Lectorat de français - dr. S. Tossut LE DISCOURS DIRECT ET LE DISCOURS INDIRECT.

Transcription

1 Lectorat de français - dr. S. Tossut Grammaire LE DISCOURS DIRECT ET LE DISCOURS INDIRECT. On parle de discours direct lorsqu on énonce les paroles prononcées par quelqu un telles qu elles ont été prononcées. On parle de discours indirect lorsqu on rapporte les paroles énoncées par le locuteur de façon synthétique. Pour ce faire, on recourt à un verbe introducteur qui permet d introduire, dans notre propre discours, des paroles que l on a entendues et que l on désire rapporter. Le passage du discours direct au discours indirect comporte, entre autres, la suppression de la ponctuation, des exclamations, des interjections, et, de ce fait, rend le discours indirect moins vivant et moins expressif. Discours direct (L histoire se déroule à l époque de la guerre civile espagnole ; les républicains prisonniers sont interrogés et torturés : on veut leur faire avouer le lieu où se cache un de leurs camarades.) «C est mon frère José qui est anarchiste, dit Juan. Vous savez bien qu il n est plus ici. Moi je ne suis d aucun parti, je n ai jamais fait de politique». Ils ne répondirent pas. Juan dit encore : «Je n ai rien fait. Je ne veux pas payer pour les autres». Ses lèvres tremblaient. Un gardien le fit taire et l emmena. C était mon tour : «Vous voulez appelez Pablo Ibbieta?» Je dis que oui. (Jean-Paul Sartre, Le Mur, Gallimard, Paris, 1939) Le discours direct énonce les propos tels qu ils ont été prononcés par une personne qui n est ni celle qui parle ni celle qui écrit. A l écrit, ces propos sont mis entre guillemets. A l oral, ces mots sont prononcés sur un ton différent qui nous permet de les distinguer des propos du locuteur. Le discours se caractérise donc par le présence de caractères typographiques bien précis qui relèvent de la ponctuation : les guillemets, les deux points Le discours direct est, la plupart du temps, introduit par un verbe déclaratif. Celui-ci peut être neutre «dire, répondre, affirmer, poursuivre, répéter, reprendre,» ou introduire une nuance particulière «réagir, hurler, s indigner,» qui exprime le point de vue de la personne qui transmet les propos en question. D habitude, le verbe introducteur se place en début de phrase. Il dit : «C est mon frère José qui est anarchiste». Il y a inversion du sujet lorsqu il n est pas en début de phrase. «C est mon frère José qui est anarchiste, dit Jean».

2 Discours indirect Lorsqu on rapporte les paroles selon son propre point de vue et, par conséquent, qu on ne répète pas fidèlement les propos énoncés, on utilise le discours indirect. Dès lors : «je» est le locuteur «tu» est l interlocuteur «ici» le lieu où il se trouve «maintenant» le moment de la parole ou de l écriture La passage du style direct au style indirect entraîne plusieurs transformations et à plusieurs niveaux parce que le tout est considéré du point de vue du narrateur. Citons les changements : a) les personnes grammaticales (pronoms personnels, déterminants, pronoms possessifs) b) les indications de lieu et de temps c) les temps des verbes Partons du texte de Sartre pour expliquer ces transformations. Juan dit : «C est mon frère qui est anarchiste.( ) Moi je ne suis d aucun parti, je n ai jamais fait de politique». Verbe introducteur au présent : Juan dit que c est son frère qui est anarchiste. ( ) Il dit que lui, il n est d aucun parti, qu il n a jamais fait de politique. Verbe introducteur à l imparfait : Juan disait que c était son frère qui était anarchiste. Il disait que lui, il n était d aucun parti, qu il n avait jamais fait de politique». a) Les personnes grammaticales. Les pronoms personnels et les adjectifs possessifs de la première, deuxième et troisième personne du singulier ou du pluriel se mettent tous à la troisième personne. Notons cependant que : Les termes qui concernent le narrateur restent ou passent à la première personne. Je t ai dit «Je te téléphonerai» Je t ai dit que je te téléphonerais. Les termes qui concernent l interlocuteur du narrateur restent ou passent à la deuxième personne. Je t ai dit «Je te téléphonerai» Je t ai dit que je te téléphonerais.

3 Les termes qui ne concernent ni le narrateur ni l interlocuteur du narrateur restent ou passent à la troisième personne. C est la cas de l exemple extrait de l ouvrage de Sartre. Je t ai dit «Je lui téléphonerai» Je t ai dit que je lui téléphonerais. b) indications de lieu et de temps Ce changement s explique par le fait que les indications de temps et de lieu sont considérées du point de vue du narrateur. Si le lieu et le temps des paroles sont les mêmes que ceux du récit, il n y a pas de changement. Tu m as dit tout à l heure : «Je partirai demain» Tu m as dit tout à l heure que tu partirais demain. Si le lieu et le temps des paroles ne sont pas les mêmes que ceux du récit, on remarque les changements suivants : ici là maintenant alors aujourd hui ce jour-là hier la veille avant-hier l avant-veille demain le lendemain après-demain le surlendemain dernier précédent prochain suivant c) le temps des verbes Le temps des verbes dépendra du temps du verbe introducteur. Il faudra tenir compte du rapport qui existe entre le verbe de la principale et celui de la subordonnée, à savoir la simultanéité, la postériorité et l antériorité. (cf. fiche sur la concordance des temps) Si le verbe introducteur est conjugué à l indicatif présent ou futur, les verbes du discours indirect restent au même temps que ceux du discours direct. Exemples : Simultanéité : Juan dit : «C est mon frère qui est anarchiste». Juan dit que c est son frère qui est anarchiste. Postériorité : Juan dit : «C est mon frère qui sera anarchiste». Juan dit que c est son frère qui sera anarchiste.

