Le principe de proportionnalité et le droit de grève : La recherche d un équilibre juste entre intérêts divergents. Sous la direction de :

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1 Lorenzo Jessica Master 2 droit social Année universitaire Université de Nantes Faculté de droit et de sciences politiques Le principe de proportionnalité et le droit de grève : La recherche d un équilibre juste entre intérêts divergents (Droit français à la lumière du droit espagnol et du droit communautaire) Sous la direction de : Patrick Chaumette

2 SOMMAIRE REMERCIEMENTS 3 AVERTISSEMENT.4 INTRODUCTION 5 PARTIE I. LA PROPORTIONNALITE OU LA RECHERCHE D UN JUSTE EQUILIBRE COMME JUSTIFICATION AUX LIMITES DU DROIT DE GREVE...15 A. LES LIMITES INTERNES DU DROIT DE GREVE : UN PRINCIPE DE PROPORTIONNALITE LATENT RESTAURANT L EQUILIBRE AU SEIN DE LA RELATION DE TRAVAIL...15 B. LA PROPORTIONNALITE DES MESURES ENCADRANT LA GREVE DANS LES «SERVICES ESSENTIELS» : LA RECHERCHE D UNE CONCILIATION ENTRE INTERETS PROFESSIONNELS ET DROIT DES USAGERS...70 PARTIE II. LA PROPORTIONNALITE COMME TRAIT D UNION ENTRE LE DROIT DE GREVE ET L INTERET DE L ENTREPRISE : LA SANCTION DE L ABUS DU DROIT GREVE...54 A. UN CONTROLE DE PROPORTIONNALITE SOUS-ENTENDU DANS LES NOTIONS DE «DESORGANISATION DE L ENTREPRISE» ET «TROUBLE MANIFESTEMENT ILLICITE»...54 B.L EVOLUTION DE LA PROPORTIONNALITE : LA FIN DES EQUILIBRES PAR LA SOUMISSION DU DROIT DE GREVE AUX LIBERTES ECONOMIQUES COMMUNAUTAIRES...70 ANNEXES 81 BIBLIOGRAPHIE.91 TABLE DES MATIERES 100 2

3 REMERCIEMENTS Tout d abord je tiens à remercier mon directeur de mémoire, Patrick Chaumette, pour sa grande disponibilité et ses conseils qui m ont permis de mener à bien ce mémoire relatif au principe de proportionnalité et le droit de grève. Je remercie également les professeurs Jésus Cruz Villalon ainsi que le professeur Santiago González Ortega pour m avoir orienté dans mes recherches et fourni des documents d étude concernant le droit de grève et le principe de proportionnalité en Espagne. Je remercie chaleureusement, Camille de m avoir relu et aidé à retrouver une motivation après une période difficile. Ainsi qu Emmy et Martine pour leur aide et leur conseils concernant l orthographe et la syntaxe française qui reste toujours un peu compliquée pour moi. Enfin, je tiens à exprimer ma gratitude à l ensemble de mes proches pour le soutient qu ils m ont apporté dans ce travail de recherche. 3

4 AVERTISSEMENT Afin de réaliser ce mémoire plusieurs documents, et ouvrages en espagnol ont été utilisés et mentionnés tout au long de cette étude. Les traductions de l espagnol au français essaient de retranscrire et respecter au maximum l essentiel de la pensée des auteurs et de la jurisprudence. 4

5 INTRODUCTION «Nous percevons aisément ce que peut être la proportionnalité du prix par rapport à la qualité du produit acheté ou la proportionnalité des grandeurs de l œuvre du peintre ou de l architecte. Sa transcription au sein de relations juridiques est plus complexe et suppose de reprendre chacun des termes de la définition» 1. Il semble important dans un premier temps de définir ce qu est la proportionnalité afin de comprendre pourquoi c est devenu un principe juridique en droit du travail, et à fortiori pourquoi ce principe s est si bien accommodé dans le droit des conflits collectifs. En effet, tout au long de cette étude on mettra en lumière le principe de proportionnalité par rapport aux conflits collectifs. Cependant, on entendra comme conflits collectifs essentiellement le droit de grève. D une part, parce qu au niveau sociologique «la grève a écarté toutes les autres formes d actions préindustrielles» 2 et parce qu également, d un point de vue historique «c est dans les grèves que le prolétariat affirme son existence» 3. D autre part, d un point de vue juridique, de toutes les autres formes d externalisation d un conflit au travail c est l action collective qui a été choisie «comme instrument légitime de régulation sociale» 4. En effet, de toutes les actions collectives pouvant exister c est la grève qui sera inscrite à l alinéa 7 du préambule de 1946 repris par la Constitution française 1958 et à l article 28.2 de la Constitution espagnole. Aussi, au niveau du droit européen, qui nous intéressera tout particulièrement ici, en comparaison avec les deux ordres juridiques précédents, il est prévu à l article 13 de la Charte des droits fondamentaux de 1989 que «le droit de recourir en cas de conflits d intérêts à des actions collectives inclut le droit de grève». Dans le langage courant la proportionnalité renvoi à un langage mathématique, on peut alors être surpris de voir accolé un terme mathématique à une liberté fondamentale comme 1 Isabelle Cornesse in «la proportionnalité en droit du travail» préface Paul-Henri Antonmatei, bibliothèque de droit de l entreprise, éditions Litec. 2 Alain Supiot in «revisiter les droits de l actions collective» publié en droit social 2001 (n 7/8) pp G.Sorel, cité in «conflit/grève : de quoi parle-t-on?» Dans les luttes quotidiennes au travail, rapport de recherche, centre d études et de l emploi, juin 2008 pp.16 et Sirot Stéphane in «le syndicalisme, la politique et la grève» éditions Arbre bleu, collection le corps social, 2011 Nancy. 5

6 l est la liberté de faire grève. Il convient alors de rechercher l étymologie du mot proportionnalité. Le Français et l Espagnol étant deux langues latines, la même racine a été trouvé dans les mots «proportionnalité» (fr) et «porporcionalidad» (esp). Les deux langues l ont emprunté au latin proportionnalitas. Ainsi, le dictionnaire historique de la langue française d A. Rey et le dictionnaire de la real academia española donneront le même parcours de ce mot dans l histoire des deux langues. On trouvera le terme proportionnalité/proporcionalidad dans la définition de proportion/proporcion. Effectivement, le premier sens du mot proportionnalité renvoi aux mathématiques et plus particulièrement à des règles arithmétiques dans ces deux langues latines. Ainsi, on trouvera quasiment la même définition en espagnol et en français. Il s agit «d un rapport constant entre deux ou plusieurs grandeurs» 5 qui renvoie à une égalité quantitative de «grandeurs mesurables qui sont ou dont les mesures sont ou restent dans des rapports égaux» 6. Ce qui donne naissance à la définition moderne de ce terme 7 «ensemble de dimensions qui caractérisent un tout, considérées les unes par rapport aux autres» 8. On peut déduire de ce terme un rapport d égalité entre les mesures. Cependant, on s est inspiré des mathématiques pour lui donner un deuxième sens. Par l adjectif «proportionné» on entend un «rapport de convenance, de logique, ou de mesure entre les parties d un tout» 9. On parlera alors de la proportionnalité comme d une «juste répartition». D ailleurs, selon Isabelle Cornesse, il s agit de rétablir un «équilibre relatif». La proportionnalité dans son deuxième sens devient une finalité, la recherche d un équilibre non plus quantitatif mais qualitatif ;c est la recherche d un juste milieu. La proportionnalité prend alors une connotation positive 10 ; on recherche une «conciliation» qui est l idée même de justice. En d autres termes, la proportionnalité au sens moderne du 5 Dictionnaire encyclopédique Hachette sous la direction de Marc Moingeon voir «proportion». 6 W. Jellinek cité par X.PHILIPPE le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudences constitutionnelles et administratives française, préface CH.Debbash, economica PUAM A. REY Dictionnaire de l histoire de la langue française «voir proportion». 8 ibid voir «proportion». 9 F.DELPERE, le principe de proportionnalité en droit public, in rapports belges du Xème congrès international de droit comparé à budapest, aout 1978, Bruxelles, Bruylant, 1978 p.503 et s. 10 BENOIT GENIAUT la proportionnalité dans les relations de travail préface Antoine Jeammeaud, nouvelles bibliothèques de thèses éditions Dalloz, page 2 et 3. 6

7 terme nous renvoi à un rapport comprenant plusieurs parties qui doivent former un tout harmonieux. On apprend qu il existe une connotation négative de l adjectif proportionné, en ajoutant le substantif en français «(dis) proportionné» et en espagnol «(des)proporcionado», qui renvoi à l expression «hors de proportion» (fr) et «fuera de proporcion» (esp). Le principe de proportionnalité est donc assorti d un contrôle particulier qui sanctionne un acte qui aurait dépassé ses fins ; il s agit de rétablir une justesse dans une situation donnée. C est par ce deuxième sens que le terme proportionnalité a fait son apparition dans l église catholique. Ce sont d abord des grands théologiens qui ont utilisé la proportionnalité en dehors de son sens mathématique. Nous retrouvons des figures comme Augustin, Saint thomas d Aquin, Francisco de Vitoria, ou Suarez qui ont employé de façon implicite ce terme au sujet de la question de la «guerre juste». Il s agissait de savoir si une guerre était juste parce que la fin justifiait les moyens. A cette époque où l on pensait que la guerre était un moyen d éduquer les peuples indigènes, on mesurait la justesse de la guerre en se posant 4 questions : 1. L acte dont résulte le mal (la guerre) est-il bon? 2. L intention du sujet est-elle droite (éduquer les peuples indigènes)? 3. L effet bon résulte t-il de l acte bon? 4. L action en question était-elle l ultime recours 11? Si la réponse aux quatre questions était positive alors on pouvait parler d une guerre juste. Pour résumer en des termes plus actuels, il s agit tout simplement de motifs tenant au raisonnable, au sérieux, au nécessaire et au pertinent. La proportionnalité vient ici sanctionner le manque d équilibre afin de rétablir une modération. Alors, en partant de cet exemple historique on peut mieux comprendre ce qu est la proportionnalité en droit. En effet, «En droit, on parle volontiers d une décision juste, modérée, ou adaptée» 12. Le principe de proportionnalité a un corollaire qui est le contrôle de proportionnalité ayant pour objet la sanction d une action disproportionnée. Il s agit de rétablir un équilibre en conciliant deux intérêts divergents afin de restaurer un bien 11 MARC FEIX in «essai de généalogie des principes», revue d éthique et de théologie morale 2011/4 n 467 cairn info. 12 Vocabulaire juridique Capitant. 7

