6 Ibid. p.77 7 Annexe : Sondage 13

15 Le jazz apparaît d abord en France à Paris et dans certaines villes côtières en 1917 avec l arrivée des troupes américaines : le public français découvre alors un «jazz avant le jazz» 8. S en suivent rapidement les premiers concerts de jazzmen américains (ainsi que des concerts d orchestres français de danse, de jazz-variété..) dans les music-halls parisiens. Ce phénomène ne concerne alors qu en majorité Paris ou les villes côtières, où l immigration est plus importante et les soldats américains plus présents, comme à Marseille, Nice, Le Havre Le succès des orchestres et des music-halls à Lyon, parallèlement, ne commence à s étoffer qu à partir des années 1930, dans des salles comme le Palais d Hiver, un des plus grands dancings d Europe, ouvert en La seconde étape prend place au début des années 1930 avec l apparition d un petit noyau d amateurs ayant une certaine «sensibilité puriste» 9, et qui tente d organiser la diffusion du genre en découle la création du Hot-Club de France par Hugues Panassié et Charles Delaunay en 1932 à Paris, puis l apparition rapide d antennes locales. Parallèlement, à Lyon, la diffusion du genre sous cette forme reste maigre et malgré quelques initiatives presque indétectables, les premières concrétisations relatives à cette seconde étape ne verront le jour qu à partir de 1941 paradoxalement, sous l Occupation alors qu un premier (des quatre) Hot-Club est créé, ainsi que les premiers groupes et orchestres de jazz amateur. À retenir toutefois que le jazz n est pas inconnu dans la capitale des Gaules avant les années 1940 : dès 1917, de nombreux musicien.ne.s noirs-américain.e.s transitent par Lyon pour rejoindre le front de l Est, et la ville se fait aussi témoin du passage de la tournée triomphale de James Reese Europe et ses Harlem Hellfighters 10. La troisième étape de la légitimation du jazz en France, après la Libération et notamment à partir de 1948, consiste en une brusque accélération de l audience du jazz (à travers l organisation cette année-là des premiers festivals de jazz au monde, notamment celui de Nice par exemple), tandis que les musicien.ne.s américain.e.s sont de plus en plus nombreux.ses à se rendre sur le territoire français, et même, à s y installer définitivement. Cette brusque accélération se répercute sur la vie jazzistique lyonnaise sous une autre forme : celle de la consolidation d un noyau d amateur.ice.s, alors qu en 1948, le Hot-Club de 1941 est dissout 8 Cotro, Vincent, Cugny, Laurent & Gumplowicz, Philippe (dir.), La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France, Outre Mesure, Paris, 2013, p.12 9 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.6 14

16 puis refondé par un groupe d étudiants des Beaux-Arts fous de be-bop, tout en coexistant alors avec un troisième Hot-Club lyonnais de 1946, rapidement devenu le «Cercle d Études du Jazz» (mais nous reviendrons sur la complexité de ce microcosme plus tard). C est cet événement en particulier qui structure la constitution d une scène jazz dans la ville, et ce sur le long terme n oublions pas que le Hot-Club de Lyon est le plus vieux club de jazz d Europe encore en activité, il convient donc de s y intéresser de près. Pour terminer, la quatrième étape de cette légitimation du jazz en France, selon l analyse Ludovic Tournès, a lieu à compter des années 1960 avec un jazz, malgré un relatif déclin de son public, qui confirme son implantation avec la multiplication de festivals, mais aussi la progressive institutionnalisation du genre (à travers l apparition de son enseignement notamment, et la progressive immixtion des pouvoirs publics dans la diffusion du genre). Tout comme pour les trois premières étapes, Lyon est en retard par rapport à la capitale et à certaines autres villes. Le mouvement de déclin n a pas lieu dans les années 1960 à Lyon au contraire, il s agirait selon certains amateur.ice.s du Hot-Club d un «âge d or» et l institutionnalisation et la création de festival n apparaît qu à la fin des années 1970, et ce dans des petites villes voisines de Lyon au lieu de la ville en elle-même. Le Rhino Jazz festival, le premier festival du genre dans la région Rhône-Alpes, n a donc été créé qu en 1979 (alors que le festival de Nice a été créé en 1948), et Jazz à Vienne en Problématique et annonce de plan Ce mémoire s articule autour de la problématique suivante : Quel est le cheminement du jazz lyonnais de ses premiers frémissements à nos jours? La première partie de ce raisonnement portera sur l histoire d une «catastrophe apprivoisée» 11 du jazz lyonnais, des années 1930 avec les premières visites de musicien.ne.s américain.e.s, aux années 1970 avec l apparition d un nouveau genre d avant-garde, le Free Jazz. Cette période semble s essouffler, entre d autres phénomènes, avec le départ brutal du Hot-Club de Lyon de la rue de l Arbre-Sec en 1978 et son arrivée rue Lanterne en Cotro, Vincent, Cugny, Laurent & Gumplowicz, Philippe (dir.), La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France, Outre Mesure, Paris,

17 La seconde partie de ce mémoire portera sur l histoire d une légitimation et d une institutionnalisation du jazz lyonnais, dans tous les paradoxes que celle-ci représente, à compter de la création des premières structures d enseignement du jazz à Lyon jusqu à nos jours, alors que le jazz semble entrer dans une phase de mutation marquée (de son public, du profil de ses musicien.ne.s, de ses lieux de vie). 16

18 Frise chronologique comparative de l histoire du jazz en France te de l histoire du jazz à Lyon 17

19 PARTIE 1 LA CONSTITUTION D UNE «CATASTROPHE APPRIVOISÉE» 12 À LA LYONNAISE (DES ANNÉES 1930 AUX ANNÉES 1970) La musique jazz alors souvent appelée «Jass» 13 arrive sur le sol français en 1917 en même temps que les 2 millions de soldats noirs américains 14. La France découvre alors le jazz, grande inconnue avant le premier conflit mondial. La musique s immisce rapidement dans la vie du public français à travers les spectacles des music-halls dans les années 1920, puis 1930, sous forme d orchestres de jazz-variété Cotro, Vincent, Cugny, Laurent & Gumplowicz, Philippe (dir.), La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France, Outre Mesure, Paris, Cooke, Mervyn, L Histoire du Jazz, Gründ, Paris, 2013, p.9 14 Annexe? : Entretien avec Pierre Sigaud, 28 juillet Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du Jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p.11 18

20 Le jazz amateur, plus complexe que celui qui intéresse le grand public des music-halls, rassemble des communautés plus restreintes dès les années 1930 en France, et ce notamment avec la création du Hot-Club de France. Dans une atmosphère de «catastrophe apprivoisée», le jazz des amateurs et amatrices s immisce dans la vie lyonnaise et semble connaître une apogée, quelque peu désorganisée, dans les années CHAPITRE 1 : GUERRE ET OCCUPATION : UNE CONSOLIDATION DU JAZZ LYONNAIS? Il est d abord nécessaire de développer brièvement l histoire jazzistique lyonnaise des années 1930, où la présence du genre, certes maigre, s illustre au sein des music-halls et de ses orchestres de variété, très influencés par le jazz. Tout comme à Paris en 1917, le jazz se fraye un chemin dans la capitale des Gaules en touchant d'abord le grand public dans les music-halls, où la variété et la musique de danse s invitent régulièrement, couplée à quelques invitations de jazzmen américains dans la ville. Une décennie plus tard, en miroir avec le Paris des années 1930, des clubs d amateurs se créent à Lyon à l aune de l Occupation, à commencer par la déclaration de quatre Hot clubs, antennes du Hot-Club de France parisien en 1941, 1943, 1946, puis S intéresser à la place du jazzvariété et de la musique de danse (parfois fustigée par les amateurs et amatrices du Hot) à Lyon est donc clé pour comprendre les dynamiques jazzistiques en place à partir des années I. L apparition des premiers groupes de musicien.ne.s et clubs de jazz A. Années 1930 : les débuts d un jazz-variété dansé par le grand public Dans les années 1930, il n est pas encore possible de débusquer une véritable scène jazz lyonnaise, contrairement à ce qu il peut être remarqué dans d autres villes de l hexagone notamment à Marseille, ou les soldats américains transitent à partir de 1917, et bien sûr, dans 19

21 le Paris de Saint-Germain-des-Près. Il est toutefois possible de déceler chez le public lyonnais des indices d un début d intérêt pour le jazz, musique avant tout noire américaine, à travers la présence de musicien.ne.s de variété s inspirant fortement de la Swing Era qui déferle aux États-Unis. Quelques tournées de jazzmen américains comportent une étape lyonnaise : entre autres, c est le cas des tournées européennes en 1933 et 1934 de Louis Armstrong puis de Duke Ellington 16. Quelques célébrités françaises décident également de tenter l aventure lyonnaise : dès 1929, Gregor, le premier orchestre de jazz français, se produit au Casino de Lyon 17. C est aussi le chef d orchestre swing et pilier du jazz en France Ray Ventura qui se produit avec ses Collégiens au Pathé Palace, rue de la République, avant la projection des films 18. Ses visites à Lyon sont d ailleurs régulières : le chef d orchestre décide d ailleurs de s installer à Lyon où il reconstitue son orchestre pendant l Occupation 19. Au-delà d occuper régulièrement les salles de concert lyonnaises, l orchestre swing occupe alors une place primordiale dans la structuration de la scène jazz lyonnaise. Les premiers indices de la présence du jazz à Lyon dans les années trente sont également repérables lors des soirées de la Salle Rameau, aujourd hui fermée (mais en projet de rénovation pour 2021). Fondée en 1908 par Georges Martin Witkowski, avec une capacité d accueil de 1800 places (puis rapidement 900 pour des raisons de sûreté) 20, la salle se fait hôte de nombreux concerts, et parmi eux les premiers concerts de musique jazz. Il s agit toutefois ici de jazz de variété et de musique de danse, registres destinés au grand public plus qu aux petits cercles d amateurs comme ceux du Hot-Club de France, encore très difficiles à déceler à Lyon à l époque. Comme dans le Paris des années 1920, c est le jazz des music-halls qui fait irruption à Lyon. Les planches de la salle Rameau sont alors foulées, pour la saison , par des vedettes du jazz, françaises comme Ray Ventura et ses Collégiens, ou américaines, comme Louis Armstrong 21. De manière générale, les grands orchestres de swing français de 16 Régnier, Gérard, Jazz et société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p Boutellier, Jean-Paul, Abstrait : Histoire du Jazz à Lyon, 2020, p.4 18 Ibid. 19 Régnier, Gérard, Jazz et société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p Exposition de la Bibliothèque Municipale de Lyon, du 5 décembre 2017 au 17 février 2018, Airs du temps : Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon ( ). Les écrins de la musique, La Salle Rameau [en ligne] 21 Boutellier, Jean-Paul, Abstrait : Histoire du Jazz à Lyon, 2020, p.4 20

22 l époque se produisent à Lyon : Gregor, Roland Dorsay, ou encore Raymond Legrand, Jo Bouillon et Jack Hylton 22. Cet historique prend place dans une atmosphère de «dansomanie» post-grande guerre 23. La part de la variété française dans la construction du jazz est d ailleurs souvent mise de côté par l histoire de la musique, souvent le fruit de conflits relatifs à la définition du jazz : «En effet, une large gamme de musiques populaires (musique de danse, musique d ambiance, variété, et même jazz) a échappé à l intérêt des musicologues, ce qui en retour soulève des questions sur les valeurs, les significations et canons, ainsi que la façon d appréhender la musique comme un phénomène isolé «sous cloche»» 24. C est pourquoi on oppose souvent le cercle des amateurs de jazz à celui de la musique de danse que constitue celle des orchestres Pourtant, la réalité est plus complexe que cela, et celle-ci nous permet d avancer que le jazz s immisce bel et bien dans la vie des lyonnais.es dès les années B. La débacle de 1940 : une source de stimulation pour le jazz lyonnais, entre swing, variété, et embryon(s) d amateur.ice.s Paradoxalement, c est à partir de la débacle de 1940 que le jazz lyonnais fait une apparition plus marquée et qu on décèle un embryon d amateurs et de musiciens lyonnais. Comme l explique très bien Ludovic Tournès, à l échelle nationale, 22 Ibid. 23 Jacotot, Sophie, «Imaginaires des danses jazz dans les années 1920», dans Cotro, Vincent, Cugny, Laurent & Gumplowicz, Philippe (dir.), La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France, Outre Mesure, Paris, 2013, p Mawer, Deborah, «Parisiomanie? La French Connection de Jack Hylton», dans Cotro, Vincent, Cugny, Laurent & Gumplowicz, Philippe (dir.), La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France, Outre Mesure, Paris, 2013, p.68 21

23 «La période , loin d être une parenthèse dans le développement du jazz en France, est au contraire, à bien des égards, un moment d histoire privilégié. Le jazz sort alors brutalement de la semi-clandestinité où il était confiné jusqu en 1939 avant de connaître tout a long de ces quatre années un succès encore inconnu jusque-là.» 25. Ce succès en question ne reste pas borné à la capitale. Le Hot-Club de France, basé au pavillon de la rue Chaptal à Paris, est en effet le principal dynamiseur des scènes jazz locales de l époque, notamment à travers l impulsion de Charles Delaunay, Hugues Panassié, son coéquipier à la tête du Hot-Club, ayant préféré se retirer pendant la période de l Occupation. Toutefois, le Hot se décentralise : des antennes locales de ce cercle d amateur.ice.s se créent alors avant puis pendant la guerre, y compris à Lyon, plus tardivement que dans d autres villes de la même taille et que Paris. Le premier Hot-Club de la ville est alors déclaré le 5 mars (celui-ci est toutefois en activité depuis l année précédente 27 ), et est centré autour du trompettiste Jacky Vermont et du clarinettiste Claude Abadie, inspirés par la venue des musicien.ne.s parisien.ne.s dans la capitale des Gaules. Ray Ventura est intronisé en tant Président d honneur du club celui-ci sélectionne d ailleurs plus tard Claude Abadie pour être membre de son orchestre 28. La création du Hot-Club de Lyon passe bien entendu par l entretien d étroites relations avec les représentants du Hot-Club de France à Paris. Dans la capitale, ce sont les collaborateurs de Charles Delaunay, Michel Ellia et Paul de Rocca-Serra, qui supervisent les organisations de la zone libre 29. Lors d une demande de création d une antenne telle que celle de Lyon, ceux-ci s assurent d abord des compétences de jazz des potentiels fondateurs, puis les chargent d effectuer les formalités nécessaires à la fondation du club. La première antenne est basée place Bellecour et compte tout au plus vingt-cinq membres, dont dix jeunes filles 30 une mixité que l on ne retrouve pas forcément dans la composition des autres Hot-Clubs créés ultérieurement. Au-delà de la création de la première antenne du Hot- 25 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Journal Officiel, Préfecture du Rhône, consulté le 25 mai Boutellier Jean-Paul, Abstrait : Histoire du Jazz à Lyon, 2020, p.6 28 Ibid. 29 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du Jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p

24 Club de France à Lyon, le bilan du jazz lyonnais semble rester bien maigre (bien qu il ait le mérite d exister). L action du Hot-Club, seule association d amateurs de jazz déclarée en 1941, se résume alors selon Gérard Régnier à «des réunions consacrées à l écoute de disques de «musique swing».» 31. Régnier n est pas le seul à juger l activité jazzistique lyonnaise anormalement pauvre sur la période 32. Toutefois, au-delà des recherches publiées sur l histoire du jazz en France, il ne faut pas nier que le premier Hot-Club va au-delà de la simple réunion d amateurs en huis-clos et contribue dans une certaine mesure à la diffusion du genre dans la ville à l extérieur de son cercle d habitués, avec l organisation de concerts à plusieurs reprises, notamment à travers la création du Hot Club 41 par Claude Abadie, l un des premiers groupes de musique jazz lyonnais notoire. Celui-ci, alors élève à Polytechnique, se replie avec son école à Lyon après l armistice et y montre l orchestre du Hot Club avec le trompettiste Jacky Vermont. L orchestre connaît un certain succès auprès du public tout comme aux yeux des amateurs du Hot Club de France : la formation remporte le «Grand prix des orchestres de jazz» lors du cinquième tournoi d amateurs de jazz du 28 décembre 1941, organisé par le Hot Club de France à la salle Pleyel, qui connaît un retentissement certain 34. Outre le succès connu au Grand Prix, le groupe se produit pour la première fois à Lyon à la brasserie Thomassin, un club huppé de la ville 35. Les deux musiciens passent rapidement du statut d étudiant à celui de musicien professionnel, et se font notamment connaître dans le milieu New-Orleans 36. La durée du groupe est éphémère, puisque seulement une année plus tard, Claude Abadie décide de quitter la ville pour poursuivre sa carrière à Paris, tandis que Jacky Vermont rejoint le corps des parachutistes SAS en Angleterre, étant inquiété pour ses origines juives Ibid. p Les recherches sur l histoire française du jazz semblent très peu mentionner la ville de Lyon, malgré sa taille et son importance dans le pays. Ensuite, quand celle-ci est mentionnée, est souvent présentée comme ayant une vie jazzistique maigre (prenons les travaux de Gérard Régnier, Denis Constant-Martin et Olivier Roueff, l ouvrage collectif de Laurent Cugny, Vincent Cotro et Philippe Gumplovicz ) Seul Ludovis Tournès présente la vie jazzisstique lyonnaise comme plus riche. 33 Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p Ibid. p Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (désormais CNSMD), Paris, 2012, p.9 36 Le jazz New-Orleans se caractéruse première véritable forme de jazz né dans les années 1910 en Louisiane (États-Unis) où les cultures rythmiques africaines et caribéennes se mélangent aux harmonies européennes. 37 Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.9 23

25 Hors concerts de Ray Ventura et de la formation du Hot Club 41, des musiciens parisiens organisent également des tournées en passant par Lyon, et parfois en y trouvant refuge notamment les musicien.ne.s inquet.e.s de la présence allemande à Paris. C est le cas de Jo Bouillon, compagnon de Joséphine Baker, qui se produit régulièrement avec son orchestre Salle Rameau, ou encore au Théâtre des Célestins 38. Outre ces dieux lieux privilégiés de la vie musicale lyonnaise, on retrouve toujours du jazz (variété, swing en très grande majorité) au Palais d Hiver ou encore à l Alcazar, à la Scala au Casino de Lyon, à l Eldorado, au théâtre de l Horloge 39 en très grande majorité dans les quartiers de la rive gauche du Rhône, près du Cours Gambetta ou du Cours Lafayette. L interdiction des bals ordonnée par le gouvernement français dès le début de la guerre met toutefois des bâtons dans les roues de la scène de variété lyonnaise (et française) 40 ce sont les musicien.ne.s de musette qui connaissaient notamment une période difficile, contrairement aux musicien.ne.s de jazz, qui entrent alors dans en situation quasi-monopolistique. C. La figure de Ray Ventura La figure de Ray Ventura, chef d orchestre de jazz et variété française, est présente à de nombreuses reprises dans la scène musicale lyonnaise, et ce de manière plus importante sous l Occupation. Il semble donc intéressant afin de définir le cheminement du jazz lyonnais, d analyser son parcours dans la capitale des Gaules et son impact (non-négligeable) sur une large partie du public lyonnais. Si le chef d orchestre anime déjà quelques concerts de jazz-variété dans les années 1930, comme par exemple au Pathé Palace, c est à partir de sa démobilisation le 26 juillet 1940 que Ray Ventura s installe à Lyon pendant environ un an et y laisse durablement son empreinte 41. Celui-ci, né à Paris le 16 avril 1908 d un père originaire de Constantinople et d une mère lorraine, est concerné par les mesures antisémites et ne souhaite donc pas rejoindre la zone occupée. 38 Ibid. p Exposition de la Bibliothèque Municipale de Lyon, du 5 décembre 2017 au 17 février 2018, Airs du temps : Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon ( ). Les écrins de la musique 40 Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p.54 24

26 Le chef d orchestre reconstitue alors son orchestre avec les musiciens disponible à Lyon tout particulièrement des Juifs, volontaires pour fuir l occupant et partir avec lui en tournée sur la Côte d Azur, puis en Suisse et enfin en Amérique du Sud dès On compte parmi eux une trentaine de musiciens, dont Amédée Charles, Alain Romans, ou encore George Mistraki. L orchestre compte également des membres de ses «Collégiens», son orchestre d avantguerre très en vogue à l époque, ou encore des solistes et improvisateurs notoires du jazz français, notamment le saxophoniste Alix Combelle, ou encore le trompettiste Jacques Raymond 43. Ray Ventura se fait et se fait en effet découvreur de talents, et met entre autres en lumière deux artistes à la frontière entre jazz et variété : il découvre Henri Salvador, invite Sacha Distel, son neuveu, à développer sa carrière Le public lyonnais est friand des représentations de l orchestre de Ray Ventura, qui joue notamment quinze jours au Théâtre des Célestins dans le deuxième arrondissement en octobre 1940, en salle toujours comble : les places sont louées d avance 44. Ainsi, comme l explique Gérard Régnier, «le grand public ne fut toutefois pas sevré de jazz» 45 pendant la guerre et sous l Occupation, et ce en partie grâce à la présence du chef d orchestre, qui se fait découvreur de talents et qui stimule les vocations locales, et par extension le noyau d amateurs et amatrices qui se forme peu à peu dans la capitale des Gaules. En dehors de sa présence à Lyon, Ray Ventura est une figure emblématique du jazz français. Si celui-ci se spécialise dans le domaine des variétés, son impact dans le monde du jazz n en est pas moindre, notamment car la frontière entre les deux genres est souvent floue, et d autre part car le jazz-variété des music halls touche un grand public souvent au désespoir des amateurs et amatrices du jazz «hot». Ray Ventura se fait en effet, de par ses spectacles entre jazz et variété, entre standards classiques et performances humoristiques, ambassadeur du jazz auprès du grand public. Sa réputation dépasse largement le cercle des initiés, notamment car le musicien fait partie du courant jazz-variété-française, de la musique de danse et des orchestres de spectacle ceux- 42 Annexe 27 : entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p Ibid. p

27 ci s inspirant souvent largement du jazz américain. Celui-ci, en tant que musique de divertissement (bien nécessaire en temps de guerre) contribue à la vulgarisation, en quelque sorte, du jazz des pinailleurs du Hot Club de France, en mêlant humour et complexité des orchestrations soignées, avec des rythmes plus modernes, voire exotiques. Avec Ray Ventura et son orchestre, les lyonnais font un premier pas, et ce dès les années 1930, vers le jazz français, et le découvrent au-delà des (rares) tournées des jazzmen américains dans la ville. Ainsi, dans cette démarche, Ray Ventura peut aussi bien jouer des morceaux de variété humoristiques, comme Tout va bien madame la marquise, que des standards de jazz américains appréciés par les amateurs du Hot-club et du Jazz Hot, comme Bugle Call Rag 46. Ce format semble être adapté au contexte de l époque, où le public éprouve un besoin de se divertir en des temps difficiles d où, peut-être, le succès si prononcé de l orchestre de Ray Ventura pendant l Occupation. Il n empêche que la courte présence de Ray Ventura à Lyon (qui ne constitue toutefois pas sa seule visite), dynamise la scène jazz de la ville. Tout en diffusant le jazz au grand public, à la frontière de la variété française, cette présence invite les musiciens-amateurs à se structurer entre autres par la création d une première antenne du Hot-Club. Ses répétitions Rue Pleyney, sur la presqu île, résonnent dans tout le quartier, et les solistes de l orchestre se mêlent aux musiciens locaux. Son «récital swing» est un tel succès que l orchestre effectue dans la foulée une tournée en Suisse, puis à Paris et, après avoir été inquiété par les autorités allemandes, en Amérique du Sud, suivi par nombre de ses musiciens. II. La construction d un cercle du jazz lyonnais pendant la guerre ( ) A. État du jazz sous l Occupation : l idée fausse du jazz interdit Afin d appréhender la dynamique du jazz à Lyon sous l Occupation, il est important d analyser ce qu il se déroule plus généralement en France. Partons du principe que les éléments 46 Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.10 26

28 développés ci-dessous sont également applicables, sous certaines conditions et évidemment à échelles différentes, pour la ville de Lyon. Il est vrai que dès le début de la guerre, les salles traditionnelles de dancing et de concert perdent rapidement leur vivacité, notamment en raison de l interdiction des bals par le gouvernement français (danser consisterait alors, pour le gouvernement, en un non-respect des soldats et des pouvoirs publics en des temps difficiles 47 ). Le Palais d Hiver en fait rapidement les frais, et ce d autant plus après l invasion de la zone sud en novembre 1942 : «l établissement est alors réquisitionné par l armée d occupation qui l utilise comme lieu de festivités pour soldats.» 48 mais cela ne signifie pas que les festivités s éloignent du jazz, bien au contraire. La Salle rameau se réduit également sous l Occupation à des concerts destinés à l occupant. Elle se contente d accueillir l orchestre Philharmonique de Berlin, et quelques concerts de musique française 49. Toutefois, contrairement à l imaginaire de ce que devrait être le jazz sous l Occupation à savoir, un jazz inexistant ou en marge totale de la société de l époque puisqu intégralement interdit par l occupant le jazz ne disparaît pas. Tout au contraire, celui-ci est en accélération quasi-constante jusqu au durcissement du régime nazi en 1943, à Lyon comme à Paris ou ailleurs dans le pays, comme l explique Gérard Régnier : «dès les débuts de l Occupation, le jazz remplit les salles de concert, les musiciens sont très demandés dans les cabarets, les disques atteignent des chiffres de vente impressionnants.» 50. À Paris comme à Lyon, en zone occupée comme en zone libre, le jazz explose et le public français fait preuve d un véritable engouement pour le swing (même s il est vrai qu à Paris, cela est valable bien avant la guerre). Ce sont alors les musicien.ne.s parisien.ne.s et américain.e.s qui viennent transmettre leur passion à Lyon, zone initialement libre. La ville de Lyon bénéficie en effet d une position favorable après la débacle de 1940, alors de nombre de musicien.ne.s juif.ve.s, notamment parisien.ne.s viennent se réfugier dans la plus grande ville non-occupée. C est le cas de Ray Ventura, mais aussi Jacky Vermont et bien d autres encore. 47 Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p Exposition de la Bibliothèque Municipale de Lyon, du 5 décembre 2017 au 17 février 2018, Airs du temps : Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon ( ). Les écrins de la musique. Le Palais d Hiver 49 Ibid. La Salle Rameau 50 Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p.19 27

29 Plus encore, le jazz est loin d être bridé par les autorités occupantes, et expriment même parfois explicitement leur volonté de maintenir le jazz en France occupée. Ce choix s inscrit notamment dans une volonté des autorités allemandes de maintenir «une vie la plus normale possible, gage du calme de la population et source de distraction pour les militaires de la Wehrmacht, soldats et officiers.» 51 : les occupants s attardent à redonner à Paris son rôle de capitale des plaisirs. Il ne faut toutefois pas nier l opposition ferme et officialisée du régime Nazi au jazz et à sa culture. Dès le 30 janvier 1933, toutes les formes d art furent bannies par principe 52. Pour ce qui est du jazz, celui-ci est alors considéré comme une musique de «sauvages» pour beaucoup d allemands, notamment, dans les mots des occupants, «en raison de ses origines noires et de son rythme aux pulsations à connotation sexuelle» 53. La campagne anti-jazz allemande menée par le ministère de la Propagande se solde toutefois d un échec : au-delà de la tolérance implicite des occupants pour le genre, ce sont les jeunes et les soldats allemands eux-mêmes qui apprécient le jazz 54. À Lyon, les soldats auraient même participé à des jam-sessions organisées par le Hot-Club dans une cave rue Bellecordière 55. Afin de composer avec un élément qui ne peut disparaître et qui peut devenir une potentielle source de fraternisation avec l occupé les dirigeants nazis prennent un virage à 180 en mettant en place une «Swing propaganda», consistant à bannir l écoute des radios étrangères et à diffuser ses propres interprétation des standards américains avec le Charlie Orchestra 56. Après l entrée en guerre des États-Unis, la diffusion de standards américains est désormais interdite par les nazis. Cette décision prend une nouvelle fois un sens contraire aux effets escomptés par l occupant, et constitue même une bénédiction pour les musiciens de jazz français, puisque les musiciens américains se retirent du pays en pleine croissance de l engouement pour le jazz. C est l occasion pour le jazz français (et lyonnais), désormais en 51 Ibid. p Ibid. p Ibid. p Ibid. p Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p

30 situation monopolistique, de se perfectionner et de créer sa propre identité, notamment calquée sur l iconique Quintette du Hot-Club de France de Django Reinhardt et Stéphane Grapelli qui fait fureur à l époque. Cette décision allemande semble alors être une véritable bénédiction pour les musicien.ne.s de jazz français.es, qui compose en seul offreur dans le pays, alors que le public éprouve un véritable besoin de se divertir, encouragé par les autorités allemandes. Bien sûr, à partir de 1943, les activités jazzistiques se réduisent à Lyon, tout comme dans le reste du pays 57. Dès avril 1943, le Hot club de France conseille à ses membres de se faire plus discrets et d éviter toute manifestation extérieure 58, et l activité des antennes locales connaît un net recul y compris celle de Lyon. Le durcissement du régime de Vichy en 1943 rend la vie plus difficile pour les lyonnais.e.s et français.e.s. Entre l absence quasi-totale de disques de jazz à Lyon (hormis au sein du Hot club, où les rassemblements se font de plus en plus rares), les déportations, le STO, l heure n est plus aux loisirs pour les amateurs et amatrices de jazz. Malgré cela, l Occupation constitue une nouvelle ère pour le jazz local, sous l impulsion de Charles Delaunay, tête principale du Hot club de France pendant la guerre : «c est donc sous l Occupation que le jazz cesse d être une musique exclusivement parisienne et s implante en province.» 59. La croissance de la création des antennes locales l illustre bien : le nombre de Hot clubs locaux passe de 5 en 1939 à 29 en 1944, dont la plupart ont été créés entre 1941 année de déclaration Hot-Club de Claude Abadie et Jacky Vermont et B. Un Hot-Club de plus en plus étoffé : organisation (et désorganisation) des amateur.ice.s du jazz «hot» lyonnais Le jazz «swing», joué pendant l Occupation pour le grand public, ne fait toutefois pas l unanimité, particulièrement chez certains pinailleurs du Hot-Club de France, qui condamnent un genre considéré comme trop éloigné du «vrai» jazz, le jazz «hot». La figure des «zazous» (qui, nous le verrons plus tard, est en partie à l origine de la restructuration du jazz lyonnais à partir de 1948) est également prise pour cible par les amateurs du «hot» 61. Le jazz- 57 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du Jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Ibid. p Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du Jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Ibid., p Vidal-Blanchard, Jocelyne, «Années quarante : La mode zazou débarque à Lyon», Archives Privées de Frédéric Bruckert 29

31 variété «grand public», de divertissement, comme celui que représente Ray Ventura à Lyon, ne fait donc pas l unanimité. C est toutefois là une occasion pour les amateurs et amatrices lyonnais.es du Hot-Club de s étoffer et de s organiser. La structure démographique des sections locales est souvent similaire à celle de la maison mère parisienne : des jeunes sont recruté.e.s dans des groupes dès de lycée, avec des élèves de classes préparatoires et d écoles d ingénieurs, des étudiant.e.s de faculté, où «on dispense la «bonne parole» en terrain favorable» 62. Les fondateur.ice.s sont plus âgé.e.s et ont plus de savoir et d expérience. C est un peu le cas à Lyon, où, notamment à l école des Beaux-Arts, le terrain est favorable pour s organiser entre amateurs et amatrices étudiant.e.s la séparation entre étudiant.e.s et plus agé.e.s semble toutefois moins stricte que dans les autres antiennes ou à Paris, où on trouve souvent parmi les fondateur.ice.s de jeunes musicien.ne.s (des premières antennes lyonnaises à la dernière en date, créée en 1948). Tout ce processus s opère dans un contexte de massification des pratiques culturelles (encore plus marqué à l après-guerre), qui invite les amateur.ice.s locaux.ales à se regrouper : succès général du jazz, du cinéma, de la lecture, du théâtre Dans un contexte général d engouement pour le jazz pendant la guerre, il s agit donc pour les amateurs lyonnais de se rassembler et de partager leur passion commune, parfois afin se positionner contre la mode swing qui fait fureur, parfois pour profiter d un nouveau type de divertissement en des temps difficiles. Dans les régions, la tâche du Hot club local diffère quelque peu de celle du Hot club de France de l époque, puisqu il s agit ici, en plus d organiser la diffusion du jazz dans la ville, de «mettre en contact les amateurs peu nombreux et dispersés que compte chaque ville de province.» 63. Inévitablement, dans un cadre plus diffus que dans la capitale, «la suite des opérations dépend du dynamisme des animateurs locaux» 64. Or, comme il l a été dit plus tôt, le Hot-Club de 1941, lui, a une activité plus-ou-moins maigre, consistant majoritairement en l écoute de disques de «swing» et en l organisation de quelques concerts, dont la trace est difficile à repérer. Cette décentralisation semble donc laborieuse à Lyon, notamment lorsque que, sous l Occupation, le Hot-Club de France met plus que jamais 62 Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Ibid. p.72 30