4 Antériorité : Juan dit : «C est mon frère qui était anarchiste». Juan dit que c est son frère qui était anarchiste. Si le verbe introducteur est conjugué à un temps du passé, le temps des verbes de la subordonnée du discours indirect change. Exemples : Simultanéité : Juan a dit : «C est mon frère qui est anarchiste». Juan a dit que c est son frère qui était anarchiste. Postériorité : Juan a dit : «C est mon frère qui sera anarchiste». Juan a dit que c est son frère qui serait anarchiste. Antériorité : Juan a dit : «C est mon frère qui était anarchiste». Juan a dit que c est son frère qui avait été anarchiste. Remarquons, en ce qui concerne la postériorité, que le futur dans le passé est exprimé par le conditionnel présent en français, alors qu en italien il est exprimé par le conditionnel passé. Si le verbe du discours direct est conjugué à l impératif présent, la transposition en style indirect nous oblige à créer une proposition infinitive, une subordonnée au subjonctif ou une subordonnée avec un semi-auxiliaire. Exemples: «Attendez un instant!» Il me prie d attendre un instant.(infinitive). Il demande que j attende un instant.(subordonnée au subjonctif) Il dit que je dois attendre un instant.(subordonnée avec un semi auxiliaire) Exemples : L interrogation indirecte. Elle demande : «Où vont-ils?» Elle demande où ils vont. Elle demande : «As-tu faim?» Elle demande si tu as faim. Le passage de l interrogation directe à l interrogation indirecte entraine les transformations suivantes : -la ponctuation (point interrogatif, guillemets, ) disparaît -l inversion du sujet disparaît -l intonation disparaît

5 -l utilisation de la conjonction «si» quand il s agit d une question totale -l utilisation d un mot interrogatif quand il s agit d une question partielle -«qu est-ce que?» ce que -«qu est-ce qui?» ce qui

6 Exercices. Transposez le texte suivant en discours indirect, le verbe introducteur est conjugué dans un premier temps à l indicatif présent et dans un deuxième temps au passé composé. Cette ouvrage de Duras est, en fait, un scénario. C est l histoire d une rencontre entre un Japonais et une Française qui séjourne au Japon pour tourner un film sur la catastrophe de Hiroshima. Cette relation rappelle à cette jeune femme le grand amour de sa vie : un soldat allemand qu'elle a aimé passionnément pendant la deuxième guerre mondiale, une histoire qui se termine à cause de la folie des hommes. Lui : Tu as peur? Elle : Non Lui : Assieds-toi. Elle : Tu es tout seul à Hiroshima? ta femme, où elle est? Lui : Elle est à Unzen, à la montagne. Je suis seul. Elle : Elle revient quand? Lui : Ces jours-ci. Elle : Comment elle est, ta femme? Lui : Belle. Je suis un homme qui est heureux avec sa femme. Elle : Moi aussi je suis une femme qui est heureuse avec son mari. Lui : Ç aurait été trop simple. Elle : Tu ne travailles pas l après-midi? Lui : Oui. Beaucoup. Surtout l après-midi. Elle : C est une histoire idiote. C est pour moi que tu perds ton après-midi? Mais dis-le. Lui : Il était français, l homme que tu as aimé pendant la guerre? Elle : Non il n était pas français. Oui, c était à Nevers. On s est d abord rencontrés dans des granges. Puis dans des ruines. Et puis dans des chambres. Elle : Et puis, il est mort. Moi dix-huit ans et lui vingt-trois ans. Pourquoi parler de lui plutôt que d autres? Lui : Pourquoi pas? Elle : Non. Pourquoi? Lui : A cause de Nevers, je peux seulement commencer à te connaître. Marguerite Duras, Hiroshima mon amour, pp

7 Corrections. Indicatif présent : Il lui dit de s asseoir. Elle lui demande s il est tout seul à Hiroshima et où est sa femme. Il lui répond qu elle est à Uzen, à la montagne et qu il est tout seul. Elle lui demande quand elle revient. Il lui répond qu elle revient ces jours-là. Elle lui demande comment est sa femme. Il lui répond qu elle est belle, qu il est un homme heureux avec sa femme. Elle dit qu elle aussi elle est une femme heureuse avec son mari. Il dit que cela aurait été trop simple. Elle lui demande s il travaille l après-midi. Il lui répond que oui, qu il travaille beaucoup et surtout l après-midi. Elle déclare que c est une histoire idiote. Elle lui demande s il perd son après-midi pour elle. Elle lui demande de le dire. Il lui demande si l homme qu elle a aimé pendant la guerre était français. Elle lui avoue qu il n était pas français. Elle ajouté que c était à Nevers. Indicatif passé composé : Il lui a dit de s asseoir. Elle lui a demandé s il était tout seul à Hiroshima, où était sa femme. Il lui a répondu qu elle était à Uzen, à la montagne et qu il était tout seul. Elle lui a demandé quand elle revenait. Il lui a répondu qu elle revenait ces jours-là. Elle lui a demandé comment était sa femme. Il lui a répondu qu elle était belle, qu il était un homme heureux avec sa femme. Elle a dit qu elle aussi elle était une femme heureuse avec son mari. Il a dit que cela aurait été trop simple. Elle lui a demandé s il travaillait l après-midi. Il lui a répondu que oui, qu il travaillait beaucoup et surtout l après-midi. Elle a déclaré que c était une histoire idiote. Elle lui a demandé s il perdait son après-midi pour elle. Elle lui a demandé de le dire. Il lui a demandé si l homme qu elle avait aimé pendant la guerre était français. Elle lui a avoué qu il n était pas français. Elle a ajouté que c était à Nevers.