8 commun. Cela se reflète dans le symbole même de la justice : la balance. Lorsqu un des intérêts pèse de manière disproportionnée face à un autre le juge doit rétablir l équité. En droit le principe de proportionnalité renvoi à des notions d égalité, d équité et de bien commun. Le contrôle de proportionnalité trouve son berceau en république fédérale allemande à la fin du XIXème siècle 13. Il se développe d abord en droit public et apparait comme un moyen de limitation du pouvoir des autorités publiques en matière d atteinte aux libertés fondamentales. C est par le biais du contrôle de proportionnalité que le juge mesure la proportionnalité de la restriction faite à une liberté fondamentale par l administration ou par le législateur. Le juge allemand apprécie le caractère raisonnable, le sérieux et la nécessité de la décision. Le principe de proportionnalité assorti de son contrôle a inspiré le droit administratif français et surtout la jurisprudence du Conseil d Etat. Le juge administratif l utilise pour limiter également le pouvoir de l administration dans les restrictions des libertés des individus. Le principe de proportionnalité n est pas spécialement consacré mais il est «latent» 14. Le droit communautaire a clairement consacré ce principe 15. En effet, les juges de la Cour de justice de l Union européenne l utilisent pour mesurer l atteinte aux libertés économiques tant protégées par le droit de l Union. Le principe de proportionnalité intéresse tout particulièrement les libertés fondamentales et notamment le droit du travail étant donné qu on ne peut qu affirmer que «le droit du travail est la terre d élection des droits de l homme» 16. D ailleurs, en droit français une des 4 lois Auroux 17 a introduit le principe de proportionnalité dans le Code du travail de manière très explicite en affirmant que : «Nul ne peut porter atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche accomplies ni proportionnées au but recherché». Cet article s adresse particulièrement à l employeur. En effet, le salarié en tant que citoyen 13 On trouve également l idée dans les pays du Common law à travers la notion de reasonablennes mais c est de surtout de l Allemagne que les différents auteurs parlent comme naissance du principe de proportionnalité à proprement parler. 14 CE 19 février 1909 Ollivier et CE 19 février 1933 affaire Benjamin, grands arrêts de la jurisprudence administrative pg 181 et pages Protocole n 2 du Traité de Lisbonne. 16 JM verdier et J.Savatier in Melanges, PUF 1992 paris. 17 Loi n du 4 aout 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l entreprise, Codifié à l article L du Code du travail. 8

9 travailleur ne peut voir restreindre ses libertés fondamentales durant le temps de travail malgré le lien de subordination qui le lie à l employeur. On peut dire que, malgré des doutes soulevés par deux colloques sur l existence du principe et du contrôle de proportionnalité en droit privé 18, dans les années 2000, deux thèses 19 nous ont démontré qu aujourd hui ce principe gouverne aussi bien le droit du travail que les relations de travail. En Espagne, le principe de proportionnalité a également fait son apparition dans les relations de travail et a «poussé» à l écriture d une thèse en 2011 par un juriste d origine chilienne, Jose Luis Cataldo Ugarte 20. Celui-ci nous enseigne qu en Espagne si ce principe n a pas été explicitement consacré par une loi comme c est le cas en France avec l article L du Code du travail, le tribunal Constitucional 21 lors de la décision STC 219/1992 nommée par la doctrine «el despiezador de jamones» (les dépeceur de jambons) 22 s en est chargé. Cette décision a donné au principe de proportionnalité, dans les relations de travail, les mêmes attributs qu en France. A savoir que, malgré le lien de subordination qu unit le travailleur à l employeur ce dernier ne peut restreindre sans raison les libertés fondamentales des travailleurs. En droit français comme en droit espagnol on comprend que le premier sens du contrôle de proportionnalité est de protéger les libertés fondamentales du salarié contre un pouvoir disciplinaire qui serait disproportionné. Le principe de proportionnalité serait d abord un principe «d application verticale». Le contrôle de proportionnalité vient sanctionner une décision de l employeur ou de l administration qui rend sans objet l exercice d une liberté fondamentale. On a pu voir cela notamment dans certaines jurisprudences de la Chambre 18 «Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé?» rapport introductif, Martine Behar-Souchais colloque par le centre de droits des affaires et de gestion 20 mars 1998 Paris. Et «les figures du contrôle de proportionnalité en droit français» Discours introduction Valérié Goesel-Le Bihan, faculté de droit et d économie de la Reunion 4 et 5 juin Isabelle Cornesse in» la proportionnalité en droit du travail» préface Paul henri Antonmatei, bibliothèque de droit de l entreprise, éditions Litec. Et Benoit Géniaut «la proportionnalité dans les relations de travail» préface Antoine Jeammeaud, nouvelles bibliothèques de thèses éditions Dalloz 20 José Luis Ugarto Cataldo «La colisión de derechos fundamentales en el contrato de trabajo y el principio de proporcionalidad» sous la direction de Manuel Carlos Palomeque université de Salmanque, collection TD. Ciencias sociales, En Espagne, les différends arrêts rendus par les tribunaux traitant des affaires sociales, ne font pas l objet de sources de droit du travail comme c est le cas en France. C est essentiellement les décisions rendues par le Tribunal Constitutionnel qui sont utilisées. 22 PARDO FALCON, J. Los derechos fundamentales como límites de los poderes jurídicos del empresario cité par J.L Ugarto Cataldo lorsqu il parlait de la sentence rendue par le tribunal constitucionnal (STC 99/1994) à propos d un salarié «dépeceur de jambons» qui fut licencié pour avoir refusé de se faire filmer par la télévision espagnole durant sa prestation de travail lors d un reportage qui s effectuait dans l entreprise dans laquelle il travaillait. 9

10 sociale de la Cour de Cassation. Par exemple, la nullité d une clause de résidence imposée au salarié parce qu elle heurte le droit au respect de sa vie privée 23. Mais aussi la nullité d une clause de non concurrence qui n était pas limitée dans le temps ni dans l espace heurtant la liberté de travailler du salarié 24. C est également le cas en droit du travail espagnol. Comme nous l avons vu dans la décision «le dépeceur de jambons» la décision de licenciement d un salarié qui avait refusé de se faire filmer durant ses heures de travail était disproportionnée. En effet le licenciement heurtait de manière excessive le droit au respect de la vie privée. Cependant, il apparait que dans ces deux législations une «application horizontale» du principe de proportionnalité soit apparue. Notamment en matière de droit de grève et qui a fait apparaître d une certaine manière la dangerosité du principe. Il s agit de mettre en balance les libertés afin de constater que l une porte atteinte à l autre. En faisant une application verticale du principe on en arrive à «oublier la règle de droit pour ne juger qu à travers le prisme de la balance des intérêts en cause» 25. Ce genre d application est apparu très tôt dans la jurisprudence du Conseil d Etat en sa célèbre décision Dehaene qui considère qu il est nécessaire «d opérer la conciliation entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève constitue l'une des modalités, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte». En en ce sens le principe de proportionnalité consisterait à faire une conciliation entre intérêts divergents afin de rétablir un bien commun. Il s agit notamment de remettre sur un pied d égalité des libertés que l on aurait préféré hiérarchisées 26. De cette manière, il faut que l exercice du droit de grève soit proportionné afin de ne pas porter atteinte aux autres droits et libertés de même valeur constitutionnelle. En droit espagnol le principe de proportionnalité, notamment lorsqu il est utilisé en matière de droit de grève, permet de rétablir un équilibre entre deux «libertés fondamentales en collision». Il s agit alors de sanctionner un abus de l exercice de cette liberté. Il est intéressant d étudier l utilisation du principe de proportionnalité dans le droit grève par rapport à l histoire particulière de cette liberté fondamentale dans les deux pays. En 23 Cass soc. 12 Juillet 2005 Dr.social 2005 p Cass soc 10 juillet 2002 RDC 2003 p Seube Jean in «le contrôle de proportionnalité exercé par le juge judiciaire : présentation générale» colloque du 4 et 5 juin «les figures du contrôle de proportionnalité» précité. 26 Isabelle Cornesse, «la proportionnalité en droit du travail» précité. 10

11 effet, le droit de grève est passé en à peine un siècle d une répression forte à une consécration totale en se plaçant au plus haut de la hiérarchie des normes. Effectivement, avec cette consécration du droit de grève les juges français et espagnols se sont très rapidement rendu compte, pour reprendre l expression de Monsieur Cataldo Ugarte, que ce droit particulier «allait entrer en collision» avec les autres libertés fondamentales de même valeur constitutionnelle. De manière synthétique nous pouvons résumer l histoire du droit de grève en France et Espagne en 3 périodes. Stéphane Sirot historien français décèle trois grandes périodes concernant le droit de grève en France 27. La première période est celle de l interdiction avec la première loi Le Chapelier de 1791 qui condamne le délit de coalition. Cette interdiction sera ensuite incriminée aux articles 414 et 415 du code pénal par la loi du 22 germinal an XI. La deuxième période, débute par la loi Ollivier du 25 mai 1864 qui abolit le délit de coalition et le remplace par le délit «d atteinte à la liberté du travail». C est une période durant laquelle le droit de grève n est pas expressément reconnu mais on le tolère et on le réprime que s il est accompagné par des violences. Puis la troisième période est celle qui débute après la deuxième guerre mondiale. Effectivement, après de nombreuses luttes sociales, on ne pouvait que reconnaître ce droit en tant que liberté fondamentale. La Constitution de la IV ème République en fait un droit de «seconde génération», une liberté fondamentale, en l incluant dans le bloc de constitutionnalité à l alinéa 7 du préambule. Le droit de grève en tant que droit constitutionnel «s exerce dans le cadre des lois qui le réglementent». Nul ne peut lui porter atteinte à moins qu une loi soit votée par les représentants du peuple. L histoire Espagnole, quoique quelque peu différente de l histoire française, à peu près le même parcours. Selon un juriste, Eduardo Rojo Torrecilla professeur de droit du travail à l université de Barcelone, l histoire du droit de grève est composée de 3 périodes également 28. La première fois que l on a reconnu le droit de grève en Espagne ce fut avec la loi du 27 avril 1909 nommée huelgas y coaliciones. Puis avec la seconde république et le régime franquiste ces grèves ont été clairement interdites jusqu en Après la mort «27 Sirot Stéphane in «le syndicalisme, la politique et la grève» éditions Arbre bleu, collection le corps social, 2011 Nancy. 28 Rojo Torrecilla Eduardo «el derecho de huelga, elementos para reflexion» cristianisme y justicia ediciiones cataluña juin