32 en avant son Quintette (on y retrouve notamment Django Reinhardt et Stéphane Grapelli), en avançant que «Paris est le centre artistique du monde», et que «ce nouvel orchestre représente l élite musicale française» 65. Le Quintette donne d ailleurs en octobre 1942 plusieurs concerts à Lyon, ainsi que Montpellier, Béziers, Nice, ou encore Alger 66. Le groupe se constitue en principale source du «vrai» jazz français pendant la guerre, et, s il est une source d inspiration majeure pour les amateurs et amatrices lyonnais.e.s, peut-être fait-il de l ombre aux tentatives d organisation des groupes locaux. Si la guerre et l Occupation favorisent la diffusion du jazz à l extérieur de Paris, la tâche n est donc pas aisée. Néanmoins, de nouvelles sections régionales du Hot-Club de France voient le jour, directement affiliées au pavillon de la rue Chaptal (celui de Charles Delaunay). Plus encore, une seconde section apparait à Lyon en 1943, sans obtenir la dissolution de celle de 1941 : ce sont donc deux antennes du Hot-Club qui sont créées pendant la guerre à Lyon! S il est difficile de débusquer des traces de ce second Hot-Club, dont l activité paraît peu fructueuse (peut-être car elle a été créée au moment du durcissement du régime), il ne peut donc pas être nié qu un véritable microcosme d amateurs de jazz à Lyon est en train de se former tout au long du second conflit mondial. La seconde association en date organise des jam-sessions auxquelles participent des musicien.ne.s amateur.ice.s et semi-professionnel.le.s, comme par exemple les frères Vavril (au piano et à batterie) 67. Cette double-création pourrait bien contribuer à une forme confusion des amateur.ice.s de jazz lyonnais.e.s, en incapacité de s organiser concrètement dans un contexte qui rend leur développement quasi-impossible après le durcissement du régime nazi à la fin de l année III. Le jazz lyonnais libéré : nouveau Hot club, nouveau souffle? ( ) A. La vie jazzistique d après-guerre : un retour à l activité laborieux 65 Ibid. p Ibid. p Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.11 31

33 Après un coup d arrêt quasi-total du jazz en France à partir de 1943, et de nombreuses difficultés d organisation des amateurs, la Libération semble toutefois permettre aux antennes du Hot-Club et ses amateur.ice.s de connaître un nouveau souffle. Ceux et celles-ci sont aidé.e.s par l arrivée de nombreux enregistrements parmi lesquels on compte les «V-Disc», arrivés en masse dans le pays en même temps que celle des soldats américains. Après plusieurs années d absence d enregistrements américains, ceux-ci font part au public, les oreilles grandes ouvertes après deux ans de sevrage, des évolutions de cette musique fondées sur des piliers du jazz comme Count Basie, Glenn Miller, et d autres. La culture du libérateur infiltre la capitale des Gaules, et son influence se retrouve dans les nouvelles organisations des amateurs et amatrices de jazz. La vie jazzistique nationale et locale reprend donc son cours, mais pas sans évolutions directement liées à celles en marche aux États-Unis. À son centre, l apparition du be-bop, avec pour figures de proue Dizzy Gillespie, Charlie Parker ou encore le batteur Kenny Clarke. L introduction du nouveau genre dans le pays ne se fait pas sans oppositions, notamment de la part des amateurs «puristes» partisans d Hugues Panassié celui-ci défend en effet le «vrai» jazz, le jazz «hot» et refuse alors de reconnaître les évolutions de cette musique comme du jazz. Au lendemain de la guerre, les avancées sont difficiles pour les Hot clubs locaux, plus que jamais démunis après deux années d arrêt presque complet. La revue Jazz Hot dirigée par Charles Delaunay n est diffusée qu à Paris et dans quelques autres villes seulement (Lyon n étant pas concernée) 68. Le rôle direct que doit jouer le Hot-Club de France est donc capital dans la dynamisation de ses sections locales telle que celle de Lyon : c est ainsi que l assemblée générale du Hot club de France d octobre 1946 propose la création de délégués régionaux ayant pour mission aide et supervision des sections locales 69, lors de laquelle Robert Bredannaz est chargé de représenter l antenne de Lyon Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Tournès, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Il s agit ici d une troisième antenne du Hot-Club, celle du «Hot-Club Lyonnais», sur laquelle nous reviendrons dans la sous-partie suivante. 32

34 Peu à peu, les activités jazzistiques lyonnaises redémarrent, et les salles de concerts reprennent leur service. C est notamment le Palais d Hiver qui joue un rôle notoire dans la reprise du jazz dans la ville : Monsieur Lamour, son fondateur, avait déjà à la création de la salle pour ambition que le Palais d Hiver soit «la plus grande salle de spectacle de France» 71. Les activités du Palais reprennent donc de plus belle, et se trouve au cœur de la «guerre du jazz», entre jazz «hot» et be-bop dès les premiers concerts be-bop en octobre B. Création et succès d un troisième Hot-Club : le «Hot-Club Lyonnais» (1946) C est également au niveau des clubs d amateurs que les affaires reprennent : un troisième Hot- Club est rapidement créé. En effet, à la Libération, les Hot clubs régionaux, avec l impulsion du pavillon de la rue Chaptal, reprennent peu à peu leur activité. Toutefois, les deux antennes lyonnaises créées en 1941 et 1943 semblent végéter 73, sans compter que la ville est en retard sur ses consoeurs. En termes de jazz amateur, d autres villes telles que Bordeaux, Marseille, Nice ou Strasbourg connaissent en effet déjà leur «âge d or» à la seconde moitié des années La création d antennes locales du Hot-Club de France est toutefois en forte baisse à partir de 1951, tout comme l activité générale des clubs dont la tâche de l organisation de concerts est reléguée à d autres structures plus importantes 75. Pourtant, de nouveau, du côté de la capitale des Gaules, un troisième Hot-Club est créé, le «Hot-club Lyonnais», le 1 er février , et ce non sans difficultés juridiques. Comme il l a été précisé auparavant, deux autres «Hot-Clubs» ont existé. Il est impossible pour le troisième club de reprendre leur nom et leur label, d où la nouvelle appellation, semblable mais distincte, de «Hot-Club Lyonnais». C est alors non sans espoir que le bimestriel Jazz Hot déclare : 71 Exposition de la Bibliothèque Municipale de Lyon, du 5 décembre 2017 au 17 février 2018, Airs du temps : Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon ( ). Les écrins de la musique. Le Palais d Hiver [en ligne] 72 Ibid. 73 Il est en effet très difficile de trouver des traces de l activité des deux antennes après 1943, et même 1942 pour la première en date. 74 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Ibid. p Journal Officiel, Préfecture du Rhône 33

35 «nous espérons annoncer prochainement que Lyon a un club actif digne de ceux des autres grandes villes françaises» 77. Ce sont André Jalibert (président et directeur du «Ciné-Journal), Jo Pétrier (trésorier et riche industriel) puis Henri Gautier et Henri Devay (secrétaires), des amis de Fred Gérard (membre de l orchestre d Alix Combelle et grand musicien professionnel de jazz), qui fondent la nouvelle association 78. C est d ailleurs dans les locaux du club que, lors de jam-sessions, Fred Gérard se fait repérer par Alix Combelle (clarinettiste repéré dans l orchestre de Ray Ventura pendant la guerre), qui l engage alors en En raison de son rôle décisif dans la structuration du jazz lyonnais, l orchestre de Ray Ventura est le premier invité du nouveau Hot Club, pour un concert le 3 mars La même soirée, le chef d orchestre est intronisé en tant que président d honneur de l association. Plus actif que les deux premiers Hot clubs, des activités de diffusion et de vulgarisation se multiplient au Hot- Club Lyonnais, puis des séances d écoute et des émissions de radio assurées par Robert Bredannaz, «représentant» du bureau parisien 80. S il est plus-ou-moins établi que la vie jazzistique lyonnaise se fait maigre pendant la guerre, et même à la Libération 81, il n empêche que le nouveau club compte rapidement parmi les sections locales les plus importantes du pays. Ce qui était confidentiel en février 1946 commence à devenir un véritable succès : le club fête en 1947 son 260e membre 82. Il lance aussi, en février 1946, son premier bulletin périodique, dans lequel il annonce à son éditorial que «le Hot club se propose comme programme la défense et la diffusion de la véritable musique de jazz» 83. C est également dans le cadre des tournois de musiciens amateurs organisés par le Hot club de France, réapparus dès 1945, que la section de Lyon excelle notamment en termes d organisation. Les musiciens locaux sont en effet généralement reconnus pour leur motivation 77 Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Ibid. 79 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Référons-nous encore une fois au panel d ouvrages portant sur l histoire française du jazz (Régnier, Tournès, Cugny, Cotro et Gumplovicz, Roueff et Martin..) 82 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Ibid. p citation tirée du bulletin du Hot-Club lyonnais de février

36 et organisation de meilleure qualité que celle de leurs condisciples parisiens. Sur ces termes, le Hot-Club Lyonnais s attache à «[constituer] un fichier de tous les musiciens de la région afin de les mettre en relation et de former des orchestres de bonne qualité» 84. Pour ce qui est de la vie quotidienne et locale du club, les musiciens prennent l habitude de se mesurer lors de jam-sessions à deux pas de la place des Jacobins, la Salle des Heures rue Confort, puis dans le sous-sol de la Brasserie de la République. Outre Fred Gérard à la trompette, en guise d animateur principal, on compte parmi les membres du club Jean-François Quiévreux (mieux connu sous le nom de Jeff Gilson lorsqu il monte à Paris et devient l un des plus grands arrangeurs français), défenseur du style «New Orleans» 85. Fred Gérard monte en 1946 le Hot-Club Swing Stars, premier véritable Big-Band lyonnais (une formation plus complète que celle du Hot-Club 41 de Claude Abadie), avec le saxophoniste Jean Liotard. La formation joue régulièrement à Lyon et dans les alentours et compte douze musiciens portant une affection particulière pour les standards de Duke Ellington et Count Basie. Mais faute de figures marquantes, et en raison de difficultés économiques, il manque au Big-Band une section de trombones : les instrumentistes sont difficiles à trouver, et souvent peu intéressés par le jazz Régnier, Gérard, Jazz et Société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009, p Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.14 35

37 Les Hot-Club Swing Stars, avec Fred Gérard (à gauche) 87 Les problèmes financiers que rencontrent les musiciens amateurs du Hot-Club Lyonnais, ainsi que le peu de musiciens que composent la scène jazz lyonnaise de 1946 (dont peu de traces sont repérables), sont sûrement deux raisons plausibles pour lesquelles les musiciens tels que Fred Gérard décident de tenter l aventure dans la capitale. La période suivant la fin du second conflit mondial semble en effet laborieuse en termes de construction d un noyau d amateurs et amatrices de jazz organisé.e.s et à Lyon, le jazz n est encore que très difficilement soutenable en termes de moyens certainement moins que dans la capitale, et moins que pour certaines autres antennes locales, comme Marseille ou encore Bordeaux. C. Le conflit entre jazz «hot» et be-bop et son influence sur Lyon 87 Cette photographie est tirée du Travail d Étude Personnel (TEP) de Jonathan Boutellier pour le CNSMD de Paris, dans le cadre duquel il rencontre Fred Gérard, comme indiqué par son père Jean-Paul Boutellier lors d un entretien effectué avec ce dernier le 30 juillet Il est donc possible de penser que cette photographie en question a été fournie par Fred Gérard lui-même. 36

38 La sortie de la guerre, accompagnée du retour des américains dans le pays, est marquée par la naissance d un conflit entre partisans du nouveau «be-bop», apprécié par Charles Delaunay (et d autres membres éminents du Hot-Club de France, notamment André Hodeir ou Boris Vian) et partisans puristes d un jazz traditionnel, «hot», rassemblés autour de la figure d Hugues Panassié, personnage reconnu pour sa philosophie stricte distinguant vrai et faux jazz 88, en qui ils retrouvent une figure clivante certes, mais rassurante. Les deux fondateurs du Hot-Club de France entretiennent des relations cordiales voire amicales pendant la période du conflit 89 il est donc ici nécessaire de relativiser les propos de certains chercheurs, tels que ceux de Ludovic Tournès, qui semble présenter les deux individus comme grands ennemis. Il n empêche que les divergences d opinions (notamment celles de Panassié, qui fait preuve de moins de tolérance pour les opinions «dissidentes») cristallisent de fortes tensions dans la scène jazz française et celles-ci se retrouvent à Lyon. Depuis 1941, au Minton s, au coeur de New York, une nouvelle façon d interpréter le jazz et d appréhender l improvisation est en vogue 90. Le be-bop est une révolution rythmique du jazz, à la différence qu il ne se veut plus une musique de danse et d amusement (comme celle que l on retrouve dans les music-halls et les orchestres de variété grand public), mais une musique de concert qui s écouterait sans autres artifices. Du fait de la guerre et de la grève des enregistrements aux États-Unis, le genre n arrive donc en France qu après la Libération par le biais des V-Disc de Dizzy Gillespie, un des pionniers du genre. Les français se retrouvent donc face à une nouvelle évolution de cette musique, plusou-moins brute pour certain.e.s, sans en avoir réellement ressenti les prémices (les rédacteurs de Jazz-Hot, Panassié compris, l appellent d ailleurs par erreur «re-bop» pendant quelques mois après sa découverte) 91. À Paris, certains se trouvent donc éblouis, d autres scandalisés. À la sortie de la guerre, le be-bop, musique d avant-garde se positionne alors en tant que symbole d un mouvement libertaire, au même titre que le swing (et ses «zazous») au début de l Occupation. Les tensions entre Be-Bop et jazz traditionnel le Jazz «Hot», le «vrai 88 Sur ce thème, Hugues Panassié rédige notamment les ouvrages Le Jazz Hot (1934), La Véritable Musique de Jazz (1946), ou encore Histoire du vrai jazz (1959) 89 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 Juillet Cooke, Mervyn, L Histoire du Jazz, Gründ, Paris, Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p.96 37

39 jazz» sont d abord d ordre esthétique mais se retrouvent rapidement dans des querelles au sein du Hot Club de France, où Delaunay et Panassié se disputent la tête de la fédération, du label Swing, ou encore de la revue Jazz Hot (devenue «Zazotte» et ses «zazotteux» pour Panassié 92 ). Si le label et la revue spécialisée restent aux mains du premier, la marque «Hot- Club de France», reste dirigée par Panassié à lui seul. En raison du caractère intransigeant de ce dernier, l association cesse toutefois progressivement d être le pôle principal du jazz en France, en se réduisant peu à peu à un cercle d admirateurs et admiratrices de jazz pré-be-bop quelque peu renfermé sur lui-même. En 1947, c est un véritable schisme qui est prononcé entre les partisans d Hugues Panassié et de Charles Delaunay, ce dernier ayant accepté les récentes évolutions du genre en les diffusant d ailleurs allègrement dans le pays et à travers la revue Jazz Hot. Il est toutefois important de rappeler que, comme il l a été dit plus tôt, les deux fondateurs du Hot entretiennent toujours des relations cordiales et ne sont pas de grands ennemis héréditaires : l expression de «schisme» utilisée par Ludovic Tournès est donc pertinente, mais mérite d être prise avec un certain recul. Ce qui peut être considéré comme l acte de schisme en question prend lieu à l assemblée générale du Hot club de France du 2 octobre Les membres du club tranchent y en faveur d Hugues Panassié, réélu à une majorité écrasante, tandis que Charles Delaunay est exclu. La section lyonnaise se positionne d ailleurs en faveur du premier en constituant un poids important dans le vote de cette exclusion : en effet, «outre les vingt-deux clubs présents, vingtdeux sont représentés, dont douze ayant donné leur pouvoir au délégué de la région lyonnaise, favorable à Panassié» 94. Le Hot-Club Lyonnais de 1946, alors représenté par Robert Bredannaz lors de l assemblée générale, semble donc largement favorable aux décisions de Panassié contre les évolutions du jazz. Le conflit aboutit à la création de deux fédérations : le label «Hot-Club de France» reste donc aux mains de Panassié, duquel la section lyonnaise est membre jusqu à sa reconversion en «Cercle d Études du Jazz» en 1948 (celui-ci toutefois toujours mention dans ses statuts du principe pannassiéen du «vrai» jazz 95 ), tandis que Charles Delaunay crée une «Fédération 92 On retrouve ces mentions dans différents bulletins du Hot-Club de France, rédigés par Panassié après la récupération de la revue Jazz Hot par Charles Delaunay. 93 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, 1999, Fayard, Paris, p Ibid. p Journal Officiel, Préfecture du Rhône. 38

40 des Hot Clubs français». La prise de parti de la section lyonnaise par le vote ne doit toutefois pas faire oublier que ses membres ne rejettent pas pour autant les prises de positions de Delaunay. Le Be-bop n y est pas jugé «hérétique», et plus encore, Robert Bredannaz semble apprécier les solos de Charlie Parker que Delaunay a envoyé de Paris via des disques souples 96. Le schisme de 1947 laisse très vite penser à une fracturation lente mais certaine du mouvement panassiéen, qui, en refusant de reconnaître les évolutions du jazz, s enferme dans une conception du jazz bientôt perçue comme trop stricte par la plupart des sections de sa fédération. S en suit d ailleurs une certaine épuration au Hot-Club de France par Hugues Panassié le Hot-Club de France de Panassié est donc peu à peu et malgré lui mis en sommeil par des évictions trop nombreuses, d abord de membres, puis de clubs tout entiers 97. Ainsi, contrairement aux idées reçues, c est bien pendant l Occupation allemande qu apparaît un noyau d amateurs et amatrices de jazz, de concours avec le grand succès des orchestres de swing dans les music-halls. L organisation de ce noyau est timide, mais se concrétise au fur et à mesure de la création des antennes du Hot-Club, accompagnées par la fin de la présence de l occupant sur le territoire et la présence des américain.e.s, qui y introduisent avec une nouvelle inconnue : le be-bop. Il n empêche que Lyon est toujours en décalage avec le fil de l histoire générale du jazz. Le bilan maigre du jazz amateur lyonnais laisse toutefois imaginer une éclosion de ces cercles plus tardive que dans les autres villes : c est le cas avec la création d un quatrième Hot-Club de Lyon en décembre CHAPITRE 2 : APRÈS-GUERRE ET HOT-CLUB(S) DE LYON, OU LE TEMPS DE LA CONFUSION CRÉATIVE 96 Jonathan Boutellier, Le jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz à Lyon, Fayard, Paris,

41 En France, selon Ludovic Tournès, l apogée du mouvement des Hot-Clubs semble prendre place aux alentours de 1947 entre autres, peu avant, voire pendant le «schisme» Delaunay- Panassié. Les chiffres l illustrent : le nombre de Hot-Clubs passe de 29 au milieu de l année 1944 à 77 en septembre Paradoxalement, à Lyon, c est l année suivante que le monde des Hot-Clubs lyonnais connaît une restructuration conséquente, après une dissolution de l association initiale de 1941, suivie de la fondation d un nouveau club par des étudiants des Beaux-Arts fous de be-bop 99. Parallèlement, le «Hot-Club Lyonnais» de 1946 se reconvertit en «Cercle d Étude du Jazz» le 24 décembre 1948, dans l objectif de «diffuser la véritable musique de jazz» 100. Aujourd hui à Lyon, le Hot-Club a d ailleurs tendance à ignorer l existence d antennes du Hot avant 1948, auxquelles les membres et leurs écrits publics font très peu référence. Pourtant, le Hot-Club de 1946 et futur Cercle d Étude du Jazz fête son 260e membre en mai et constitue paradoxalement l une des plus grandes sections locales du pays. Ce n est donc en aucun cas après une période de sécheresse jazzistique que le nouveau Hot club est fondé en 1948 ce nouveau club, qui existe encore aujourd hui rue Lanterne (après de nombreux déménagements et querelles artistiques), créé par des «zazous» fous de be-bop, se crée plutôt afin de prendre son indépendance d un Hot-Club lyonnais peut-être un peu trop panassiéen au goût de ses fondateurs. I : les Hot-Clubs au cœur de la «guerre du jazz» A. Décembre 1948 : un mois de changements pour le jazz lyonnais 98 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, 1999, Fayard, Paris, p À noter que le Hot-Club de 1943, où jouaient les frères Vavril, semble être tombé dans l oubli. 100 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 101 Tournès, Ludovic, New Orleans sur seine. Histoire du jazz en France, 1999, Fayard, Paris p.96 40

42 L année 1948 semble être une année charnière pour le jazz lyonnais, notamment car le dernier Hot club de Lyon créé à ce jour et encore en activité aujourd hui est déclaré le 8 décembre Deux des fondateurs, Jean Janoir (guitariste) et Raoul Bruckert (saxophoniste), arrivent à Lyon en 1946 et peinent à trouver une formation, malgré la pré-existence du Hot- Club Lyonnais. À force de rencontres, mais aussi de jouer aux Beaux-Arts, les deux musiciens parviennent à composer leur Quartet avec Gilbert Armand (basse) et Jean Loup (batterie) dans le cadre duquel ils rencontrent Henri Devay, secrétaire du Hot-Club Lyonnais. La décision est alors prise, conjointement avec ce dernier et Henri Gautier (également membre du bureau du Hot-Club Lyonnais), de fonder un nouveau Hot-Club 103. Le premier quartet de Raoul Bruckert en 1948, à l Opéra de Lyon. De gauche à droite, Raoul Bruckert, Jean Loup, Gilbert Armand, Jean Janoir. La nouvelle antenne locale choisit pour président d honneur Duke Ellington un choix qui tranche avec celui de Ray Ventura, en s éloignant des orchestres de jazz-variété français. The 102 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 103 Hot-Club de Lyon, Le Hot-Club de Lyon , 40 ans, 1989, Bibliothèque Municipale de Lyon (désormais BML), Chromarat 2801, p.49 41

43 Duke se rend d ailleurs au club après un concert à l Opéra de Lyon en 1951 avec son Big Band, où il se fait introniser Président d Honneur du Hot. «The Duke à Lyon en 1951» 104 Le nouveau Hot-Club de Lyon doit toutefois coexister avec les autres antennes : cela ne va pas sans causer de troubles. Si le Hot de 1943 semble être tombé dans l oubli, l antenne de 1941 doit être dissoute afin de pouvoir reprendre le nom de «Hot-Club de Lyon» 105 : c est chose faite lorsqu Henri Gautier et Henri Devay contactent les fondateurs de la première antenne, laissant à la ville de Lyon deux Hot-Clubs en activité. Cette nouvelle association, présidée par Henri Gautier et dont Devay est le secrétaire général, peut donc officiellement prendre le nom de «Hot-Club de Lyon» après dissolution officielle de la première antenne. Co-existent alors dans la même ville le «Hot-Club Lyonnais» de 1946 et le nouveau «Hot Club de Lyon» de Le nouveau club est bâti sur les fondements de l ancienne association de 1946, dont Henri Devay et Henri Gautier étaient membres du bureau, avec laquelle elle fait en réalité sécession. Les écrits existants à ce sujet, dont ceux du Hot-Club de Lyon, se réfèrent souvent aux créateurs de l antenne comme des «zazous fous de be-bop» 106 un principe diamétralement opposé à ceux défendus par Panassié. Sans compter qu Henri Gautier estime 104 Pennec, Jean-Claude, «Hot-Club de Lyon, au jazz pour l éternité», Tribune de Lyon, n 145, 18 septembre 2008, Archives Privées de Gérard Vidon. 105 Trassoudaine, Luc, «Le Hot-Club de Lyon a 20 ans : quand les jeunes retrouvent les sources du jazz de papa», Archives Privées de Frédéric Bruckert 106 Hot-Club de Lyon, Le Hot-Club de Lyon , 40 ans, 1989, BML, Chromarat 2801, p.49 42

44 alors que «le Hot-Club Lyonnais [ ] commençait à donner des signes d essoufflement» 107 (était-ce vrai, sachant que l année précédente, le club fêtait son 260 e membre?). Le club de 1946 est resté dans une certaine mesure dans la lignée de Panassié, et, pour rendre visible sa différence avec la nouvelle association, devient le 24 décembre 1948, seulement 16 jours après la déclaration du Hot-Club de Lyon à la Préfecture, le «Cercle d Étude du Jazz» 108. La création du nouveau Hot est mal digérée au sein du Hot de 1946, qui témoigne dans son bulletin mensuel paru dans Jazz-Hot fin 1948 : «Le Hot Club Lyonnais afin d éviter une regrettable confusion dans l esprit des amateurs et musiciens lyonnais, tient à préciser qu il n a aucun point commun avec le Hot Club de Lyon de création récente.» 109. Bien sûr, il ne faut pas omettre que le Hot-Club Lyonnais entretient quelques affinités avec le be-bop et que les oppositions entre les deux clubs ne sont pas si marquées. La scène jazz amateur de 1948 est donc quelque peu confuse, et surtout, l objet de changements notoires, bien que presque invisibles aux yeux des amateurs lyonnais. La première association créée en 1941 est dissoute puis remplacée, celle de 1943 très sûrement mise en sommeil, et coexistent pendant un temps deux Hot-Clubs qui, s ils défendent des principes assez différents, portent le même nom à peu de détails près Les amateurs lyonnais les confondent, ou alors ne réalisent pas qu il existe deux associations distinctes. B. Le «schisme de 1947» appliqué à Lyon : Hot-Club et Cercle d Étude du jazz, une réalité complexe Le nouveau club met rapidement en avant sa position intermédiaire vis-à-vis du conflit entre musique d avant-garde (le be-bop) et jazz «Hot» qui fait rage à la capitale, tout en se positionnant d entrée dans les rangs de la Fédération des Hot-Clubs de France de Charles Delaunay 110. Le Hot club de Lyon lui-même décrit ses initiateurs comme «un groupe de musiciens [qui] décide de s associer car ils ont tous en commun un dénominateur fondamental 107 Henri Gautier, «Le Hot-Club de Lyon : Défense et illustration du jazz», Jazz Notes, , Archives privées de Frédéric Bruckert 108 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 109 Jonathan Boutellier, Le jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Annexe 23 : Entretien avec Frédéric Bruckert, 25 juin

45 : l amour du jazz. Certains l aiment chaud, d autres cool, personne ne le veut fade.» 111. Cette acceptation du jazz cool semble particulièrement mal acceptée par les partisans du «vrai» jazz, ce dernier s opposant fermement cette tendance représentée par des personnalités américaines comme, entre autres, Chet Baker ou Miles Davis, très apprécié au Hot-Club de Lyon. Si «la bataille des raisins aigres et des figues moisies contamine la région lyonnaise» 112 les raisins aigres étant les partisans de Panassié, les figues ceux de Delaunay le club se donne pour mission de «faire aimer cette nouvelle forme musicale [le be-bop], sans renier ses origines et ses traditions» 113 : le club invite entre 1948 et 1952 Sidney Bechet tout comme Dizzy Gillespie, ou encore Miles Davis 114. Il est toutefois important de nuancer, d un autre côté, les positions du Hot-Club Lyonnais d André Jalibert. Si une position pour la diffusion de la «véritable musique de jazz» est clairement exprimée par l association dans ses statuts, ceci n est toutefois pas le reflet d un respect à la lettre des principes panassiéens. Les musiciens et amateurs locaux peuvent en effet entendre le be-bop pour la première fois en live lors d un concert de Dizzy Gillespie et son orchestre, envoyé par Charles Delaunay et organisé par le Hot-Club Lyonnais le 3 mars 1948 à la salle Rameau. Dizzy et son orchestre sont accueillis en gare de Perrache par l orchestre de Fred Gérard, au son de «John Payne was here» 115. La figure de Panassié s affaiblit toutefois peu à peu, probablement en raison de sa vision stricte laissant très peu de marge de manœuvre à ses antennes. Des évictions d antennes du Hot-Club sont régulièrement effectuées par Panassié, dont une en janvier Ce phénomène semble refléter l inquiétude donc font preuve les lyonnais.es vis-à-vis de l attitude autoritaire d Hugues Panassié, «néfaste à la cause du jazz» 116. On compte ainsi au total entre 1951 et 111 Hot-Club de Lyon, Le Hot-Club de Lyon , 40 ans, 1989, BML, Chromarat 2801, p Jazz Notes n 1, 1989, p Ibid. 114 Hot-Club de Lyon, «De 1948 à 1952, en 22 concerts : le Hot-Club de Lyon a présenté au public français : cinquante musiciens français soixante musiciens noirs américains», 1952, Archives privées de Frédéric Bruckert. 115 Boutellier, Jonathan, Le jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p

46 1961 trente-trois exclusions individuelles et six frappant des clubs entiers 117. Si cette politique semble courir à la perte du Hot-Club de France (d où, peut-être, le certain essoufflement du Hot-Club Lyonnais estimé par Henri Gautier), Delaunay de son côté semble appliquer une politique active plus pédagogique qui favorise l épanouissement des antennes du pays118. C est sous cette fédération, plus ouverte, que le Hot-Club de Lyon décide de se ranger à sa création en décembre II. Figures et valeurs du nouveau Hot-Club de Lyon A. Itinérance des «zazous du Cru»119 Le nouveau club prend rapidement de l ampleur, à l inverse du nouveau Cercle d Étude du Jazz, qui semble perdre en visibilité et en autorité auprès des amateurs lyonnais. Le but de la nouvelle association reste toutefois le même que le Hot-Club Lyonnais ou Cercle d étude du jazz, et que le premier club de 1941, ou encore de Le Hot Club de Lyon déclare en effet le 8 décembre son objet à la Préfecture du Rhône : «faire connaître la musique de jazz, défendre les intérêts de cette musique, de ses amateurs, de ses musiciens»120 ; le Cercle d Études du Jazz, lui, entend «diffuser la véritable musique de jazz»121. Hormis la référence très panassiéenne à la «véritable musique de jazz», les deux associations entendent défendre un objectif très similaire : diffuser la musique jazz et entretenir la passion pour celle-ci. Le groupe commence par faire le boeuf et écouter des disques dans une Maison des Jeunes aujourd hui disparue au 7 Rue des Marronniers le samedi après-midi122, et organise la venue à Lyon de jazzmen américains tels que Don Byas en 1948, ou encore Louis Armstrong en Le 6 octobre 1950, le Hot-Club s installe, avec la complicité des journalistes du Progrès à deux pas des rotatives du journal, dans les sous-sols du café Bellecordière, rue du même nom : «un 117 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p.154 Ibid. p Hot-Club de Lyon, Le Hot-Club de Lyon , 40 ans, 1989, BML, Chromarat 2801, p Journal Officiel, Préfecture du Rhône 121 Ibid. 122 Préface du Jazz Notes n 1, 3e édition, p.3, 1989, BML, MAGASI MAGREG Annexe 1 : Illustrations des musicien.ne.s ayant joué au Hot-Club de Lyon, Antoine Desnoyer,

47 local qui subit régulièrement les caprices du Rhône» 124 on raconte d ailleurs souvent que Sidney Bechet, habitué du club, y aurait joué les pieds dans l eau en Les musiciens-étudiants y trouvent un endroit idéal pour y jouer, mais aussi faire la fête. De simples jam-sessions le samedi, le club de Bellecordière passe à une ouverture deux à trois fois par semaine, souvent jusqu au petit matin 126, et devient l un des passages incontournables des étudiant.e.s lyonnai.s.e.s. Le club, victime de sa marginalité, est toutefois contraint de changer de lieu sans arrêt 127. Reprenons les choses dans leur contexte : le jazz, musique noire-américaine, est encore peu ou mal acceptée, considérée comme bruyante, sauvage, et donc peu et mal accueillie dans la ville et dans le pays en général. Le guitariste et co-fondateur du Hot-Club Jean Janoir en était d ailleurs conscient : il explique en parlant de lui et ses camarades fondateurs que «personne ne voulait de nous, on faisait du bruit la nuit» 128. Le club déménage donc une nouvelle fois en 1953 dans la cave (plus au sec) du Boulevardier, un bar rue de la Fromagerie en face de l Église Saint-Nizier, et «cette fois, c est toutes les nuits que nos jazzmen se déchainaient : quel Lyonnais n y a fait un tour un soir ou l autre pour entendre Bruckert et ses «Cool Cats», les Serfati [ ], Nelly et tant d autres?» 129. Y transitent notamment l année de l emménagement Oscar Peterson, Ella Fitzgerald ou encore Lester Young, mais aussi Miles Davis, Boris Vian et Juliette Gréco 130. À remarquer que le premier arrondissement reste le quartier général du Hot après son emménagement rue de la Fromagerie : hormis la Maison des Jeunes située dans le deuxième arrondissement, à deux pas de la place Bellecour, puis la rue Bellecordière, en face de l Hôtel Dieu, le Hot Club de 1948 n en bouge plus. 124 Hot-Club de Lyon, Le Hot-Club de Lyon , 40 ans, 1989, BML, Chromarat 2801, p Cette anecdote est repérable dans presque tous les écrits sur l histoire du Hot-Club par le Hot-Club dans la revue Jazz Notes (n 1, 3 e édition, 1989), ou encore dans les articles du chroniqueur de jazz du Progrès et fils de Raoul Bruckert, Frédéric Bruckert 126 «Nécrologie : Henri Devay n est plus», auteur non-renseigné, Archives Privées de Frédéric Bruckert 127 Annexe 2 : carte des adresses du Hot-Club de Lyon depuis Histoire(s) de jazz, Émilie Souillot, «Nécrologie : Henri Devay n est plus», auteur non-renseigné, Archives Privées de Frédéric Bruckert 130 Annexe 1 : Illustrations des musicien.ne.s ayant joué au Hot-Club de Lyon, Antoine Desnoyer,

