«L'ENFANT ET L'OISEAU»

Transcription

1 «L'ENFANT ET L'OISEAU» Cette histoire se passe au temps où les dragons parlaient encore aux arbres ; là, à l'orée du bois vit un petit garçon que sa mère aime dix fois, cent fois, mille fois plus que tout. Pour le protéger, elle a fait bâtir par les gnomes un immense donjon qui touche presque ciel. Un jour d'hiver, elle dépose dans la chambre de l'enfant une cage de fer blanc d'où s'échappe une ritournelle : «barabatata balibaliba» l'oiseau chante et ses mélodies émerveillent l'enfant qui apprend son langage. Chaque soir la reine prépare pour chacun une part de brioche dont ils se régalent. A la fin de la première année l'oiseau demande à parler à la reine : «oh! reine adorée, ouvre la porte de ma cage, en gage de ma liberté tu recevras les plus grandes richesses car mes pouvoirs sont immenses.» Bernique! la porte de la cage reste close Une deuxième année passe, l'oiseau redemande à parler à la reine : «reine adorée! ouvre la porte de ma cage, en gage de quoi j'exaucerai tous tes voeux car mes pouvoirs sont magiques» Bernique! la porte de la cage reste close Une troisième année passe et l'oiseau demande encore à parler à la reine : «ma reine, cette fois ci je t'en supplie, ouvre la porte de ma cage... ou tu verras s'abattre sur toi les pires sortilèges» Bernique! la porte de la cage reste close A compter de cet instant plus aucun son ne sort du bec de l'oiseau.

2 «mon ami, j'ai tant de peine pour toi, lui murmure l'enfant, je veux t'aider à réaliser ton voeu le plus cher : je vais te rendre ta liberté» et il arrache un de ses cheveux qu'il noue autour du cou de l'oiseau, puis s'empare de la petite clé et malgré l'interdiction de sa mère ouvre la porte de la cage. Avant de s'envoler l'oiseau pique la reine en plein coeur, et tandis que dans un tourbillon de fumée elle se transforme en horrible sorcière il dépose trois plumes blanches au creux de la main du petit garçon : «leur pouvoir t'aidera à surmonter trois épreuves, mais pas plus. Si tu réussis la sorcière redeviendra reine et nos deux coeurs seront réunis pour toujours» l'oiseau parti, la sorcière hurle «grrhâââaa! par tous mes poils de menton! tu auras la punition que tu mérites : je t'enferme au cachot! et que je brûle en enfer si tu en sors un jour vivant» «Cric, Crac» la lourde porte de pierre se referme sur l'enfant. Au pain sec et à l'eau. Un soir ou il se sent plus triste qu'un autre, le garçon chantonne pour se donner du courage : «j'espère que tu es libre et heureux mon oiseau, comme je voudrai être avec toi!» ce faisant son souffle soulève la première des plumes : «monte, le prie t-elle, il est temps de partir à la recherche de ton oiseau, et pour cela tu dois d'abord trouver le château de la gardienne d'oiseaux» L'enfant chevauche la plume et tournoie dans les airs avant de s'aplatir dans les feuillages. Du coeur de la forêt monte une irrésistible odeur de brioche qui l'attire dans une maison de bois. A l'intérieur tout est grand, sauf une petite chaise. Il hésite, puis s'assied sur la plus grande et s'empiffre de brioches. «Bang Bang Bang» la terre tremble sous les pas de l'ogre. Ce qu'il aime, plus encore que les brioches, c'est dévorer les enfants tout frais, tout crus.

3 «enfin de la chair fraîche!» s'écrie t-il affamé, découvrant l'enfant assis sur sa chaise. Et il se jette sur lui, ouvre grand la bouche pour le manger. «un moment» dit l'enfant à l'ogre «tu devrais te déchausser, pour être plus à l'aise» «bien» répond l'ogre en se déchaussant, avant d'ouvrir la bouche pour le manger... «un instant» dit l'enfant à l'ogre «tu devrais mettre une serviette autour de ton cou, pour ne pas te salir» «bien» répond l'ogre en nouant sa serviette, avant d'ouvrir la bouche pour le manger... «attends! s'écrie l'enfant «tu devrais allumer la cheminée, pour ne pas prendre froid» «bien» répond l'ogre en allumant la cheminée, «mais je n'attends plus» Et il jette l'enfant dans sa bouche. Le petit garçon qui a eu le temps de sortir la deuxième plume de sa poche, l'envoie chatouiller le nez de l'ogre. «A...AAAH...ATCHOUM!» l'ogre glisse dans ses chaussettes, s'étrangle avec le noeud de sa serviette et recrache l'enfant avant de basculer les deux pieds en l'air dans la cheminée ou il brûle vif. L'enfant poursuit son chemin dans la forêt. Au creux d'une vallée il trouve un faon à moitié mort de froid : il vient de tomber dans le ruisseau et n'est pas protégé par son pelage trop fin. L'enfant le réchauffe dans ses bras, lui donne à manger quelques baies, lui confectionne un magnifique petit manteau de feuilles.

4 Le faon dans sa gratitude lui confie un secret : «personne n'accède au château des oiseaux car il est situé entre ciel et terre, et entouré d'obstacles infranchissables. Même si tu arrives a approcher la gardienne d'oiseaux, tu ne pourras lui parler car elle ne comprend que le langage des oiseaux. Le seul humain qui le parle aussi est le roi du château» Puis le faon part rejoindre les siens. L'enfant marche, marche encore, tourne et retourne. Il est perdu. Soudain il pense à sa troisième plume qu'il lance dans le ciel. Elle lui indique le chemin du château suspendu. Pour accéder au château, il faut franchir une fosse remplie d'eau. Dix, vingt, trente crocodiles pointent leurs crocs. Le petit garçon voit qu'il ne peut pas y arriver tout seul et il a épuisé les pouvoirs magiques de ses trois plumes. Désespéré, il se met à sangloter «je suis si près du but, comme j'aimerai savoir que mon oiseau est là et qu'il va bien» Le faon entend sa détresse, accompagné de ses frères et soeurs il part en quête de la fée qui change son manteau de feuilles en carrosse. Et tous conduisent l'enfant devant la porte du château.

5 L'enfant qui comprend le langage oiseau sait parler à la gardienne. Il lui raconte tout de son histoire et de la quête de son oiseau. Alors la gardienne lui ouvre les portes du château et l'amène vers l'oiseau. En retirant le cheveu qu'il avait noué à son cou, il découvre que son oiseau merveilleux est devenu plus encore : un oiseau de paradis. «barabatata balibaliba» chantent-ils ensemble. Le roi, intrigué par cette mélodie, invite l'enfant à raconter son histoire. La fille du roi entendant son récit tombe immédiatement amoureuse. Ils se marient en vivent heureux pour toujours. Au loin, dans la forêt, la sorcière redevient reine.

6 FIN