12 del caudillo», profitant d une transition vers la démocratie, un real decreto ley en date du 4 mars /77 reconnait et réglemente le droit de grève. L année suivante la constitution insérait ce droit dans les droits de second rang à l article 28.2 qui dispose que «est reconnu le droit de grève aux salariés pour la défense de leurs intérêts. La loi régissant l exercice de ce droit établira les garanties nécessaires à assurer le maintien de services essentiels de la communauté». La reconnaissance du droit de grève est une des 5 libertés permettant de considérer qu un Etat est démocratique 29. En effet, contrairement à un Etat totalitaire comme la république populaire de Chine, il ne s agit pas de «promenades collectives» ou «d incidents» que l on cherche à masquer, mais d un droit à la révolte. Ce droit est défini par le droit français et le droit espagnol comme une «cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles». Par la définition même du droit de grève il s agit avant tout d un «droit de nuire» que les deux Etats ont consacré mais sans vraiment en préciser les limites. Lorsqu une grève est déclenchée cela peut bloquer une entreprise, mais aussi toute une région d un pays. En effet, si les grèves ont trouvé naissance dans le milieu industriel, les deux constitutions en question n ont pas ciblé un public de travailleurs précis. Ainsi, la grève a subi une «tertiarisation» du fait que les fonctionnaires se sont emparés de ce droit malgré le fait que cela soit incompatible avec le principe de continuité des services publics. Dès lors, la défense des intérêts professionnels entre en conflit avec le droit des usagers. Il est alors aisé de comprendre que le principe de proportionnalité peut servir ici à sanctionner le droit de grève qui se serait opposé de manière trop violente aux droits des usagers. En attendant l entrée en vigueur d une loi garantissant un service minimum durant les périodes de grèves en France se sont souvent les autorités publiques et les chefs de services qui ont restreint le droit de grève par des réquisitions et des désignations de personnel. Ces pratiques nous les trouvons également en droit espagnol. Dans l attente d une loi qui viendrai réglementer les services essentiels, le tribunal Constitutionnel a décidé qu il revient à chaque gouvernement de communauté autonome de réquisitionner un certain nombre de grévistes afin d assurer un service minimum. Ces pratiques sont encore très courantes mais doivent répondre au principe de proportionnalité. Il s agit de rétablir un 29 Selon Amnistie International le droit de grève, la liberté d association, les droits de la défense, la liberté d expression sont les piliers de tout Etat démocratique. 12

13 équilibre entre différentes libertés de même valeur Constitutionnelle. En effet, le droit de grève ne doit pas être disproportionné au point de léser la liberté d aller et venir des usagers et leur liberté de travailler. Cependant, les réquisitions et les désignations ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer une conciliation entre droit de grève et droits des usagers. Contrairement à la législation espagnole, le droit français est intervenu afin d imposer un «service garanti» dans certains secteurs clefs comme le transport terrestre et aérien de voyageurs, et l éducation. Le législateur est alors également invité à rechercher un équilibre entre droits des usagers et le droit de grève sans oublier qu il s agit d une liberté fondamentale. Les pratiques de réquisitions et les lois vont faire l objet d un contrôle de proportionnalité par le juge administratif et Constitutionnel que nous étudierons à la lumière de la jurisprudence espagnole. Nous nous demanderons si le contrôle de proportionnalité sert soit véritablement à contrebalancer et concilier la liberté du droit de grève et celle des droits des usagers. Soit à encadrer le droit de grève sans véritablement tenir compte de sa nature de liberté fondamentale. Nous rechercherons également si dans le contrôle du juge judiciaire un contrôle de proportionnalité n est pas sous-entendu dans la jurisprudence française à travers la notion des grèves abusives. En effet, en étudiant la législation espagnole on peut se rendre compte que, contrairement au droit français, la consécration du droit de grève s est faite par une loi pré constitutionnelle qui est «el Real decreto ley» du 7 mars 1977 également marqué de restrictions. Après la promulgation de la Constitution cette loi a été déférée devant le Tribunal Constitutionnel espagnol afin de vérifier si elle était conforme à la Constitution 30. Il s agit d une décision très importante qui résume toutes les facettes du droit de grève et que nous utiliserons beaucoup tout au long de cette étude. Elle est également importante dans le sens ou le Tribunal Constitutionnel commence déjà à ce moment-là à utiliser le principe de proportionnalité. Les juges déclarent alors que la norme pré-constitutionnelle est conforme à la nouvelle Constitution dans les restrictions qu elle impose dans le sens ou entre salariés et employeurs il doit y avoir une «proportionnalité entre les sacrifices 30 Sentencia del tribunal Constitucional (STC) du 8 avril

14 mutuels» 31. Il est intéressant de comparer cette législation avec le droit français. D une part parce que le législateur français n est toujours pas intervenu pour réglementer de manière général le droit de grève. D autre part, parce que les juges espagnols, pour sanctionner l abus du droit de grève, auront recours à la théorie de la proportionnalité des sacrifices de manière très explicite. Au vu de ces divers éléments, il est alors possible de se demander qu elle est l utilité du principe de proportionnalité dans le droit de grève? A travers les divers éléments exposés on constate que d une part le principe sert à poser des limites au droit de grève afin de rétablir un équilibre juste en entre intérêts divergents (Partie I). D autre part, et à la lumière du droit espagnol, le contrôle de proportionnalité est utilisé par le juge judiciaire français afin de sanctionner les grèves abusives qui auraient coûté cher à l entreprise pour mettre en avant l intérêt de celle-ci (Partie II). 31 Ibidem. 14

15 PARTIE I. La proportionnalité ou la recherche d un juste équilibre comme justification aux limites du droit de grève L organisation internationale du travail définit le droit grève comme «un moyen essentiel dont disposent les travailleurs et leur organisation syndicales. Un moyen légitime pour promouvoir et défendre leur intérêts sociaux». La reconnaissance du droit grève du fait que ce soit en partie un droit à se révolter est une des principales caractéristiques des sociétés démocratiques françaises et espagnoles. Cependant, le droit de de grève ne peut être absolu. De ce fait, un principe de proportionnalité est latent lorsqu il s agit d enfermer le droit de grève dans des limites internes tenant à une définition de «l exercice normale du droit de grève» donnée par le juge français et le législateur espagnol (A). En effet, l employeur ne peut subir toutes sortes de mouvements. Mais également, le droit de grève dans son exercice normal ne doit pas porter atteinte à d autres droits de même valeur constitutionnelle. Ainsi, lorsqu une grève est déclenchée dans des entreprises gérant un service public des restrictions peuvent être apportées à cette liberté fondamentale. Ce sont des limites externes nécessaires à la conciliation avec les autres droits fondamentaux que les juges français et espagnol contrôlent. Ainsi, ces restrictions doivent être proportionnelles et doivent rétablir un véritable équilibre entre la défense des intérêts professionnels et les droits des usagers (B). A. Les limites internes du droit de grève : un principe de proportionnalité latent restaurant l équilibre au sein de la relation de travail Le principe de proportionnalité peut se manifester de manière latente comme nous le démontrent Isabelle Cornesse et Benoit Géniaut dans leurs thèses. Madame Cornesse nous explique alors que ce standard, ou principe, est très utilisé que ce soit de manière implicite ou de manière explicite dans les conflits en droit du travail. Cependant, Benoit Géneaut en s appuyant sur les travaux du professeur Philippe Waquet affirme que la proportionnalitédisqualifie certaines formes de grève en mouvements illicites. Ce principe est latent lorsqu il s agit d enfermer «l exercice normal de la grève» dans des frontières tenant à la qualification juridique, comme l ont fait presque tous les systèmes juridiques tels que le droit français et le droit espagnol ici étudiés. Il s agit de répondre à un des fondements même de la proportionnalité : la recherche d un équilibre. En enfermant le droit de grève dans des limites internes, on en évite un usage abusif. Si d un côté, le droit 15

16 de grève, entendu comme étant une liberté fondamentale et un contrepoids aux libertés économiques de l employeur. D un autre côté, tous les mouvements ne peuvent pas être supportés par celui-ci. De cette manière, en enfermant dans des limites internes le droit de grève on rétablit un équilibre au sein des relations de travail. Si le mouvement répond exactement à la définition de la grève la balance penche en faveur du salarié, on va chercher à le protéger(1). Dans le cas inverse, en faveur de l employeur en réactivant tous ses pouvoirs lorsque le mouvement est qualifié de mouvement illicite (2). 1) Le droit de grève en tant que liberté fondamentale surprotégée : l instauration d un équilibre en faveur du travailleur Le droit de grève est, en droit français comme en droit espagnol, un véritable contrepoids qui anéantit les pouvoirs de l employeur (b). Cela découle directement de sa consécration au plus haut niveau de la hiérarchie des normes dans ces deux pays (a).un équilibre est instauré dans la relation de travail en faveur du salarié. Il s agit là d un des fondements même de la proportionnalité. a) La nécessaire consécration «d un droit à la révolte» 32 par les Constitutions Il est vrai que, dans une relation de travail, «Nous ne pouvons pas tous vivre sur un même pied d égalité, il est nécessaire qu il y en ait qui ordonnent et que d autres obéissent» 33. Le lien de subordination est un élément essentiel de caractérisation du contrat de travail. D un côté, nous allons trouver celui qui détient le capital : le donneur d ordre. D un autre côté, on va trouver celui qui vend sa force de travail : le receveur d ordre. Ces deux protagonistes œuvrent ensemble autour d une production. Le professeur Alain Supiot fait remarquer que, contrairement aux Etats autoritaires et aux Etats totalitaires, dans un Etat de droit il n appartient pas à la hiérarchie d imposer une vision «a priori du bonheur». Ainsi, travailler impose à l individu de s apercevoir des particularités d un métier que la hiérarchie ne perçoit pas toujours, ce sont les intérêts professionnels. La grève est alors un des outils dont disposent les travailleurs pour imposer leur vision du travail. L exercice du droit de grève est particulier : sa finalité est de faire pression sur l employeur afin qu il prenne en compte des intérêts professionnels. Il est vrai que l on peut négocier avec l employeur aussi bien en France qu en Espagne. Or, dans ces deux Etats, la négociation 32 Emmanuel Dockès Journal Libération du 15 février 2013 «interview : l amnistie des délits pendant les conflits sociaux» par Sonia Faure. 33 Charles Loysseau commençait ainsi son ouvrage le «traité des ordres et des simples dignités»