48 Malgré les multiples déménagements et la certaine marginalité que connaît le club et ses amateurs et amatrices, il est nécessaire de remarquer que le Hot-Club de Lyon continue à organiser la diffusion du jazz à l extérieur de son club. En 1953, des membres du Hot Henri Devay et Gautier, puis un certain «R. Bureau» et «J.Martin» 131 fondent Jazz Notes, première revue du jazz régional en Rhône-Alpes ce qu il semble être le «Jazz Hot» Rhône- Alpin. Une tentative honorable, certes, mais dont la première édition ne produit que quatre numéros en raison du manque de musiciens et musiciennes prénsent.e.s à Lyon et dans la région 132. B. Les musiciens et musiciennes du Hot-Club de Lyon : reflet de l interdisciplinarité du jazz lyonnais 1. Les musiciens et musiciennes du Hot des années 1950 En 1988, les membres du Hot club restituent les valeurs du club à sa fondation. Parmi elles, un certain état d esprit, fondé sur «l ouverture sur d autres formes d art» 133 : entre autres, l écriture, le design, et, surtout, la peinture. Et cette insistance sur l interdisciplinarité artistique se retrouve dans les profils des musiciens du Hot-Club de Lyon dès sa formation. Bien sûr, la réalité est à nuancer : le jazz à Lyon ne se réduit pas seulement aux membres du Hot-Club. Toutefois, son rayonnement structure considérablement la scène lyonnaise dans les années 1950, et même 1960 (la première véritable structure d amateurs hors Hot-Club ne voit le jour qu en 1967 : il s agit du Jazz-Club de Lyon, fondé par Jean-Paul Boutellier 134 ). Le Hot-Club se trouve alors plus-ou-moins être la seule organisation jazz de la ville. Des solistes comme Albert Ravouna (piano), André Serfati (batterie), Gilbert Armand (contrebasse), Jean Loup (batterie) viennent fréquenter le club et font régulièrement partie des formations de Raoul Bruckert 135. On peut trouver d autres réguliers du Hot, tels que Pierre Kimick (guitare), Maurice De Thou (saxophoniste), ou encore Roger Allouche 131 Préface du Jazz Notes n 1, 3 e édition, p.3, 1989, BML, MAGASI MAGREG Ibid. 133 Ibid. 134 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier 30 Juillet Boutellier, Jonathan, Le jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.20 47

49 (contrebassiste) 136. Dans d autres registres, des artistes en devenir transitent régulièrement par le club, comme Roger Planchon, futur directeur du TNP de Villeurbanne, qui vient de monter son premier théâtre à deux pas de la M.J.C rue des Marronniers. Se mêlent alors sur les planches du Hot-Club de Lyon théâtre (avec Planchon), dessin (avec Bruckert par exemple, étudiant des Beaux-Arts puis dessinateur sur tissu reconnu), et bien entendu musique de jazz. La culture jazz lyonnaise, telle que la défend ce nouveau Hot-Club de Lyon, est ouvertement inter-disciplinaire, et c est peut-être là sa particularité. 2. Raoul Bruckert : figure fédératrice du Hot Au Hot-Club de Lyon et au sein de la scène jazz lyonnaise en général, la figure de Raoul Bruckert se démarque, et semble incarner la philosophie du Hot-Club de Issu du Hot- Club de Mâcon, l amateur de jazz est saxophoniste, clarinettiste et étudiant des Beaux-Arts. La formation de Raoul et ses «Cool Cats» donnent des conerts réguliers dans la ville, où le soliste est peu à peu considéré comme un pionnier du jazz dans la ville. Des opérations de diffusion à son initiative se montent en ville, et les élus locaux semblent voir d un bon œil la progression de ces nouveaux zazous, tout particulièrement de Raoul Bruckert. Ce dernier sillonne la ville avec une sorte d «orchestre mobile», sur une voiture repeinte dans une ambiance festive. Un concert en plein air pour les vieillards du 2 e arrondissement est organisé avec le concours de la ville sur le kiosque à musique de la place Bellecour : celui-ci attire près de trois mille personnes 137. L opération se renouvelle à plusieurs reprises dans les années 1950, et c est un succès non seulement pour Raoul Bruckert, mais pour le Hot-Club de Lyon, qui gagne alors en visibilité. Ce sont d ailleurs les nombreux concerts pour les bals du Palais d Hiver, à la Salle Rameau ou encore à l Alcazar qui font gagner le jazz lyonnais en visibilité. Le style de Raoul Bruckert explique peut-être les orientations politiques du Hot-Club de Lyon : il n a en effet jamais eu à afficher sa préférence entre les «anciens» et les «modernes», et 136 Ibid. p Annexe 3 : Robert Butheau, «Au bénéfice des vieillards du 2 e arrondissement : l orchestre du «Hot-Club de Lyon» que dirige Raoul Bruckert a été applaudi par trois mille amateurs de jazz», Le Progrès, Archives privées de Frédéric Bruckert 48

50 sait apprécier le style «New Orleans» sans renier les évolutions du Be-bop 138. Il ne cède pas non plus aux querelles dues à la scission entre le Hot-Club de Lyon et le Hot-Club Lyonnais, duquel il reste membre et pour lequel il donne épisodiquement des concerts. Il travaille d ailleurs régulièrement avec Fred Gérard, musicien éminent de l ancien Hot-Club Lyonnais c est même ce dernier qui lui conseille d abandonner la clarinette pour prendre le saxophone ténor 139. Raoul Bruckert (à droite) et ses Cool Cats aux côtés de Mahalia Jackson à l issue du concert du 27 octobre III. L après-guerre et le jazz à Lyon A. Y-a-t il une scène jazz lyonnaise d après-guerre? À la sortie du second conflit mondial, Lyon découvre le be-bop à travers la visite de pionniers de cette musique d avant-garde (Dizzy Gillespie, Kenny Clarke ), tout comme l introduction des nouveaux disques dans le pays en provenance des États-Unis. 138 Annexe 23 : Entretien avec Frédéric Bruckert, 25 juin Guy Ames, «Quelques notes avec Raoul Bruckert ou : de la cave «d avant-garde» à la consécration au Palais d Hiver», 1956, Archives privées de Frédéric Bruckert. 140 Annexe 4 : affiche du Hot-Club de Lyon, 1952, Archives privées de Frédéric Bruckert 49

51 Sur la période, le panorama des musicien.ne.s lyonnais.es est malheureusement assez pauvre, et ce tout particulièrement quand il s agit de sortir de la bulle du (ou des) Hot-Club(s). En dehors des amateurs et amatrices du Hot-Club dont quelques-un.e.s sont mentionné.e.s dans la partie précédente, il n est pas tâche aisée de repérer des musiciens et musiciennes de jazz lyonnais dans les années 1940 et 1950, et ce surtout en raison de leur effectif considérablement faible. C est d ailleurs très sûrement ce phénomène pousse d ailleurs la première tentative de la revue Jazz Notes à un arrêt prématuré : «le nombre de musiciens de jazz à Lyon ne dépassant pas la dizaine, «JAZZ NOTES» fut abandonné» 141. Sans compter que l écrasante majorité des musicien.ne.s lyonnais.es de l époque sont tous des amateur.ice.s habitué.e.s du Hot cela pouvant être un atout (lorsqu il s agit de faire rayonner le Hot-Club dans la ville) comme une tare (pouvant cultiver un certain entre-soi au Hot, et une difficulté un peu plus grande pour des amateurs-musiciens ne connaissant pas le club à s insérer dans la scène lyonnaise). Malgré le nombre croissant de musiciens lyonnais (si Jazz Notes lui en donne une dizaine tout au plus, il semble peut-être que la réalité soit un peu plus fructueuse que cela) il manque peutêtre à la capitale des Gaules la présence de studios d enregistrements importants ainsi qu une activité du disque florissante. Au contraire, à Paris, le contexte économique est en grande partie favorable à un âge d or du jazz français, alors que Lyon ne bénéficie pas d une position aussi favorable. À Lyon en effet, le panel de studios est quasi-inexistant, mis à part les studios de la Rue Royale fondés par J.B Piazzano 142. La plupart des publications de disques restent donc confidentielles : le premier véritable disque de Raoul Bruckert ne sort qu au milieu des années Pourtant, selon certains chercheurs d histoire française du jazz comme Ludovic Tournès, «l exemple le plus significatif de l existence d un véritable public pour le jazz en province reste celui de Lyon.» 144. Ce qu il se dit et s écrit sur la scène lyonnaise de l époque est en effet souvent contradictoire de nombreuses recherches préexistantes où figurent des mentions de la scène lyonnaise déplorent à plusieurs reprises un milieu jazzistique lyonnais pauvre Préface du Jazz Notes n 1, 3 e édition, p.3, 1989, BML, MAGASI MAGREG Blog biographique de JB Piazzano 143 Boutellier, Jonathan, Le jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Pensons aux écrits de Gérard Régnier ou Denis-Constant Martin et Olivier Roueff, par exemple. 50

52 D autres recherches sur l histoire du jazz en France ne mentionnent même pas la ville de Lyon, mais tendent plutôt à privilégier Marseille, ou encore Bordeaux 146. Néanmoins, pour ce qui est de Lyon, la période faste sembler commencer à l année 1949, lorsque le Hot-Club attire personnes le 2 juin pour un concert de Sidney Bechet avec l orchestre de Brasiawsky, mais aussi Miles Davis (alors jeune trompettiste de 23 ans) avec James Moody, Tadd Dameron, ou encore Kenny Clarke 147! Le concert reste dans les annales : des centaines de personnes voient leur accès au concert refusé, et l une des vitres de l Opéra et brisée au cours d une bousculade 148. Outre d autres concerts organisés par le Hot en 1949 et dans les années suivantes, du 30 octobre au 1 er novembre 1954, le premier Salon du Jazz lyonnais, basé sur le modèle parisien, accueille au Palais d Hiver dix mille spectateur.ice.s en deux jours, aux côtés des orchestres lyonnais (le sextet de Maurice de Thou, le trio d Albert Ravouna et bien sûr le quintette de Raoul Bruckert), parisiens (Sacha Distel, le quintette d Hubert Fol) et américains (Don Byas, Peanuts Holland, Lil Hardin Armstrong ) 149. C est aussi (et surtout) dans le monde de la variété française et du jazz-variété que les musiciens de jazz de l époque trouvent leur compte, comme le faisait le chef d orchestre Ray Ventura. De nouvelles danses en provenance des Amériques arrivent dans l hexagone : fox-trot, shimmy, charleston des États-Unis 150 La musique jazz semble donc s affirmer progressivement dans le répertoire des orchestres, de manière encore plus marquée qu avant et pendant la guerre. Les événements organisés au Palais d Hiver en sont une illustration parfaite : dans les années cinquante, les orchestres de Fred Adison, de Marcel Pouzet ou encore Tomas et ses Merry Boys donnent le ton sur les planches du Palais 151. Ce sont enfin résidences de Raoul Bruckert et ses formations au Palais d Hiver (mais aussi à l Alcazar, par exemple) qui semblent stimuler la scène jazz lyonnaise, notamment à travers 146 Notamment ici l ouvrage collectif La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France, co-dirigé par Vincent Cotro, Laurent Cugny et Phillippe Gumplowicz (2013) 147 «Cinquante bougies pour le Hot-Club de Lyon», Frédéric Bruckert, septembre 1998, Le Progrès, Archives privées de Frédéric Bruckert 148 Henri Gautier, «Le Hot-Club de Lyon : Défense et illustration du jazz», Jazz Notes, , Archives privées de Frédéric Bruckert. 149 Annexe 5 : Publicité pour le Salon du Jazz au Palais d Hiver, Archives privées de Frédéric Bruckert 150 Jacotot, Sophie, dans Cotro, Vincent, Cugny, Laurent & Gumplowicz, Philippe (dir.), La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France,Outre Mesure, Paris, 2013, p Exposition de la Bibliothèque Municipale de Lyon, du 5 décembre 2017 au 17 février 2018, Airs du temps : Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon ( ). Les écrins de la musique. Le Palais d Hiver 51

53 l organisation de bals étudiants et professionnels, et offrent une réelle visibilité aux musiciens et musiciennes lyonnais.es. Ces bals (du Palais d Hiver, mais aussi de l Alcazar par exemple) donnent d ailleurs l occasion aux musiciens et musiciennes lyonnais.es de jouer avec des célébrités américaines et françaises. On entend alors lors du bal annuel des élèves et anciens élèves de l école des Mines le 20 février 1954, aux côtés de Raoul et ses Cool Cats, l orchestre d Emil Stern et le quintette de Claude Bolling 152. Outre ce bal, les formations de Raoul Bruckert jouent pour le Bal de Médecine à Grange Blanche 153, le centenaire du Progrès 154, le Bal des Sportifs au Palais d Hiver 155. Devanture du Palais d Hiver, où Raoul Bruckert et son orchestre (en provenance du Hot-Club de Lyon) jouent régulièrement ici, les samedi et dimanche. 156 Formateurs incontournables de la scène jazz lyonnaise, il convient également de mentionner les tournois de musicien.ne.s amateur.ice.s, organisés par l équipe du Hot-Club de France parisienne, qui font leur réapparition en 1945, et font de plus en plus de bruit. C est ainsi qu en 1948, le tournoi franchit le cap des cent orchestres participants 157. En 1949, le tournoi, auquel participe le sextette de Bruckert, est organisé en collaboration avec la radiodiffusion française. 152 Annexe 6 : Invitation au bal annuel des élèves et anciens élèves de l école des mines, 20 février 1954, Archives privées de Frédéric Bruckert 153 Annexe 7 : Photographie du Bal de Médecine de Grange Blanche, Archives Privées de Frédéric Bruckert 154 Annexe 8 : «Le Progrès a fêté son centenaire en famille», Le Progrès, Archives Privées de Frédéric Bruckert 155 Annexe 9 : «Le bal des sportifs», Archives Privées de Frédéric Bruckert 156 Photographie de «Fred Révon» récupérée dans les archives de Frédéric Bruckert. 157 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p

54 Lyon a donc son rôle à jouer dans l organisation de ces tournois d amateurs : outre Marseille, Rennes, Lille, Toulouse et bien sûr Paris, les éliminatoires de l édition de 1950 se déroulent également à Lyon. Lors de l édition de 1953, on compte parmi les dix-huit finalistes l orchestre de Lyon 158. On peut donc avancer qu en effet, il existe bien une scène jazz lyonnaise d après-guerre, bien que ses composantes se heurtent à certaine difficultés financières, géographiques, personnelles pour s organiser sur le long terme. C est toutefois très majoritairement le Hot- Club et les individus qui y transitent régulièrement qui semblent entretenir cette scène à la fin des années 1940 et tout au long des années Se pose alors une question : existe-t-il une scène jazz à l extérieur des initiatives des membres du Hot-Club de Lyon? B. Y-a-t-il une scène jazz en dehors des initiatives Hot-Club de Lyon? Il est important de préciser que le Hot-Club organise de moins en moins de concerts à l extérieur de sa cave le déménagement du club rue de la Fromagerie en semble sonner la baisse d intensité du développement du club à l extérieur 160. À terme, cette adresse reste toutefois une constante du jazz lyonnais : elle accueille en 1960 l association New-Jazz- Club de Lyon dans ce qui est à l époque le bar Saint-Nizier 161, puis l association Le Duke à partir d avril Quatre ans plus tard, la cave accueille le bar à concerts La Rose des Vins 162. Ainsi, si le Hot-Club de Lyon et la Fédération de Charles Delaunay est jusque dans les années 1960 à l origine de la majorité des concerts de jazz et des rassemblements d amateur.ice.s de jazz, il demeure important de mentionner l existence d autres sociétés d amateurs et amatrices de jazz existences courtes certes, mais ces initiatives démontrent une véritable volonté de développer le jazz à Lyon. Il convient de mentionner quelques exemples : celui du Perdido Club, déclaré à la Préfecture du Rhône le 27 mars 1950 et basé au 282 rue de Créqui, avec pour objectif de «faire connaître la musique de jazz pur et faire approfondir la technique 158 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Boutellier, Jean-Paul, Abstrait : Histoire du Jazz à Lyon, Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, Journal Officiel, Préfecture du Rhône 162 Jazz Notes n 5, 3 e édition, Octobre 1989, p.21, BML, MAGASI MAGREG

55 cinématographique» 163. Un club à tendance manifestement panassiéenne, qui témoigne déjà à l époque du lien étroit entre jazz et cinéma, et de l aspect interdisciplinaire du jazz. La même année, un Jazz-Club de Lyon, basé au 21 cours La Fayette, est déclaré le 13 décembre, en même temps que le Swing-Club de Lyon, et entend défendre et diffuser la «véritable musique de jazz» 164. Il est toutefois compliqué de repérer des traces de leur activité dans la ville. Certaines associations créées semblent toutefois s éloigner de cette tendance panassiéenne. En effet, le 11 juin 1951, quatre ans après le schisme Panassié-Delaunay, le Club Lyon-Be-Bop (ou C.L.B), au 24 rue Palais-Grillet, est déclaré avec pour objectif de «grouper les amateurs de jazz désirant de se perfectionner dans les danses de rythme» 165. Un signe d une véritable implantation du be-bop à Lyon, atour duquel des amateurs et amatrices souhaitent se réunir pour se dédier à sa pratique et sa passion. Un exemple remarquable est celui de l association affiliée à la Mairie du 2 e arrondissement, «Art et Charité», qui organise conjointement avec le Hot-Club (et plus tard, avec le Jazz-Club de Lyon, créé en 1967) des concerts, tels que celui du 15 novembre 1952 avec Louis Armstrong à la Bourse du Travail 166. Si la scène jazz d après-guerre est assez pauvre et se résume très souvent aux actions internes et externes du Hot-Club de Lyon de 1948, l histoire du jazz lyonnais de cette époque ne se résume pas seulement à ce dernier. Peut-être bien que la raison pour laquelle les rares écrits existants sur la scène jazz lyonnaise décrient la pauvreté de cette dernière pourrait bien être qu ils et elles omettent la présence du jazz en dehors du Hot-Club à Lyon (il est en effet capital de retenir des initiatives plus individuelles et donc moins remarquées comme la création des sociétés de jazz mentionnées ci-dessus). Les recherches déjà effectuées omettent également à l unanimité la création de quatre Hot clubs différents entre 1941 et 1948 dans la ville un signe confus certes, mais certain du dynamisme créatif de la scène amatrice lyonnaise. 163 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 164 Ibid. 165 Ibid. 166 Annexe 10 : Affiche «Art et Charité, Le Hot-Club de Lyon présentent Louis Armstrong», 1952, Archives privées de Frédéric Bruckert 54

56 C. La venue des jazzmen et women : un élément structurant pour le jazz lyonnais d après-guerre Au-delà de l organisation du jazz lyonnais par les locaux eux-mêmes, à travers le Hot-Club de Lyon tout comme les autres sociétés existantes, c est la venue des jazzmen et women à Lyon à l après-guerre qui est décisive pour la construction de la scène jazz lyonnaise et de son public. Les musicien.ne.s américain.e.s s adressent en effet, du fait de leur célébrité, à un public plus large que celui des amateurs et amatrices averti.e.s. En effet, l année 1947 marque l arrivée massive de jazzmen américains en France, et Lyon fait partie des villes-témoins. Serge Loupien dans son histoire de la «France Underground» le résume très bien : «ce n est qu après la Libération que le jazz, le vrai, sorti du ghetto constitué des seuls adhérents pinailleurs du Hot club de France, a commencé à s imposer auprès d un auditoire de plus en plus étoffé.» 167 et ce sont notamment ces jazzmen et women américain.e.s qui contribuent à l élargissement du public jazz dans la ville au-delà du jazzvariété d orchestre. Ainsi, de 1948 à 1963, ce sont environ quatre cents jazzmen et women qui traversent l Atlantique pour effectuer en Europe des séjours plus-ou-moins prolongés et même, dans le cas de certains, de s y installer définitivement. C est le cas de Sidney Bechet (figure emblématique en France), Bill Coleman, Kenny Clarke (batteur pilier du be-bop), et autre Memphis Slim 168. Le choix de la France par les jazzmen et women des États-Unis n est pas anodin. Le pays est en effet prisé en raison de sa législation souple quant aux conditions administratives faites à ces travailleurs migrants un peu particuliers 169. C est aussi l absence de ségrégation qui est appréciée par les musicien.ne.s noir.e.s américain.e.s cela ne signifie toutefois en rien que le racisme est absent du pays et de la ville de Lyon, mais les conditions de vie demeurent relativement plus agréables en France qu aux États-Unis, où ils et elles peuvent jouer leur musique plus paisiblement (dans une certaine mesure). 167 Loupien, Serge, La France Underground. Free Jazz et Rock Pop, 1965/1979, Le temps des utopies, Rivages, Paris, 2018, p Ibid. p Ibid. p

57 La ville de Lyon n est pas exempte de ces visites de jazzmen et women américain.e.s. Ceux et celles-ci ne s y installent pas définitivement (comme à Paris), mais viennent s y représenter, parfois régulièrement, comme Sidney Bechet, déjà bien connu du public français. Le Hot-Club accueille en 1950 Lester Young, Louis Armstrong, Lionel Hampton 170, ou encore Max Roach (avec deux heures de retard Comblées par la formation de Raoul Bruckert). Outre le concert à l Opéra du 2 juin 1949 mentionné précédemment dans ce développement, d autres concerts de jazzmen et women notoires sont organisés les années suivantes, toujours avec la collaboration du Hot-Club de Lyon et la Fédération des Hot Clubs de France de Delaunay. Le Deuxième Salon International du Jazz, mémorable, se tient à Lyon le 1 er avril 1952 en Salle Rameau, et accueille notamment Dizzy Gillespie et Don Byas, aux côtés de Raoul Bruckert et sa formation es Royal Garden Cats. Lester Young et Henri Gautier à la gare de Perrache (archives de Frédéric Bruckert) L affiche du IIe Salon International du Jazz, Salle Rameau, le 1 er avril 1952 (archives de Frédéric Bruckert) Les jazzmen et women américain.e.s se rendent parfois à Lyon distinctement des initiatives du Hot-Club de Lyon. Ce sont notamment les tournées du JATP de Norman Granz qui passent par 170 Annexe 11 : «Festival de Lyon» : Lionel Hampton premier musicien de jazz à jouer au théâtre romain de Fourvière», Archives privées de Frédéric Bruckert 56

58 Lyon 171, sans l impulsion du club, et qui semblent tout autant marquer les esprits. En effet, le Hot-Club de Lyon, après son déménagement rue de la Fromagerie en 1953, semble vouloir d avantage se développer en interne plutôt que d organiser des événements à l extérieur et ce au détriment de certains amateurs et certaines amatrices, qui peinent à trouver leur place au sein du Hot et par extension dans la scène jazz lyonnaise 172. Ainsi, le jazz d après-guerre à Lyon se place sous le signe de la confusion créative, en pleine «guerre du jazz» (toutefois jamais ressentie à ses extrêmes à Lyon, notamment en raison de la philosophie du Hot-Club, interdisciplinaire, rassemblée autour de la figure fédératrice de Bruckert). Il existe donc bien une scène jazz lyonnaise d après-guerre, entretenue par un noyau d amateurs et amatrices de jazz de plus en plus important, n hésitant pas à prendre des initiatives pour faire vivre leur passion à Lyon en témoigne donc la création de quatre antennes du Hot-Club à Lyon, un élément à l unanimité oublié par les écrits sur le jazz lyonnais. La scène jazz lyonnaise semble donc exister principalement à travers les initiatives des membres du Hot-Club (mais pas que, comme nous l avons vu). Le club commence toutefois à se renfermer sur lui-même à partir de son emménagement rue de la Fromagerie en 1953, entre amateurs et amatrices cela témoigne du potentiel créatif du milieu du jazz amateur, tout comme de ses lacunes, qu il devient alors nécessaire de combler. Jam-session au Hot-Club de Lyon avec l orchestre de Dizzy Gillespie et Raoul Bruckert (au saxophone) Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Photographie tirée des Archives Privées de Frédéric Bruckert. 57

59 CHAPITRE 3 : LA «CATASTROPHE APPRIVOISÉE» DES ANNÉES 1960 ET 1970 : UN ÂGE D OR DU HOT- CLUB DE LYON? En se concentrant sur son développement interne (et donc volontairement ou non en entretenant une forme d entre-soi des amateurs et amatrices), le Hot-Club de Lyon, à partir de son emménagement rue de la Fromagerie en 1953 et plus encore lorsqu il s installe rue de l Arbre-Sec en 1968, semble paradoxalement prendre le chemin vers un certain «âge d or» des amateurs et amatrices ayant été témoins de cette période 174. Cependant, il convient d analyser cette expression avec un certain recul. Il ne s agit pas ici de défendre qu il existe un âge d or du jazz lyonnais en termes de succès, mais ou plutôt de montrer que les années 1960 et la première moitié des années 1970 au Hot-Club constituent l apothéose de cette dite «catastrophe apprivoisée», avec comme centre ses amateurs et amatrices. Parler d «âge d or» du Hot-Club de Lyon ne revient donc ni à avancer qu il existe un âge d or du jazz à Lyon, ni que les années 1960 constituent la période d activité la plus forte du club. L expression de «catastrophe apprivoisée», développée par Jean Cocteau dans Le Coq et l Arlequin (1918) 175, est analysée par Philippe Glumpowicz, Vincent Cotro et Laurent Cugny comme «le paradoxe d une déprise apparente et d une maîtrise assumée» 176, reflet d une «dualité prémonitoire» 177 dont a fait preuve Cocteau lors de l écriture de son ouvrage. Cette expression s apparente de manière quasi-parfaite à ce que semblent vivre les amateurs et amatrices du Hot des années 1960 et 1970 avec comme point d orgue l année 1968, qui, replacée dans son contexte politico-historique, ne fait qu entraîner les amateurs et amatrices dans cette «catastrophe apprivoisée», entre rébellion autour d un style encore marginalisé, et 174 Histoire(s) de jazz, Émilie Souillot, L expression est le titre de l ouvrage collectif de Vincent Cotro, Laurent Cugny et Philippe Gumplowicz La catastrophe apprivoisée : regards sur le jazz en France (2013), qui utilise de manière très pertinente le terme en question. 176 Cotro, Vincent, Cugny, Laurent & Gumplowicz, Philippe (dir.), La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France,Outre Mesure, Paris, 2013, p Ibid. p.12 58

60 précision d un genre demandant une maîtrise de son instrument tout en lâchant prise à travers l improvisation. Toutefois, la seconde moitié des années 1970 marque la fin d une époque, celle la catastrophe en question. La décennie, notamment sa fin, marque en effet le début d un mouvement national d institutionnalisation du jazz, notamment à travers l apparition de départements de jazz aux divers conservatoires du pays. I. L «âge d or» du Hot Club de Lyon? A. De la Fromagerie à l Arbre-Sec : épopée vers une «catastrophe apprivoisée» Le Hot Club des années 1960 se place dans la cave de la rue de la Fromagerie, où il a enfin trouvé un endroit qui lui convient. Si le club se concentre sur son développement en interne, il se pense en espace de rencontre et de convivialité pour les musiciens de jazz locaux, dans un cadre pluridisciplinaire (le club, ne l oublions pas, a été fondé par des étudiants des BeauxArts). La volonté des membres actifs de la cave est toujours, comme à sa fondation, de promouvoir le jazz sans distinction de style, tout comme aucune préférence n a été affirmée jazz «hot» et musique d avant-garde178. Entre temps, toujours peut-être du fait de sa marginalité révélée par sa culture «underground», le Hot-Club déménage à plusieurs reprises. Après la rue de la Fromagerie, le club s installe mi1966 «chez Soumille», au 15 rue Royale, un bar fréquenté par de nombreux artistes lyonnais, où des réunions ont lieu de 14h à 20h. On y enchaîne généralement cours de jazz, audition de disques commentés par le trompettiste Jean Méreu, présentation d orchestres, puis jamsessions179. Deux ans plus tard, le club déménage de nouveau dans une cave, rue de l Arbre-Sec cette foisci, sous la direction du nouveau président et pianiste régulier du Hot Jean-Charles Demichel 178 Préface du Jazz Notes n 1, 3e édition, 1989, p.3, BML, MAGASI MAGREG Gautier, Henri, «Le Hot-Club de Lyon : Défense et illustration du jazz», Jazz Notes, , Archives privées de Frédéric Bruckert

61 (en fonction de 1967 à 1969). Cette adresse, au cœur d une petite rue du premier arrondissement, semble avoir marqué l histoire du club et du jazz lyonnais : en 1968, à l Arbre- Sec, le Hot-Club de Lyon est ouvert cinq soirs par semaine, et souvent jusqu au petit matin. 180 Jean-Charles Demichel le dit lui-même : «après l époque de l Arbre-Sec et 1970, il n y a plus jamais eu de fêtes pareilles» 181. À la rue de l Arbre-Sec, les jeudis soir sont donc consacrés à des jam-sessions «free» (un genre nouveau d improvisation totale et source de querelles entre amateurs et amatrices, la nouvelle musique d «avant-garde»), les vendredis au «bop», et le samedi aux groupes «New Orleans» plus traditionnels 182 bien que «les publics ne se mélangent guère» 183. Le club devient peu à peu l un des endroits les plus en vogue de l art underground, et accueille des happenings du groupe Fluxus, dont est sorti Ben, d Alain Guillaumont, Outre les musicien.ne.s français.es, c est également dans cette cave que Count Basie et son orchestre de 21 musiciens jouent avec les membres du club 185. C est dans le même local que la formation des Happy Cookies Ltd 186 voit le jour. L orchestre compte des musiciens éminents du club entre autres, en 1968, on y retrouve Raoul Bruckert, mais aussi Marc Lafferrière, Jacques Lacroix (saxophone soprano), Tony Nesme (trombonne), André Dumas (piano), Jean-Pierre Lyon (contrebasse) et André Serfati (batterie) 187. La formation connaît un succès retentissant, tout particulièrement au festival d Antibes-Juan-Les- Pins 188. Puis, au-delà de ses nombreux passages au Hot-Club, la formation joue au Palais d Hiver pour les bals étudiants un des plus notoire étant d ailleurs le bal de Sciences Po Lyon du 29 novembre 1968, qui semble avoir particulièrement marqué Raoul Bruckert 189. Les Happy Cookies jouent aux côtés du trompettiste américain Bill Coleman (mais également 180 Préface du Jazz Notes n 1, 3 e édition, 1989, p.3, BML, MAGASI MAGREG Histoire(s) de jazz, Émilie Souillot, Trassoudaine, Luc, «Le Hot-Club de Lyon a 20 ans : Quand les jeunes retrouvent les sources du jazz de papa», 1968, Archives privées de Frédéric Bruckert 183 Ibid. 184 Annexe 23 : Entretien avec Frédéric Bruckert, 25 Juin Histoire(s) de jazz, Émilie Souillot, Ltd est une abréviation pour «Limited» 187 Dufour, Pierre, «Le Free Jazz a gagné et le Nouvelle-Orléans lyonnais a remporté un vif succès», Dernière Heure, 24 Juillet 1968, Archives Privées de Frédéric Bruckert 188 Ibid. 189 Il est possible de déduire de l importance de ce concert pour Raoul Bruckert en feuilletant les archives mises à dispositions par son fils, où l on retrouve un nombre plus important de coupures de presses et affiches que pour les autres bals étudiants. 60

62 Jimmy et ses «King Bees» ou encore Jacky Thomas), avec qui l entente est évidente, si bien que «Les Happies 190 Cookies» menaient avec lui un joli train de galop qui pourrait peut-être déboucher sur un disque commun» 191. Les Happy Cookies Ltd au Hot-Club de Lyon, puis sur scène (archives de Frédéric Bruckert) L affiche du Bal de Sciences Po Lyon avec Bill Coleman, les Happy Cookies et Jimmy et ses kingbees (archives de Frédéric Bruckert) 190 Il s agit-là d une erreur du rédacteur ou de la rédactrice de l article. 191 Musiquet, Stéphane, «Les «Happies Cookies» veulent transformer la rue du «Quant à soie» en rue du Jazz», Le Progrès, 1 er novembre 1967, Archives Privées de Frédéric Bruckert. 61

