Lecture analytique n 7

Transcription

1 Lecture analytique n ESTELLE : Monsieur, avez-vous un miroir? (Garcin ne répond pas.) Un miroir, une glace de poche, n'importe quoi? (Garcin ne répond pas.) Si vous me laissez toute seule, procurez-moi au moins une glace. Garcin demeure la tête dans les mains, sans répondre. INÈS, avec empressement : Moi, j'ai une glace dans mon sac. (Elle fouille dans son sac. Avec dépit :) Je ne l'ai plus. Ils ont dû me l'ôter au greffe. ESTELLE : Comme c'est ennuyeux. Un temps. Elle ferme les yeux et chancelle. Inès se précipite et la soutient. INÈS : Qu'est-ce que vous avez? ESTELLE, rouvre les yeux et sourit : Je me sens drôle. (Elle se tâte.) Ça ne vous fait pas cet effetlà, à vous : quand je ne me vois pas, j'ai beau me tâter, je me demande si j'existe pour de vrai. INÈS : Vous avez de la chance. Moi, je me sens toujours de l'intérieur. ESTELLE : Ah! oui, de l'intérieur... Tout ce qui se passe dans les têtes est si vague, ça m'endort. (Un temps.) Il y a six grandes glaces dans ma chambre à coucher. Je les vois. Je les vois. Mais elles ne me voient pas. Elles reflètent la causeuse, le tapis, la fenêtre... comme c'est vide, une glace où je ne suis pas. Quand je parlais, je m'arrangeais toujours pour qu'il y en ait une où je puisse me regarder. Je parlais, je me voyais parler. Je me voyais comme les gens me voyaient, ça me tenait éveillée. (Avec désespoir.) Mon rouge! Je suis sûr que je l'ai mis de travers. Je ne peux pourtant pas rester sans glace toute l'éternité. INÈS : Voulez-vous que je vous serve de miroir? Venez, je vous invite chez moi. Asseyez-vous sur mon canapé. ESTELLE, indique Garcin : Mais... INÈS : Ne nous occupons pas de lui. ESTELLE : Nous allons nous faire du mal : c'est vous qui l'avez dit. INÈS : Est-ce que j'ai l'air de vouloir vous nuire? ESTELLE : On ne sait jamais... INÈS : C'est toi qui me feras du mal. Mais qu'est-ce que ça peut faire? Puisqu'il faut souffrir, autant que ce soit par toi. Assieds-toi. Approche-toi. Encore. Regarde dans mes yeux : est-ce que tu t'y vois? ESTELLE : Je suis toute petite. Je me vois très mal. INÈS : Je te vois, moi. Tout entière. Pose-moi des questions. Aucun miroir ne sera plus fidèle. Estelle, gênée, se retourne vers Garcin comme pour l'appeler à l'aide. ESTELLE : Monsieur! Monsieur! Nous ne vous ennuyons pas par notre bavardage? Garcin ne répond pas.

2 idées essentielles : - Garcin reste dans son coin et ne daigne pas répondre à Estelle - Estelle et Inès se vouvoient au début - Inès commence à tutoyer Estelle - Beaucoup de fois le mot «miroir» - Estelle essaie d'attirer l'attention de Garcin - Inès essaie d'attirer Estelle vers elle - Estelle se sent mal à l'aise avec Inès - Inès est entreprenante, elle donne des ordres à Estelle Problématique : en quoi Estelle a-t-elle besoin du regard des autres pour exister? A- Estelle est une femme qui aime être belle 1) Elle veut son miroir et ne supporte pas d'être mal maquillée (comique de caractère + champ lexical du miroir) 2) Elle essaie d'attirer l'attention de Garcin même si celui-ci l'ignore (questions directes et indirectes + Didascalies) 3) Elle est le centre de toutes les attentions (passé) B- Inès lui propose d'être le regard dont elle a besoin 1) Elle la vouvoie puis la tutoie (pronoms personnels + didascalies concernant Inès) 2) Elle lui donne des ordres (injonctions, conseils) 3) Elle lui dit d'ignorer Garcin (points de suspension + jeu de mots) C- Estelle a peur d'inès 1) Estelle évite de vouvoyer/tutoyer Inès (pronoms personnels de la première et de la troisième personnes) 2) Estelle appelle Garcin à l'aide (didascalies + didascalies concernant Estelle) JE CITE JE NOMME J'EXPLIQUE ESTELLE : Monsieur, avezvous un miroir? Un miroir, une glace de poche, n'importe quoi? Si vous me laissez toute seule, procurez-moi au moins une glace. // Nous ne vous ennuyons pas par notre bavardage? Questions (directes et indirectes) Estelle pose des questions à Garcin. Elle lui demande s'il n'a pas un miroir. Elle veut vérifier que son maquillage est bien mis. Comme il ne répond pas, elle insiste. Elle finit par s'emporter. Le mot «miroir» n'est pas compris par Garcin, la première fois : il sait que les objets sont inutiles.