17 collective n est pas aussi implantée que dans d autres Etats européens comme l Allemagne. Il faut que les salariés aient un autre moyen de faire connaître leur désaccord et leur révolte et, surtout, qu ils puissent le faire de manière personnelle sans passer par des représentants. La grève est depuis toujours un moyen de pression contre l employeur qui lui a valu une consécration constitutionnelle en droit français et en droit espagnol mais également au niveau international et européen. De cette consécration découle tout un panel de protections et garanties légales en faveur du salarié. Effectivement, en tant que personne subordonnée, il ne faut pas que le travailleur s abstienne d exercer ce droit par crainte de faire l objet de sanctions par l employeur. De ce fait, le meilleur moyen est d anéantir les pouvoirs de l employeur pendant l exercice de ce droit particulier. La grève en tant que «lutte pour le progrès social» 34, trouve sa consécration au plus haut de la hiérarchie des normes dans les pays démocratiques. La France reconnait le droit de grève à l alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946 et l Espagne a attendu la mort del caudillo Francisco Franco afin de l ériger en tant que droit fondamental à l article 28.2 de la Constitution de Il faut préciser que le droit de grève est reconnu en Espagne depuis 1977 avant même la promulgation de la Constitution. En effet, une norme particulière que l on appelle «real decreto ley de las relaciones de trabajo» (RDLRT) du 4 mars 1977 reconnaît le droit de grève à tous les travailleurs. Mais également cette réglementation sert à imposer des limitations à la grève, et ce même dans le secteur privé. Ce que le législateur français n a toujours pas «osé» faire. La RDLRT est une norme particulière et pré-constitutionnelle qui a été déclarée conforme à l article 28.2 de la Constitution espagnole par la très célèbre décision du tribunal constitutionnel du 8 avril Actuellement, la RDLRT continue à s appliquer à la lumière de cette décision malgré les très fortes critiques faites par la doctrine espagnole. A cette différence près provenant de l histoire juridique de chaque pays, le droit de grève est dans ces deux Etats un «droit de nature particulière» 35 et un «droit inaliénable et sacré» 36. Afin de lui donner encore plus d assise juridique, il a été consacré par différents instruments internationaux et européens 37 en tant que droit permettant de rétablir un 34 PAUL DURAND cité par Jacques Legoff in droit du travail et société tome II les relations collectives, PUR 2002 page août 2007, n o DC, considérant n o Alinéa 1 et 2 du préambule de la Constitution de Pour en citer que les principaux : Au niveau international : Pacte des droits sociaux et économiques de 1966 (art 8.d), OIT ne fait que mentionner le droit de grève dans certaines conventions (n 105 sur l abolition du travail forcé et n 92 sur les procédures de conciliation et d arbitrage) au niveau du conseil européen : charte sociale européenne 17

18 équilibre au sein de la relation de travail. Même la communauté européenne qui n a aucune compétence en matière de réglementation du droit de grève 38, a reconnu ce droit comme «principe général du droit communautaire» dans les très controversés arrêts Viking et Laval 39. Comme le disait J.E Ray, le droit de grève est à tous points de vue un droit «jeune et adolescent» 40 qui, par sa consécration dans un ordre juridique, dévoile un Etat démocratique. En effet, il permet à toute personne subordonnée d extérioriser un désaccord. Les Constitutions française et espagnole se sont reportées au législateur pour préciser les garanties de ce droit. On peut alors observer que dans les deux Etats les législateurs ont pensé protéger l exercice du droit de grève par la suspension temporaire du contrat travail 41. Cela conduit inévitablement à la suspension des pouvoirs de l employeur. C est en cela que le droit de grève est un véritable contrepoids dans la relation de travail qui, comme nous l avons dit précédemment, est initialement une relation déséquilibrée. b) Une conséquence inhérente : «L Anesthésie générale» 42 des pouvoirs de l employeur On peut constater que la suspension du contrat de travail offre deux sortes de garanties dans les deux pays étudiés qui pourraient être qualifiées de garanties «basiques» et «accessoires» 43. Ce qui protège d une certaine manière l exercice du droit de grève. Concernant les effets basiques de la suspension, on peut rappeler que le contrat de travail en tant que contrat synallagmatique les obligations du travailleur (fournir sa force de travail) et les obligations de l employeur (payer un salaire) sont suspendues durant toute la durée de l exercice du droit de grève par le salarié. Au-delà de ces considérations, le pouvoir de l employeur est aussi suspendu. En d autres termes, même si l employeur se sent lésé parce que le salarié s arrête de travailler, il ne peut porter atteinte à l exercice de révisée art 6. En droit communautaire : la charte des droits sociaux (article 11) et charte des droits fondamentaux de l Union européenne annexée au TFUE ayant acquis force juridique article Article (ex article 137) du TFU. 39 CJUE Viking 11 décembre 2007 C-341/05, CJUE Laval 18 décembre 2007 C-341/ Jean-Emmanuel Ray, «Sept paradoxes à propos de la grève», Semaine sociale Lamy, 2011, n 1508, page En France c est la loi du 11 Février 1950 insérant l article L «L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié», on trouvera les mêmes dispositions en droit espagnol à l article dans l article 6.1 de la RDRLT du 4 mars 1977 ainsi que dans le statut des travailleurs (qui est en Espagne comme notre code du travail) à l article 45.1 et Ignacio Garcia Perrote in manual de derecho del trabajo 2 édition Tirant Lo blanch Valencia Manuel Alonso Oléa et Casas Baamonde in Manual de derecho del trabajo vigesima edicion 2002 Madrid. 18

19 ce droit en sanctionnant le travailleur en question. Le législateur français, comme la jurisprudence Espagnole, sont fortement intervenus en faveur de la protection du travailleur qui exerçait son droit de grève. On retrouve cette idée de manière implicite dans le code du travail à l article L En effet, cette disposition du code du travail nous dit que l employeur ne peut ni licencier, ni ne prendre aucune autre mesure discriminatoire pour sanctionner un travailleur qui s est joint à un mouvement de grève. En revanche, la jurisprudence du tribunal constitutionnel espagnol est plus explicite sur l étendue de cette suspension du pouvoir de sanction de l employeur. Ainsi, le juge constitutionnel espagnol emploie de manière claire une formule qui revient comme un «leitmotiv» dans la plupart des décisions rendues en matière de protection du droit de grève. Cette décision résume assez bien le motif et les modalités de la suspension des pouvoirs de l employeur. Ainsi, «la prééminence de ce droit (l exercice du droit de grève) fait que durant son exercice, cela a comme effet de réduire, d anesthésier, de paralyser et maintenir dans un état végétatif ( ) la potestas de l employeur» 44. Ce dernier, malgré le fait qu il se sente lésé par l arrêt du travail du salarié, ne peut répondre par un licenciement ni par une autre sanction. Cela risquerait d être conçu comme une discrimination du fait de l exercice du droit de grève. Ainsi, les deux législations frappent de nullité toute sanction de l employeur réprimant le droit de grève 45. En conséquence, si le droit de grève en tant que droit à la révolte rétablit un équilibre dans la relation de travail, il serait disproportionné que l employeur vienne sanctionner l exercice d un droit consacré au plus haut de la hiérarchie des normes. Tout est une question d équilibre et donc de proportionnalité entre l exercice d une liberté constitutionnellement garantie et l interdiction d y porter atteinte en empêchant ou en dissuadant de l exercer. A cet effet de la suspension du pouvoir disciplinaire de l employeur s ajoute un autre effet que le professeur Manuel Alonso Olea qualifie d accessoire. La suspension du contrat de travail du fait de l exercice du droit de grève entraîne également la suspension du pouvoir d organisation/de direction de l employeur, et donc sa liberté d entreprendre. En effet, afin que la grève fasse véritablement «contrepoids» pour rééquilibrer la relation de travail, il 44 Entre autres décisions : SSTC 11/1981 du 8 avril 1981 et SSTC 66/ avril Article L alinéa 3 du code du travail et pour la législation espagnole il faut se référer à l article 6.1 du RDLRT. 19

20 ne faut pas que l employeur ait le pouvoir de la limiter. Matia prim, juriste espagnol, explique cela par le fait que «le droit de grève limite la liberté de l employeur dans le sens où elle empêche l employeur d exercer sa faculté d organisation de l entreprise ( ) ce qui est la conséquence naturelle de la reconnaissance du droit de grève» 46. L employeur a certes, un pouvoir d organisation dans l entreprise, mais le droit français comme le droit espagnol limitent ce pouvoir lorsqu une grève est déclenchée. En effet, les possibilités pour l employeur d organiser son entreprise restent limitées. Ainsi, il peut avoir recours à des heures supplémentaires pour les non-grévistes durant le conflit. Il peut également effectuer un redéploiement des tâches des travailleurs grévistes vers les travailleurs non-grévistes. La jurisprudence espagnole y apporte une limite : celle de respecter les qualifications professionnelles des non-grévistes. Dans le cas contraire, il y a une atteinte au droit de grève 47. Dans la mesure où les travailleurs remplacés sont d un niveau de qualification inférieur, leur remplacement est abusif lorsqu ils sont remplacés par des directeurs et des cadres. Manuel Alonso Oléa et Emilia Casas Baamonde ont décrit cette situation comme «laissant inermes les travailleurs dont le remplacement est facile, ce qui les prive d une certaine manière de leur liberté fondamentale (l exercice du droit de grève) la privant de son contenu essentiel» 48. Ensuite, aucune législation n empêche de remplacer les salariés grévistes en ayant recours à des bénévoles. Il existe une illustration française à ce sujet. La question a été soulevée lorsque des producteurs de lait sont venus en aide à une entreprise de ramassage de lait en conduisant les camions des salariés grévistes 49. La cour de cassation ne s est pas opposée à cette mesure. Le juge français a également admis la possibilité pour les employeurs de faire appel à des entreprises de soustraitance ou de service via un contrat commercial 50. En revanche, au-delà de ces mesures, il ne dispose pas d autre faculté. En conséquence, le pouvoir de «contractualisation» 51, faisant partie du pouvoir de direction et d organisation, dont dispose l employeur est limité pendant la durée de la 46 MATIA PRIM cité par IGNACIO GARCIA-PERROTE ESCARTIN «derecho de huelga y libertad de empresa» revista juridica de Castilla y Leon n 5 Enero STC 123/1992 les directeurs d un établissement et des cadres avaient remplacer des travailleurs avec une qualification professionnelle inférieur et le tribunal Constitutionnel avait déclaré illicite ce mode de remplacement des grévistes comme portant atteinte au droit de grève. 48 Manuel Alonso Oléa y Emilia Casas Baamonde in manual de derecho del trabajo vigesima edicion revisadda civitas Madrid Cass Soc 11 janvier 2000 n Cass.Soc 15 février 1979 n Ignacio Garcia Perrote in manual de derecho del trabajo 2 édition Tirant Lo blanch Valencia