63 C est donc surtout la cave de la rue de l Arbre-Sec qui semble avoir marqué les amateurs et amatrices du Hot-Club de Lyon, et l adresse est clairement associée par eux et elles à «l âge d or», l apothéose du club. C est en effet dans une atmosphère «anarchique» (ou pourrait-on alors dire de «catastrophe apprivoisée» ) que se déroulent presque tous les soirs les jamsessions, ou «boeufs» 192. Les témoignages de l époque (comptons par exemple les frères habitués du club Philippe et Jacques Lacroix, le président de l époque Jean-Charles Demichel ) décrivent ce qui est vécu au Hot club de Lyon comme des expériences intenses, anarchiques et presque transcendantes éléments faisant partie intégrante du jazz en tant que musique improvisée. En effet, le jazz amateur (et professionnel aussi, d ailleurs) ne se prévoit pas: au Hot de la Rue de l Arbre-Sec, «ça se passait ou ça ne se passait pas» 193. On parle de l atmosphère qui règne au Hot-Club comme de quelque chose de «magique», de mystique, tout en étant si naturel et inconscient qu il n est pas possible de l appréhender sur le moment, et Philippe Lacroix, régulier du Hot, l exprime de manière très pertinente : «Je dirais que oui, effectivement, j ai passé les plus beaux moments de mon existence ici [au Hot club]. Enfin ici, rue de l Arbre-Sec plus exactement. Vraiment, je me sentais vivre, vibrer, être totalement heureux, et c est maintenant que je m en rends compte.» 194 Ce n est surement pas une coïncidence que l apogée du Hot club de Lyon par ses amateurs soit souvent placée aux alentours de l année L atmosphère générale qui règne dans le pays sur la période semble être très favorable à l entretien de cette «catastrophe apprivoisée» : le parallèle entre l élan de liberté que provoque mai 1968, la musique improvisée et l image toujours marginale du jazz à l époque est tout à fait envisageable, et même avéré En référence aux jams-sessions du jazz club parisien Le Boeuf sur le Toit 193 Histoire(s) de jazz, Émilie Souillot, Ibid. 195 Loupien, Serge, La France Underground. Free Jazz et Rock Pop, 1965/1979, Le temps des utopies, Rivages, Paris, 2018, p.38 62

64 Raoul Bruckert (à la clarinette) dans la cave du Hot-Club rue de l Arbre-Sec 196 B. Subjectivité d une «catastrophe apprivoisée» du Hot-Club 1. Un Hot-Club en décalage avec ses condisciples Il est toutefois plausible de défendre que cet «âge d or» des amateurs du Hot club de Lyon soit seulement celui des amateurs du Hot club de Lyon, notamment sachant que, comme il l a été dit, celui-ci semble privilégier le développement en interne plutôt que la diffusion à l extérieur depuis son emménagement rue de la Fromagerie en Le club est d abord en décalage avec la tendance générale des Hot-Clubs du pays, et du Hot- Club de France lui-même. D abord, le mouvement des Hot-Clubs (fédérations de Panassié et de Delaunay confondues) s est dans les années 1960 plus-ou-moins essoufflé dans de nombreuses villes, à Paris (dont le Hot-Club est mis en sommeil en !) comme dans les petites et grandes villes de province 199. Ludovic Tournès, dans son ouvrage New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, place en effet déjà les Hot-Clubs de province sur une pente 196 Archives privées de Frédéric Bruckert 197 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 Juillet Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz à Lyon, Fayard, Paris, 1999, p Ibid. 63

65 descendante entre 1951 et 1956 alors-même que le Hot Club de Lyon n a même pas encore connu l époque de l Arbre-Sec 200. La fréquence de création de nouvelles antennes régionales décroit tout aussi considérablement : au Hot-Club de France, on observe ainsi quinze nouveaux clubs régionaux en 1949, onze en 1953, puis seulement trois en De concert avec cette nette baisse, c est également le rôle de diffusion extérieure des Hot-Clubs capital dans l immédiat après-guerre qui connaît un net affaiblissement. Ceux-ci sont à partir des années 1960 supplantés par d autres structures de diffusions mieux adaptées au succès grandissant de la musique noire américaine : festivals, grandes structures (pensons aux festivals du Sud de la France : Nice, Antibes-Juan-les-Pins ) 202. Mais à Lyon à cette époque, ces derniers ne s imposent pas encore : c est peut-être un des facteurs explicatifs du phénomène en marche dans la ville et son Hot-Club 203. Si le Hot club de Lyon est en retard par rapport au mouvement général des Hot-Clubs, il est à l inverse en avance sur l ensemble de la scène jazz lyonnaise, si l on considère que son âge d or de son activité (au yeux des amateurs et amatrices, rappelons-le) prend place dans la cave de la rue de l Arbre-Sec. Le club est en situation de quasi-monopole jazzistique dans la décennie : il n existe pas encore de clubs de jazz extérieurs au Hot (le premier club notoire semble bien être le Jazz-Club de Jean-Paul Boutellier, créé en 1967), les festivals de jazz ne sont que très peu nombreux dans la région jusqu à la fin des années 1970, avec la création de Rhino Jazz (1979) par Jean-Paul Chazallon, et bien sûr Jazz à Vienne (1981) par Jean-Paul Boutellier. 2. Mais surtout, un Hot-Club en pleine «catastrophe apprivoisée» Deux arguments peuvent prendre le contrepoint de cette vision dorée défendue par les amateurs et amatrices de l époque. Il est d abord crédible d avancer, et nous le verrons plus tard, qu il ne s agit pas de la période la plus faste du Hot-Club en termes de diffusion extérieure et 200 Ibid. p Ibid. 202 Ibid. 203 Attention, nous le verrons plus tard dans ce raisonnement : il se trouve toutefois que le rôle de diffusion à l extérieur du Hot est en nette baisse depuis son installation rue de la Fromagerie, et, selon certains comme Jean-Paul Boutellier, le Hot semble être véritablement à l origine de très peu de concerts sur la période. Dans un sens, le club est alors un peu en accord avec la tendance générale. 64

66 d organisation. Outre les débuts du clubs avant l installation rue de la Fromagerie où de nombreux concerts sont organisés, nous trouvons en effet à la fin des années 2010 un club qui renaît en quelque sorte de ses cendres, où les musicien.ne.s, professionnalisé.e.s, s organisent et relancent une véritable diffusion du jazz à l extérieur du club. Il peut également être erroné de considérer qu avant cette nouvelle période, le Hot-Club n est plus : après la fin des années soixante, sous l impulsion du Président Gérard Vidon (qui d ailleurs reste en fonction pendant presque quarante ans) les activités du Hot-Club restent dynamiques et s organisent, avec la création d un label, la participation à nombre de festivals, et la création de groupes expérimentaux originaires du club, qui secouent la scène jazz lyonnaise et parfois nationale 204. Le second contrepoint à cette théorie de l âge d or du club repose sur le fait qu il semble s agir d un âge d or de cette «catastrophe apprivoisée» du jazz. Jean-Paul Boutellier le confirme lorsque le sujet de cet âge d or est soulevé lors d un entretien : «Oui, alors, ça dépend lequel. L âge d or pour certains. Je ne pense pas qu ils aient fait proliférer la musique et les musiciens à l époque» 205. On parle donc ici de l âge d or de cette «déprise apparente» et «maîtrise assumée» mentionnées plus tôt, typique de la pratique du jazz, qui se vit sur le moment, qui se ressent et s improvise, tout en cultivant une forme d excellence musicale 206. Une citation de Jean-Paul Sartre, parfois raillée ou fustigée par les amateurs et amatrices de jazz, illustre simplement ce concept : «Le jazz, c est comme les bananes, ça se consomme sur place», rapidement, sans attendre. Jean-Louis Billoud (contrebassiste et ancien président du Hot-Club de 1970 à 1980) explique également très bien le concept de liberté du jazz lorsqu il décrit une soirée type dans la cave du Hot : «Le jazz, c est la liberté. On écoute du jazz pendant une demi-heure, [ ] [puis] on va boire un verre C est la liberté de mouvement : on rentre, on descend, on va à gauche, on va à droite, on reste sur place si on a envie de rester sur place, mais bon, il faut que ça vive.» Pensons notamment à l ARFI, groupe de Free Jazz originaire du Hot créé en 1977, sur lequel nous reviendrons plus tard. 205 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet D où une certaine difficulté à effectuer des recherches sur le sujet, peu d éléments étant effectivement conservés. 207 Histoire(s) de jazz, Émilie Souillot,

67 Il ne faut pas omettre que le rôle du club de diffuser la musique de jazz à l extérieur décroit considérablement à partir de son emménagement à la rue de la Fromagerie. S agissait-il donc réellement d un âge d or du Hot-Club, si l on prend en compte ce détail? Il semblerait donc surtout s agir d un âge d or du Hot-Club en interne, pour et entre les amateurs et amatrices cultivant peut-être une forme d entre-soi. C est également la présence de peu de musicien.ne.s lyonnais.e.s qui pourrait éventuellement expliquer la considération de cet âge d or de la fin des années soixante pour les amateurs et amatrices du club. Jean-Louis Billoud, toujours en parlant du Hot-Club de l époque, décrit une ambiance conviviale particulière du fait du nombre peu élevé de musicien.ne.s, entre lesquel.le.s la cohabitation se déroulait en général sans embûches 208. L âge d or des amateurs du Hot-Club semble alors reposer sur une atmosphère conviviale, intime tout comme un peu anarchique, ce qui n était possible que dans de petits milieux peu institutionnalisés et professionnalisés une cave de jazz amateur permet un croisement parfait de tous ces critères. Et il est en effet impossible de retrouver cette atmosphère particulière plus tard, et encore moins aujourd hui : le nombre croissant de musicien.ne.s s intégrant dans la scène lyonnaise, leur professionnalisation, l organisation d un enseignement du jazz et la multiplication des structures de diffusions dans les décennies suivantes sont tout autant de facteurs explicatifs de la nostalgie que peuvent ressentir certain.e.s amateurs et amatrices du club des années soixante et soixante-dix. Très vite à Lyon, à partir de la fin des années soixante-dix puis au début des années quatrevingt, Jean-Louis Billoud affirme que «les écoles de musiques ont formé un grand nombre de musiciens qui sont performants [ ]. [Auparavant,] la connaissance de l un et de l autre était beaucoup plus facile, puisqu on était peu nombreux» 209. L ère de l Arbre-Sec prend fin brutalement après un contrôle par les commissions de sécurité après l incendie de Saint-Laurent du Pont causant 149 morts dans un dancing, et ayant débouché sur un resserrement des contrôles des centres de nuit 210. La Commission Communale de Sécurité visite le 10 février 1978 la cave de l Arbre-Sec, et décrète : 208 Ibid. 209 Histoire(s) de jazz, Émilie Souillot, Préface du Jazz Notes n 1, 3 e édition, 1989, p.3, BML, MAGASI MAGREG

68 «Compte tenu des anomalies constatées au niveau des dégagements notamment et du fait que cet établissement fonctionne en sous-sol, la commission eu égard aux risques qu il présente, demande sa fermeture immédiate» 211. Le Hot-Club est donc sommé de quitter la cave de l Arbre-Sec, et avec elle, les images d une «catastrophe apprivoisée» transcendante s effacent peu à peu pour les amateurs et amatrices du Hot des années soixante et soixante-dix le club n en est toutefois pas à ses dernières expérimentations. Le 9 mai 1978, le Hot-Club de Lyon déclare le transfert de son siège social au 5, Rue de la Fromagerie, où il s était installé 25 ans plus tôt 212. C est autour de la même période que prend place l explosion artistique du Free-Jazz, non sans querelles au sein du Hot club de Lyon. II. Un entre-soi au Hot-Club? L aventure du Jazz-Club de Lyon A. Création et vie du Jazz-Club de Lyon (1967) Il existe donc une envie de faire vivre le jazz en marge du Hot-Club de Lyon, alors en quasisituation de monopole dans le monde du jazz lyonnais. Notamment, un certain nombre de musicien.ne.s n ont pas accès à la cave de la rue de la Fromagerie et de l Arbre-Sec, et, le Hot semble être à l origine de très peu de concerts 213 : en découle l initiative de la création d un nouveau lieu destiné aux amateurs et amatrices tout comme au grand public : le Jazz-Club de Lyon. Un groupe disparate d environ une quinzaine ou une vingtaine de «déçu.e.s du Hot» 214 ne se connaissant alors pas tou.te.s se rassemble : les statuts du Jazz Club de Lyon sont déposés le 23 février 1967 sous l impulsion de Jean-Paul Lelièvre (contrebassiste), Jacques Biron (chez qui est basé le siège social, au 29 avenue du Maréchal-Foch) et Jean-Paul Bouteiller (fondateur 211 Annexe 12 : Lettre de la Commission Communale de Sécurité au Hot-Club de Lyon, Séance du 15 février 1978, Archives Privées de Gérard Vidon 212 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 213 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Ibid. 67

69 à la fin de la décennie suivante le festival Jazz à Vienne) 215. L association a alors pour objet la «recherche et réunion d amateurs de jazz en vue d auditions d orchestres et de disques et toutes activités intéressant le jazz, directement ou indirectement» 216 un objet assez large, dirigé explicitement vers la diffusion en externe, sans oublier le développement interne du club. L association s installe dans une cave rue Mullet, à deux pas de la rue de la Fromagerie. Sur le même format que celui du Hot à ses débuts, le Jazz-Club organise le samedi après-midi des séances d écoute de disques, suivies de concerts et jam-sessions 217. L association déménage rapidement de l autre côté de la Saône à Saint-Jean, dans le Vieux Lyon, au cabaret «Les Pieds dans le Plat», puis au Théâtre de Guignol, jusqu en D autres concerts prennent place, avec l aide de l association «Art et Charité» de la mairie du deuxième arrondissement, avec qui le Jazz-Club entretient de très bonnes relations. Une programmation régulière et ambitieuse est rapidement proposée par le Jazz-Club au Palais des Sports de Villeurbanne avec le Théâtre de la Cité (futur TNP). Des célébrités du jazz comme Ella Fitzgerlad, ou des étoiles montantes comme Gary Burton foulent la scène du Palais des Sports 219. Les années suivantes, l organisation des saisons de jazz du Théâtre de la Cité se fait conjointement entre le Jazz-Club, l Association pour la Nouvelle Musique issue du Hot-Club, et des initiatives privées. Selon le même principe, le jazz fait son entrée au Théâtre du huitième arrondissement (l actuelle Maison de la Danse) dès son inauguration en 1968, à l époque dirigé par Marcel Maréchal. T.Bone Walker, Jay McShann, Jo Jones s y succèdent à la fin des années 1960 jusqu au début des années Le Jazz-Club parvient également à programmer Dizzy Gillespie ou encore Sonny Rollins à l Auditorium de Lyon 220. À plus petite échelle, le club organise régulièrement des petits concerts au B.C. Blues, une boîte de danse de la Place Carnot (dans les locaux actuels du bar Gump s Corner) gérée par le 215 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 216 Ibid. 217 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Ibid. 219 Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet

70 «Père André», un grand fan de jazz 221. Y jouent Earl Hines, Arnett Cobb, ou encore le quintette d Art Farmer 222. L association a su très vite se structurer sur un modèle de diffusion du jazz à l extérieur tout en restant financièrement stable c est d ailleurs elle qui est à l origine du festival Jazz à Vienne. B. Le Jazz-Club, fruit d un manque d ouverture du Hot-Club de Lyon? Si des accusations d élitisme et d entre-soi planent sur le Hot-Club de Lyon, les membres du Hot continuent de défendre des principes d ouverture, de découverte et de pédagogie jazzistiques. Jean Janoir, à l origine du club de 1948 et guitariste du Raoul Bruckert Quartet, l avance lui-même : «On nous disait que le Hot Club était élitiste : c est absolument faux, puisque c était des étudiants qui nous supportaient, si vous voulez, c était ouvert à tout le monde. Tout le monde pouvait venir, il n y avait pas de problème.» 223. Les fondateurs du Jazz-Club souhaitent toutefois trancher avec les activités du Hot-Club de Lyon, sans y faire concurrence Jean-Paul Boutellier l affirme : «[Les membres du Hot- Club] disaient qu on était concurrents, mais nous on ne faisait pas concurrence. Simplement, on accueillait les musiciens qui ne pouvaient plus jouer au Hot» 224. Ainsi, officiellement la principale ambition du Jazz-Club est d organiser des concerts à l extérieur et d inviter des musiciens peu entendus à Lyon à venir se produire : parmi eux, le saxophoniste Don Byas est le premier invité et joue à la salle Molière, dans le Vieux Lyon 225. Plus officieusement, l ambition du Jazz-Club semble être de permettre aux amateur.ice.s et musicien.ne.s lyonnais.e.s de trouver leur place à Lyon. Si Raoul Bruckert, en figure fédératrice, ne semble en aucun cas participer à cette dynamique, il semble bien que certains 221 «Papy DJ au BC Blues», Samedi Express, 21 septembre 1996 INA, consulté le 20 août Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Histoire(s) de jazz, Émilie Souillot, Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.27 69

71 membres du Hot bloquent l accès au club à de nouveaux et nouvelles artistes. Dans les mots de Jean-Paul Boutellier, à analyser avec du recul, mais pertinents : «Alors, il y avait ceux qui bloquaient. Ils estimaient que c était à eux de jouer, donc ils interdisaient aux autres de jouer, et ils interdisaient à certains [ ] Donc il ne fallait pas qu ils jouent au Hot.» 226 Ce sont donc les formations locales n ayant pas accès à la scène du Hot-Club notamment des groupes étudiants qui se produisent au Jazz-Club : entre autres, Jean-Paul Lelièvre, le saxophoniste Bernard Leclerc, le guitariste Thierry Laprévote, ou encore le pianiste Albert Kunher. On retrouve aussi dans l association Robert Bredannaz, du Hot-Club Lyonnais de 1946, qui fait profiter aux membre sa connaissance de l organisation des tournées, dans la distribution de disques et ses réseaux 227. Hors musiciens et musiciennes, l autre catégorie de «déçu.e.s» du Hot-Club est celle des amateurs et amatrices, qui semblent se sentir en marge du fonctionnement du Hot-Club de Lyon. C est par exemple le cas de Jean-Paul Boutellier : «Moi, quand j étais adolescent, aller au Hot Moi, je n étais pas musicien, j étais amateur. Mais, on était très mal considérés. [ ] On était quasiment jetés, on n avait pas le droit. Le jazz appartenait à une secte, et nous on était en dehors de la secte, parce qu on ne participait pas aux libations.» 228 Les amateurs et amatrices souhaitent alors reprendre des activités en disparition au Hot-Club de Lyon : écoutes de disques, organisation de concerts, et autres moyens de diffusion du jazz dans la ville de Lyon Il est toutefois nécessaire de rappeler que les deux clubs ne sont pas concurrents (du moins aux yeux de Jean-Paul Boutellier), mais défendent simplement des perceptions différentes de ce que doit être la vie jazzistique à Lyon. À partir de la fin des années 1960, ce sont plutôt les querelles relatives au Free Jazz (accepté par le Hot-Club tout comme le Jazz-Club de Lyon) qui font débat à Lyon comme en France. 226 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Ibid. 228 Ibid. 70

72 III. Une nouvelle querelle : free jazz, liberté et avant-garde A. L apparition du free jazz en France Depuis les premiers embryons d amateurs et amatrices de jazz dans les années 1930, une interprétation puriste du jazz s impose dans ce milieu, une autre interprétation s impose à partir des années Au contraire, pour Ludovic Tournès, «le jazz tend à devenir un carrefour des musiques contemporaines et l un des points de référence pour des artistes dont les parcours musicaux et culturels n ont souvent rien de commun» 229. Le Free Jazz, en tant que genre d avant-garde, expérimental, poussant le jazz et la musique de manière générale dans ses retranchements, semble prendre le contrepied de cette tendance. Mouvement de décontraction du jazz et des codes musicaux en général, le free jazz se caractérise donc par «la remise en cause radicale de toutes les structures mélodiques, harmoniques et rythmiques en vigueur jusque-là dans la musique noire américaine.» 230. Le saxophoniste Ornette Coleman en est le spécialiste américain, et peine à se faire accepter dans le milieu jazzistique et ce de manière bien plus radicale qu avec les querelles du be-bop. Ainsi, dès ses premiers concerts, «Ornette [continue] de provoquer railleries et sarcasmes partout où il passe, quand il ne se fait pas prendre physiquement à partie ou bousiller son instrument.» 231. Bien sûr, la dynamique de mai 1968, si celle-ci ouvre le jazz à un plus grand public comme vu précédemment, favorise tout autant la constitution formations ouvertement libertaires (pensons à Frank Zappa au niveau international..). Le Free Jazz, avec ses succès et ses échecs, sort alors de sa clandestinité (notamment après le festival Jazz in Massy organisé par Gérard Terronès 232 ). Celui-ci répand alors sa folie dans les villes de France, et transite rapidement par le Hot-Club de Lyon et ce non sans embûches. 229 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Ibid. p Loupien, Serge, La France Underground. Free Jazz et Rock Pop, 1965/1979, Le temps des utopies, Rivages, Paris, 2018, p Ibid. 71

73 Rapidement, le Free Jazz, cette nouvelle entité encore inconnue dont même les jazzmen les plus avant-gardistes peinent à en comprendre le sens, arrive en France aux mains du pianiste François Tusques, d Albert Ayler, de Michel Portal, ou encore de Gérard Terronès 233. C est d ailleurs François Tusques qui compose le premier disque français de Free Jazz, au titre éponyme en octobre 1965, avec Michel Portal (passé par le Hot-Club de Lyon 234 ) à la clarinette et Bernard Vitet à la trompette 235. Selon certains spécialistes français comme le musicien Jean-Louis Chautemps, le Free Jazz n a toutefois pas été inventé aux États-Unis, mais bien en France, avant Ornette Coleman (il est toutefois possible que le genre soit né en France et aux États-Unis distinctement, reposant sur l improvisation presque totale ). Il est en effet couramment admis que le nouveau genre, symbole d une instabilité qui correspond à l air du temps, aurait fait sa première apparition dans la cave parisienne du Blues Jazz Museum de Gérard Terronès (François Tusques et Michel Portal ont été les premiers à s y produire) 236. B. L arrivée du free jazz à Lyon : bouillonnements au Hot-Club La popularité naissante du Free Jazz chez les amateurs lyonnais fait remonter à la surface les anciennes querelles séparant raisins aigres (partisans des nouveaux genres de jazz) et figues moisies (partisans du jazz «hot» traditionnel), en retrouvant une opposition entre un jazz plus traditionnel (ce terme est toujours relatif, il s agit simplement de la musique jazz considérée à l époque comme de la «vraie» musique jazz par la majorité : ici, le be-bop semble être, à terme, entré dans cette catégorie) et une musique d avant-garde (le free jazz). Celles-ci mènent d ailleurs rapidement à l arrêt après huit numéros de la deuxième édition de la revue Jazz Notes, sous l impulsion de Raoul Bruckert : «le Free Jazz va ranimer les querelles et toutes ces énergies, en un temps, rassemblées vont se séparer» 237. La création de l Arfi (Association pour la Recherche d un Folklore Imaginaire), groupe expérimental mettant 233 Ibid. p Annexe 1 : Illustrations des musicien.ne.s ayant joué au Hot-Club de Lyon, Antoine Desnoyer, Loupien, Serge, La France Underground. Free Jazz et Rock Pop, 1965/1979, Le temps des utopies, Rivages, Paris, 2018, p Ibid. 237 Préface du Jazz Notes n 1, 3 e édition, 1989, p.3, BML, MAGASI MAGREG

74 en avant le nouveau genre en question, joue un rôle net dans la cristallisation du conflit au sein du Hot-Club de Lyon le groupe connaît d ailleurs rapidement un succès à l échelle nationale voire internationale, sur lequel nous développerons plus tard. L arrivée du Free Jazz à Lyon est alors progressive, et celui-ci s infiltre peu à peu dans la cave du Hot-Club, désireux depuis 1948 de ne pas laisser les évolutions et expériences du jazz de côté : c est ainsi que free jazz, be-bop et jazz New Orleans se succèdent du jeudi au samedi dans la cave de l Arbre-Sec. Toutes ces énergies créatrices donnent alors en 1977 naissance à l Arfi dans un coup de tonnerre, en passant par la dissolution du bureau du Hot 238. Néanmoins, il s agit de nuancer le concept de «conflit» et de «querelle» dans cette situation : si le free jazz fait l objet d opinion divergentes au Hot-Club et chez les amateurs et amatrices en général, ces derniers entretiennent de bonnes relations, et scission salutaire organisée par Jean Méreu et les frères Fau, puis la création de l Arfi, semblent s être faites à l amiable au Hot 239. Il n empêche que la querelle, au niveau national tout comme entre les musicien.ne.s locaux.ales (à moindre mesure au Hot-Club et au Jazz-Club), donne des impressions de déjà-vu : tout comme Panassié refuse les évolutions du jazz vers le be-bop et entre parfois en conflit avec la Fédération des Hot clubs de France de Charles Delaunay et les rédacteurs de la revue Jazz-Hot, des musicien.ne.s, amateur.ice.s refusent parfois les expérimentations du Free-Jazz et son absence quasi-totale de règles, souvent difficiles à saisir il s agit là de jouer une musique en improvisation totale (bien plus libre que dans le jazz «traditionnel»). La querelle semble également être générationnelle, dans un climat pré-1968 propice au débat, et qui attise les passions. À demi-mot, les anciens reprochent aux jeunes de ne pas faire leurs preuves, et les jeunes de singer les musiciens américains 240, ce qui explique peut-être le besoin de ces derniers (mais pas que) de s exprimer en oubliant les codes musicaux souvent appris avec les premiers lors de jam-sessions. Mais le Hot-Club de Lyon étant fondé dans le sillage de Charles Delaunay et de la musique d Avant-garde (le be-bop à l époque), il lui aurait été 238 Préface du Jazz Notes n 1, 3 e édition, 1989, p.3, BML, MAGASI MAGREG Bruckert, Frédéric, «Cinquante bougies pour le Hot-Club de Lyon», Le Progrès, Lyon, Septembre 1998, Archives Privées de Frédéric Bruckert 240 Loupien, Serge, La France Underground. Free Jazz et Rock Pop, 1965/1979, Le temps des utopies, Rivages, Paris,

75 presque impossible de ne pas accueillir la musique free à l intérieur de sa cave. Des musiciens locaux comme les frères Fau (Dominique au piano et Christian à la batterie, réguliers du Jazz- Club 241 ), Jean Méreu, Louis Sclavis, ou Raoul Bruckert s intéressent de près à cette forme d expression. Certains d entre eux se réunissent dans le grand orchestre mené Jean-Louis Billoud. Cette rencontre donne notamment naissance à la Marmite Infernale, groupe sous la houlette de l ARFI, qui connaît plus tard un succès national, voire international 242. Le Hot-Club et la scène lyonnaise font donc preuve d un réel intérêt pour cette musique nouvelle, en accord avec les principes d ouverture établis par ses créateurs à sa fondation tout cela dans la dynamique de la cave de la rue de l Arbre-Sec, propice à l expérimentation, puis à partir de 1978, rue de la Fromagerie. Si l on peut effectivement parler d un âge d or du Hot-Club, celui-ci est donc subjectif, et met même en péril l intégration et l organisation des musicien.ne.s lyonnais.es. Paradoxalement, cette situation de «blocage» dynamise la scène lyonnaise en donnant l impulsion pour la création du Jazz-Club. À la fin de cet «âge d or» des amateur.ice.s, dans les années 1970, une nouvelle «catastrophe apprivoisée» est alors en marche : celle du free jazz, en catastrophe par l absence total de codes musicaux, et apprivoisée car à Lyon, celle-ci semble-être une source d organisation pour les musicien.ne.s lyonnais.es. Depuis l arrivée du jazz à Lyon, la ville reste donc toujours en décalage avec ses condisciples lors de l apparition du jazz, de la construction d un noyau d amateurs et amatrices, des périodes fastes du Hot-Club. Mais c est peut-être bien ce décalage qui fait émerger à Lyon une dynamique toute particulière, alors que la ville bénéficie de plus de temps pour faire des expérimentations. L ambiance de «catastrophe apprivoisée», dans ses aspects positifs tout comme négatifs, semble donc ternir avec les années 1980 et le début du processus d institutionnalisation du jazz lyonnais, alors que le Hot-Club de Lyon s installe dans sa cave actuelle rue Lanterne. 241 Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p est-quoi-larfi, consulté le 24 mars

76 PARTIE 2 PARADOXE(S) DU PROCESSUS DE LÉGITIMATION DU JAZZ LYONNAIS (DES ANNÉES 1980 À NOS JOURS) 75

77 CHAPITRE 1 : LA FIN DES ANNÉES 1970 : LE DÉBUT D UN JAZZ LYONNAIS INSTITUTIONNALISÉ? Les racines du jazz, musique d improvisation, combinées au phénomène de «catastrophe apprivoisée» développé dans la première partie de ce raisonnement, semblent être à première vue peu compatibles avec le concept d institutionnalisation (nous l avons vu à travers les différentes formes d instabilité que connaît le monde du jazz lyonnais). Cela n empêche pas qu à partir de la fin des années 1970, à Lyon comme en France le jazz s institutionnalise et s organise. Cette contradiction entre ce processus et la nature de la musique jazz s illustre très bien à travers les écrits de Serge Loupien : «À un moment donné effectivement, dans un futur bien moins éloigné qu on ne pouvait se l imaginer, le jazz, sans vraiment se «casser la gueule», finirait par considérablement se banaliser, voire (horreur) s institutionnaliser» 243. On parle en effet d un jazz qui se «casse la gueule» à travers l institutionnalisation, perd ses bases, en s éloignant de la catastrophe et en se rapprochant de l apprivoisement. C est d ailleurs sûrement la raison pour laquelle les amateurs et amatrices du Hot-Club de Lyon ont tendance à considérer les années 1960 comme l âge d or du club, ce dernier ne comptant pas encore un grand nombre de musiciens et d amateurs. Ainsi, le jazz, musique noire américaine d abord considérée comme contre-culture ; «underground», et après la guerre toujours «cachée» en cave, s institutionnalise et fait son apparition dans des politiques culturelles d État (il ne faut toutefois pas oublier que le jazz peut également être grand public, et possède des liens étroits depuis ses débuts avec la musique classique et la musique populaire 244 ). À Lyon, cette vague d institutionnalisation et de prise en main du genre par les pouvoirs publics, ainsi qu un début d organisation des musicien.ne.s dans des groupes, associations et structures de diffusion semble avoir lieu à partir de la fin des années Ce phénomène se 243 Loupien, Serge, La France Underground. Free Jazz et Rock Pop, 1965/1979, Le temps des utopies, Rivages, Paris, 2018, p Cotro, Vincent, Cugny, Laurent & Gumplowicz, Philippe (dir.), La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France,Outre Mesure, Paris, 2013, p

78 concrétise notamment avec l apparition du département de jazz au Conservatoire de Lyon et la création d écoles de jazz, notamment de l AIMRA, aujourd hui disparue. Enfin, c est aussi le Hot-Club qui semble commencer, depuis son installation rue Lanterne en 1981, une véritable phase d organisation en reprenant des activités de diffusion extérieure. I. Le processus d institutionnalisation du jazz lyonnais, politique(s) d État A. Le jazz peut-il être une politique d État? À l échelle nationale, c est à partir de la fin des années 1970 que l enseignement du jazz se concrétise. Avec l impulsion de nombreuses associations, le jazz apparaît peu à peu dans l enseignement public et entame un lent chemin vers l institutionnalisation. Une certaine prise de conscience semble avoir lieu au niveau étatique, avec la création en 1975 dans le cadre du secrétariat d État à la Culture d un groupe de réflexion sur l enseignement musical, auquel participe des musiciens de jazz comme Michel Portal, pilier du Free Jazz français 245. Ainsi, en France : «Les huit classes de jazz existant dans les conservatoires en 1981 passent à 28 en 1984, puis à 329 en 1990, dont 32 dans les conservatoires nationaux de région (CNR), 99 dans les écoles nationales de musique (ENM) et 198 dans les écoles municipales de musique (EMM)» 246 À Lyon comme en France, le jazz connaît donc un véritable mouvement d institutionnalisation, qui se retrouve dans l enseignement et dans les politiques d État c est alors l État qui décide d intégrer une option jazz dans le diplôme d État de professeur de musique en 1983, puis de créer le certificat d aptitude à l enseignement du jazz en La création du département de jazz au Conservatoire de Lyon en 1987 répond aux mêmes critères. La création du département jazz du Conservatoire de Lyon, par exemple, semble aussi être une volonté du Ministère de la Culture. L obtention, plus tard, du label de CRR 245 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Ibid. p

79 (Conservatoire à Rayonnement Régional) par le Conservatoire ne fait que confirmer cette dynamique entre le jazz et les pouvoirs publics : il s agit donc ici de correspondre à une «étiquette» dont les critères sont posés par ces derniers. Il n empêche que le processus d institutionnalisation du jazz ne procède pas simplement d un rapport de force favorable aux pouvoirs publics. Pour le cas de l apparition du département jazz au Conservatoire de Lyon, le processus semble s être structuré autour d un triplemouvement : une ouverture au-delà du classique de la part du conservatoire, une forme de lobbying de la part des musicien.ne.s de jazz (souhaitant être mieux payé.e.s et professionnalisé.e.s), puis une nette impulsion de la part de l État (plus précisément du Ministère de la Culture) 247. Il est donc nécessaire de nuancer les relations entre jazz et institutions, qui semble aller plus loin qu un simple rapport linéaire. Le rapport du monde du jazz lyonnais au et à la politique n est pas non plus un élément nouveau. Si ces relations semblent moins prononcées avant la fin des années 1970, il ne faut pas omettre que les initiatives du Jazz-Club de Lyon, antérieurement à cette période, sont soutenues par la mairie de 2 e arrondissement par l intermédiaire de l association Art et Charité, puis le Théâtre du 8 e arrondissement, ou encore que dès les débuts du Hot-Club, des événements sont organisés conjointement avec la municipalité (pensons au concert du kiosque place Bellecour pour les vieillards du 2 e arrondissement, par exemple). Il ne faut également pas réduire le jazz à celui du cercle des amateur.ice.s : ce serait omettre le succès du jazz-variété depuis les années , ou encore les venues des jazzmen et women américain.e.s qui attirent un large public, le succès des orchestres des bals étudiants et professionnels : tous semblent entretenir des rapports aux institutions plus structurés. La perception souvent péjorative du genre, encore présente dans les années 1980, semble toutefois participer à un rapport ambigu des institutions publiques avec le jazz. Les années 1980 marquent le début d une réelle reconnaissance public du jazz toutefois, il ne s agit pas d une initiative «gratuite». L inspecteur de la Musique de l époque fustige en effet les «problèmes du jazz» auxquels une reconnaissance publique du genre pourrait palier. Ainsi, 247 Ibid. 78