3 (Garcin ne répond pas.) (Garcin ne répond pas.) Garcin demeure la tête dans les mains, sans répondre. Garcin ne répond pas. ESTELLE : Monsieur, avezvous un miroir? Un miroir, une glace de poche, n'importe quoi? Si vous me laissez toute seule, procurez-moi au moins une glace. Garcin demeure la tête dans les mains, sans répondre. INÈS, avec empressement : Moi, j'ai une glace dans mon sac. Elle ferme les yeux chancelle. et ESTELLE, rouvre les yeux et sourit Ça ne vous fait pas cet effet-là, à vous : quand je ne me vois pas, j'ai beau me tâter, je me demande si j'existe pour de vrai. Il y a six grandes glaces dans ma chambre à coucher. Je les vois. Je les vois. Mais elles ne me voient pas. comme c'est vide, une glace où je ne suis pas. Quand je parlais, je m'arrangeais toujours pour qu'il y en ait une où je puisse me regarder. Je parlais, je me voyais parler. Je me voyais comme les gens me voyaient, ça me tenait éveillée. Je ne peux pourtant pas rester sans glace toute l'éternité. INÈS : Voulez-vous que je vous Didascalies Champ lexical du regard, du miroir Elle a peur d'être seule et surtout d'être seule avec Inès. Garcin ne veut pas entrer dans le jeu d'estelle. Il veut rester à l'écart du groupe. Il sait que s'il se joint à Estelle, Inès sera contre eux. Il préfère que chacun reste seul. Estelle est celle des trois personnages qui a le plus besoin d'un miroir. Elle est narcissique. Garcin, lui, refuse de voir : il n'a pas besoin des autres. Inès, elle, a compris qui est Estelle et lui propose de devenir son miroir : pour cela, il faut que les deux femmes soient très proches l'une de l'autre...

4 serve de miroir? Regarde dans mes yeux : est-ce que tu t'y vois? ESTELLE : Je me vois très mal. INÈS : Je te vois, moi. Aucun miroir ne sera plus fidèle. ESTELLE : Comme c'est ennuyeux. comme c'est vide, une glace où je ne suis pas. Mon rouge! Je suis sûr que je l'ai mis de travers. Je ne peux pourtant pas rester sans glace toute l'éternité. INÈS : Qu'est-ce que vous avez? ESTELLE (...) Ça ne vous fait pas cet effet-là, à vous. INÈS : Vous avez de la chance. INÈS : Voulez-vous que je vous serve de miroir? Venez, je vous invite chez moi. Asseyez-vous sur mon canapé. ESTELLE : Nous allons nous faire du mal : c'est vous qui l'avez dit. INÈS : Est-ce que j'ai l'air de vouloir vous nuire? INÈS : C'est toi qui me feras du mal. Mais qu'est-ce que ça peut faire? Puisqu'il faut souffrir, autant que ce soit par toi. Comique de caractère Passage du vouvoiement au tutoiement Estelle devient comique, parce que son seul problème est de ne pas avoir de miroir. Elle veut se voir. Elle a plusieurs miroirs dans sa chambre. Elle est coquette. Elle veut s'assurer que son maquillage est bien mis, alors qu'elle est condamnée à rester dans cette pièce pendant une éternité. [OUVERTURE : C'est aussi inutile que la brosse à dents de Garcin, dans la scène 1 / Elle voulait un canapé assorti à ses vêtements.] Inès et Estelle se vouvoient au début de la scène, par politesse. Ensuite, Inès tutoie Estelle, pour se rapprocher d'elle, la mettre en confiance. AXE III : Estelle, de son côté, n'opte ni pour le vouvoiement, ni pour le tutoiement : elle semble gênée par le rapprochement d'inès, l'évite un peu. A la fin de la scène, elle se tourne vers Garcin.