21 grève. Lorsque l employeur «perd» momentanément des travailleurs qui font grève, il ne peut pas les remplacer pour autant. En effet, l employeur ne peut anéantir la grève en remplaçant les grévistes par d autres travailleurs. Si tel était le cas, l exercice du droit de grève deviendrait inutile et serait vidé de son essence. En d autres termes, si l employeur peut remplacer les grévistes, la finalité même du droit de grève qui est de faire pression sur la direction en arrêtant de fournir un travail n a plus d intérêt. Dans ce cas l employeur étoufferait facilement le droit de grève en faisant recours à des remplaçants 52. Pour cette raison, les législations françaises et espagnoles encadrent le pouvoir d embauche de l employeur. Sinon le droit de grève n aurait plus lieu de s exercer comme un «contrepoids» au pouvoir de l employeur et la relation de travail se trouverait de nouveau déséquilibrée à tous points de vue. Une explication identique se retrouve dans les deux législations lorsque en réponse à la grève : l employeur voudrait procéder «lock out»/un cierre patronal comme moyen de défense. D une part, il est dans l obligation de fournir du travail à ceux qui ont décidé de ne pas participer à la grève. D autre part, malgré le fait que «la confrontation entre travailleurs et employeurs est un aspect quasi naturel de la dynamique des relations de travail» 53, en matière de conflits collectifs au nom de l équilibre recherché il n y a pas «d égalité des armes». Il s agirait alors de briser un adversaire faible. Dans quelle mesure l employeur serait affecté par la grève si il avait la possibilité de l anéantir? La jurisprudence française 54, tout comme la très citée jurisprudence du Tribunal Constitutionnel espagnol n 11/1981 d avril 1981, considèrent qu en aucun cas le lock-out ne peut être un moyen de défense de l employeur ou un moyen offensif contre un grève. Cette prérogative dont l employeur dispose dans des cas très limités 55 ne peut s exercer pour briser un droit constitutionnel. Si bien que, les deux législations placent sous haute surveillance les pouvoirs de l employeur pendant l exercice du droit grève. Le principe de proportionnalité est latent dans les deux législations. En effet, si la fonction première de la proportionnalité est d établir un équilibre entre deux parties, on ne peut qu affirmer que la reconnaissance du droit de grève et les garanties qui en découlent le font en ce sens. C est l idée de juste mesure, de juste milieu et d équilibre à rétablir dans une 52 Pour les CDD : Article L du code du travail et article 6.5 sur l interdiction de remplacement des grévistes par des travailleurs ne faisant pas partie de l entreprise de manière générale, du RDLRT du 7 mars Pour les intérimaires : article L du code du travail et article 8.a) de la ley 141/1994 du 1 er juin 1994 sur les entreprises de travail temporaire. 53 Carlos Molero Manglano in «Fundamiento de las relaciones Laborales Colectivas»1 ère édition, editions Reus Cass soc.5 mai 1959 (irrégularité du lock out défensif), Cass soc 20 mars 1985 (irrégularité du lock out offensif). 55 Que nous verrons dans la suite des développements 21

22 relation qui a priori est disproportionnée entre le donneur d ordre et le receveur d ordre. C est sans doute en ce sens que le professeur Alain Supiot fait remarquer que le droit de grève est un véritable «contrepoids» en faveur du travailleur. 2) Une protection assurée uniquement par la qualification juridique d exercice normal du droit de grève : l instauration d un équilibre en faveur de l employeur Dans certains cas, l équilibre peut s inverser en faveur de l employeur. Malgré la consécration de l exercice du droit de grève dans les Constitutions françaises et espagnoles, le bénéfice de toutes ces garanties ne concerne pas toutes les formes d actions selon les tribunaux. En effet, du point de vue des deux juridictions, «les conduites qui ne peuvent répondre à la définition de la grève sont exclues de la protection juridique revêtant le caractère d actes illicites». 56 En droit espagnol, il faut que la grève réponde aux critères de l article 7 de la RDLRT. En droit français, après une longue construction jurisprudentielle en l absence de définition donnée par le législateur, les juges de la Cour de cassation admettent l application des protections si le mouvement correspond exactement à la définition imposée (a). On peut finalement dire que le principe de proportionnalité en matière de conflits collectifs est un principe qui rétablit un équilibre entre le travailleur et l employeur (b) soit en faveur de l un soit en faveur de l autre. a) La licéité d un mouvement : la qualification du mouvement illicite ou l exclusion d une quelconque protection Il n existe pas à proprement parler de définition unanime du droit de grève. Cependant, la France et l Espagne se sont arrêtées sur une même acception. Cela s explique notamment par le fait que l Espagne en tant que jeune pays démocratique s est beaucoup inspiré de la doctrine et de la jurisprudence française lors de l élaboration du RDLRT du 4 mars L article La Constitution espagnole, contrairement à la Constitution française, donne également des éléments de définition à mettre en parallèle avec l article 7.1 de la RDLRT. Manuel Alonso Oléa et Emilia Casas Baamonde proposent 56 Matia Prim cité par Manuel Alonso Oléa et Casas Baamonde in Manual de derecho del trabajo vigesima edicion 2002 Madrid. 22

23 une définition du droit de grève 57 que l on obtient en additionnant l article 7.1 de la RDLRT et l article 28.2 de la Constitution. Cette définition est la suivante : «la suspension collective et concertée de la prestation de travail par les travailleurs 58 en vue de protéger leurs intérêts professionnels 59». Cela ressemble fortement à notre définition jurisprudentielle qui renvoie à la «cessation collective et concertée du travail en vue d appuyer des revendications professionnelles» 60. A partir de ces définitions, on va déterminer la limitation interne du droit de grève et ainsi la notion d exercice normal du droit de grève qui donne lieu à l ensemble des protections. A partir des éléments issus des définitions françaises, le juge va faire une différenciation entre la grève et les mouvements illicites qui ne peuvent être protégés par les garanties que l exercice normal du droit de grève comporte. Le juge français, en l absence d intervention du législateur, opère de manière dichotomique. Il va prendre chacun des éléments de la définition du droit de grève et déterminer si un mouvement peut bénéficier de la qualification juridique de grève ou si celui-ci va plutôt donner lieu à une mauvaise exécution du contrat faisant tomber «l immunité disciplinaire». Plusieurs mouvements ont été soumis à cette dichotomie utilisée par les juges de la Haute Cour. Ainsi, ceux qui ne s apparentent pas à un arrêt de travail sont considérés comme étant des fautes contractuelles. Cela a été le cas notamment pour les grèves perlées 61 qui consistent à ralentir les cadences en signe de protestation. Les juges espagnols ont également été amenés à se prononcer sur ce type de mouvement et à le disqualifier en «actes illicites» 62 ne répondant pas à la définition donnée par l article 7.1 de la RDLRT du 4 mars En outre, les grèves du zèle ont le même en effet de ralentir les cadences du fait de l application stricte des instructions par les travailleurs. Elles n entrent pas dans le périmètre de l exercice normal du droit de grève. Enfin, certains mouvements qui ne répondent pas à des revendications d ordre professionnel ont été également «mis de côté» sans bénéficier d aucune protection. On entend par revendications professionnelles tout ce qui touche aux conditions de travail, au salaire, etc. La présence d un caractère collectif est nécessaire. En effet, ont été caractérisées d illicites les grèves de solidarité interne 57 Ibidem. 58 Elément issu de l article 7.1 de la RDLRT numéro 17/1977 du 4 mars Elément issu de l article 28.2 de la Constitution espagnole de Cass soc 18 janvier 1995 : droit social, 1995,183, rapp.waquet. 61 Cass.Soc 5 mars 1953 Dunlop c/mp. 62 Tribunal Supérior de Justicia de Navarra 22 décembre

24 lorsqu elles s opposent à la décision de l employeur quant au licenciement d un travailleur. Cette mesure ne touche qu une personne en particulier et ne va pas s étendre aux autres travailleurs. Le mouvement n intéresse pas l ensemble de la communauté de travailleurs. Il est donc disqualifié en mouvement illicite. En effet, on ne peut utiliser le droit de grève pour faire face à l ensemble des décisions que l employeur est amené à prendre. Il en va de même concernant d autres formes de mouvements, telles que les grèves politiques, qui n ont aucune connexité avec des intérêts professionnels 63. Le droit espagnol a sans doute tiré des enseignements de l absence d intervention du législateur. Il a clairement défini les types de mouvements qui sont considérés comme illicites en vertu l article 11 de la RDLRT du 4 mars Ainsi, trois types de grèves ne bénéficient pas de la protection que l exercice normal du droit de grève implique. La jurisprudence espagnole, comme cela a été retenu par les juridictions françaises, écarte les grèves politiques qui n ont aucune connexité avec des intérêts professionnels 64. Il en va de même concernant les grèves novatoires qui ont pour but d altérer les dispositions introduites dans la convention collective. Il y a tout de même une nuance : elles ne sont illicites que si les modifications exigées par les travailleurs en grève sont justifiées par la demande d une amélioration des conditions de travail sans que le contenu essentiel de la convention ne soit altéré 65. La qualification d un mouvement en mouvement illicite et non pas en grève va avoir une conséquence : le travailleur n est pas protégé et donc son contrat n est pas suspendu il commet alors une faute contractuelle. De ce fait la conséquence principale est que l employeur pourra sanctionner la participation à ce genre de mouvements. 66. En effet, dans les deux législations on estime que le mouvement qui ne correspond pas à la définition du droit de grève n emporte pas la suspension du contrat ni la paralysie des pouvoirs de l employeur. Par conséquent, la participation d un travailleur à ce type de mouvement est entendue comme étant une mauvaise exécution du contrat de travail. Cette dernière peut donner lieu à une sanction disciplinaire sans qu il soit requis forcément une 63 Cass. Soc. 10 mars 1961 a contrario Cass soc 30 janvier 2008 sur la défense d un système de retraite. 64 Arrêt de la Audiencia Provincial de Palme de Majorque 27 février Arrêt du Tribunal Supérior de Justicia de Pays Basco 20 mai Soc.16 novembre 1993, dr.docial 1994, p.38 une faute grave suffit pour sanctionner les participants à un mouvement qui ne répond pas à la définition de la grève. 24

25 faute lourde 67. La balance de la proportionnalité bascule ici en faveur de l employeur. En effet, ses pouvoirs ne peuvent être suspendus que pour des mouvements répondant exactement aux définitions données par les deux législations étudiées. Il s agit d imposer des limites internes au droit de grève afin de ne pas empiéter injustement sur les pouvoirs de direction de l employeur. On retrouve ici une des théories du professeur Waquet reprise dans la thèse de Monsieur Benoit Géniaut 68 qui consiste à affirmer que le principe de proportionnalité expliquerait la disqualification de certains mouvements de grève en mouvements illicites. b) L encadrement du déclanchement de la grève par le droit espagnol et dans les services publics français : un contrepoids à la relation de travail bien maitrisé Les deux ordres juridiques ont préféré limiter l exercice normal du droit de grève pour que le droit de grève ne dégénère pas englobant toutes sortes de mouvements. Mais il apparait des différences entre les travailleurs en France et également une différence entre la législation française et espagnole qu il paraît important de souligner. En droit français, une fois que la grève répond à la définition prétorienne elle n a pas d autres requis à remplir pour être valide et régulière du moins dans le secteur privé. En tant que liberté fondamentale le travailleur peut en règle générale en disposer quand il le souhaite. Ainsi, Bernard Teyssié dira que lorsque un mouvement est identifié comme «exercice normal du droit de grève» la grève peut être déclenchée, peu importe le moment, la durée et sa spontanéité. Pour les salariés du droit privé français aucune procédure préalable n est à remplir. De sorte que, les grèves surprises sont admises il n y a pas besoin d attendre l appel d un syndicat, ni le dépôt d un préavis. De même aucun délai n est imposé entre la présentation des revendications professionnelles à l employeur et le déclanchement de la grève. Mais pour les salariés des entreprises garantissant un service public ou un «besoin essentiel de la nation» et pour les fonctionnaires il existe toute une procédure à respecter. En effet, avant que la grève soit déclarée comme licite il faut respecter des préalables depuis une loi du 31 juillet 1963 sur les modalités du droit de grève dans les services publics. 67 L du Code du travail : «L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié». 68 Bénoit Géniaut «la proportionnalité dans les relations de travail». 25