80 pour Gérard Collomb, alors conseiller municipal à Lyon, «cette reconnaissance a pour objectif que le jazz ne soit justement plus un problème en France» 248. L exemple des premières Nuits Symphoniques de Lyon en 1990 semble être pertinent pour illustrer cette ambiguïté. Initiées par François Momanex (alors directeur de l Auditorium Maurice Ravel) et avec pour thème la musique américaine, les Nuits peuvent laisser imaginer une mise en place concrète de politiques de jazz dans la ville. Le thème jazz des Nuits n est toutefois pas une constante : celui de l année suivante porte sur Mozart, l année du bicentenaire de sa mort. Le fondateur des Nuits Symphoniques affirme alors : «La Ville de Lyon ne prétend pas avoir une orientation politique dans le domaine du jazz, et je dirais surtout dans ce domaine où la spontanéité créatrice, la liberté d imagination sont particulièrement indispensables» 249. Il ne s agit donc pas ici de faire du jazz lyonnais une grande institution organisée, mais de préserver, à tort ou à raison, l aspect spontané du jazz nous sommes donc loin d une institutionnalisation totale de la musique jazz à Lyon, contrairement à ce que l on peut remarquer dans le domaine de la musique classique, par exemple. Il est toutefois nécessaire de ne pas réduire le jazz lyonnais à partir des années 1980 à de simples rapports politiques. Bien sûr, il est vrai que de concours avec l organisation des musicien.ne.s, le besoin de subventions et la consolidation de l enseignement du jazz à Lyon, ce dernier se remarque et s insère dans les politiques publiques et autres structures de diffusion. Cependant, le (et la) politique ne semble pas devenir la motivation principale des musicien.ne.s et clubs de jazz lyonnais.e.s. Certain.e.s s opposent même fermement au concept de politique du jazz c est le cas de Jean-Paul Boutellier, qui estime que le rapport du jazz au politique est bien moins important que d entretenir un public et de prendre soin de ses musicien.ne.s afin de faire survivre un club ou un festival de jazz 250. Il n empêche que pour les musicien.ne.s lyonnais.es comme Raoul Bruckert, «peu à peu, à Lyon, on prend au sérieux les musiciens de jazz» «13 questions, une réponse. Gérard Collomb : ne pas se disperser», Jazz Notes n 2, 3 e édition, 1989, p Mathieu, Gérald, «Bilan Jazz à la Lyonnaise», Jazz Notes n 10/11, 3 e édition, octobre/novembre 1989, p Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier par Amélie Claude, Juillet J.F.A, «Jazz : Raoul Bruckert redessine le «Pote Club», Libération, jeudi 24 août 1989, Archives Privées de Frédéric Bruckert. 79

81 B. Vers un enseignement du jazz dans les écoles de musique Il n empêche que le jazz semble rentrer dans un véritable processus d institutionnalisation. Celui-ci, contextualisé, trouve aussi son origine dans la mise en place d un système d enseignement de la musique jazz de mieux en mieux organisé à Lyon et dans la région Rhône-Alpes. Un premier pas se fait vers l enseignement du jazz dès les débuts du Hot Club de 1948, si l on considère son objectif de diffusion du jazz, dans une optique éminemment pédagogique, inscrit dans les statuts de l association. Dans les années 1950, le jazz ne s étant pas encore organisé à Lyon au sein d écoles ou de département, très peu d ouvrages musicologiques pédagogiques sur le sujet sont disponibles. Les amateurs-musiciens apprennent donc le jazz par l intermédiaire d initiatives individuelles et associatives : écoutes de disques, apprentissage par les jam-sessions Ces initiatives semblent nécessaires, d autant plus que les «real books» ne sont généralisés qu à partir des années Les amateurs et amatrices profitent alors d une alternative, celle des «Raoul books», des classeurs entiers manuscrits de relevés du saxophoniste-clarinettiste 252. Plus tard, alors que des départements de jazz commencent à naître dans les conservatoires du pays, et que l enseignement du jazz se développe à Paris, le Conservatoire de Lyon voit plutôt mal l enseignement du jazz au sein de telles institutions 253. C est cependant à partir des années 1980 que le jazz s installe peu à peu dans le milieu de l enseignement musical, à commencer par la création de l AIMRA (Association Information Musicale Rhône-Alpes) par le contrebassiste François Lubrano et le saxophoniste Jacques Helmus en Le Conservatoire n est donc pas, et loin de là, le premier institut à intégrer le jazz dans sa formation. L AIMRA est une structure d enseignement spécialisée dans le jazz un élément assez rare à l époque dans le milieu de l enseignement musical (c est d ailleurs une première à Lyon). L école est implantée rue Chinard, dans le 9e arrondissement et entend développer le 252 Boutellier, Jean-Paul, Abstrait : Histoire du Jazz à Lyon, 2020, p Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet

82 «goût de la musique, plus particulièrement de la musique de jazz, de l improvisation et de la composition» 254. La structure occupant une position de monopole dans le domaine du jazz à Lyon, son succès est rapide et ascendant : elle accueille de nombreux élèves, et organise les ateliers pédagogiques du festival Jazz à Vienne. On compte dans les rangs des professeurs des membres du Hot-Club, parmi lesquels Jean-Louis Billoud. L école a pour ambition de devenir un centre européen de musiques improvisées : on raconte alors que «si les abeilles swinguaient, on pourrait comparer l AIMRA à une ruche investie par le jazz» 255. L école ferme toutefois en 1997, suite à des problèmes financiers 256. Son impact n est pas négligeable c est l AIMRA qui donne l impulsion pour la structuration de l enseignement du jazz lyonnais, et qui permet au Conservatoire d ouvrir son département de jazz 257. C est également la création de l École de jazz de Villeurbanne, rapidement renommée École Nationale de Musique (ENM) qui devance le Conservatoire en matière de jazz. Antoine Duhamel est nommé directeur de l école en ce dernier emménage à Lyon pour y proposer son enseignement et contribue particulièrement à l ouverture d esprit des jeunes musicien.ne.s lyonnais.e.s, en raison de son passif dans le domaine du free jazz (avec son groupe Cohelmec) 259. L école entretient des relations régulières avec celle de Chambéry, et propose un tronc commun d enseignements afin d harmoniser les niveaux à l échelle régionale. Se crée alors progressivement un diplôme qui se généralise dans le pays, comprenant récital, harmonie, arrangement, histoire du jazz Contrairement à l AIMRA, l ENM est toujours active aujourd hui et continue à proposer des formations solides en jazz pour adultes comme pour étudiant.e.s. Le Conservatoire, de son côté, attend sept ans après l ouverture de l AIMRA et de l ENM pour s ouvrir au jazz. En 1987, avec Mario Stantchev, une classe de piano-jazz est créée au Conservatoire de Lyon. Une partie de ce beau monde se retrouve au sein de l Orchestre 254 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 255 Annexe 13 : reportage sur l AIMRA par «M.W», tiré des Archives Privées de Frédéric Bruckert. 256 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Ibid. 258 Boutellier, Jean-Paul, Abstrait : Histoire du Jazz à Lyon, 2020, p Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.34 81

83 Régional de Jazz ou dans le big-bang du conservatoire, qui effectue une tournée au Maroc avec Mario Stantchev 260. Le fondateur et pianiste franco-bulgare fait partie de la «première fournée» des Certificats d Aptitude, et arrive à Lyon en 1980, où il laisse une empreinte profonde dans le monde du jazz local 261. Après quatre ans d une petite classe de piano-jazz, il crée donc le département de jazz de ce qui était à l époque le CNR, qu il dirige pendant quelques années avec Fred Vachet. Plusieurs de ses élèves Olivier Truchot, Laurent Assoulen, Yannick Chambre connaissant un succès remarquable. Dans ce sens, le musicien Franck Avitabile devient notamment coordinateur du département de jazz du CRR (Conservatoire à Rayonnement Régional) actuel. Mario Stantchev collabore avec l AIMRA, une joyeuse rencontre qui mène notamment à l enregistrement du disque de jazz contemporain Kaléidoscope au label Instant Présent, enregistré à New York en La figure de Mario Stantchev semble d ailleurs incontournable dans la scène jazz lyonnaise de l époque, notamment aux yeux des jeunes étudiant.e.s du Conservatoire, qui profitent de ses enseignements. Ainsi, pour Jean-Paul Boutellier, Mario Stantchev «a eu une influence décisive sur la qualité des musiciens lyonnais. Et c est grâce à lui que finalement, ces musiciens ont un petit peu envahi tout le territoire» 263. En dehors de ces trois formations (ainsi que quelques écoles de batterie ou de musique tout public pour adolescents ou adultes proposent un enseignement jazz 264 ), «on doit regretter que la deuxième ville française ne soit pas plus fournie en centres de formation jazzique, comme d ailleurs, en structures de diffusion» 265. Paradoxalement, à Lyon, deuxième ville de France à l époque, le manque des formations jazz dans les années 1980 est donc à déplorer. Pourquoi donc la deuxième ville de France à l époque compte si peu de centres de formation en jazz et de structures de diffusion en comparaison avec d autres villes à la même époque? Comme il l a été développé tout au long de cette analyse de l histoire du jazz lyonnais, Lyon consulté le 24 mars Ibid. 262 Ibid. 263 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet «13 questions, une réponse. Gérard Collomb : ne pas se disperser», Jazz Notes n 2, 3 e édition, 1989, p Ibid. 82

84 est manifestement en décalage avec les tendances historiques générales du jazz en France : la folie des music-halls et des orchestres jazz-variété apparaît véritablement dans les années 1940, le Hot-Club de Lyon connaît son «âge d or» à l interne dans les années 1960 alors que la maison-mère de Paris est déjà mise en sommeil Et les enseignements de jazz apparaissent dans les années 1980, deux décennies après les premières structurations nationales 266. Expliquer le retard d une des plus grandes villes de France par rapport à une majorité des autres villes de taille égale est une tâche complexe. Résoudre ce «paradoxe lyonnais» semble être un défi de taille auquel, peut-être, nous ne trouverons pas de véritable réponse à moins d y consacrer une thèse II. Organisation du jazz à l échelle locale : un attrait pour le niveau régional A. Une folie créative des associations et structures de diffusion régionales 1. Associations Les années 1980 marquent, en parallèle à la mise en place de centre de formations solides, le début d une réelle organisation des musicien.ne.s professionnel.le.s et amateur.ice.s dans la région. En effet, beaucoup d entre eux choisissent de rester dans la région Rhône-Alpes plutôt que de se rendre dans la capitale : on compte alors, à la fin des années 1980, au moins une centaine de musicien.ne.s dans la capitale des Gaules 267. La fin des années 1970 puis les années 1980 sont également le témoin de la création de nombreuses associations de jazz par les musicien.ne.s en question, dont il ne faut pas oublier l existence. Cette vague de créations est le signe du souhait des musiciens lyonnais de s organiser au sein de regroupements. En avril 1977 est notamment déclarée à la Préfecture du Rhône par un groupe de personnes souhaitant relancer l activité de concert à Lyon l association Jazz à Lyon, avec pour objet de «participer au développement culturel régional par la 266 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du Jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p Préface du Jazz Notes n 1, 3 e édition, p.3, 1989, BML, MAGASI MAGREG

85 promotion de la musique de jazz» 268. Avec l aide de Jean-Claude Chuzeville et son organisation «Brain Storming», l association lance le projet du Festival ECM à Fourvière en 1978 et La tentative échoue toutefois, malgré la venue de grandes personnalités du jazz : Keith Jarrett, Carla Bley 269 Outre Jazz à Lyon, l association Le Duke s installe dans la cave de la rue de la Fromagerie en avril 1981, et dans la foulée, les associations Connaissance des Musiques Actuelles (12 mai 1981), Jazzologie - Club d Initiation au Jazz Traditionnel (9 octobre 1981) ; l Association pour la Diffusion des Musiques Jazz et Rock d Europe (23 Août 1982) voient le jour 270. Au-delà du cadre régional, les musicien.ne.s de Lyon participent même à des initiatives jazzistiques internationales, par exemple avec la participation de certain.e.s au colloque de Rottenbourg (Allemagne de l ouest) du 22 avril 1989, comptant des représentants d institutions venus de dix pays 271. On y propose de créer une association entre les écoles de jazz, sous la forme de ce qui s apparenterait à des «Nations Unies du Jazz» 272, avec comme maître-mots fraternité et énergie créative positive à travers le jazz. Le premier projet, auquel Lyon prend part, consiste en l organisation d une conférence de cinq jours en juin 1990, avec des représentants d étudiants et d enseignants des écoles membres. 2. Structures de diffusion La même dynamique se trouve dans le domaine des structures de diffusion. Entre les années 1980 et le début des années 1990, les associations de diffusion du jazz se multiplient, souvent avec le même objectif : promouvoir la musique jazz, favoriser son rayonnement et défendre sa culture. En 1986, Extérieur Nuit, association pour la production et la diffusion des musiques vivantes à Lyon est créée dans le but de produire et diffuser le monde du spectacle, notamment la musique jazz. En 1990, Jazz Culture est créée et entend diffuser par des moyens 268 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 269 Boutellier, Jean-Paul, Abstrait : Histoire du Jazz à Lyon, 2020, p Journal Officiel, Préfecture du Rhône 271 «Pour une association internationale des écoles de jazz», Jazz Notes n 5, 3 e série, Octobre 1989, p Ibid. 84

86 radiophoniques ou autre la musique et culture jazz sous toutes ses formes. S en suivent le Royal Garden, Clapo Jazz (1991), Jazzosphère (1993) 273 En 1988 est créée l association Jazz-Action par Marc Chalosse. L association fait fusion deux ans plus tard avec Rhône-Alpes Jazz pour former la Fédération Rhône-Alpes Jazz Action (RAJA), au 1er janvier 1990, qui consiste en un «regroupement d association poursuivant des buts similaires dans les domaines de la création, de la pédagogie, de la diffusion et de la production du jazz et des musiques vivantes», ayant pour objectif plus précis de «promouvoir une identité régionale au travers de projets communs pouvant associer d autres partenaires». L initiative est la première de cette ampleur au niveau régional, tentant de véritablement créer une identité Rhône-alpine du jazz. Cette organisation de la diffusion du jazz lyonnais va de pair avec un mouvement organisationnel, au niveau national, notamment avec la création de l ADAMI (Société Civile pour l Administration des Droits des Musiciens Interprètes) en Comme le décrit son nom, la société œuvre pour la diffusion du jazz français et aide ses musiciens sur le plan financier tout comme communicationnel. L ADAMI se donne notamment pour tâche de contrôler les rémunérations résultant des droits des artistes interprètes, les percevoir, les distributeur, et stimuler la création dans le domaine du théâtre, de la danse et de la musique, en offrant au jazz une place particulière. À Lyon, Maurice de Thou s exclame : «Dieu créa l ADAMI» 275. Cette institutionnalisation, de concours avec l organisation des musicien.ne.s au sein d associations et de structures de diffusion de plus en plus nombreuses et dynamiques commence à éveiller des espoirs de nouveaux projets plus grands, plus solides, à l instar de l idée d une Maison du Jazz, cultivée par Jean-Charles Demichel 276 ou encore Raoul Bruckert 277. Lieu de rencontre de musiciens de haut niveau avec hébergement et matériel à disposition, cette idée, attrayante, certes, ne verra toutefois jamais le jour. 273 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 274 De Thou, Maurice, «Dieu créa l Adami», J,azz Notes n 3, 3 e série, Mai 1989, p Jazz Notes n 3, 3 e série, p Demichel, Jean-Charles, «Une Maison du Jazz en Rhône-Alpes?», Jazz Notes n 2, 3 e série, 1989, p J.F.A, «Jazz : Raoul Bruckert redessine le «Pote Club», Libération, 24 août 1989, Archives Privées de Frédéric Bruckert. 85

87 À la lumière de toutes ces nouvelles initiatives et le contexte de légitimation du jazz dans les années 1980, faire du jazz à Lyon semble donc de plus en plus attrayant, notamment en comparaison au milieu parisien : «Bruckert pense qu aujourd hui la ville dispose d un potentiel musical que Paris pourrait lui envier. «Dans la capitale, affirme-t-il, on ne se produit pas avec la même continuité. La richesse de groupes comme Quest tient à une constance de pratique»» 278. Ainsi, de plus en plus, les musicien.ne.s lyonnai.se.s semble exprimer le souhait de stimuler et créer ce qui pourrait bien s apparenter à un jazz régional. B. Ré-organiser le Hot-Club de Lyon ( ) Le 13 janvier 1981, malgré les problèmes financiers auxquels il fait face, le Hot-Club de Lyon déclare le transfert de son siège social du 5, rue de la Fromagerie, au 26, rue Lanterne, cave qu elle occupe encore aujourd hui 279. Ce changement d adresse marque une nouvelle période : le Hot trouve enfin une cave où rester sur le long terme aujourd hui trente-neuf ans. Le club connaît toutefois des difficultés financières dues en partie à la «comptabilité disons plutôt artistique» 280 du bureau de l époque, malgré l obtention de subventions à hauteur de Francs par an de la Ville de Lyon et plus de Francs de recette au bar 281. Le Hot-Club doit en effet faire face à une certaine défiance de la part des pouvoirs publics après de «sérieuses négligences» 282 du bureau : en outre, non-règlement de l URSSAF, de la TVA ou autres paiements à la SACEM un «lourd passif» J.F.A, «Jazz : Raoul Bruckert redessine le «Pote Club», Libération, jeudi 24 août 1989, Archives Privées de Frédéric Bruckert. 279 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 280 Largeron, D., «Gérard Vidon, le carrossier du Hot», Les Petites Affiches Lyonnaises, 1998, Archive Privées de Gérard Vidon. 281 Annexe 25 : entretien avec Pierre Sigaud, 28 juillet Annexe 14 : Lettre aux adhérents du Hot-Club du 7 février 1998, Archives Privées de Gérard Vidon 283 Ibid. 86

88 L arrivée à la présidence de Gérard Vidon, carrossier de métier, met en lumière une volonté de remettre le Hot-Club dans le droit chemin pour ce qui est de la gestion administrative et financière du club, dans le cadre d une dynamique organisatrice générale de la scène jazz lyonnaise. Gérard Vidon arrive donc à la présidence à la demande de Raoul Bruckert, mais aussi des membres du Hot-Club, tandis que le changement des statuts ne s effectue qu en 1983, deux ans après sa reprise du club 284. Le club, en grande difficulté, semble donc quelque peu aidé par dans les mots du concerné le «baratin du diable» 285 de Gérard Vidon pour obtenir un soutien financier de la part des pouvoirs publics, ou encore une réduction des dettes. Celui-ci explique ainsi l importance du relationnel et de l informel dans la gestion du Hot-Club, que les anciens bureaux, composés majoritairement de musicien.ne.s, ont des difficultés à gérer. C est ainsi que Gérard Vidon explique que : «[Les musicien.ne.s] ne font pas le baratin comme il faut. Il faut aller dans les soirées mondaines. On t invite, et là tu vois les gens, et là ils crachent le paquet. [ ] Il y avait un mec, à côté de moi, je ne le connaissais pas. Il a tellement ri [ ] Il me disait attends, chaque blague que tu me racontes il rajoutait des ronds. [ ]. Tu sais, si tu es sympathique avec les mecs Un verre à la main, c est incroyable, tu discutes avec les gens À Lyon, c était comme ça.» 286 Malgré les difficultés rencontrées par le club, la cave de la rue Lanterne semble bouillonner de créativité. Dans les années 1980, des groupes continuent donc à voir le jour dans la cave du Hot-Club, ayant pour origine les jam-sessions du club. C est le cas par exemple de Double T : «c est au cours d une jam session mémorable dans la cave de la rue Lanterne que Thierry Amiot et Jean-Paul Briffaux décidèrent d unir leurs trompettes, en 1987» 287. Le panorama des musicien.ne.s lyonnais.es sur cette période est donc assez riche et diversifié bien plus que lors des deux décennies précédentes. Si Gérard Vidon explique que dès son arrivée en 1981, un combat «mettait aux prises les tenants du jazz traditionnel qui s opposaient 284 Annexe 15 : Compte-rendu de la réunion du bureau du Hot-Club de Lyon du 5 septembre Annexe 26 : entretien avec Gérard Vidon, 29 juillet Ibid. 287 Jazz Notes n 4, 3 e édition, Juillet 1989, p.11 87

89 aux modernes» 288 (propos à bien sûr nuancer), le panorama des formations régulières du Hot, en 1988, témoigne d une véritable diversité des formations. D abord en terme de genre : on trouve aussi bien des formations allant du New-Orleans (Captain Faplscat, Flagada Stompers, Hot Swingers), au jazz moderne (Black Boule, Equinox Jazz Quintet, Jean-Louis Almosnino Group, Raoul Bruckert Quartet..), en passant par le Middle Jazz (P.M. Rendez-Vous, Jean- Charles Demichel Trio, Jacques Lacroix Quartet..), la Bossa Nova (Butterfly Quartet, le duo Moreliere-Malaval). On retrouve également des genres dépassant le monde du jazz : bluegrass (avec Pony Express, Bluegrass 43..), rock (Chicmic Pepeka, Les Tendres Garçons) 289 On remarquera toutefois que les formations sont peu diversifiées en termes de genre (un phénomène fréquent dans le milieu musical, et tout particulièrement dans le domaine du jazz) : parmi la centaine de musicien.ne.s qui composent les quarante formations, on compte seulement six femmes, donc quatre dans le big band de Caluire. On retrouve donc Marie-Claire Boyadjian avec les Happy Stompers et les Flagada Stompers, Maggie Molinier chez l Euphoric Klaxon Board, ou encore Anne-Sophie Heyraud (saxophone), Agnès Balvay (guitare), Corinne Capron (contrebasse), et Sylviane Fessieux (voix) dans le Big Band de Caluire. Au-delà du panorama des musicien.ne.s de la scène régionale, ce sont également les jazzmen et women américain.ne.s qui continuent à transiter par la cave du Hot-Club : Chet Baker visite le club de la rue Lanterne dans une curieuse anecdote racontée par Gérard Vidon : l artiste lui avait fait faux bond le soir-même d un concert en salle comble à l auditorium. Pour éviter le procès, le manager de Chet Baker lui promet de se racheter un jour C est alors qu environ six mois plus tard, Chet Baker se rend dans la cave du Hot-Club Pour s y endormir, et jouer à partir d une heure trente du matin en salle presque vide 290. Outre les aventures et mésaventures avec Chet Baker, le Hot-Club organise en 1987 salle Paul Garcin un concert avec Art Blakey (qui avait oublié ses baguettes fétiches) et ses Jazz Messengers 291 En 1996, c est même Bill Clinton qui passe au club jouer un air de saxophone, alors que le Hot-Club est 288 Largeron, D., «Gérard Vidon, le carrossier du Hot», Les Petites Affiches Lyonnaises, 1998, Archive Privées de Gérard Vidon. 289 Annexe 16 : Panorama des formations régulières du Hot-Club en 1988, tirée du dossier «Le Hot-Club de Lyon : 40 ans ». 290 Annexe 26 : Entretien avec Gérard Vidon, 29 juillet Ibid. 88

90 privatisé pour le service de sécurité du G C est aussi le pianiste Michel Petrucciani qui y a joué en salle presque vide, avant de rencontrer le succès qu on lui reconnaît aujourd hui 293. Tous ces bouillonnements ainsi que l impulsion organisatrice initié par Gérard Vidon, avec l aide de Raoul Bruckert, donnent lieu à une troisième tentative d édition de la revue Jazz Notes en Celle-ci tient le coup jusqu en 2006 sa période d activité la plus longue jusque-là. Il n empêche que malgré les difficultés que rencontre le Hot-Club de Lyon, en 1989, ses membres déclarent que «certains étudiants venus d autres pays européens repartent avec le sentiment d avoir connu à Lyon un lieu privilégié que bien des villes nous envient.» 294. Le Hot-Club semble en effet connaître une véritable phase organisatrice, et lance son label en octobre 1989 avec la production d un premier disque avec Shakok 295, puis avec P.M. Rendez- Vous mi Le club fantasme alors sur le potentiel succès des prochains albums, et se prend à imaginer la possibilité de «quelque chose qui ressemblera pour de bon à un label-jazz-rhônealpes et n aura rien à envier à bien d autres» 296 cette belle idée ne verra toutefois jamais le jour. Gérard Vidon devant la cave du Hot-Club au 26 rue Lanterne 292 Annexe 25 : Entretien avec Gérard Vidon, 29 juillet Annexe 23 : Entretien avec Frédéric Bruckert, 25 juin Hot-Club de Lyon, Le Hot-Club de Lyon , 40 ans, 1989, BML, Chromarat 2801, p Dojat, Gilbert, «Hot Product : Label, label, quand tu nous tiens!», Jazz Notes n 8, 3 e édition, Avril/Mai 1990, p Bigot, Jean-Louis, «Table Ronde : Rendez-Vous : Ne ratez pas le rendez-vous (P.M., of course!)», Jazz Notes n 9, 3 e édition, juin/juillet 1990, p.26 89

91 III. La construction d un microcosme jazz de plus en plus puissant : le temps de l expérimentation lyonnaise A. L Arfi, un choc dans la capitale des Gaules reflet d un mouvement d organisation des musicien.ne.s Entre la fin des années 1970 et les années 1980, les groupes de jazz semblent s organiser peu à peu. Cependant, le groupe lyonnais qui marque le plus les esprits notamment peut-être en raison de son caractère expérimental ne faisant pas toujours l unanimité semble être l Arfi (Association pour la Recherche d un Folklore Imaginaire), créée en 1977, groupe de Free Jazz encore en activité aujourd hui. Son succès national et même international reflète clairement l existence d un engouement particulier pour le Free Jazz à Lyon. À l origine de l Arfi se trouve la formation du Free Jazz Worksho qui voit le jour en 1967 avec Maurice Merle (clarinettiste puis saxophoniste), Jean Bolcato (contrebassiste), Alain Guyon (batteur) et Jean Méreu (trompettiste), qui prend de l importance au Hot-Club. En 1971, le batteur Christian Rollet rejoint l aventure, et le groupe rencontre François Tusques, pilier du Free Jazz français 297. Le 26 novembre 1971, ces inspirations débouchent sur la création de l ANM (Association pour la Nouvelle Musique) 298, ancêtre de l Arfi. Le groupe organise des concerts sur le campus universitaire de Lyon, et Steve Lacy, Anthony Bracton et Sunny Murray participent à la programmation. L ANM est toutefois dissoute suite à des problèmes de gestion (assez courants dans le monde du Free comme dans celui du jazz en général), et la joyeuse bande du Free Jazz Workshop est contrainte de revenir dans les locaux du Hot Club, où la cohabitation, malgré l ouverture du club, devient de plus en plus difficile 299. En effet, la cave du Hot-Club de la rue de l Arbre-Sec est le «théâtre de folles révolutions artistiques (happening de Ben, Guillaumont ) et musicales» 300. La plus légendaire d entre elles se solde en 1977 par la dissolution du bureau, puis la création de l Arfi : les énergies consulté le 24 mars Journal Officiel, Préfecture du Rhône consulté le 24 mars Hot-Club de Lyon, Le Hot-Club de Lyon , 40 ans, 1989, BML, Chromarat 2801, p.49 90

92 rassemblées en un temps autour du Be-bop se séparent après une cohabitation avec le Free Jazz Workshop parfois difficile. Les artistes de l Arfi font partie d une nouvelle génération de talents lyonnais. Parmi eux, le clarinettistes Louis Sclavis, membre fondateur de l association 301. Des groupes originaires de l Arfi se remarquent rapidement : le Workshop de Lyon, ou encore La Marmite Infernale, née à l occasion d un concert donné le 13 janvier 1978 sous la direction du contrebassiste Jean- Louis Billoud à l Auditorium de Lyon en hommage à Henri Gautier, décédé dans un accident de voiture 302. La même année, l Arfi prend en charge la programmation musicale des Clochards Célestes, lieu alternatif des pentes de la Croix Rousse (encore en activité aujourd hui) 303. Le théâtre des Clochards Célestes peu de temps avant son ouverture le 4 avril L Arfi s est donc constituée à la fin des années soixante-dix en tant que coopérative de musiciens de jazz de Lyon et de la région, dans un mouvement de scission créatrice. Après son passage au théâtre des Clochards Célestes, le groupe monte le Via Colomès (aujourd hui disparu), dans la rue du même nom. 301 Tournès, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du Jazz en France, Fayard, Paris, 1999, p consulté le 24 mars Quirot, Odile, «Un nouveau café-théâtre : les Clochards Célestes», Le Journal Rhône-Alpes, 24 avril 1979, BML, Photographes en Rhône-Alpes, P0901 FIGRPTL Ibid. 91

93 L organisation de l association semble être un grand succès dans le monde des musicien.ne.s professionnel.le.s de jazz. En témoigne les six pages que le journaliste de RFA spécialisé dans le jazz européen Ekkehard Jost consacre à l Arfi, dont il, selon le rédacteur de l article de Jazz Notes, qui y traduit des extraits en français, décrivant l association comme une «coopérative régionale de musiciens qui réussissent» 305. Selon le journaliste en question, le but de l association semble donc être de «créer une musique qui soit au-delà d un style établi» 306 où l expérimentation est le maître-mot, tout en veillant à ne pas se détacher de l expérience quotidienne en d autres termes, demeurer «aussi proche du peuple que l était autrefois le folklore, qui n existe pratiquement plus en France» 307. Ainsi, «la critique parisienne redécouvre l existence d un jazz vigoureux fait en province, en l occurence à Lyon» 308 notamment à travers des tournées à l étranger de l Arfi et de ses différents groupes à partir de La Marmite Infernale joue à Moers en Allemagne, puis en Espagne, au Portugal, ou au Maroc Le Workshop de Lyon joue au Canada, aux États-Unis, dans les Pays Baltes ou encore au Moyen-Orient ou en Amérique du Sud. Ce sont également les ciné-concerts de l Arfi qui connaissent un grand succès à partir de L ARFI semble alors être le reflet d une tendance organisationnelle des musicien.ne.s lyonnais.e.s : comme l avance Ekkehard Jost, descendante de l esprit libertaire de 1968, «La musique de l ARFI de Lyon est l expression musicale du jazz d une région. Mais l ARFI, en tant qu institution, est l expression d une tendance supra-régionale qui, depuis les années 70, prend de plus en plus d importance en Europe. Les musiciens de jazz s organisent.» 309. Ainsi, à Lyon, l Arfi et d autres groupes de la scène jazz passent peut-être d une image traditionnelle d outsiders souhaitant se démarquer à celle de musicien.ne.s se rassemblant dans des coopératives, «ne laissant plus à d autres le soin de la mise en scène et de la gestion» «Arfi : In and Out», Jazz Notes n 5, 3 e édition, Octobre 1989, p Ibid. 307 Ibid. 308 Ibid. 309 Ibid. 310 Ibid. 92

94 L Arfi est aujourd hui reconnue internationalement dans le monde du jazz, mais semble moins présente à Lyon : le groupe existe toujours, mais il devient assez rare de voir son nom à l affiche d une salle ou d un festival lyonnais ou de la région. C est notamment l abandon d un quartier général (le théâtre du Clochard Céleste puis le Via Colomès) qui semble à l origine de ce phénomène, ou encore de la désolidarisation de Louis Sclavis du groupe alors que ce dernier constitue un de ses piliers 311. B. Des tentatives de création de nouveaux lieux privilégiés du jazz Au-delà de l organisation des musicien.ne.s, la décennie 1980 (notamment sa seconde moitié) marque l implantation et la multiplication de nouveaux lieux privilégiés du jazz à Lyon et ce très justement en raison de l institutionnalisation du jazz en marche au même moment, tout comme le mouvement d organisation des musicien.ne.s professionnel.le.s. L identité et la composition des lieux de la scène jazz lyonnaise entre peu à peu en mutation : après des décennies basées sur un certain monopole de(s) Hot club(s) (Jazz-Club de Lyon mis à part), ce sont d autres lieux dédiés au jazz qui émergent à partir des années 1980 certains se consacrent uniquement au free jazz, d autres se basent sur l exemple du Hot-Club, d autres encore ne font pas du jazz leur spécialité. Certains ont une durée de vie parfois courte (notamment les dédiés exclusivement au jazz), d autres sont encore en activité aujourd hui. C est d abord le Via Colomès, monté par l ARFI en 1986, qui constitue un nouveau lieu privilégié pour la musique d improvisation libre qu est le Free jazz, dont la dynamique est particulièrement remarquable à Lyon. Le club repose quasi-exclusivement sur les forces vives de l ARFI c est peut-être la raison pour laquelle celui-ci rencontre de nombreuses difficultés. Sa programmation régulière est alors suspendue en 1989 suite à la multiplication de problèmes (entre autres, «voisinage, exiguïté, difficultés financières dues au manque de financement spécifique» 312 ). Si les membres du club «attendent le feu vert et le coup de pouce nécessaire 311 Annexe 23 : Entretien avec Frédéric Bruckert, 25 juin «Arfi : In and Out», Jazz Notes n 5, 3 e édition, Octobre 1989, p.22 93