5 Assieds-toi. Approche-toi. Encore. Regarde dans mes yeux : est-ce que tu t'y vois? INÈS : Je te vois, moi. Quand je parlais, je m'arrangeais toujours pour qu'il y en ait une où je puisse me regarder. Je parlais, je me voyais parler. Je me voyais comme les gens me voyaient, ça me tenait éveillée. INÈS : Venez, je vous invite chez moi. Asseyez-vous sur mon canapé. INÈS : Ne nous occupons pas de lui. INÈS : ( ) Assieds-toi. Approche-toi. Encore. Regarde dans mes yeux : est-ce que tu t'y vois? INÈS : Je te vois, moi. Tout entière. Pose-moi des questions. ESTELLE, indique Garcin : Mais... ESTELLE : On ne sait jamais... ESTELLE, indique Garcin : Imparfait Injonctions Conseils Points de suspension Didascalies Estelle raconte la vie qu'elle menait avant. Elle est nostalgique. Elle ne pense qu'à elle. Elle aimait être l'objet de tous les regards. Elle est narcissique. Inès donne des ordres à Estelle. Elle lui fait des propositions. Elle éprouve du désir pour Estelle. Elle veut se rapprocher d'elle, en la mettant en confiance. Elle domine Estelle, qui est faible. Estelle n'a pas de volonté. Elle est prête à céder pour ne pas êtres seule [OUVERTURE : Estelle est décidée à ne pas être seule ; elle va se rapprocher de Garcin, qui est pourtant un être insupportable / Garcin, lui non plus, ne veut pas rester seul : avec le garçon d'étage et quand la porte s'ouvre]. Inès coupe la parole à Estelle. Elle ne veut pas qu'elle s'occupe de Garcin ou qu'elle lui échappe : elle la veut pour elle seule. Les répliques d'inès sont plus longues que celles d'estelle, qui fuit le dialogue et cherche un secous auprès de garcin. Estelle veut éviter le tête-àtête avec Inès. Elle cherche

6 Estelle, gênée, se retourne vers Garcin comme pour l'appeler à l'aide. la compagnie, la présence de Garcin. Un temps. Elle ferme les yeux et chancelle. ESTELLE, rouvre les yeux et sourit : Je me sens drôle. (Elle se tâte.) (Un temps.) (Avec désespoir.) Estelle, gênée, INÈS, avec empressement : Moi, j'ai une glace dans mon sac. (Elle fouille dans son sac. Avec dépit :) Aucun miroir ne sera plus fidèle. Didascalies concernant Estelle Didascalies concernant Inès Jeu de mots Estelle ne sait pas où se mettre. Elle réfléchit, elle essaye de se sentir vivante, mais elle n'obtient pas ce qu'elle veut. L'alliance avec Inès ne lui convient pas, la gêne. Elle veut à tout prix aider Estelle, pour que celle-ci se rapproche d'elle. Elle est déçue de ne pas pouvoir lui faire plaisir en lui donnant un miroir de poche. Elle devra trouver une solution, bien meilleure : en devenant son miroir, elle se rapproche physiquement d'elle. Un miroir est fidèle, parce qu'il renvoie l'exacte image. La fidélité, c'est l'exclusivité, c'est l'amour parfait. C'est une attaque contre Garcin, qui n'était pas fidèle.