26 Effectivement, pour qu une grève soit déclarée régulière il faut un préavis de 5 jours francs, ce qui fait qu il y a une interdiction de faire des grèves surprises. Mais également, il y a une interdiction des grèves dites «sauvages». Le droit de grève n appartient pas vraiment à chaque travailleur. En effet, il faut que ce soit un syndicat représentatif au sein de l entreprise qui dépose un préavis de grève 69. La méconnaissance de tout ce dispositif fait que l employeur peut suspendre en référé le mouvement 70 le mouvement sera alors qualifiée de «trouble manifestement illicite». Le droit espagnol encadre très fortement le droit de grève autant dans le secteur public que dans le secteur privé. Il y a un déroulement du droit de grève bien précis issu de du RDLRT du 4 mars que tout travailleur doit respecter et que le tribunal Constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution. En effet, contrairement à la législation française il faut un accord express des salariés et qu une majorité des travailleurs soit d accord pour faire grève. Ensuite, cette déclaration doit donc être présentée à l employeur dans un délai de 5 jours (10 jours pour le secteur public) avant tout déclanchement de la grève. La déclaration de grève doit être présentée à l employeur, il faut notamment indiquer les objectifs de la grève, le début exact du déclanchement de la grève et la composition d un «comité de grève». Ce comité de grève est composé de 12 salariés qui seront chargés tout au long du conflit de se charger de la sécurité dans l entreprise notamment la maintenance des machines et autres installations à risques. Il y a donc un service minimum à respecter dans les entreprises du privé. Le Tribunal Constitutionnel Espagnol a validé ces dispositions lors de la décision Selon les sages il s agirait de faire en sorte que l employeur puisse également s organiser en temps de grève. Isabelle Cornesse nous dit que le principe de proportionnalité dans les relations de travail est un principe ni en faveur de l employeur ni en faveur du travailleur. On peut souligner ici que le droit de grève en tant que contrepoids au pouvoir de l employeur est tout de même bien contrôlé par l employeur espagnol et par la direction dans les services publics français. En tant que Contrepoids au pouvoir de l employeur et droit à la révolte nécessaire à toute démocratie, selon ces dispositions le droit grève parait bien «domestiqué». Mais en sortant de cette sphère «employeur-travailleur», on peut 69 Article Du Code du travail. 70 TGI Nancy 10 janvier Voir le Schéma en annexe n I : procédure de déclanchement de la grève en Espagne par l article 3 de la RDLRT. 26

27 également souligner que le droit de grève comporte des limitations externes. C est en ce sens qu en droit français la loi du 31 juillet 1963 permet d encadrer la grève afin de ne pas porter préjudice aux usagers des services publics. En effet, avant les années 1950 le droit de grève s exerçait surtout par les ouvriers des grandes industries. Mais très vite font leur apparition sur la «scène de la grève» les fonctionnaires et les agents travaillant dans un service public 72. L alinéa 7 du préambule de 1946 de la Constitution de 1950 ne désigne pas spécialement que les salariés comme titulaires du droit de grève et l article 28.2 de la Constitution de 1978 parle de «travailleurs» comme titulaires exclusifs du droit de grève. Selon, Erik Monreal Bringsvaerd à partir d un moment l épicentre que constitue le conflit traditionnellement s est déplacé en s éloignant peu à peu de la production. Aujourd hui une grande partie des conflits se situe dans les «services essentiels» pour un pays 73. Ainsi, dans ce secteur la grève peut devenir abusive en empiétant sur les libertés des usagers de ces services et bloquer toute une ville comme cela a été le cas à Lille en avril 2013 lorsque le service de transport de la ville s est mis en grève. Ce sont des services dit «essentiels» ou des «besoins essentiels» dont les citoyens ne peuvent se passer et une cessation de travail total mettrait en péril non seulement l intérêt public mais également l ordre public. En France et en Espagne les lois qui encadrent la régularité du mouvement ne sont pas suffisantes dans ce genre de services. Dans les deux Etats le droit de grève va être limité par divers dispositifs pour éviter qu il s oppose trop violemment à d autres droits et principes constitutionnels. Mais en tant que liberté fondamentale il ne peut être restreint injustement et sans une justification. Le droit de grève doit être restreint pour être contrebalancé avec d autres libertés et droits constitutionnels. Le principe de proportionnalité rétabli cette balance en restreignant le droit de grève à sa juste proportion. Puis, son corolaire le contrôle de proportionnalité exercé par le juge administratif et constitutionnel est un outil pour vérifier si le droit de grève a été restreint de manière juste et équitable. Si en d autres termes l auteur de la restriction n pas «tiré sur des mouettes avec un canon» comme le résumait le juriste 72 STEPHANE SIROT les transformations contemporaines de la morphologie de l activité grévistes, in les métamorphoses de la grève, n 969 documentation française. 73 Erik Monreal Bringsvaerd in «Huelga en servicios esenciales. Análisis de la jurisprudencia española» éditions Tirant Lo Blanch

28 allemand Jellinek. Mais on se rend compte en étudiant les services essentiels que derrière la conciliation faite entre droit de grève et droits des usagers au nom de la proportionnalité il y a un recul de la proportionnalité. Sous le couvert de vouloir concilier des intérêts divergents le droit de grève va être restreint sous diverses formes. B. La proportionnalité des mesures encadrant la grève dans les «services essentiels» : La recherche d une conciliation entre intérêts professionnels et droit des usagers Lors de chaque mouvement de grève, on peut lire dans les journaux une maxime récurrente qui consiste à dire que «la liberté s arrête là où celle des autres commence». En effet, les libertés et les droits fondamentaux qui sont consacrés dans la Constitution ne sont pas absolus puisque «l absolutisme ( ) est par nature contraire aux grands principes de la Constitution» 74. Ainsi, les grèves peuvent engendrer la «sympathie» dans certaines situations. Cela a été le cas en France lors des grèves des couturières de Lejaby ou des ouvriers d Arcelor Mittal en Mais la plupart du temps lorsque des grèves sont déclenchées dans des services «essentiels» 75, c est plutôt l effet indésirable répercuté sur les usagers qui fait l objet de commentaires plutôt négatifs. Le droit de grève étant reconnu aussi bien aux salariés et qu aux agents travaillant dans une entreprise gérant un service public, son exercice peut néanmoins «créer des préjudices publics et des graves difficultés pour les usagers» 76.Dans ce cas, le risque est que cela «porte atteinte aux besoins essentiels du pays» 77. En France nous n avons pas véritablement défini ce qu est un besoin essentiel. Ce dernier est rapidement confondu avec la notion de service public. Le besoin essentiel englobe les services publics mais va également au-delà 78. Si l on reprend la définition donnée par le comité sur la liberté syndicale de l Organisation International du Travail, les services essentiels sont avant tout des activités «dont l interruption mettrait en danger, dans 74 Leo Hamon cité par L.Favoreau et L.philip, décision 105 du 25 juillet 1979 observations 7, grands arrêts de la jurisprudence Constitutionnelle, dalloz 13 ème édition, Paris. 75 Selon le rapport d information sur le service minimum dans les services publics en Europe du 4 décembre 2003 on entend par service essentiels : le transport, les services sanitaires, fourniture d énérgie/eau/gaz, les postes, l enseignement. 76 Manuel Alonso Oléa et Casas Baamonde in Manual de derecho del trabajo vigesima edicion 2002 Madrid pg Marie-Luce Pavia et Dominique Rousseau page 347, in la protection des droits fondamentaux dans les Etats membres de l UE étude de droit comparé éditions Ant. N.Sakkoulos Athènes Certaines entreprises par exemple, les transports terrestres et les transports aériens de voyageurs ne sont pas des services publics, mais des services essentiels. 28

29 l ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne». Certains auteurs français et espagnols expliquent néanmoins différemment cette notion de besoin essentiel. En ce sens, L.favoreau explique cette absence de définition par le fait que les besoins essentiels se déterminent selon les époques 79. Quant à l auteur espagnol Martin Valverde, il définit la notion de besoin/service essentiel comme «ceux dont dépend la satisfaction des droits fondamentaux des citoyens ( ) ou leur intérêt vital» 80. Lorsqu une grève éclate dans ce genre de services, il est nécessaire de concilier les intérêts divergents en cause sans les dénaturer pour que la démocratie soit sauvegardée. En d autres termes, il faut permettre aux travailleurs travaillant dans un service essentiel d exercer leur droit de grève tout en respectant les droits des usagers. En France contrairement à l Espagne nous avons deux moyens de concilier les intérêts divergents en cause. Il est permis en France tout comme en Espagne d avoir recours à une restriction du droit de grève par des mesures administratives sous le contrôle de proportionnalité du juge administratif (1). Mais également, et surtout depuis 2007 le législateur français à restreint le droit de grève dans certains domaines «essentiels». Ces restrictions législatives sont également soumises à un contrôle de proportionnalité par les juges de la rue Montpensier (2). 1) La proportionnalité des restrictions du droit de grève par voie administrative : le contrôle de la justification, la nécessité et la justesse de l acte Lorsque les premières grèves ont éclaté au sein des services publics, Hauriou écrivait qu il était «inadmissible que les fonctionnaires se mettent en grève parce que cela interrompt des services publics dont la continuité est indispensable à la vie nationale» 81. Pour Gaston Jèze, «la grève et les services publics sont des notions antinomiques» 82. Dans la première moitié du XXème siècle, la grève dans les services publics était perçue comme une guerre déclarée par les fonctionnaires contre l Etat et même contre la nation toute entière. Ainsi, Jean Rivero disait que les grèves «signifient qu une partie de la 79 Aujourd hui selon le rapport d information sur le service minimum dans les services publics en Europe du 4 décembre 2003 on entend par service essentiels : le transport, les services sanitaires, fourniture d énérgie/eau/gaz, les postes, l enseignement. 80 Martin Valverde cité par Manuel Alonso Olea et Emilia Casas Baamonde déjà cité pg 15 ; 81 Aubin Emmanuel et Lachaume Jean François «droit de la fonction publique» éditions Gualino, collection master pro 4ème édition Ibid. 29