95 des responsables politiques» 313 pour renaître de ses cendres, celui-ci ferme ses portes peu de temps après. La durée de vie du club est donc de trois ans, que l Arfi résume en «trois années d expériences, de créations, de rencontres extraordinaires, une centaine de concerts avec tout le jazz français. Des invités comme Joe Lovano, Henri Texier, Steve Swallow, Claude Barthélémy [ ]» 314. Le septet de l ARFI Special Projekt au Via Colomès, 29 mai À droite, au premier plan, Guy Villerd, saxophoniste membre de l ARFI D autres nouveaux lieux du jazz prennent exemple sur le Hot Club de Lyon, sous la forme de petites caves, importantes aux yeux des musicien.ne.s de jazz (puisqu elles semblent favoriser l improvisation et la proximité avec le public 316 ). C est le cas de La Rose des Vins, qui s installe en 1985 dans les anciens locaux du Hot Club de Lyon rue de la Fromagerie. L ouverture de ce type de milieux entre autres, caves exiguë (cinquante places tout au plus) et presque un peu secrètes démontre l importance constante des «petits» lieux de jazz. Le propriétaire du nouveau club avance d ailleurs qu à Lyon, «le jazz, en dehors des indispensables festivals et concerts en grande salle, a besoin de lieux comme le notre» Ibid consulté le 24 mars Dussurget, Pascale, «Du neuf chez les Arfistes», Lyon Figaro, 2 juin 1989, BML, Photographes en Rhône Alpes, P047 FIGRP Blumenthal, Laurent, «Interview David Liebman : Goliath, homme d amour», Jazz Notes n 9, 3 e édition, Juin/Juillet 1990, p Bleton, Yves «La Rose des Vins : Naissance d un club», Jazz Notes n 5, 3 e édition, Octobre 1989, p.21 94

96 On peut également compter parmi cette catégorie de lieux le Bec de Jazz un peu plus «anarchique» créé par le musicien Tchangodei, situé au 9 quai de Bondy 318 (adresse distincte du club actuel). Autodidacte originaire du Bénin, Tchangodei est un pianiste quelque peu en marge de la scène lyonnaise, dont il peine à obtenir une reconnaissance de la part du Hot-Club ou encore de l Arfi 319. Le pianiste joue avec des monuments du free jazz : Henri Texier, Archie Shepp, Louis Sclavis... Le Bec de Jazz semble souvent, pour certains, opérer «en toute illégalité» 320. Son organisation étant quelque peu informelle, il est donc difficile de débusquer des traces concrètes de ce qu il s y trame à l époque le club rencontre toutefois un important succès existe toujours aujourd hui. On retrouve donc toujours un peu de la «catastrophe apprivoisée» des années 1968 sur les pentes de la Croix Rousse, alors que le club déménage rue Burdeau dans de plus grands locaux. Au delà de ces deux clubs, il existe à l époque à Lyon et aux alentours d autres lieux dédiés au jazz ou comprenant du jazz régulièrement dans leur programmation : la cave Graphic à Saint- Fons accueille des jazzmen et women ainsi qu un public lyonnais très régulièrement, le Kafé Myztik montée Saint Sébastien accueille les expérimentations du free jazz... Certains lieux accueillent également ponctuellement le jazz, comme le Dizzy rue Burdeau, ou le Café de l Harmonie rue Neuve 321. D autres espaces plus grands accueillent également le jazz régulièrement, mais n en font pas leur spécialité : l Espace Tonkin, ou encore le Transbordeur, qui accueille des célébrités du jazz comme Nina Simone en Le jazz n y fera toutefois pas long feu, puisque le nombre de concerts de jazz baisse drastiquement à partir des années 1990 dans la salle du Transbordeur Annexe 23 : Entretien avec Frédéric Bruckert, 25 juin Ibid. 320 Ibid. 321 Broquet, Seb, «Lieux. À la poursuite de la 13 e Note», Lyon Capitale, 2-8 septembre 1998, Archives Privées de Gérard Vidon 322 Jazz Notes n 9, 3 e édition, Juin/Juillet 1990, p Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.33 95

97 Dans un sens contraire à la prolifération des salles accueillant le jazz, les années 1980 sont le témoin de la fin de salles historiques pour le jazz, parmi lesquelles le Palais d Hiver, qui était alors dans les années 1940 la plus grande salle de dancing d Europe. Si le Palais tente de trouver un équilibre financier et continue d accueillir des concerts jusqu en 1985, après la faillite de Roger Lamour et un violent incendie alors que son fils vient de reprendre la direction du Palais, le bâtiment est démoli à la fin de l été 1988 pour être remplacé par un immeuble de bureaux 324. Le Palais d Hiver en cours de démolition, Si le nombre de petites salles accueillant le jazz à Lyon se fait croissant à partir des années 1980, leur existence est souvent éphémère (seul le Bec de Jazz semble avoir survécu jusqu à nos jours) et relèvent plus de tentatives d expérimentation que d une réelle mutation de la scène jazz lyonnaise. Alors que les grandes salles historiques sont mises en sommeil, les petites salles spécialisées dans le jazz ne survivant pas non plus pour la grande majorité d entre elles, il convient de se poser une question : le jazz est-il viable économiquement à Lyon dans les années 1980 et 1990? Plus encore, pourquoi le jazz semble si peu fructueux à Lyon? 324 Exposition de la Bibliothèque Municipale de Lyon, du 5 décembre 2017 au 17 février 2018, Airs du temps : Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon ( ). Les écrins de la musique, Le Palais d Hiver 325 Photographes en Rhône Alpes, Collection Lyon Figaro, BML 96

98 IV. Festivals et problèmes financiers : un paradoxe lyonnais A. Festivals Rhône-Alpins : historique d un évitement de Lyon Il est vrai que Lyon ne semble pas être la ville de prédilection pour l installation des festivals de la région, et ce même dans les années 1980, alors que les lyonnais.es s organisent et que le jazz s institutionnalise dans la capitale des Gaules. Outre la création du Grand Festival International de Jazz de Lyon le 23 octobre , dont il est difficile de retrouver des traces, le premier festival international de jazz à succès du département installe ses quartiers généraux non pas à Lyon mais à Rive-de-Gier, en 1979 (d ailleurs bien plus tardivement que les premiers festivals de jazz français) : il s agit du festival Rhino Jazz(s) (au début appelé simplement Festival de Jazz de Rive-de-Gier). Alors que le maire de Rive-de-Gier souhaite la création d un festival dans la ville, ce dernier est rapidement mis en place par son président Jean-Paul Chazalon en compagnie du musicien Maurice Merle, et avec une somme allouée par la municipalité. Deux jours de festival du 26 au 28 janvier 1979 avec la Marmite Infernale ou encore les Happy Stomp 327 lancent l aventure avec des concerts dans plusieurs communes (y compris à Lyon) 328. Le festival est un grand succès celui-ci perdure encore en 2020 et vient de fêter ses quarante ans. Le monde du festival de jazz évite nouvelle fois Lyon avec la création du festival Jazz à Vienne. Ce dernier part toutefois d une initiative lyonnaise : il s agit de celle du Jazz-Club de Lyon, notamment de Jean-Paul Boutellier. Celui-ci tente en 1980 de créer un festival dans la ville au Parc de la Tête d Or, mais essuie alors un refus net des autorités publiques l argument de Raymond Barre en personne, alors député du sixième arrondissement, consiste alors à expliquer à Jean-Paul Boutellier qu une telle «musique de sauvages» pourrait bien «perturber complètement les animaux» du zoo de la Tête d Or 329. Dans le même registre, l adjoint à la culture de l époque, Maître Ambre, fait part à Jean-Paul Boutellier lors d un rendez-vous sous tension, don son inquiétude que le festival «[ramène] de la racaille». Ainsi, encore dans les 326 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 327 Annexe 17 : Affiche du 1 er festival de jazz de Rive-de-Gier, janvier 1979, récupérée sur propos recueillis par Françoise Liogier pour Le Progrès, consulté le 23 août Annexe 23 : Entretien avec Frédéric Bruckert, 25 juin

99 années 1980, le jazz reste considéré comme marginal, tel qu on le percevait dans les années 1950 et auparavant son acceptation institutionnelle ne semble donc toujours pas gagnée. Jean-Paul Boutellier décide donc de se tourner vers la ville de Vienne, 27km au sud, qui abrite le plus grand théâtre antique d Europe (jusqu à 9000 spectateurs). Cette fois-ci, les autorités acceptent : organisée en 1980 conjointement par le Jazz-Club de Lyon et l association Vienne Action Culturelle, une Nuit du Blues 330, nuit originaire du festival, se pose en prélude à un événement plus long organisé l année suivante : c est le début du festival que l on connaît aujourd hui, et son succès n évolue que dans une pente ascendante. Le festival accueille pour sa première édition Mc Coy Tyner, Lionel Hampton ou encore l orchestre d Herbie Hancock. Affiche de la première édition de Jazz à Vienne en juillet Les répercussions de Jazz à Vienne sur la scène régionale et son ancrage régional sont sans équivalent : plus de 75% des spectateurs sont de la région 332. La ville de Lyon semble avoir manqué l occasion d organiser un des plus grands festivals de jazz d Europe entre ses murs (le succès n aurait cependant peut-être pas été le même s il avait eu lieu à Lyon...). Jazz à Vienne est néanmoins l occasion de combler un vide, puisqu un festival de jazz de cette envergure 330 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet consulté le 23 août Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p.32 98

100 manque à la région Rhône-Alpes : il n y avait à l époque que Montreux (en Suisse) à cette période, et les festivals de Nice et Antibes se situent trop loin pour les fans régionaux. Cet évitement (volontaire ou non) quasi-systématique de la ville de Lyon pour l organisation de grands festivals de jazz soulève une question : comment est-il possible qu une des plus grandes villes de France ne parvienne pas à les accueillir, alors qu elle dispose des moyens matériels pour le faire? La perspective de cette impossibilité d en vivre dans la ville est-elle la raison de l absence de grands festivals de jazz réellement lyonnais? C est là le principe du paradoxe du jazz lyonnais développé précédemment dans ce raisonnement : la ville de Lyon, malgré la richesse de son histoire jazzistique, malgré le mouvement d organisation de ses musicien.ne.s à l échelle régionale dans les années 1980, ne parvient pas à accueillir de grand festival de jazz dans ses murs Et ne fait pas parler d elle dans le milieu du jazz en France. Il ne faut toutefois pas oublier l existence de festivals de jazz dans la ville de Lyon ceux-ci resteront toutefois soit éphémères, soit à petite échelle. Un festival en particulier mérite d être mentionné dans ce contexte : le Traboules Blues Festival, qui a lieu pendant la Fête des Lumières le 8 décembre Le public peut y entendre Rhoda Scott (ou The Barefoot Lady ), plus grande organiste de jazz du monde, Nadege et Almosnino, l ARFI ou encore le Raoul Bruckert Quartet (le Hot club et les groupes originaires de celui-ci on donc encore leur rôle à jouer à l extérieur..) 333. Photographies du Festival Traboules Blues, 8 décembre «Traboules Blues Festival, 8 décembre 1989», Jazz Notes n 6, 3e édition, Décembre Photographes en Rhône-Alpes, collection Lyon Figaro, 8 décembre 1989, BML, P0740 FIGRPTL

101 Mais en dehors de cet événement et de quelques autres festivals hors-saison (A Vaulx Jazz à Vaulx-en-Velin, le festival étudiant La Doua de Jazz ), il est possible de dire que les grands festivals évitent la ville de Lyon. Serait-il, malgré l impulsion en faveur de jazz par les pouvoirs publics à l échelle nationale, un certain rejet de la municipalité pour les festivals de ce genre (pensons au refus de ce qui allait être le festival Jazz à Vienne à la Tête d Or par les autorités)? Pour Jean-Paul Boutellier, cet évitement, avéré, relève d un mystère complexe à élucider Peut-être s agirait-il, pour lui, d une volonté de la municipalité de garder le contrôle des initiatives culturelles, ce qui laisse échapper à la ville de nombreuses occasions de laisser s organiser des événements culturels capitaux à l échelle nationale 335. B. La théorie de l éternel retour Le manque de dynamisme de la scène jazz lyonnaise, malgré les évolutions des années 1980 (et leurs lacunes) semble donc être déploré par les amateurs et amatrices. Jean-Louis Bigot (ancien président du Hot-Club de Lyon) développe ainsi non sans d amertume la «théorie de l éternel retour» 336 en rédigeant l éditorial du neuvième numéro de Jazz Notes en Cette dite théorie présente le doute des responsables et agents culturels persistant à Lyon (tout comme ailleurs, il s agit là d une réalité du jazz en France). Le jazz lyonnais semble vivre sous la menace permanente qu il soit considéré comme non-rentable et qu il tombe donc dans l oubli par-là se crée ainsi un cercle vicieux alternant entre périodes de succès et de grand vide pour le jazz. Jean-Louis Bigot déplore donc qu «on verrait revenir le temps des vaches maigres après celui de l abondance, avec la seule consolation (maigre, elle aussi) de faire le compte de ceux qui aiment vraiment le jazz et sont prêts à prendre des risques» 337. Cette théorie de l éternel retour tient bien évidemment en partie aux problèmes de gestion financière réguliers que rencontre le jazz à Lyon et dans le pays. En effet, dès les débuts du Hot-Club de Lyon, par exemple, ce sont les parents d Henri Devay qui règlent les dettes, et 335 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Bigot, Jean-Louis, «Edito», Jazz Notes n 9, 3 e série, Juin/Juillet 1990, p Ibid. 100

102 même parfois Raoul Bruckert lui-même 338. Comme développé plus tôt, la mauvaise gestion financière du club par certains bureaux, notamment en raison du non-règlement de certaines taxes et à l existence d une politique d «open-bar» 339 par certains bureaux pour les membres du club débouchent sur un refus des autorités publiques à allouer les subventions nécessaires au bon fonctionnement de la structure. Les problèmes du Hot-Club en question semblent être représentatifs des obstacles que rencontrent la scène jazz dans son ensemble, qui pourraient trouver leur explication dans l incapacité plus-ou-moins forte des musiciens, amateurs et producteurs de l époque de s organiser collectivement sur le long terme (malgré de nombreuses tentatives, celles-ci sont souvent éphémères). Les propos du musicien Sébastien Bernard pour Jazz Magazine en 1978 illustrent déjà très bien ce phénomène : «C est vrai qu il faudrait un jour ou l autre qu on s organise et que quelqu un ferme la porte à clé derrière nous jusqu à ce qu il sorte quelque chose de la réunion. Mais ça me paraît peu probable. Pourquoi par exemple les coopératives n existent-elles pas? Parce que les musiciens sont concentrés sur leur ego et n en sortent pas. Lorsque l on propose à des gens qui ne sont pas capables de se regrouper artistiquement de créer une structure importante, ils commencent par dire oui très bien, mais attention il ne faut pas accepter n importe qui. [ ] La situation est la même pour les musiciens et les producteurs indépendants. On ne peut pas se regrouper.» 340 Ce point de vue exposé par Sébastien Bernard peut être critiquable, mais s il ne fait pas règle unanime, il ne faut pas nier qu il s applique à différents cas de la scène jazz lyonnaise. Ainsi, pour le cas du Hot-Club, ses problèmes financiers auraient peut-être eu raison de lui sans la présence de Gérard Vidon, ou plus tôt, d Henri Devay ou Raoul Bruckert. Sami Chidiac, président actuel du Hot-Club, estime que les soucis que rencontrent le club à l époque s expliquent par des «problèmes d égo» 341 Ce qui se retrouve dans les propos de Sébastien Bernard tenus en C est peut-être ce point en particulier qui est en partie à l origine de 338 Annexe 23 : Entretien avec Frédéric Bruckert, 25 juin Les entretiens avec Pierre Sigaud, Frédéric Bruckert et Jean-Paul Boutellier font tous mention de ce problème au Hot-Club, qu ils présentent même comme une des raisons principales des déboires financiers du club. 340 Jazz Magazine, Juillet-août Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac, 10 février

103 cette «théorie de l éternel retour» à Lyon, et par extension des ambiguïtés de la scène jazz lyonnaise, qui, tout en étant en phase d organisation, ne parvient pas à se faire une véritable place au sein du jazz français. Ainsi, le jazz lyonnais entre indéniablement dans un processus de légitimation en faisant fait peu à peu son apparition dans les politiques d État, et par extension dans les structures d enseignement musical. Toujours est-il que la ville reste, comme depuis les débuts du jazz à Lyon, en décalage avec les autres grandes villes françaises, qui entament ce processus une vingtaine d années plus tôt. Si dans le cadre de cette dynamique en marche, les groupes de musicien.ne.s et amateur.ice.s de jazz s organisent malgré quelques «problèmes d égo», toujours est-il que les tentatives de création de nouveaux lieux du jazz échouent dans la grande majorité des cas (alors que ceuxci sont déjà peu nombreux), et que tous les grands festivals de la région évitent une installation à Lyon. La «théorie de l éternel retour» serait donc peut-être typiquement lyonnaise Et doit attendre le milieu de la décennie 2000, alors que le jazz lyonnais connaît une phase de mutation qui semble durer sur le long terme, pour commencer à être remise en cause (avec ou sans succès). 102

104 CHAPITRE 2 : LE JAZZ LYONNAIS AU XXIe SIÈCLE : UNE ILLUSTRATION PAR EXCELLENCE DES PARADOXES DU JAZZ «Le jazz à Lyon, dans les chiffres [ ], c est la deuxième ville où il fait bon vivre pour le jazz.» 342 La théorie de l éternel retour est donc représentative de ce qu est la scène jazz lyonnaise des années 1980, 1990, et même Toutefois, la dynamique de la scène jazz lyonnaise semble davantage se modifier à partir du milieu des années Cette dynamique est à replacer dans un contexte général de professionnalisation des musicien.ne.s de jazz dans le pays (ce qui semble contraster considérablement avec l état d esprit «originel» du jazz en club : communautaire, de partage, amateur ). Il n empêche que de grands changements éclatent dans toute la capitale des Gaules, de la redynamisation de la scène lyonnaise (de son public comme de ses lieux de vie), à la professionnalisation des musicien.ne.s, avec pour point d orgue une petite «révolution» au sein du Hot, qui était avant cette dernière en décalage les mutations en cours. Lyon semble alors être de mieux en mieux reconnue dans le milieu jazzistique comme une «ville très belle au point de vue jazz» 343, et se fait le témoin de la multiplication des lieux accueillant le jazz : Clef de Voûte, Bec de Jazz, Périscope, et autres créations... Toutefois, contre toute attente, les lacunes mentionnées à la fin du chapitre précédent persistent : paradoxalement, les grands festivals sont toujours inexistants à Lyon intra-muros, et il n existe toujours pas de véritable grande salle spécialisée dans le jazz en dehors des caves cet élément fait du jazz à Lyon une véritable «mémoire oubliée» malgré son dynamisme et la richesse de son histoire. 342 Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac par Amélie Claude, 10 février Ibid. 103

105 I. Un mouvement de professionnalisation des musiciens et musiciennes de Lyon : vers un effacement du jazz amateur? A. Des années 1990 aux années 2000 : après un coup d arrêt du jazz lyonnais, l effacement du «folklore» jazzistique À Lyon, et dans le pays plus généralement, le jazz semble connaître un certain coup d arrêt (relatif l activité jazzistique ne s arrête en rien à l époque) à partir du début jusqu au milieu voire la fin des années , tout particulièrement vis-à-vis du public du jazz, dont la composition semble stagner sur la période. C est encore le cas en 2008, alors que les jeunes de 15 à 34 ans constituent 36% du public du jazz cette année-là, contre 46% en La fréquentation des festivals de jazz semble également faible : «la fréquentation d au moins un spectacle de jazz dans l année est déclarée par 6% des français de 15 ans et plus»346. C est également le Hot-Club qui, malgré la continuité de son activité, semble stagner l association compte peu de membres adhérents actifs347, les mêmes groupes de New Orleans jouent au club depuis plusieurs années Ce phénomène de stagnation pourrait également être entraîné par un engouement se dirigeant davantage vers d autres styles musicaux à Lyon (électro, rap ). À Lyon, l heure est donc plus à la musique techno et électronique pour le grand public (pensons au succès des Nuits Sonores par exemple...). Cette tendance ne signifie toutefois pas que le jazz lyonnais s arrête de vivre. Le festival Un Doua de Jazz est créé en 1999, et la création d associations de diffusion et promotion du jazz se fait croissante (mais cela doit être recontextualisé dans le cadre d une tendance générale à l explosion de la création d associations en France349) : ainsi, contre 4 associations relatives au 344 La ville ne connaît quasiment plus de créations de nouvelles salles, les structures de diffusions peinent à continuer leur organisation, et de manière générale, la scène jazz lyonnaise évolue peu. 345 Babé, Laurent, Les publics du jazz. Exploitation de la base d enquête du DEPS «Les pratiques culturelles des Français à l ère du numérique Année 2008», Ministère de la Culture et de la Communication, Direction générale de la création artistique, Octobre Ibid. 347 Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac, 10 février Annexe 23 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet On trouve dans le Journal Officiel de la Préfecture du Rhône une croissance importante du nombre de créations d associations de manière générale 104

106 jazz déclarées à la Préfecture de Lyon dans les années 1960, 21 sont créées rien que dans les années 1990, soit environ 5 fois plus 350. Dans les années 2000, ce sont 24 associations qui sont créées, soit six fois plus que dans les années Le choix de ne pas couvrir en détails l histoire du jazz lyonnais des années 1990 et du début des années 2000 ne signifie donc pas que le coup d arrêt du jazz lyonnais fut total. Ce choix tient plutôt au fait que la scène lyonnaise semble peu évoluer sur la période, avant de connaître des mutations plus marquées à partir du milieu des années 2000, sur lesquelles il convient de mieux se concentrer afin de tenter d élucider ce «paradoxe» du jazz lyonnais. À l inverse, dans les années 1990 perdure une véritable communauté de musicien.ne.s de jazz. Cette dernière évolue dans un contexte s apparentant toujours un peu au phénomène de «catastrophe apprivoisée», plus souple, mais plus précaire pour les musicien.ne.s 352. On retrouve donc une communauté de musicien.ne.s mélangée entre amateurs, professionnels, émergents (les seconds étant loin de constituer la majorité du groupe, à l inverse des évolutions récentes). Les musicien.ne.s régulier.e.s de l époque qualifient d ailleurs l atmosphère d ambiance «à la bonne franquette, à la cool» 353. C est donc encore ici le folklore du jazz qui persiste dans les années 1990 et celui-ci semble se perdre peu à peu au fil des années Les lieux permettant à cette communauté de vivre et d échanger dans les années 1990 ne correspondent pas (ou peu) à des clubs de jazz, peu nombreux à Lyon à l époque, mais consistent plus en des piano-bars ou simples lieux d accueils non-spécialisés dans le jazz pour les musicien.ne.s. Olivier Truchot, pianiste de jazz lyonnais, explique la structuration de ces lieux en question et ses impacts sur la dynamique de la scène de l époque : «En 1990, il y avait énormément d endroits, beaucoup plus que maintenant, où il y avait des pianos. Il y avait une espèce de souplesse, où on pouvait jouer très facilement dans pas mal d endroits, la plupart du temps au black, car il n y avait pas vraiment de règles ou de contrôle» Journal Officiel, Préfecture du Rhône 351 Ibid. 352 Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet Ibid. 354 Ibid. 105

107 Cette dite souplesse permet à l époque aux jeunes musicien.ne.s de trouver du travail relativement facilement, malgré le fait que ce phénomène implique une situation plus précaire. Le public présent dans ces lieux en question n est d ailleurs pas forcément amateur de jazz ou averti, mais reçoit le jazz lyonnais avec entrain «c était au départ un peu folklorique, mais ça permettait aux émergents de commencer, mettre le pied à l étrier» 355, précise Olivier Truchot. Plus encore, au milieu des années 1990 perdure encore (pour peu de temps) la tradition «folklorique» des standards 356 de jazz, ce qui entretient l aspect communautaire du jazz. On parle donc ici d un microcosme de musicien.ne.s se réunissant entre eux et elles pour partager un langage commun des réunions chez la Baronne Pannonica de Koenigswarter à New York à l époque Blue Note 357, aux jam-sessions jusqu au petit matin du Hot-Club de Lyon. Il s agit toutefois des derniers moments de vie de cette tradition jazzistique lyonnaise : l apparition et l intensification de l utilisation d internet, de pair avec la mutation du public lyonnais jazz (sur laquelle nous développerons dans la suite de ce raisonnement) semblent y mettre peu à peu un terme 358. Ce phénomène, cet esprit «folklorique», «communautaire», paraît, à la lumière de ces nouveaux éléments de contextes, presque impossibles à retrouver aujourd hui pour certain.e.s musicien.ne.s lyonnais.e.s : «Recréer un esprit communautaire qui regrouperait des musiciens locaux et un public autour de l amour d un style de musique, ce n est plus possible : le jazz a vraiment perdu de ça. [ ] Avant, quand les musiciens allaient voir un concert, ils allaient voir un groupe qui avait un peu le même style qu eux, et ils faisaient des jams, les connections se faisaient. Là, il y avait un esprit de communauté, de jazz, on ferme au petit matin. Ce truc-là n existe plus vraiment et n a plus vraiment sa place aujourd hui» Ibid. 356 Un standard de jazz est un morceau ayant une importance particulière dans la musique jazz, si bien que ses thèmes musicaux sont très régulièrement repris, arrangés, en studios mais surtout lors des jam-sessions. St Louis Blues, Sweet Georgia Brown ou encore St James Infirmary sont autant de standards qui composent un véritable langage pour la musique jazz. 357 Cooke, Mervyn, L Histoire du Jazz, Gründ, Paris, 2013, p Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot par Amélie Claude, Juillet

108 En sachant que dans les années 1990 tout ce petit monde est aidé par le bouche-à-oreille ainsi que par les retransmissions de l émission Fréquence Jazz de Jacques Dorland, «un concept original et qui marche» 360, instaurant une forme de communication médiatique à petite échelle. Ainsi, paradoxalement, à partir de la fin des années 1990, une véritable communauté de musicien.ne.s de jazz existe bel et bien, mais à l inverse, la scène jazz lyonnaise semble peu évoluer en termes de création de lieux accueillant le jazz, en termes de public (qui semble assez peu se renouveler) du moins, jusqu à la seconde moitié des années C est peut-être le mouvement de professionnalisation des musicien.ne.s de jazz qui donne l impulsion à la ville pour se redynamiser jazzistiquement. B. Au milieu des années 2000 : une mutation de l activité de musicien.ne de jazz à Lyon La progressive disparition de ce phénomène «communautaire» du jazz laisse toutefois penser, dans un autre sens, à l avènement d une mutation et professionnalisation de l activité de musicien.ne à Lyon. Le nombre de musicien.ne.s professionnel.le.s sorti.e.s des écoles de jazz et conservatoires semble en effet de plus en plus important depuis les années 2000 sur la scène lyonnaise 361. Certain.e.s décident de tenter l aventure parisienne, d autres (en nombre conséquent) de rester dans la région, conscient.e.s des avantages et de la stabilité que ce choix peut leur apporter. Le panorama de la scène jazz lyonnaise bénéficie alors de musicien.ne.s formé.e.s et de qualité : on compte parmi eux et elles des talents comme Baptiste Ferrandis, Julien Sermet 362, ou encore Olivier Truchot, pour la plupart sortis du Conservatoire de Lyon et ayant bénéficié des enseignements de Mario Stantchev, qu on peut considérer comme étant en quelque sorte à l origine de ce mouvement Annexe 18 : «Fréquence Jazz : un concept original et qui marche», auteur et publication non-renseignés, Archives Privées de Frédéric Bruckert 361 Annexe 23 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac, 10 février Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet

109 L activité de musicien.ne de jazz se professionnalise ainsi, et ce non sans conséquences sur les dynamiques de la scène jazz lyonnaise les salles accueillant le jazz et les structures de diffusion doivent alors prendre en compte leur statut, et financièrement, le milieu du jazz lyonnais semble en théorie ne plus pouvoir se permettre de ne pas payer ses musicien.ne.s profesionnel.le.s, tout en laissant une place pour les amateur.ice.s et émergent.e.s. Ainsi, pour Olivier Truchot, «il faut faire comprendre aux anciens que le métier a changé, et aux organisations également, tout en gardant un équilibre entre amateurs et professionnels.» 364. Avec la croissance du nombre de professionnel.le.s sur la scène lyonnaise, l équilibre (déjà très fragile, notamment au Hot-Club par exemple) entre musicien.ne.s amateur.ice.s, émergeant.e.s et profesionnel.le.s semble mis à mal. C est le cas au Hot-Club de Lyon, par exemple, fondé par des amateurs et amatrices, souvent en conflit sur la place des professionnel.le.s dans la cave. Il est en effet nécessaire pour les salles de musique, dans le cadre de cette professionnalisation, de rentrer dans le fonctionnement des subventions des pouvoirs publics afin de pouvoir payer les profesionnel.le.s, laissant moins de place à la communauté ou encore à l expérimentation À l inverse, faire jouer une majorité d amateur.ice.s dans les clubs pourrait revenir à prendre la place de certain.e.s professionnel.le.s vivant de la musique. Il devient alors difficile de trouver le bon équilibre et de laisser la place nécessaire à chaque catégorie de musicien.ne.s pour s exprimer musicalement. C est alors la place de la communauté des musicien.ne.s locaux.ales qui est remise en cause si un grand nombre d entre eux et elles se professionnalise, leurs déplacements sont alors plus importants Comment construire une communauté dans ce cadre? Plus encore, comment réussir à trouver le bon équilibre tout en regroupant les musicien.ne.s profesionnel.le.s? 364 Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet

110 II. Ébullitions créatives des lieux et publics du jazz A. Depuis 2007, un renouveau des salles et clubs de jazz à Lyon 1. Le Périscope, reflet des mutations de la scène musicale lyonnaise : une compatibilité possible avec le jazz? L analyse de la scène jazz lyonnaise à partir de 2007, à compter notamment de la création du Périscope, semble toutefois marquer un changement assez net de l organisation de cette dite scène, et pourrait laisser imaginer une fin de ce «paradoxe lyonnais» pour rappel, celui-ci consisterait à avancer que malgré de fait que Lyon soit une des plus grande villes de France et a eu son rôle à jouer dans l histoire du jazz française, celle-ci soit la «grande oubliée» de cette histoire nationale, est évitée par les grands festivals et peine à se structurer, souvent en décalage avec les autres villes de la même taille. Malgré ces mutations, ce paradoxe semble pourtant toujours présent. Ces changements au sein de la scène lyonnaise prennent d ailleurs place peu à peu et après un long travail notamment de la part des musicien.ne.s lyonnais et dans le cadre d un contexte plus large, et n apparaît donc pas «comme par magie» en 2007 avec l ouverture du Périscope Le Périscope est créé cette année-là à l initiative de deux collectifs de musicien.ne.s originaires du Hot-Club et de l Université Populaire de Lyon, le Grolektif et le Collectif Polycarpe, et est organisé par l association RESEAU (Rassemblement d Énergies pour la Sauvegarde d un Espace Artistique Utopique) 365 un curieux titre rappelant celui de l Arfi autant dans sa longueur que dans son conceptualisme. Le Périscope est alors créé dans une ligne artistique axée sur «le Jazz et les Musiques Improvisées, mais pas uniquement» 366 : l ensemble de la programmation régulière du lieu mêle alors aussi bien culture rock et musique expérimentale (dans ce qui semble être un laboratoire musical) ou encore «grooves de tous horizons» 367. Les locaux accueillent, outre des concerts, des cafés culturels (avec conférences, projections), et autres ateliers et projets d action culturelle consulté le 24 août Ibid. 367 Ibid. 109

111 Ce format, qui ne s arrête pas au jazz ni aux activités directement liées à celui-ci semble poser un nouveau modèle de lieux musicaux à Lyon. Toutefois, ce choix précis d aller au-delà du jazz alors-même que le lieu est fondé exclusivement par des musicien.ne.s de jazz pose des questions quant à la viabilité financière du genre (une question vieille comme le monde du jazz ). Un club doit-il s élargir à d autres genres pour survivre? En accord avec la théorie de l éternel retour citée dans le chapitre précédent, aux yeux des agents d artistes et gérant.e.s de salles culturelles, Le jazz semble en effet difficilement soutenable financièrement, notamment par rapport à d autres genres musicaux attirant un plus grand public et se jouant dans des locaux souvent plus grands (loin du format du caveau jazz). D où, peut-être, la décision de l administration du Périscope de prendre une direction distincte de celle des jazz clubs à proprement parler, comme l avance Olivier Truchot : «Le jazz ternaire n a plus vraiment sa place dans une programmation de grands festivals et même dans les clubs de jazz comme le Périscope, fondé par des musiciens de jazz qui se sont fait écarter du lieu, car c est devenu une SMAC.» 368 À noter que c est également peut-être le besoin de répondre à une étiquette posée par les pouvoirs publics (dans ce cas précis, celle de SMAC : le Périscope est d ailleurs la seule structure accueillant le jazz à avoir obtenu cette étiquette, et ce encore aujourd hui) afin de recevoir les subventions nécessaires à la survie du club qui imposent ce nouveau format estil toutefois compatible avec le jazz, genre musical perçu comme financièrement moins fiable que d autres? 2. Mieux comprendre les dynamiques du jazz lyonnais : panorama des clubs de jazz à Lyon dans la décennie 2010 Au-delà du cas assez particulier de la création du Périscope, il est nécessaire de noter que la presqu île reste l épicentre des lieux du jazz lyonnais. La création de nouvelles salles et clubs y accueillant le jazz est en effet fructueuse, et ce dès le début des années Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 Juillet