30 Nation se dresse contre l autre et ne reconnaît plus ni ses lois, ni justice ; la classe prolétaire répudie la justice de l Etat bourgeois» 83. Les services publics entrant dans la notion de besoin essentiel, la continuité du service public 84 est normalement incompatible avec une cessation collective de travail. Hélas, la Constitution ne reconnaît pas le droit de grève qu à une partie des travailleurs. De ce fait, le juge administratif a dû reconnaître également aux fonctionnaires la capacité d exercice du droit de grève dans la très célèbre décision Dahaene du 7 juillet Le législateur ne s étant pas manifesté pour concilier droit de grève et continuité du service public, les juges de la Haute Cour ont, concomitamment à la reconnaissance du droit de grève, apporté des limites pour des raisons «d ordre public» 85. Ces limites sont apportées par voie administrative. Le gouvernement et le préfet ont un pouvoir pour réprimer les grèves que l on appelle «le pouvoir de réquisition». Ce pour voir a pour objet d assurer un service minimum lorsque la grève risque de bloquer des «les besoins essentiels de la nation» 86. En étudiant la législation espagnole, on peut déceler un pouvoir identique pour les autorités des communautés autonomes. De même, certains chefs de service comme les directeurs d hôpitaux et les maires peuvent faire appel à leur pouvoir de «désignation». Les réquisitions et les désignations permettent de priver certains agents de leur droit de grève pour assurer la continuité d un service qualifié de «besoin essentiel» pour le pays. Ces entraves au droit de grève, bien que licites, doivent être juste et justifiées et ne pas vider le droit de grève de toute son essence. 83 Jean Rivero et Hauriou cités par Yves Struillou in «Conflits sociaux et réquisition : Finalité et modalités du contrôle exercé par le juge administratif» Droit Ouvrier AOÛT 2011 n Selon Jacques Chevalier le service public : «repose sur l idée que la prise en charge d une activité par l administration implique l existence d un besoin social impérieux à satisfaire le service public doit se poursuivre quotidiennement, de manière régulière et continue» Le service public, PUF, coll. «Que sais-je?», 1987, p Selon Serge Braudo «il y a peu de notions juridiques qui soient aussi difficiles à définir. Il s'agit de l'ensemble des règles obligatoires qui touchent à l'organisation de la Nation, à l'économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits et aux libertés essentielles de chaque individu» 86 Nous étudierons ici que les réquisitions gouvernementales étant donné que le contrôle de proportionnalité des réquisitions préfectorales depuis la loi du 18 mars 2003 (ayant introduit l article L dans Code Général des Collectivités Territoriales) ressemble beaucoup au contrôle de proportionnalité des désignations que nous verrons dans un a). 30

31 a) La possibilité de restriction du droit de grève par l autorité administrative : le contrôle de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure Il ressort de la jurisprudence Dahaene «qu'en indiquant, dans le préambule de la Constitution, que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent", l'assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève constitue l'une des modalités, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte». Cependant, après avoir constaté l absence d intervention du législateur en la matière, le juge administratif poursuit en concluant que cette abstention législative ne peut compromettre la continuité du service public. Il va donner un pouvoir particulier à l autorité administrative. Ainsi, «l autorité administrative peut aller jusqu à prohiber, dans certaines conditions, le recours à la grève dans les services publics». Ce système est une particularité française en comparaison avec le droit espagnol. En effet, ce dernier interdit qu une autre autorité que l autorité gouvernante ne vienne encadrer le droit de grève. L argumentation tient essentiellement au manque d objectivité lié à la restriction d une liberté fondamentale telle que le droit de grève 87. Le juge administratif a eu recours à une solution ambiguë afin de donner ce pouvoir particulier aux chefs de service. En effet, le Conseil d Etat s est basé sur la jurisprudence Jamart 88 qui donne pouvoir aux chefs de service de prendre toute mesure pour assurer la continuité d un service public. Ainsi, par extension, il appartient à l autorité administrative de dresser une liste des fonctions dont les titulaires ne pourront cesser le travail 89. Il s agit, en d autres termes, d assurer un service minimum. Cela est justifié par la nature de l emploi répondant directement à l exécution d un service essentiel. Il s agit par exemple des infirmières dans les hôpitaux. On ne tient pas seulement compte du niveau hiérarchique de l intéressé TC 49/2004 : interdit au recteur d imposer un service minimum lors d une grève qui s était déroulée dans une université. De même plusieurs décisions ont interdit aux chefs de service des hôpitaux de réglementer le droit de grève TC 296/2006 et dans le même sens 310/2006,36/2007. «La mesure serait impartiale». 88 CE, section, 7 février 1936, Rec. p CE 28 novembre CE 16 décembre

32 Le champ d application des assignations/désignations est large mais ne concerne généralement pas les employeurs du privé 91. Dans un premier temps, l arrêt Dahaene ne concernait que les fonctionnaires. Cependant, le Conseil d Etat n a pas tardé à consacrer les mêmes restrictions pour tous les agents travaillant au sein d un service public. La même possibilité de restriction se retrouve également pour les personnels de la Radiodiffusion française 92 et les ingénieurs de la météorologie nationale 93. Enfin, cette jurisprudence a été étendue aux entreprises nationalisées bien que les agents qui y travaillent soient avant tout des salariés soumis au droit privé 94. Tout tourne finalement autour de la notion de service essentiel. Comme nous l avons dit précédemment, le service essentiel n est pas forcément garanti par un service public. L exemple d EDF peut ici être évoqué. En effet, l électricité est devenue un besoin essentiel pour la nation. Toute interruption pourrait être la cause d une désorganisation importante du pays. De ce fait, il est admis que «la direction d un établissement public, agissant en vertu des pouvoirs généraux d organisation des services placés sous son autorité ( ) définissent les domaines dans lesquels la sécurité doit être assurée en toutes circonstances ainsi que les fonctions nécessaires pour assurer cette sécurité et déterminent les limitations affectées à l exercice du droit de grève dans l établissement afin d en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l ordre public» 95 Cependant, l acte en question qui restreint le droit de grève afin de garantir un service minimum doit être nécessaire. La continuité du service doit être compromise 96 et l autorité administrative doit faire appel à un nombre d agents raisonnable afin de ne pas vider le droit de grève de toute utilité 97. L exécutif du service est chargé d apprécier la proportion de personnel indispensable au maintien d un service minimum 98. Cela peut paraître compréhensible par certains côtés et par d autres surprenant. Premièrement, il faut s arrêter sur la date à laquelle la jurisprudence Dahaene a été rendue pour comprendre qu après l avènement du droit de grève il fallait prendre des mesures afin 91 Une vieille querelle existe néanmoins entre le Conseil D Etat et la Cour de Cassation. Le CE a admit à plusieurs reprises en se basant sur l article L que l'employeur pouvait réglementer le droit de grève lorsque la sécurité de l entreprise et des salariés était en jeu (Entres autres CE Atochem c/ministre des affaires sociales 12 novembre 1990) ce que les juges de la Cour de Cassation ont formellement interdit récemment (Cass soc 15 novembre 2009 n ) 92 CE 14 mars CE 19 janvier CE 23 octobre 1964, JCP G CE 17 mars 1997 : TPS CE 4 février TA Strasbourg 24 janvier 1985 :D.1986,77, 2 ème espèce. 98 CE 7 janvier 1976 CHR d Orléans n lebon. 32

33 de que cette liberté fondamentale ne devienne pas abusive au point de mettre en péril l intérêt général 99. En l absence de toute intervention du législateur en matière de limitation du droit de grève, on ne peut que comprendre la volonté de conciliation dont le juge administratif a fait preuve. A ce sujet, le professeur Alain Supiot évoque une décision proportionnelle entre le droit de grève et les autres droits à valeur constitutionnelle 100. L argumentation mobilisée est parlante : «opérer une conciliation entre la défense des intérêts professionnels et l intérêt général». Par l emploi du mot «conciliation», on peut sous-entendre la recherche de proportionnalité et de mise en balance des intérêts en jeu. En revanche, là où cela devient plus surprenant, c est qu une dizaine d années après cette jurisprudence le législateur a entendu l invitation qui lui avait été faite par le juge administratif de réglementer le droit de grève. Ainsi comme nous l avons vu, la loi du 31 juillet 1963 va poser des règles qui encadrent les modalités d exercice du droit de grève dans les services publics 101. Avec certaines obligations au déclenchement de toute grève dans les services publics et les entreprises gérant un service public. Avec l obligation de préavis de cinq jours et l interdiction de certaines grèves, On peut penser que ces modalités de déclenchement du droit de grève permettent une conciliation efficace entre «la défense des intérêts professionnels et la sauvegarde de l intérêt général». Malgré la mise en place de cette loi, le Conseil d Etat a confirmé le pouvoir de désignation par deux arrêts rendus le 4 février Ainsi, il a admis que la loi de 1963 ne pouvait «constituer à elle seule l ensemble de la réglementation du droit de grève». En effet, ce texte législatif impose seulement des modalités au déclanchement de la grève mais il ne réglemente pas le maintien d un service minimum. Alors, comment faire si dans le service d urgence d un hôpital la totalité du personnel fait grève en ayant respecté toute la procédure imposée par l article L du Code du travail? Comment garantir la continuité des soins des malades et la sécurité d une partie de la population? Il faut alors maintenir un service minimum. En l absence de législation en la matière, l assignation continue à s appliquer. C est le cas notamment dans la fonction publique hospitalière pour laquelle André Lucas et Frédéric Collin considèrent que le droit de grève doit non 99 «Réflexions sur l intérêt général Conseil d Etat Rapport public 1999»Cette notion renverrait à l idée de «bien commun» une notion difficile d expliquer mais qui englobe le «ciment du bien vivre ensemble de la société». 100 A.Supiot in «Revisiter les droits de l action collective» droit social n 7/ pp Codifiée aujourd hui aux articles L et suivants du Code du travail. 33

34 seulement être mis en balance avec la continuité des services de santé mais également avec la sécurité physique des personnes 102. Ce pouvoir d assignation ou de désignation, tel qu on tend à l appeler, dans la fonction publique hospitalière est encadré par le juge administratif. Cependant, il s agit d un contrôle restreint qui va essentiellement toucher à la justification de l acte administratif tendant à limiter le droit de grève et d un contrôle de proportionnalité de la mesure. Lorsque le juge administratif contrôle la proportionnalité de l acte, il n utilise pas la «théorie des coûts et des bilans». Il vérifie simplement si le nombre d agents désignés pour assurer un service minimum n est pas excessif au point de paralyser le droit de grève au point de faire fonctionner le service comme en période normale. Prenons l exemple des assignations en milieu hospitalier. L exécutif dans les centres hospitaliers est représenté par les directeurs d établissement conformément aux dispositions de l article L614-7 alinéa 4 du Code de la santé publique. Il revient alors aux directeurs d hôpitaux d organiser un service minimum en cas de préavis de grève pour assurer la continuité des soins 103. Selon une circulaire du ministère de la santé en date du 22 avril 1983, il leur appartient d apprécier le nombre de personnel nécessaire à la garantie d un service minimum. Dès lors, on peut constater qu aucune norme ne vient encadrer l assignation alors que c est un acte extra légal qui restreint une liberté fondamentale. C est l autorité hiérarchique qui vient porter atteinte au droit de grève alors qu en règle générale le déclenchement de cette liberté fondamentale devrait «anesthésier» les pouvoirs de l employeur. Ici, le pouvoir est accordé aux directeurs d hôpitaux puisque l exercice du droit de grève ne peut conduire à mettre en péril la sécurité et la santé des personnes. C est en fonction de ces critères objectifs et de manière concrète que le juge administratif va contrôler. Si l on continue sur l exemple du directeur d hôpital, le juge va vérifier s il a désigné des agents dans certains services du fait de la nature même du service et des responsabilités dont les agents sont investies. Dans le milieu hospitalier, il doit s agir de services qui assurent «la sécurité physique des personnes, la continuité des soins, les prestations hôtelières des malades hospitalisés et la conservation des installations et des matériels». 102 Fréderic Collin et André Lucas «la désignation des personnels hospitaliers afin de prévenir l interruption du service public» Dalloz numéro 1 du 7 janvier 2011 page CE 7 janvier 1976 CHR d Orléans N Lebon. 34