112 Dans le quartier de la Croix Rousse, on remarque notamment le club la Clef de Voûte, installé place Chardonnet depuis Dans un petit caveau jazz, la Clef de Voûte organise alors environ 150 événements par an, et «consacre son énergie à la diffusion de la musique Jazz et à la promotion des artistes locaux dans une ambiance digne de celle des Clubs de St Germain des Prés» 369 (la dernière partie de cette phrase est toutefois à remettre en question qui pourrait bien prétendre à une ambiance digne de Saint-Germain-des-Prés dans un contexte aussi différent que celui des années 2000 et 2010?). Des créations émergent de la place Chardonnet : la cave est le témoin de la naissance de l Amazing Keystone Jazz Big Band, et des talents se font remarquer lors des Junior Jams Session organisées par le club. Le 1 er avril 2011, le club crée La Clef de Voûte Productions, qui entend «produire et diffuser de la musique enregistrée par les artistes de jazz, en utilisant la télétransmission numérique» 370. En se présentant comme un local où l ambiance est «digne de Saint-Germain des Près», la Clef de Voûte prend une direction claire : celle du jazz américain. Elle l affirme d ailleurs : «Notre musique de cœur est le jazz américain. Be-bop, Hard-bop, Swing Autant de style[s] au sein desquels le rythme et le blues sont des éléments majeurs» 371. La seconde direction prise par le club est celle du jazz amateur. Cela n est pas sans difficultés pour la viabilité du club (ce qui soulève à nouveau la question de la viabilité financière du jazz d autant plus quand il s agit du jazz amateur). La subtilité du fonctionnement de la Clef de Voûte est toutefois la suivante : la structure privée fait régulièrement appel à des musicien.ne.s professionnel.le.s, payé.e.s au chapeau. Cela semble alors mettre à nouveau en péril l équilibre entre les niveaux professionnel, amateur et émergent cité plus tôt dans ce développement. Si en raison de l augmentation du nombre de professionnel.le.s du jazz, le club doit composer avec ces dernier.e.s, il semblerait donc qu il doive faire un choix entre devenir ouvertement un club pour amateurs et amatrices, ou bien accentuer leurs efforts envers les professionnel.le.s. Outre ce club et ses problématiques pour l équilibre de la scène jazz lyonnaise, on compte dans le même registre (entre autres, celui des petites caves privées de jazz qui accueillent majoritairement des amateur.ice.s et quelques professionnel.le.s dont les méthodes de paiement consulté le 10 juillet Journal Officiel, Préfecture du Rhône consulté le 10 juillet

113 sont variables) le Bec de Jazz seul club en dehors du Hot à avoir survécu qui déménage rue Burdeau, tout près de la Clef de Voûte dans le quartier de la Croix Rousse, où l on retrouve également certaines associations comme la Triperie, dont la cave est par exemple régulièrement mise à disposition pour des jam-sessions. Dans le même registre, le caveau du Jazz-Club Saint- Georges dans le quartier du même nom se doit d être mentionné. En raison de la taille réduite de sa cave, le microcosme du Jazz-Club Saint-Georges voit souvent le même cercle de musicien.ne.s lyonnais.e.s transiter 372. Une seconde catégorie de lieux spécialisés dans le jazz fait également son apparition à Lyon : celui des «restaurants jazz», un format qui pourrait laisser imaginer une meilleure viabilité financière pour les clubs de jazz. On retrouve notamment le Bémol 5 rue de la Baleine dans le quartier Saint-Jean, ouvert en 2017, puis le Second Souffle rue Neuve, dans le quartier de l Opéra, dont sort d ailleurs Sami Chidiac, président actuel du Hot-Club de Lyon. Le format de restaurant-concert ne semble toutefois pas faire l unanimité aux yeux des amateurs et amatrices de jazz. Mais à l inverse, le Second Souffle semble très apprécié de la communauté des musicien.ne.s de jazz, qui viennent chercher Sami Chidiac, fondateur du lieu, pour reprendre la présidence du Hot-Club à la fin de l année Pour terminer ce rapide panorama des lieux de jazz à Lyon depuis le milieu des années 2000, il est important de mentionner les lieux accueillant des jam-sessions jazz régulièrement : il s agit de La Grooverie, bar situé juste au-dessus de la place Sathonay dans le premier arrondissement, qui accueille régulièrement des jam-sessions jazz. On remarque également les jam-sessions jazz du Sirius, une péniche sur le Rhône dans le quartier de la Guillotière. Attirant un public assez important, les «bœufs» y sont organisés les lundis, notamment par le pianiste Olivier Truchot. Le point commun de ces deux locaux, au-delà de la non-spécialisation dans le domaine du jazz, est l attrait d un grand public (par extension, composé amateurs et amatrices de jazz avertis tout comme d un public non-averti ou curieux de mieux découvrir le monde du jazz). C est sûrement la non-spécialisation dans le domaine du jazz, combinée à la popularité des salles et 372 Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac, 10 février

114 leur emplacement qui contribuent à ce phénomène. Il n empêche que des salles de musique un peu plus généralistes comme le Sirius font désormais le choix d accueillir le jazz régulièrement. Enfin, il ne faut pas omettre les lieux «institutionnalisés» qui continuent à accueillir des concerts de jazz (et non pas des jams il s agit là de grandes salles peu adaptées pour ce genre de pratiques) : l Auditorium de Lyon, qui continue à être un lieu de passage de grands musicien.ne.s de jazz et qui organise depuis quelques années une série d une dizaine de concerts par an en partenariat avec le festival Jazz à Vienne. C est d ailleurs également le cas à l Amphi 3000, une nouvelle salle de la Cité Internationale 374. Dans le même registre, autre local, plus petit que les premières salles mentionnées, occupe une place importante dans la scène jazz lyonnaise : il s agit du Péristyle, situé dans l amphithéâtre de l Opéra de Lyon. Ce panorama des salles accueillant le jazz à Lyon démontre une diversité toute particulière, notamment à partir de la fin des années 2000 avec l apparition du Périscope. Les lieux de jazz se multiplient donc à Lyon, de concert avec un mouvement professionnalisation des musicien.ne.s de jazz. Ces lieux représentent-ils toutefois la réalité du jazz lyonnais et de son public depuis les années 2000? B. Un regain d intérêt pour le jazz chez le public du jazz lyonnais? 1. Le public du jazz lyonnais contemporain : quelle perception du jazz dans la dernière décennie? De concours avec les lieux de jazz, leur gestion ou encore la posture de musicien.ne, c est par conséquent le public du jazz qui semble entrer en phase de mutation depuis le milieu des années 2000, puis de manière plus marquée depuis la décennie Du côté de Lyon, si le public semble s élargir notamment grâce aux nouveaux lieux de jazz en création mentionnés plus tôt, celui-ci ne semble en général pas être conscient de la richesse de la scène jazz lyonnaise et de son histoire. 374 Boutellier, Jean-Paul, Abstrait : Histoire du Jazz à Lyon,

115 Pour illustrer ces faits, un panel de 174 individus a été soumis à un sondage sur le thème de la scène jazz à Lyon, son public et sa réception : il est alors très intéressant et pertinent de découvrir et d analyser les différentes réponses du panel. Avant de développer sur ces dernières, il est toutefois capital de préciser certains biais capitaux à prendre en compte : 81% des répondant.e.s sont en des étudiant.e.s dans l enseignement supérieur et proviennent d un cercle généralement privilégié (le sondage a principalement été partagé dans des groupes d études de Sciences Po Lyon, et outre les 81% d étudiant.e.s, on compte parmi les répondant.e.s 12,1% de cadres et professions intellectuelles, 5,7% d employé.e.s et 1,1% sans activité professionnelle ou n appartenant à aucune CSP citée 375 ). L analyse de ce questionnaire ne prétend donc pas à être représentative des opinions des lyonnais.es relatives au jazz. Il demeure cependant plausible d émettre certaines hypothèses contextualisées à partir de ces analyses. Les interrogé.e.s, dont la majorité, si elle n est pas grande amatrice de jazz, prétend apprécier le genre. Toutefois, ceux et celles-ci ne semblent pas prendre connaissance de la richesse de la scène jazz lyonnaise. D abord, ce sont 70.1% des interrogé.e.s qui ne connaissent pas de salles de jazz lyonnaises. Parmi ceux et celles qui en connaissent, le Hot-Club n est d ailleurs mentionné que 9 fois, tandis que 74.1% des répondant.e.s déclarent ne jamais avoir entendu parler du Hot-Club alors bien qu il s agit du club de jazz le plus vieux encore en activité en Europe. Dans un sens contraire, les réponses des interrogé.e.s laissent penser à un net élargissement du public du jazz à Lyon. Lorsque l on demande aux interrogé.e.s si ils et elles se sont déjà rendu.e.s à un concert ou une jam de jazz (ou bien comptent s y rendre), seulement 8,6% répondent «Non, et je n ai pas envie d essayer», tandis que le reste des répondant.e.s s y est déjà rendu.e ou souhaite s y rendre c est bien que le jazz attise la curiosité d un public de plus en plus large à Lyon (en comparaison avec l année 1997 par exemple), que le genre en question n intimide pas. En effet, contrairement à certaines imageries régulièrement retrouvées dans le jazz, 78,2% des répondant.e.s ne considère pas le jazz comme une musique «élitiste» ou «pompeuse» (gardons toutefois en tête ici que le cercle des répondant.e.s demeure plutôt privilégié et éduqué). 375 Annexe 19 : Sondage sur le public du jazz lyonnais, Juillet-août

116 On remarque ici l existence d un certain paradoxe : en effet, si les répondant.e.s semblent quelque peu avoir envie de découvrir le jazz lyonnais, et si le public du jazz s élargit manifestement, ils et elles ignorent la richesse de l histoire du jazz lyonnaise et de sa scène actuelle. Il n empêche donc que malgré ces lacunes, le public lyonnais semble de mieux en mieux s intéresser au jazz, aidés par la richesse nouvelle de la scène jazz lyonnaise (multiplication des salles, explosion du nombre de musicien.ne.s de jazz professionnel.le.s, grands festivals à proximité, multiplication des petits festivals intra muros, re-dynamisation du Hot-Club en tant qu association de diffusion de la culture jazz, etc..), dont ce dernier ne semble pas forcément conscient. Cette dynamisation du jazz lyonnais n est toutefois pas la seule raison du retour et renouvellement de l intérêt du public lyonnais pour le jazz : il est nécessaire de replacer le «retour» du jazz dans un contexte culturel et sociologique plus large : celui du postmodernisme. 2. Un mouvement général postmoderniste à l origine du renouveau du jazz lyonnais? Le mouvement général postmoderniste semble en effet sonner un certain regain d intérêt du public pour le jazz. Le postmodernisme se définit comme une structure de sentiments «hantologique» 376, centrée sur des souvenirs (vécus ou non) d un passé plus agréable 377. En opposition avec le modernisme, la notion, qui semble inonder la société depuis les années 2000, consiste donc en un sentiment généralisé basé sur la nostalgie d un passé idéalisé (et souvent déformé), se traduisant dans les pratiques culturelles du public (à travers les multiples modes «rétro», par exemple) 378. En somme, le postmodernisme est «défini par une hybridité et une intertextualité, par son habitude de (re)créer en utilisant des objets et images du passé 376 Traduction directe du mot «hauntological» en anglais, expression de Jean Hogarty 377 Hogarty, Jean, Popular music and retro culture in the digital era, Routledge, New York, Ibid. 115

117 recyclées.» 379, et par un mélange des genres et techniques plus important 380. Cette notion semble se retrouver dans les techniques de production culturelle, en mêlant collage, empreint d anciennes techniques et esthétiques musicales. Cette notion de postmodernisme est notamment très présente dans le rock n roll contemporain, le rap (prenons comme exemple l apparition du Lofi, instrumentales destinées au rap reprenant des samples 381 de musiques de jazz des années 1950 aux années 1980 tout en altérant leur qualité pour recréer un sentiment de nostalgie chez la personne qui l écoute) et même la pop. Mais le concept s applique également très clairement dans le domaine du jazz, et structure alors en partie son public. Ce principe s infiltre donc dans les perceptions et goûts culturels du public lyonnais, et semble être un élément donnant une force nouvelle au jazz dans la ville. Ainsi, lors de notre entretien, sans avoir eu de conversation sur le postmodernisme au préalable, Olivier Truchot développe le concept de «jazz mélangé» d augure à Lyon depuis le milieu des années Ce concept est en effet typique de la tendance postmoderniste, et s intensifie dans la dernière décennie, semblant alors faire la force du nouveau jazz émergeant à Lyon. Raoul Bruckert avait déjà initié ce mouvement avec son groupe Progression à l époque : audelà d être le premier groupe de jazz lyonnais mixte (la scène lyonnaise manque, à l époque mais toujours aujourd hui, cruellement de musiciennes), le groupe mêle avec aisance jazz et rock, introduit une guitariste électrique (Sylvie Chavent) 382 Ainsi, au Hot-Club notamment, et ce dès le début des années 2000, différents artistes de rap tentent des collaborations avec le monde du jazz, et comme la tradition du Hot le veut, nombre d expérimentations se testent dans la cave de la rue Lanterne jazz-électro, jazz-rap Le public du jazz lyonnais, de concert avec les phénomènes en marche à Lyon depuis le milieu des années 2000, semble donc lui aussi entrer dans une certaine phase de mutation et ce d abord en raison d une tendance générale à une «mode rétro» que le jazz représente 379 Moore, Ryan, Postmodernism and Punk Subculture: Cultures of Authenticity and Deconstruction, The Communication Review, 2004, p Alper, Garth, Making sense out of postmodern music?, Popular music and society n 24, 2000, p Échantillons, morceaux de musiques pré-existantes utilisés afin de créer une nouvelle musique. Dans le rap notamment, des samples de jazz sont souvent utilisés. 382 Gautier, Henri, «Retour de Raoul Bruckert au Hot-Club où il présdente son nouveau groupe mixte : «Progression», Archives Privées de Frédéric Bruckert 116

118 particulièrement bien, d un mélange des genres aidé par l accélération des communications par le biais d Internet. III. L approfondissement du processus de légitimation du jazz lyonnais A. Structuration et lacunes de l enseignement du jazz : un reflet du paradoxe du jazz lyonnais Il est très important de préciser qu au milieu des années 1990, le Conservatoire n est toujours pas encore pleinement organisé, et se résume globalement pour les pianistes à prendre des cours et faire des duos 383. Si la présence de professeurs comme Mario Stantchev, à la tête du département de jazz du conservatoire a été capitale dans la formation de la nouvelle génération de musicien.ne.s et dans la construction de l enseignement du jazz à Lyon, les classes de jazz semblent comporter des lacunes et nécessitent alors une réelle structuration. La structuration de cet enseignement semble une nouvelle fois entraînée par la mise en place de critères d obtention des subventions par les pouvoirs publics, dont la politique relative au jazz semble se préciser depuis ses premiers pas à Lyon à la fin des années Le jazz reste donc, d une certaine manière, dans le giron de la politique d État. Le guide pratique d instruction d une demande d agrément du Ministère de la Culture est une illustration pertinente des volontés des pouvoirs publics : 384. D autant plus que les musicien.ne.s sortant du Conservatoire sont souvent payés par le Ministère de la Culture et semblent entretenir une forme de lobbying pour le jazz et pour le respect des critères en question. Le respect de ces critères semble toutefois porter ses fruits dans le domaine de l enseignement du jazz lyonnais. Les étudiant.e.s lyonnais.e.s rayonnent dans le reste du pays, et notamment à Paris. En 2020, le CRR de Lyon (Conservatoire à Rayonnement Régional, un label que le Conservatoire de Lyon a obtenu) compte 25 grands élèves en prépa, et au-delà, pendant les années 2000, le Conservatoire National Supérieur de Paris est alimenté presque exclusivement 383 Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot par Amélie Claude, Juillet Guide pratique d instruction d une demande d agrément des établissements assurant une préparation à l entrée dans les établissements d enseignement supérieur de la création artistique, Ministère de la Culture, Janvier

119 par des lyonnais.es. Ainsi, manifestement, pour Jean-Paul Boutellier, «Lyon [est] devenu une sorte d école en France» 385. Le département jazz du Conservatoire organise ainsi à lui seul cinquante concerts à l extérieur pour la saison L enseignement du jazz est aujourd hui pratiqué dans toute la région. Le diplôme d études musicales (DEM), harmonisé entre les différentes écoles de la région (entre autres, le conservatoire de Lyon, l école de Villeurbanne, de Bourgoin-Jallieu, Valence, Chambéry, Annecy..) existe toujours et se développe, avec un même niveau d'exigence entre les établissements. Le jazz est aussi présent au CEFEDEM (centre de formation des enseignants de la musique), où le guitariste Philippe Roche coordonne les activités pédagogiques 387. Parallèlement l ENM (École Nationale de Musique, à Villeurbanne) est toujours très active, et on compte d autres écoles spécialisées dans le jazz aux alentours de Lyon, comme l école de jazz de Saint-Fons (ville dans laquelle le jazz semble d ailleurs très dynamique). Il reste toutefois toujours des lacunes à combler à Lyon. Il n existe pas de département jazz au CNSDM de Lyon (Conservatoire Nationale Supérieur de Danse et de Musique, dans le neuvième arrondissement), alors que plusieurs tentatives ont vu le jour dans les années 1990, mais n ont jamais abouties 388. Un élément semble d autant plus curieux : CRR de Lyon n héberge ni salle de concert, ni salle d enregistrement du jamais vu dans un conservatoire. Les méthodes d examen à Lyon sont donc obligatoirement distinctes de celles d un conservatoire classique à et se font en externe : ici, sous forme de quatre projets par soir, dans des lieux de jazz lyonnais comme la Clef de Voûte. La formation des nouveaux et nouvelles musicien.ne.s doit donc se faire directement en cave. Comment appréhender un tel paradoxe? Comment expliquer qu une scène semblant si fructueuse (sur le plan de la création des lieux de jazz tout comme de son enseignement ou encore de la qualité de ses musicien.ne.s) ne possède pas de salle de concert dans son conservatoire, de salle d envergure dédiée au jazz (hors caves de jazz et amphithéâtres nonspécialisés) ni de festival(s) de réputation nationale ou internationale intra-muros? 385 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Ibid. 387 Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p Ibid. 118

120 B. La consolidation d un service de diffusion du jazz lyonnais et de la région Les structures de diffusion du jazz connaissent des années difficiles début de la décennie C est notamment la troisième tentative de l édition de la revue Jazz-Notes fondée par le Hot Club de Lyon qui se solde une nouvelle fois d un échec en peut-être en raison du manque de financements, de diffusion ou d organisation, au même moment où le jazz connaît un certain coup d arrêt. Le Hot club n est pas non plus très actif à l époque peut être parlonsnous d un concours de circonstances qui ont mené à la fin de la revue, le décès de Raoul Bruckert deux années plus tôt à l âge de 74 ans y jouant sûrement son rôle, puisque ce dernier fut à l origine de nombre d initiatives capitales pour le club depuis sa création. La diffusion du jazz lyonnais est donc peu développée au début des années 2000, hormis la constitution dans la décennie précédente du réseau Suivez le Jazz, où se réunissent plusieurs lieux de jazz de la région afin de promouvoir en commun leur programmation 390. Des concours tremplins sont notamment organisés à partir de 2001 pour aider les jeunes artistes. Dans la seconde moitié des années 2000, le domaine de la diffusion du jazz à Lyon commence cependant à se re-dynamiser grâce à certaines initiatives combinées à la popularisation de l utilisation d Internet, facilitant considérablement la diffusion d informations. En mai 2007, le site internet Jazz-Letter.com est créé par les journalistes Jean-Claude Pennnec et Jean-Louis Chaveau, puis poursuivi par Pascal Derathé, grand passionné de jazz 391. Le site relate au départ l activité du festival Jazz à Vienne dans une newsletter quotidienne, mais continue à être alimenté après le festival : elle devient finalement un vecteur de diffusion de l actualité jazzistique de la région entretenu par une équipe de bénévoles. Après un différend entre les fondateurs, la newsletter est rebaptisée Jazz-Rhone-Alpes.com, nom qu elle porte encore aujourd hui, et semble avoir comblé le vide laissé par Jazz Notes dans la presse régionale : diffusion des petits acteurs du jazz de la région, écho de l activité des musiciens quasiinstantanée, visibilité de la scène jazz du département et de la région 389 Jazz Notes, BML, MAGASI MAGREG Journal Officiel, Préfecture du Rhône 391 Boutellier, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, CNSMD, Paris, 2012, p

121 Parallèlement, le 19 novembre 2004 est créée l association Rhône-Alpes Jazz (RAJ) 392, à l initiative du batteur Jacques Bonardel. Celui-ci a pour ambition de monter un orchestre de jeunes musiciens dirigés par d autres plus expérimentés (entre autres, Christophe Monniot ou Denis Badault). Les initiatives souffrant d un manque de diffusion, les formations ne donnent toutefois que très peu de concerts. Les structures de diffusion semblent en effet, selon Pierre Sigaud, ex-directeur adjoint de la DRAC, «[défendre] un point de vue trop restreint» 393, et rencontrent des difficultés à se développer (notamment en termes de subventions publiques). Après des années quelque peu difficiles, Rhône-Alpes Jazz rencontre le réseau Suivez le Jazz ainsi qu un réseau d écoles de Jazz. Les trois structures, sur le conseil de Pierre Sigaud, fusionnent en décembre 2009 et entendent «mettre en réseau différents acteurs culturels présents sur le territoire Rhône-alpin» et «développer et promouvoir le jazz et les musiques improvisées» 394 : la fusion donne naissance au nom de Jazz(s) Rhône-Alpes (ou Jazz(s) RA) le 24 août Plus récemment, quelques initiatives dans le domaine de la diffusion du jazz se font remarquer si l on remarque un léger coup d arrêt de la création d associations relatives à ce thème entre 2015 et 2018, les affaires reprennent avec la création d associations telles qu en mai 2018 Straight No Chaser Association pour la diffusion de la culture jazz, East Side Jazz - Lyon, basée à Saint-Fons, puis en 2019, des associations telles que I - Son entendent promouvoir les musiques actuelles et jazz et leur accès à toutes et à tous. Le service de diffusion du jazz à Lyon et surtout dans la région Rhône-Alpes en général se structure donc considérablement à partir de la fin des années 2010 après de nombreuses difficultés probablement en réaction au foisonnement de la scène jazz lyonnaise. Les structures semblent réussir à se détacher des «problèmes d égo» souvent en marche dans le monde du jazz. Le jazz lyonnais, à travers ces initiatives, bénéficie alors d un écho quasisystématique de ses initiatives, ce qui comble manifestement le vide laissé par la disparition de Jazz Notes. 392 Journal Officiel, Préfecture du Rhône 393 Annexe 27 : Entretien avec Pierre Sigaud, 28 juillet Journal Officiel, Préfecture du Rhône. 395 Ibid. 120

122 Pourtant, malgré cette structuration nette, le public lyonnais ne semble pas être conscient de la richesse du jazz lyonnais et de son histoire, le milieu de l enseignement comporte de nettes lacunes, et les lieux du jazz lyonnais semblent parfois en décalage avec la réalité du milieu. Toutefois, le Hot-Club prend en 2017 un contrepied à cette tendance. Tout en essayant de trancher avec les paradoxes cités précédemment, le club semble toutefois en être une illustration pertinente. IV. Les mutations du jazz lyonnais illustrées : la «révolution» du Hot-Club A. La «révolution» en question : historique d une confrontation sous tension De son côté, le Hot-Club, selon ses principes fondateurs, est une association créée «par les musiciens, pour les musiciens» 396. Toutefois, après une période de stagnation couplée à des difficultés financières lors des années 2000, les évolutions du club des années 2010 ne semblent pas suivre celles de la scène jazz lyonnaise vues précédemment (que ce soit en termes de professionnalisation des musicien.ne.s, de structuration des services de diffusion ou de mutations du public lyonnais et des lieux du jazz). En effet, le club entame un certain mouvement de privatisation sous l impulsion d un mécène depuis le début de l année 2010, privilégiant les soirées privées d entreprises. Le Hot-Club de Lyon est alors proche de l arrêt de toute forme de diffusion du jazz : en effet, en s ouvrant au monde des entreprises 397, le club semble se refermer sur lui-même. Les mêmes groupes de jazz New-Orleans une musique plus «festive» ici destinée à des soirées privées d entreprises se partagent les concerts du Hot-Club 398, ce dernier devenant de moins en moins à l écoute de la réalité de la scène jazz lyonnaise. 396 Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac, 10 février Annexe 20 : Package entreprise du Hot-Club de Lyon 398 Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet

123 Si la privatisation du club aurait pu être une option envisageable (sur le modèle d autres clubs lyonnais comme la Clef de Voûte par exemple) 399, le Hot-Club semble alors s éloigner des principes fondateurs posés par Raoul Bruckert et les étudiants des Beaux-Arts. Les inquiétudes se précisent donc dans la communauté des musicien.ne.s, maintenant professionnalisé.e.s, qui font entendre au Hot-Club la nécessité d être mieux en accord avec la nouvelle réalité du milieu du jazz lyonnais. Toutefois, ce mouvement n est pas uniquement professionnel : certain.e.s amateur.ice.s font entendre au Hot-Club leur inquiétude vis-à-vis de ses récentes évolutions. C est ainsi que Jean-Charles Demichel, pianiste et ancien président à l époque de l Arbre-Sec, conscient des mutations du jazz lyonnais, s inquiète : «Je constate avec une certaine amertume que, depuis un certain temps, le Hot n accepte que la diffusion d une musique festive limitée au New-Orleans [ ] La désertion du Hot par les musiciens adeptes d autres styles s explique facilement par le fait que des pros ont remplacé les amateurs d antan et veulent être rémunérés désormais.» 400. Cependant, ce mouvement de privatisation n est pas sans explications : le Hot-Club, en raison d un véritable historique de mauvaise gestion financière du club à laquelle Gérard Vidon avait essayé de mettre un terme (ce dernier met sept ans à écraser une dette de après un redressement fiscal du club : les pouvoirs publics demandent alors au club 800 par mois 401 ), grâce aux musicien.ne.s jouant gratuitement au club pendant une dizaine d années ainsi que grâce à la présence du mécène en question, qui joue un rôle important dans l écrasement des dettes du Hot-Club. Il n empêche que sous l impulsion du pianiste Olivier Truchot (également ancien programmateur du Hot évincé quelques années auparavant lors d une assemblée générale), ce sont ainsi environ 250 musiciens issus de la scène lyonnaise et notamment du Conservatoire qui donnent l impulsion pour former une nouvelle équipe. La stratégie, sur les conseils de Pierre Sigaud, qui avait favorisé la création de Jazz(s) RA en 2010, est la suivante : acheter le 399 Sigaud, Pierre, Quelques réflexions sur le Hot-Club de Lyon document fourni par Pierre Sigaud. 400 Annexe 21: Lettre de Jean-Charles Demichel du 15 septembre 2017 au Hot-Club de Lyon, Archives Privées de Gérard Vidon 401 Annexe 26 : Entretien avec Gérard Vidon, 29 juillet

124 plus de cartes d adhérents possible afin d obtenir un droit de vote lors de la prochaine assemblée générale, lors de laquelle est prévue le vote d un nouveau président. Nombre d individus à l origine de cette initiative n hésitent pas à qualifier cette dernière de «putsch» nécessaire à la survie du club et de ses principes, tout en suivant les récentes évolutions du jazz lyonnais. Cette situation connaît son apothéose lors de l assemblée générale le 21 décembre 2017, où les tensions sont à leur comble 402 et où l ancien bureau démissionne et laisse les clés du Hot à l exception de Gérard Vidon, qui semble accueillir ce changement à bras ouverts 403 (celui-ci reste d ailleurs président d honneur du club et continuer à animer les concerts du Hot). Il n empêche que pour l ancien bureau et les groupes de musicien.ne.s amateur.ice.s de New Orleans, des «jeunes loups du conservatoire» 404 semblent être venus prendre leur club. C est donc un bureau neuf qui reprend le Hot-Club, sous la présidence de Sami Chidiac, un jeune entrepreneur gérant du restaurant-jazz le Second Souffle (dont la gestion est appréciée par les musicien.ne.s lyonnais.es), au profil qui semble trancher avec les anciens : «il n y a jamais eu à la direction du Hot Club un chef d entreprise ou quelqu un qui va essayer de développer le Hot Club en termes de ressources financières» 405. La nouvelle équipe en place doit alors déjà gérer un concert deux jours plus tard, avec, comme unique source de stabilité, un barman travaillant au club à trois-quarts de temps, puis une femme à la billetterie à mi-temps, une prise de risque conséquente, comme l exprime Sami Chidiac, désormais nouveau président : «En fait, là, on est en train de faire un truc C est vraiment Rock n roll pour le Hot Club. [ ] Pendant deux semaines, personne ne me voit, je m enferme, et je monte un énorme plan pour pouvoir développer le Hot Club, [ ] que je puisse insuffler une nouvelle politique.» Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac, 10 février Annexe 25 : Entretien avec Gérard Vidon, 29 juillet Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac, 10 février Ibid. 123

125 Se met donc en place, avec Sami Chidiac, sur les conseils de Pierre Sigaud, un plan d institutionnalisation et de crédibilisation aux yeux des institutions publiques : création de cinq commissions du club (communication, programmation, financement, stratégie et développement, puis technique et sociale), embauche de salarié.e.s (une administratrice, une chargée de communication et un barman à plein temps). Cette stratégie permet au club de rencontrer et converser avec les institutions publiques pour la première fois depuis une très longue période de sécheresse, pour enfin obtenir ses premières subventions. La nouvelle équipe tente alors de rétablir, dans un contexte de professionnalisation du jazz, l équilibre perdu entre catégories de musicien.ne.s, comme l explique Olivier Truchot : «Ce qu on veut, c est faire une programmation la plus juste possible qui représente le paysage environnant des musiciens c est-à-dire amateurs, professionnels, émergeants, mélangé, tout ce que tu veux, avec des influences de partout, quoi» 407 Le Hot-Club de Lyon, en se re-structurant plus en accord avec la réalité de la scène jazz lyonnaise, semble alors connaître un nouveau succès 408. Mais alors, en quoi ces événements particuliers reflètent-ils la réalité de la scène lyonnaise ainsi que le paradoxe qui la définit? B. La «révolution» du Hot-Club : un reflet du cheminement du jazz lyonnais? Cette petite «révolution» du Hot-Club semble donc être le fruit des mutations récentes de la scène jazz lyonnaise, de ses lieux à son public, en passant par sa professionnalisation. Il est notamment important de préciser que les événements du Hot-Club prennent tout leur sens lorsque ceux-ci sont mis en parallèle avec la question de l équilibre entre musicien.ne.s professionnel.le.s, désormais en majorité, émergent.e.s, et amateur.ice.s. Il ne s agit en effet que très peu d une querelle entre anciens et modernes (comme on pouvait le remarquer dans celle du Free Jazz ou de Be-bop, par exemple), plutôt utilisée comme un «épouvantail de la 407 Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac, 10 février

126 guerre entre amateurs et professionnels» 409, instrumentalisé par exemple lorsque les musiciens professionnels ont été évincés du comité d administration lors du mouvement de privatisation les musicien.ne.s amateur.ice.s de New Orleans ont donc voté pour l éviction des musicien.ne.s profesionnel.le.s. Ainsi, le Hot-Club ayant été fondé par des amateurs et amatrices, pour Olivier Truchot, «[Les musicien.ne.s amateur.ices] ont toujours eu peur de se faire piquer leur joujou par les musiciens professionnels français qui étaient en extrême minorité au départ. Cette flippe-là a pris de l ampleur avec l intermittence du spectacle, le fait qu il y ait de plus en plus de gens qui font ce métier-là, et en fait, cette flippe est justifiée, parce que c est simple : si jamais on veut évincer les amateurs et ne garder que les professionnels, maintenant, ils sont en minorité.» 410 Les événements du Hot-Club reflètent tout aussi bien les problèmes financiers que mettent en lumière les mutations de la scène jazz lyonnaise. Comme nous l avons vu en analysant l histoire du jazz à Lyon, les problèmes financiers semblent cousins du jazz. C est notamment la difficulté du jazz à être financièrement viable, et ce particulièrement à Lyon, qui semble créer des tensions au Hot-Club de Lyon, cela crée une certaine dépendance des financements privés d abord, publics ensuite (en raison du besoin de subventions, qui nécessite une crédibilisation aux yeux des pouvoirs publics). C est également le cas dans les autres clubs de jazz lyonnais : la fermeture toute récente du Bémol 5 puis du Second Souffle en sont une illustration pertinente (à prendre en compte dans le cadre de la crise du Covid-19..). Parallèlement, la fragilité de la Clef de Voûte, qui paye les musicien.ne.s au chapeau pour réussir à être viable au détriment des musicien.ne.s en question, en phase de professionnalisation, soulève les mêmes questionnements : le jazz peutil être viable à Lyon, notamment lorsqu il s agit de devoir payer les musicien.ne.s, maintenant en majorité profesionnalisé.e.s? Peut-être bien que les problèmes financiers du jazz expliquent le nombre important de clubs privés basés sur le jazz amateur et attirant un grand public un 409 Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet Ibid. 125

127 modèle toutefois incompatible avec la réalité des musicien.ne.s profesionnel.le.s à Lyon, particulièrement nombreux.ses. Toutefois, ces événements illustrent également les lacunes de la scène jazz lyonnaise, et pardessus tout, ses paradoxes. La «révolution» du Hot-Club de Lyon démontre une réelle volonté d organisation des musicien.ne.s lyonnais.es, qui semblent rayonner au niveau national et international, dans une ville où le jazz est en ébullition dans les mots de Sami Chidiac, Lyon semble être une «ville très très belle au point de vue jazz» ; «Le jazz à Lyon, dans les chiffres [ ], c est la deuxième ville où il fait bon vivre pour le jazz» 411. Paradoxalement, les grands festivals sont toujours inexistants à Lyon intra-muros, et la ville ne dispose d aucune salle dédiée à cette musique, ce qui fait de l histoire particulièrement dynamique du jazz à Lyon une véritable «mémoire oubliée» 412 : le paradoxe du jazz lyonnais demeure, encore aujourd hui, complexe à élucider. 411 Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac par Amélie Claude, 10 février Histoire de Jazz(s), Émilie Souillot,

128 CONCLUSION Comme l entend Friedrich Nietzsche lorsqu il affirme que «la vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil» 413, sans le jazz, la musique serait tout autant une erreur, une fatigue et un exil. En débutant les recherches pour ce mémoire, les résultats attendus étaient notamment d aboutir à une compréhension de l existence paradoxale du jazz à Lyon : en somme, faire sens du fait que la majorité des lyonnais.es ignorent que leur ville abrite le club de jazz le plus vieux d Europe encore en activité. Pourquoi une ville si riche en termes d activités jazzistiques n abrite aucun grand festival, et pourquoi Lyon semble être la grande oubliée de l histoire du jazz nationale? Or, les recherches et le mémoire désormais abouti, il semble bien que la réponse à cette problématique soit bien trop complexe, et peut-être même demeurera-t-elle un mystère, comme l énonce Jean-Paul Boutellier lorsqu il retrace l histoire de la création du festival Jazz à Vienne. D où l importance, dès le début de ce mémoire, de poser une problématique plus simplifiée : en se demandant quels sont les cheminements du jazz lyonnais de ses débuts à nos jours, il s agit de mettre en lumière ses aspects paradoxaux, sans forcément tenter de leur donner à tout prix un sens. Au terme de ce mémoire, il convient d affirmer que ce paradoxe en question apparaît en filigrane dans le cheminement du jazz à Lyon dès ses débuts. Lyon est en décalage avec le reste du pays depuis maintenant plus d un siècle en 1917, elle ne profite que très peu de l arrivée des soldats américains. Ses orchestres de jazz-variété connaissent leur succès à partir du milieu des années 1930, alors qu à Paris, on émet déjà des tentatives d analyses théoriques du jazz dans des clubs amateurs il faut attendre la sortie du second conflit mondial pour que cela soit chose faite à Lyon, alors que les clubs d amateurs s essoufflent dans le reste du pays. La légitimation du genre attend deux décennies de plus que les tendances générales pour se consolider dans la capitale des Gaules, et les mutations de la scène jazz se font donc attendre. 413 Cette citation célèbre semblerait provenir d une lettre à Gast du 15 juin 1888 de Friedrich Nietzsche. 127

129 Pourtant, Lyon est indéniablement une ville de jazz, historiquement, culturellement, et socialement. Le cheminement du jazz lyonnais a souvent été présenté comme pauvre, et celuici est certes en réel décalage avec le fil général de l histoire du jazz en France et comporte indéniablement des lacunes. Cependant, l histoire lyonnaise du jazz compte la création de quatre Hot-Clubs, la construction d une véritable identité régionale du jazz, le passage de tous les plus grands piliers du jazz, et possède ses propres mythes et figures. Enfin, et par-dessus tout, la ville de Lyon semble être une illustration par excellence d une histoire locale et plurielle du jazz, où l on peut retrouver tous les grands moments de l histoire du jazz générale et en interpréter ses adaptations locales. Lyon et son Hot-Club (ou plutôt, ses Hot-Clubs) sont ainsi l archétype du concept de «catastrophe apprivoisée» développée par Jean Cocteau, mais aussi une illustration très pertinente des ambiguïtés du jazz. C est donc en retraçant l histoire plurielle du jazz lyonnais qu il devient possible de comprendre les difficultés que rencontrent les communautés rassemblées autour d un genre considéré comme une véritable culture, un langage commun, parfois presque une religion. S intéresser à l histoire du jazz lyonnaise, c est mieux comprendre les dynamiques d une ville toute entière, c est débusquer ses histoires cachées, restituer sa «mémoire oubliée» et surtout, faire prendre conscience de la richesse inouïe de cette histoire dans ses ambiguïtés, que l on soit amateur.ice de jazz ou non. Il est donc possible d émettre une hypothèse générale après avoir effectué l analyse du cheminement du jazz lyonnais depuis ses débuts à nos jours : la ville de Lyon est l exemple par excellence de la catastrophe apprivoisée du jazz, de ses évolutions, et de ses paradoxes au fil de sa légitimation aux yeux du grand public tout comme des pouvoirs publics locaux et nationaux. Toujours est-il que l évitement systématique de la ville de Lyon pour installer de grands festivals de jazz reste le paradoxe le plus complexe à résoudre. Cet évitement lyonnais des grands projets culturels semble être une constante de l histoire culturelle lyonnaise, et les exemples se font nombreux. Lyon abrite une des plus grosses collections d automobile, souvent dans l ignorance générale des lyonnais.es ; la ville manque plusieurs occasions d accueillir le festival du Polar ; la Mairie de Lyon bloque les projets de la Halle Tony Garnier pour faire de Lyon la capitale du cinéma Et encore dans le domaine musical, ce n est pas que le jazz qui pâtit de ce paradoxe, mais aussi le rock n roll, dont l histoire particulièrement riche à Lyon est 128

130 inconnue du grand public 414. Résoudre ce paradoxe, au-delà du jazz, semble être une tâche particulièrement complexe, sur laquelle il vaudrait le coup de se pencher plus précisément. Pour Jean-Paul Boutellier, il semble donc bien que le paradoxe du jazz lyonnais réside quelque peu dans le fait que «Lyon ne [sache] pas laisser aux créatifs le rôle de créatifs» Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet Ibid. 129

131 Bibliographie Ouvrages : COOKE, Mervyn, L Histoire du Jazz, Gründ, Paris, 2013 COTRO, Vincent, CUGNY, Laurent & GUMPLOWICZ, Philippe (dir.), La Catastrophe Apprivoisée. Regards sur le jazz en France, Outre Mesure, Paris, 2013 DENIS-CONSTANT, Martin, ROUEFF, Olivier, La France du jazz. Musique, modernité et identité dans la première moitié du XXe siècle. Éditions Parenthèses, Marseille, LOUPIEN, Serge, La France Underground. Free Jazz et Rock Pop, 1965/1979, Le temps des utopies, Rivages, Paris, 2018 RÉGNIER, Gérard, Jazz et société sous l Occupation, L Harmattan, Paris, 2009 TOURNÈS, Ludovic, New Orleans sur Seine. Histoire du jazz en France, Fayard, Paris, 1999 Études, rapports et travaux universitaires : BABÉ, Laurent, Les publics du jazz. Exploitation de la base d enquête du DEPS «Les pratiques culturelles des Français à l ère du numérique Année 2008», Ministère de la Culture et de la Communication, Direction générale de la création artistique, Octobre Direction générale de la création artistique, Ministère de la Culture, Guide pratique d instruction d une demande d agrément des établissements assurant une préparation à l entrée dans les établissements d enseignement supérieur de la création artistique, janvier 2018 Mémoires et Travaux d Études Personnels : BOUTELLIER, Jonathan, Le Jazz à Lyon : Histoire(s), évolutions, perspectives, Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse Paris, 2012 Articles de revues : YVINEC, Yann, «Écrire l histoire du jazz : choix conceptuels et substantiels», Les Cahiers du Jazz, Nouvelle série, n 1, 2004 MOORE, Ryan, Postmodernism and Punk Subculture: Cultures of Authenticity and Deconstruction, The Communication Review, 2004, p ALPER, Garth, Making sense out of postmodern music?, Popular music and society n 24, 2000, p

132 Écrits personnels sur le jazz à Lyon Il s agit ici d écrits personnels sur l histoire du jazz à Lyon fournis lors d entretiens par les personnes concernées, m ayant autorisée à les citer dans mes travaux. BOUTELLIER, Jean-Paul, Histoire du Jazz à Lyon, 2020 SIGAUD, Pierre, Quelques réflexions sur le Hot-Club de Lyon, 2015 Sources d archives : Archives privées de Frédéric Bruckert Il s agit ici de trois classeurs d articles de presse, photographies, et autres sources que Raoul Bruckert (fondateur du Hot-Club de Lyon de 1948) et son fils Frédéric Bruckert (chroniqueur au Progrès et musicien amateur) ont rassemblé. Frédéric Bruckert m a laissé les consulter lors de notre entretien, et donné l autorisation de diffuser certaines sources dans ce mémoire. AMES, Guy, «Quelques notes avec Raoul Bruckert ou : de la cave «d avant-garde» à la consécration au Palais d Hiver», 1956 BRUCKERT, Frédéric, «Cinquante bougies pour le Hot-Club de Lyon», Le Progrès, septembre 1998 BUTHEAU, Robert, «Au bénéfice des vieillards du 2 e arrondissement : l orchestre du «Hot- Club de Lyon» que dirige Raoul Bruckert a été applaudi par trois mille amateurs de jazz», Le Progrès, 1950 DUFOUR, Pierre, «Le Free Jazz a gagné et le Nouvelle-Orléans lyonnais a remporté un vif succès», Dernière Heure, 24 Juillet 1968 GAUTIER, Henri, «Le Hot-Club de Lyon : Défense et illustration du jazz», Jazz Notes, GAUTIER, Henri, «Retour de Raoul Bruckert au Hot-Club où il présdente son nouveau groupe mixte : «Progression», Archives Privées de Frédéric Bruckert J.F.A (initiales de l auteur.e), «Jazz : Raoul Bruckert redessine le Pote Club», Libération, jeudi 24 août 1989 TRASSOUDAINE, Luc, «Le Hot-Club de Lyon a 20 ans : quand les jeunes retrouvent les sources du jazz de papa», 1968 MUSIQUET, Stéphane, «Les «Happies Cookies» veulent transformer la rue du «Quant à soie» en rue du Jazz», Le Progrès, 1 er novembre 1967 VIDAL-BLANCHARD, Jocelyne, «Années quarante : La mode zazou débarque à Lyon», date et publication non-renseignées «Nécrologie : Henri Devay n est plus», auteur et date non-renseignés 131

133 Archives privées de Gérard Vidon Dans le même cas qu avec Frédéric Bruckert, Gérard Vidon m a laissé consulter son classeur d archives relatives au Hot-Club (on y trouve des documents allant des compte-rendus d assemblée générale à des coupures de presses, ou encore des photograhies). Avec son autorisation, quelques éléments sont diffusés dans ce mémoire. BROQUET, Seb, «Lieux. À la poursuite de la 13 e Note», Lyon Capitale, 2-8 septembre 1998 LARGERON, D., «Gérard Vidon, le carrossier du Hot», Les Petites Affiches Lyonnaises, 1998 PENNEC, Jean-Claude, «Hot-Club de Lyon, au jazz pour l éternité», Tribune de Lyon, n 145, 18 septembre 2008 Archives de la Bibliothèque Municipale de Lyon (BML) Chromarat 2081 : Hot-Club de Lyon, Le Hot-Club de Lyon , 40 ans, 1989, Bibliothèque Municipale de Lyon MAGASI MAGREG : Jazz Notes, 3 e édition, : Jazz Notes n 1 : Préface, p.3 Jazz Notes n 2 : DEMICHEL, Jean-Charles, «Une Maison du Jazz en Rhône-Alpes?», Jazz Notes n 2, 3 e série, 1989, p.27 «13 questions, une réponse. Gérard Collomb : ne pas se disperser», Jazz Notes n 2, 3 e édition, 1989, p.25 Jazz Notes n 3 (mai 1989): DE THOU, Maurice, «Dieu créa l Adami», p.13 Jazz Notes n 5 (octobre 1989) : «Pour une association internationale des écoles de jazz», p.13 «Arfi : In and Out», p.22 BLETON, Yves «La Rose des Vins : Naissance d un club», p.21 Jazz Notes n 6 (décembre 1989) : «Traboules Blues Festival, 8 décembre 1989» Jazz Notes n 8 (avril/mai 1990) : DOJAT, Gilbert, «Hot Product : Label, label, quand tu nous tiens!», p.24 Jazz Notes n 9 (juin/juillet 1990) : BIGOT, Jean-Louis, «Edito», p.3 132

134 BIGOT, Jean-Louis, «Table Ronde : Rendez-Vous : Ne ratez pas le rendezvous (P.M., of course!)», p.26 BLUMENTHAL, Laurent, «Interview David Liebman : Goliath, homme d amour», p.32 Jazz Notes n 10/11 (octobre/novembre 1990) : MATHIEU Gérald, «Bilan Jazz à la Lyonnaise», p.13 Archives numérisées de la Bibliothèque Municipale de Lyon Exposition en ligne de la Bibliothèque Municipale de Lyon : «Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon» consultée le 8 avril 2020 Base d archives photographiques : Photographes en Rhône-Alpes Jazz Magazine, juillet août 1978 Journal Officiel de la Préfecture du Rhône Consulté le 25 mai 2020 Filmographie : SOUILLOT, Émilie, Histoire(s) de Jazz : le Hot Club de Lyon, Visiosfeir, 2010 Sitographie : L Arfi, consulté le 24 mars 2020 Le Périscope, consulté le 24 août 2020 La Clef de Voûte, consulté le 10 juillet 2020 Mario Stantchev, consulté le 24 mars 2020 Festival Rhino Jazz, consulté le 23 août 2020 Festival Jazz à Vienne consulté le 23 août 2020 Archives de l INA : «Papy DJ au BC Blues»,

135 Table des annexes Annexe 1 : Illustrations des musicien.ne.s ayant joué au Hot-Club de Lyon par Antoine Desnoyer, 2008, mis à disposition par Gérard Vidon Annexe 2 : Tableau des adresses du Hot-Club de Lyon depuis 1948 Annexe 3 : Robert Butheau, «Au bénéfice des vieillards du 2 e arrondissement : l orchestre du «Hot-Club de Lyon» que dirige Raoul Bruckert a été applaudi par trois mille amateurs de jazz», Le Progrès Annexe 4 : Affiche du Hot-Club de Lyon, 1952 Annexe 5 : Publicité pour le Salon du Jazz au Palais d Hiver (archives privées de Frédéric Bruckert) Annexe 6 : Invitation au bal annuel des élèves et anciens élèves de l école des mines, 20 février 1954 (archives privées de Frédéric Bruckert) Annexe 7 : Photographie du Bal de Médecine de Grange Blanche (Archives Privées de Frédéric Bruckert) Annexe 8 : «Le Progrès a fêté son centenaire en famille», Le Progrès, Archives Privées de Frédéric Bruckert Annexe 9 : «Le bal des sportifs», Archives Privées de Frédéric Bruckert Annexe 10 : Affiche «Art et Charité, Le Hot-Club de Lyon présentent Louis Armstrong», 1952, Archives privées de Frédéric Bruckert Annexe 11 : «Festival de Lyon» : Lionel Hampton premier musicien de jazz à jouer au théâtre romain de Fourvière», Archives privées de Frédéric Bruckert Annexe 12 : Lettre de la Commission Communale de Sécurité au Hot-Club de Lyon, Séance du 15 février 1978, Archives Privées de Gérard Vidon Annexe 13 : reportage sur l AIMRA par «M.W», tiré des Archives Privées de Frédéric Bruckert. Annexe 14 : Lettre aux adhérents du Hot-Club du 7 février 1998, Archives Privées de Gérard Vidon Annexe 15 : Compte-rendu de la réunion du bureau du Hot-Club de Lyon du 5 septembre 1983 Annexe 16 : Panorama des formations régulières du Hot-Club en 1988 (informations tirées du dossier «Le Hot-Club de Lyon : 40 ans »). Annexe 17 : Affiche du 1 er festival de jazz de Rive-de-Gier, janvier 1979, récupérée sur Annexe 18 : «Fréquence Jazz : un concept original et qui marche», auteur et publication non-renseignés, Archives Privées de Frédéric Bruckert Annexe 19 : Résultats du sondage sur le public du jazz lyonnais, Juillet-août 2020 Annexe 20 : Package entreprise du Hot-Club de Lyon Annexe 21 : Lettre de Jean-Charles Demichel du 15 septembre 2017 au Hot-Club de Lyon, Archives Privées de Gérard Vidon 134

136 Annexe 22 : Entretien avec Sami Chidiac, 10 février 2020 Annexe 23 : Entretien avec Frédéric Bruckert, 25 juin 2020 Annexe 24 : Entretien avec Olivier Truchot, 9 juillet 2020 Annexe 25 : Entretien avec Pierre Sigaud, 28 juillet 2020 Annexe 26 : Entretien avec Gérard Vidon, 29 juillet 2020 Annexe 27 : Entretien avec Jean-Paul Boutellier, 30 juillet 2020 Annexe 1 : Illustrations des musicien.ne.s ayant joué au Hot-Club de Lyon par Antoine Desnoyer, 2008, mis à disposition par Gérard Vidon 135

137 Annexe 2 : Tableau des adresses du Hot-Club de Lyon depuis

138 Annexe 3 : Article du Progrès sur le concert pour les vieillards du 2 e arrondissement (archives de Frédéric Bruckert) 137

139 Annexe 4 : Affiche du Hot-Club de Lyon, 1952 (archives de Frédéric Bruckert) 138

140 Annexe 5 : Publicité pour le Salon du Jazz au Palais d Hiver (archives privées de Frédéric Bruckert) Annexe 6 : Invitation au bal annuel des élèves et anciens élèves de l école des mines, 20 février 1954 (archives de Frédéric Bruckert) 139

141 Annexe 7 : Photographie du Bal de Médecine de Grange Blanche (Archives de Frédéric Bruckert) Annexe 8 : «Le Progrès a fêté son centenaire en famille», Le Progrès (Archives de Frédéric Bruckert) 140

142 Annexe 9 : «Le bal des sportifs», (Archives de Frédéric Bruckert) 141

143 Annexe 10 : Affiche «Art et Charité, Le Hot-Club de Lyon présentent Louis Armstrong», 1952, Archives privées de Frédéric Bruckert 142

144 Annexe 11 : «Festival de Lyon» : Lionel Hampton premier musicien de jazz à jouer au théâtre romain de Fourvière» (Archives de Frédéric Bruckert) 143

145 Annexe 12 : Lettre de la Commission Communale de Sécurité au Hot-Club de Lyon, Séance du 15 février 1978 (Archives de Gérard Vidon) 144

146 Annexe 13 : reportage sur l AIMRA par «M.W» (Archives de Frédéric Bruckert) 145

147 Annexe 14 : Lettre aux adhérents du Hot-Club du 7 février 1998 (Archives de Gérard Vidon) 146

148 Annexe 15 : Compte-rendu de la réunion du bureau du Hot-Club de Lyon du 5 septembre

149 Annexe 16 : Panorama des formations régulières du Hot-Club en 1988 ORCHESTRES GENRE MUSICIEN.NE.S Les Happy Stompers André Cornelli (trompette), Raoul Bruckert (sax ténor/clarinette), Marcel «Tchou Tchou» Ducret (clarinette, sax alto, baryton), Marie-Claire Boyadjian (banjo), Serge Boyadjian (trompette), Georges «Papa Jo» Fournier (trombone), Georges «Jojo» Giudice (sax, alto, clarinette soprano),paul François (batterie), Jacky «Agop» Boyadjian (basse, souda, vocal) Big Band de Caluire Big Band Gilbert Dojat (chef d orchestre), Jean-Michel Pirollet, Anne-Sophie Heyraud, Patrice Foudon, Jacques Weber, Thierry Viguier, Olivier Sauvan (saxo), Frédéric Labrosse, Gérard Chassagne, Pascal Fraisse (trombone), Bruno Mathy, Jean-François Paillard, Roland Galina (trompette), Michel Rodriguez (piano), Agnès Balvay (guitare), Corinne Capron (contrebasse), Patrik Sapin (batterie), Christian Lignais (batterie), Sylviane Fessieux (vocal) Jazz Section de Saint- Priest Jean-Luc Cappozo (compositeur, arrangeur, leader), Bernard Arnonian, Gilles Gaviot Blanc, Thierry Méallier (alto sax), Guy Marchi, Gilbert Tiezzi (ténor sax), Marius Scapotta (baryton sax), Michel Jules (guitare), Christian Chanal, Daniel Rochigneux (trombone), Jacky Berthinier, Mario Franco (trompette), Fred Dubois (basse), Denis Peillot (piano), Stéphane Foucher (batterie) Captain Flapscat Philippe «Mozart» Harbonnier (cornet), Denis Limonne (trombone), Jean-Philippe «Pif» Roybier (clarinette), Pierre Scharff (contrebasse), Denis Straub (banjo), Guy Vial (batterie) Dixie s Ramblers Euphonic Klaxon Band Damien de la Perrière (piano), Albert Kuhner (piano solo), Koen (batterie), Jean-Marc Flacher (contrebasse), Bernard Cancade (trombone), Pierre Barde (sax soprano), Antione Sébastien (clarinette) Bruno Curtat (contrebasse), Maggie Molinier (washboard), Marc Molinier (banjo), François Lomonne (cornet), Jean Bassinet (clarinette), Jean-Marx Monez (piano), Patrick Mallon (trombone, klaxon) Flagada Stompers New Orleans André Cornelli (trompette, bugle, arrangements), Georges Fournier (trombone), Georges Guidice (clarinette, soprano, arrangements), Sauveur Rodriguez (piano, arrangements, vocal), Marie-Claire Boyadjian (banjo), Jacky Boyadjian (basse, vocal, arrangements), Claude (batterie, vocal) Hot Swingers Jean-Marc Monnez (piano), Emmanuel Boots (guitare banjo), Dominique Molton (contrebasse), Pierre Moulin (percussion), Serge Crozier (trompette), Marcel Ducret (saxo, clarinette), Alain Tissot (trombone) Old Pepper s Jazz Band Serge Boyadjian (trompette), Eric Vachon (piano), Christian Tomlomias (trombone), Jacques Lagneau (sax soprano/ténor), Bruno Philippe (clarinette/sax alto), Nicolas Karcher (banjo), Jean-Claude Bounin (batterie), Hervé Matagnon (contrebasse) Sweet Mary Cat Jacques Lacroix Quartet Jean-Charles Demichel Trio Medium Swing Mod Swing Quintet Patrick Roux P.M. Rendez-Vous Butterfly Quartet Middle Jazz Bossa Nova Christian Gemin (trompette), Philippe Raspail (saxo ténor), Catherine Gerdil (banjo), Guillaume Gerdil (contrebasse et chant), Marie Dandrieux (batterie), Francis Guéro (trombone) Jacques Lacroix (saxo), André Dumas (piano), André Serfati (batterie), Michel Poncet (contrebasse) Jean-Charles Demichel (piano), Victor Bianco (basse et vocal), André Serfati (batterie) Henry Reymond (clarinette), René Romanes (trombone), Jean-Marc Crambes (piano), Patrick Sapin (batterie), Randy Hemingway (contrebasse) René Dumont (piano), Marcel Ducret (saxo), Ernest Munoz (batterie), Pierre Livrozet (guitare), Roger Clément (basse électrique) Patrick Roux (piano acoustique et électrique) Gilbert Dojat (sax tenor), Pierre Drevet (trompette), Patrick Chastel (batterie), Gil Lacheral (basse), Marc Chalosse (piano), Sylviane Fessieux (voix) Thierry Amiot (trompette, bugle), Pierre-Gérard Verny (piano), Laurent Pscheniska (basse), Eric Echampard (batterie) 148

150 Coca Samba Le Blue Bossa de Lyon Duo Moreliere-Malaval Maxime Vigouroux Quartet Shakok Transit de Vienne Black Boule Clin d Oeil Duo Cancoin-Derderian Equinox Jazz Quintet Philippe Khoury (leader piano/keyboard), Frédéric Vachet (contrebasse/guitare basse), Alain Dumont (batterie/percussions) Hoscine Meniri (batterie), Maurade Meniri (guitare basse), Georges Henri Perrin (piano synthétiseur), Charles Bois (guitare), Berard Videmann (saxo ténor-alto) Didier Morelière, Jérôme Laval (guitare) Maxime Vigouroux (saxo tenor-soprano), Philippe Khoury (piano), Frédéric Vachet (contrebasse), Marc Wolf (batterie) Jeorges-Henry Peyrin (piano), Laurent Blumenthal (saxo), Maurande Meniri (basse), Denis Martins (batterie) Fred Caldero (saxo, flûte, chant), Isabelle Caldero (piano, synthé, chant), Jean-Guy Molière (basse), Jean-Philippe Crespin (guitare) Michel Robert (saxo), Hubert Dupont (contrbasse), Yves Perrin (guitare), Gooby (batterie) Patrick Vareon (saxo), Jean-Luc Durand (guitare), Louis Fruttero (basse), Christian Fau (batterie) Serge Derdeian (saxo ténor), Benoît Cancoin (contrebasse) Eric Masclaux (trompette), Jean Stalter (saxo), Hervé Duclos (piano), Jean-Louis Billoud (basse, arrangeur), Christian Lignais (batterie) Eronel Jazz Quintet Olivier Lataste (contrebasse), Bruno Simon (guitare), Jean-Jacques Marmouillat (saxo ténoralto-soprano),christel Riffaux (vibraphone), Stéphane Foucher (batterie) Guitar Workshop James Darlays Quartet Jean-Louis Almosnino Group Raoul Bruckert Quartet Scope Sonance Soul Dynasty Tripotes Bluegrass 43 Coyotte 2024 Kate Les Taupins Pony Express Chicmic Pepeka Les Tendres Garçons Jazz Moderne Bluegrass Rock Philippe Roche (guitare et direction), Jean-Loup Bonneton, Marc Collomban, Jean-Luc Portalier, Bruno Simon, Claude Tezza (guitare), Jean Nerva (basse), Michel Chionchini (batterie) Jean-Charles Demichel (piano), Christian Ligniais (batterie), Jean-Louis Billoud (basse), James Darlays (tenor, saxo, flûte) Jean-Louis Almosnino (guitare), Patrick Chastel (batterie), Damien Faure (basse), Marc Chalosse (piano), Nadège Haïder (chant) Raoul Bruckert (saxo, clarinette), Philippe Roche (guitare), Patrick Chastel (percussion), Damien Faure (guitare) Eric Masclaux (trompette), Philippe Gilbert (saxo), Jean Sallier-Dolette (piano), Christian Devaux (contrebasse), Patrick Sapin (batterie) Gilles Berchard (guitare, composition), Roland Rakotondrainibe (saxo ténor), Denis Peillot (piano), Jacques Devaux (batterie), Michel Poncet (contrebasse) Jean Stalter (saxo ténor, soprano), Jean-Paul Briffaux (trompette), André Dumas (piano), André Serfati (batterie), Victor Bianco (basse) Michel Chionchini (batterie), Jean Nerva (basse), Bruno Simon (guitare) Jean-Paul Delon (guitare), Alain Audras (contrebasse), Jean-Marc Delon (banjo), Philippe Ochin (mandoline) Steff Chapron (guitare), Christian Labonne (banjo), Pierre-Marie Clerc (mandoline), Dominique Putinier (basse) Kate (basse, chant), Max (guitare), Claudius (guitare), Tipol (batterie) Robert Lambert (guitare, chant), Thierry Romanens (mandoline, voix), Michel Sanlaville (contrebasse, voix) Christopher Howard-Williams (guitare), Patrick Brunet (banjo), Jean-Martin Simon (basse), Thierry Romanens (mandoline) Valentin Pepeka (auteur-compositeur, basse, chant), Michel Guidon (guitare, compositeur), Michel Reynier (batterie) Joss Vandall (batterie, chant), Lord Brett (guitare, chant), Clarke les Boules (basse, choeurs) 149

151 Annexe 17 : Affiche du 1 er festival de jazz de Rive-de-Gier, janvier 1979 (récupérée sur Annexe 18 : «Fréquence Jazz : un concept original et qui marche», auteur et publication non-renseignés (Archives de Frédéric Bruckert) 150

152 Annexe 19 : Résultats du sondage sur le jazz à Lyon, son public et sa réception, Juillet-août

153 152

154 153

155 154

156 Rock rap pop Rock, Blues, Funk, Punk, Fusion, JPop, Electro Swing, Frank Zappa post-rock, indé Folk, rock Classiqu3 Rock indé, indie pop musique classique Rap, indie/folk, rock, soul, blues, chanson française, musiques d'amérique du sud (genre buena vista social club)... Rock, Pop, Blues, Electro/dance, Classique Variété française, rock funk rock blues metal salsa cumbia samba bossa nova MPB house techno d&b Disco pop, classique Musiques actuelles Rock funk jazz fusion Pop, Rock, Soul, Blues Chanson française, rap, rock, pop, electro... Rock, musiques de film, versions instrumentales (genre les versions piano des ghibli) Variété française, soûl Tout ce qui se joue à Tempo Classique et Broadway musicals Soul blues pop, rock, electro, dance, variété... Folk et pop Electro, classique, slam Rock, Soul/Funk, Électro, Post-Punk, JUL Rock, soul, rap, techno Rock'n'roll Rock, pop, électro, SOUL, FUNK, dub, reggae (un peu tout, t'as compris) Punk, rock Pop, rock, classique, electro et "musique du monde" Rock pop chanson française rap blues... Rock'n'roll, blues, folk, chanson française Rock indépendant, blues, pop-rock rock, pop, rock-indé Blues, rock, folk, punk Rock, folk Rap, reaggae, musique française 155

157 Rap, reggae, reggaeton Rap, House, Techno Folk Électronique, alternative, pop Rock, pop, rap, reggaeton, reggae, classique, (et dans une moindre mesure les musiques régionales) Musique traditionnelle principalement (et sinon un peu de tout du folk, à la pop en passant la le blues...) Pop Classique et baroque Musiques électroniques, Chanson française Tout : classique, chanson française, variété, années 80, pop, rap, rnb... Rap et Dancehall Euh, latino, rap, "pop", variété française, électro,... Alternatif, folk, fusion, city pop (musique japonaise des années 1970/1980) Rock, Rap, playlist David Vieux rock, métal, etc Classique, Rap Rap, rock, pop, classique, rnb,... Du blues rock, du rap, de la folk irlandaise aussi rock (indépendant), reggae Un peu de tout Punk, metal, dream pop, rock etc Soul - Funk - Rock - Disco Tous sauf l'électro Oh bah de tout Musiques électroniques, Chanson française Electro Funk, soûl, hop hop, rock, rap Rock, rap, musiques électroniques, roots musics, metal, Classique rock hip hop techno et quelques dizaines de dérivés Rock et blues Musiques africaines De tout Tous sauf techno, électro, hard rock Folk, rock, variété Électronique Rap (français/belge surtout), pop, classique, classique, métal, indé Tout : classique, variété, hip-hop, reggae, rock Electro, blues, EDM, rock et funk et pop Beaucoup de genre en passant par le rock jusqu à l électro Tout Classique pop rock 156

158 Rap / RnB Musique Militaire Classique, soul, rap Rap us et francais Variété francaise Rock, rap, variété Rock, classique, house, pop-folk Hip Hop, Soul, Funk Classique / pop Rock Classique techno 80 s funk rock Rock Rap, variété française, rock, classique Rap, Rock, Pop, Latino... Classique, Métal Rap, Rock, Variété française R&B, Pop, Rock Rock Pop R&B Reggaeton Reggae Classique, pop, electro Soul, R&B, fusion jazz, Electro classique, rap, folk... Rock, pop, rap, house, techno Un peu de tout Reggae rap bossa-nova Classique surtout, sinon French touch car mon compagnon aime beaucoup, électronique un peu Pop, classique tout genre de musiques sauf métal et rap Pop alternative, rock, electro, rap, metal classique, blues, rap, rock Rap, electro 157

159 158

160 Annexe 20 : Package entreprise du Hot-Club de Lyon 159

161 Annexe 21 : Lettre de Jean-Charles Demichel du 15 septembre 2017 au Hot-Club de Lyon (Archives de Gérard Vidon) 160

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