35 Toute restriction du droit de grève aux agents qui ne feraient pas partie de l exécution de tels services serait excessive et entachée d une erreur manifeste d appréciation 104. Si le «test de la justification» est accepté par le juge administratif, encore faut-il que le nombre d agents assignés à rester à leur poste n outrepasse pas ce qui est nécessaire au maintien d un service minimum. Le juge suit une dialectique précise. En premier lieu, il va se poser la question de savoir si la désignation est vraiment nécessaire. Autrement dit, est-ce que le directeur de l hôpital aurait pu garantir un service minimum avec les seuls agents nongrévistes. Si ce n est pas le cas, le juge contrôle en second lieu si le nombre de grévistes désignés n aboutit pas à un service normal au lieu d un service minimum. Ainsi, le juge administratif peut sanctionner une note de service qui désigne un nombre disproportionné de grévistes pour assurer le service. Le droit de désignation doit établir une conciliation entre le droit de grève et les autres droits et principes en question et non pas le paralyser. Il faut faire appel au personnel strictement indispensable 105. Avec l exemple des grèves dans les hôpitaux, on peut comprendre que le système des désignations instauré par la jurisprudence Dahaene s avère être indispensable en l absence de loi générale pour réglementer les services essentiels. Or, deux critiques peuvent être avancées quant à la justesse de cette mesure. Ainsi, les assignations ne concernent pas toutes les fonctions d un service essentiel mais seulement certaines d entre elles qui deviennent indispensables. C est en cela que la mesure est proportionnelle pour le juge administratif. Or, il apparaît qu il a sans doute oublié que derrière la proportionnalité se cache des notions telles que la justice et la justesse 106. En effet, en analysant de plus près ce pouvoir et le contrôle exercé par le juge administratif, il apparaît que certains agents exerçant des fonctions en lien direct avec l exécution du service seront toujours susceptibles d être assignés. Ainsi, il y aura toujours des atteintes à la liberté d exercer le droit de grève pour ce genre de fonctions. De ce fait, concernant les agents exerçant dans une autre fonction «non essentielle», le droit de grève ne sera pas restreint. Le message subliminal est que, la pression que la cessation collective 104 CE 16 juin 1988 centre hospitalier général de Forbach N : La restriction du droit de grève au régisseur de recettes de consultations externe n était pas indispensable 105 Pour le droit de la fonction publique hospitalière : CE 30 novembre 1998 Rosenblat. Et plus récemment concernant EDF CE 7 Juillet 2009 fédération nationale des mines et de l énergie-cgt. 106 Isabelle Cornesse «le principe de proportionnalité en droit du travail»introduction. 35

36 de travail que toute grève doit engendrer n a pas vraiment d impact si ce sont ces petits personnels qui l exercent. La désignation fonctionnelle fait que l exercice du droit de grève par une secrétaire médicale passera inaperçue et qu une infirmière anesthésiste pourra être désignée à effectuer un service minimum pour chaque grève en cas de besoin. On pourrait se demander quelle est la justesse de la désignation de ce point de vue? L encadrement du droit de grève par voie administrative ne s arrête pas au stade des désignations. Une autre «arme» est prévue du fait de l importance de concilier ce droit à la nécessité d assurer un service public et aux besoins essentiels de la nation. En effet, le gouvernement peut intervenir à travers le pouvoir de réquisition qu il tient de la loi du 11 juillet Ce pouvoir réprime totalement le droit de grève par le biais d un décret délibéré en conseil des ministres. Dans ce cadre, le principe de proportionnalité est totalement méconnu. b) L absence de proportionnalité dans les réquisitions gouvernementales : la continuité des services essentiels assurée par l éviction temporaire du droit de grève Dans le commentaire de la décision Winkell du Conseil d Etat 107, le doyen Hauriou écrivait que «Si la coalition et la grève des fonctionnaires sont des faits révolutionnaires, des faits de guerre, on ne s étonnera pas que le gouvernement leur ait appliqué le droit de la guerre et ait usé vis- à-vis d eux des représailles. De même que, dans les relations internationales, il y a un droit de la paix et un droit de la guerre, de même, dans les relations de la vie nationale, en cas de troubles intérieurs, une ville ou un département peuvent être mis en état de siège, avec suspension des garanties constitutionnelles». En effet, comme le fait remarquer Yves Struillou, conseiller d Etat, le droit de grève et le droit de la guerre sont avant tout des épreuves de force qui vont être régulées par le droit. En ce sens, l exemple le plus marquant selon Yves Struillou est le droit de réquisition reconnu au gouvernement français par une loi ancienne mais toujours en vigueur du 11 juillet Ce texte a été codifié au sein du Code de la défense par une ordonnance du 7 janvier Il donne la possibilité au gouvernement de prendre une mesure d éviction temporaire du droit de grève. D une part, les articles 2 à 6 de la loi du 11 juillet CE winkell

37 portent sur les réquisitions militaires. Dans ce cas, ce sont des personnels des forces de l ordre qui vont venir remplacer le personnel gréviste. D autre part, l article 14 de la même loi prévoit que le gouvernement puisse faire usage du pouvoir de réquisition civile. Dans ce cas, cela peut concerner «chaque individu conservant sa fonction ou son emploi, l ensemble du personnel faisant partie d un service public ou d une entreprise considérée comme indispensable pour assurer le besoin du pays». Le personnel qui est appelé à rester à son poste doit continuer son activité s il ne veut pas s exposer à des sanctions disciplinaires voire même à des sanctions pénales. Contrairement aux réquisitions militaires, les réquisitions civiles sont beaucoup plus nombreuses 108. Le droit de réquisition permet avant tout de protéger les besoins essentiels du pays des effets indésirables du droit de grève. Ce qui est au cœur de la réquisition est le service public mais également tout domaine qui serait devenu essentiel pour la nation à un moment donné de la vie d un Etat. La mise en œuvre d une réquisition nécessite l adoption d un décret puis d un arrêté ministériel par le ministre intéressé. On parle de véritable «arme» pour riposter à une grève. Cela peut nous paraître contradictoire puisque c est un simple décret ou arrêté qui vient limiter le droit de grève et même l évincer alors que, rappelons-le, la Constitution prévoit que «le droit de grève s exerce dans le cadre des lois qui le réglementent». Cependant, si l on suivait la lettre de la loi 11 juillet 1938, la réquisition ne peut être utilisée que dans des conditions précises. En effet, l adoption d une telle mesure suppose normalement une «menace sur le territoire ou une partie du territoire». Cette condition n est pas véritablement explicite et a été perçue par l entendement général comme renvoyant aux temps de guerre. Rapidement, le pouvoir de réquisition va être utilisé par différents gouvernements, surtout en temps de paix. Le juge administratif est venu préciser l étendue de ce pouvoir. Ainsi, il admet que le droit de grève est limité par le droit de réquisition reconnu aux autorités gouvernementales. Ce dernier doit être contrebalancé par «les nécessités vitales de la société» auxquelles le droit de grève pourrait porter atteinte et par la continuité du service public 109. Aujourd hui, le 108 Quelques exemples de réquisitions civiles : 1948 la réquisition du personnel des cokeries, 1950 la réquisition des employés du gaz et de l électricité, 1953 les cheminots, 1961 les fonctionnaires de service de la météorologie nationale, 1963 des mineurs des Houillères de bassin de Charbonnages. 109 CE 10 novembre 1950 fédération nationale de l éclairage. 37

38 droit de réquisitionner des grévistes répond davantage à la nécessité d assurer la continuité du service public, devenu depuis 1979 un principe à valeur constitutionnelle. Le droit de grève a été contrebalancé par les nécessités vitales de la société, surtout dans la période qui a suivi la deuxième guerre mondiale. A ce titre, le juge administratif a admis que, malgré le fait qu on se trouve en temps de paix, il est possible pour les autorités gouvernementales de réquisitionner des boulangers et des bouchers 110 pour assurer le ravitaillement de la population. On peut constater que le droit de grève ne portait pas atteinte à proprement parler à une liberté telle que la liberté d aller et venir ou la liberté de travailler. Or, ce qui était en cause derrière les nécessités vitales de la nation c est l intérêt public dont l Etat est le garant. Comme toute liberté, la liberté de faire grève trouve ses limites dans l ordre public, la sécurité ou la salubrité du pays. En revanche, après une vague de réquisitions entre les années 50 et 60, la réquisition a été détournée de son objectif premier selon une partie de la doctrine. En effet, si l objectif d une réquisition est avant tout de répondre à une menace locale ou nationale, les professeurs G. Lyon-Caen et Carmerlynk ont conclu que le droit de réquisition est excessif. Une réquisition doit avoir pour objectif de garantir un service minimum pour les besoins essentiels du pays en cas de menace. Mais après un usage répété de cette «arme» et confirmation par le juge administratif que ce pouvoir était «permanent», il s agissait avant tout de règlementer le droit de grève. Et même totalement l interdire dans certains secteurs. Ensuite, ces auteurs ont constaté que le juge administratif n effectue pas vraiment un contrôle de proportionnalité de la mesure de réquisition. Le contrôle de proportionnalité se fait, d une part, par la justification de la réquisition et, d autre part, par l adéquation de la mesure prise avec la situation «d urgence» de la situation. En principe, une atteinte suffisamment grave portée à la population par le fait de la grève est nécessaire. En d autres termes, il s agit de faire constater par le juge administratif que le droit de grève a outrepassé ses limites et d en sanctionner l abus par une réquisition. Cela s explique notamment par le fait que la grève met en danger la tranquillité, la salubrité, la sécurité des autres citoyens et donc plus globalement l intérêt général que l Etat doit protéger. 110 CE 28 octobre 1949 (réquisitions des boulangers) CE 7 février 1953 (réquisitions des boulangers). 38

39 La grève, en tant que liberté fondamentale, ne peut être réduite au néant devenant inefficace et vidée de son essence. La réquisition doit donc porter sur la garantie d un service minimum sans porter le service à son activité normale. C est en ce sens qu on trouve une proportionnalité entre le droit de grève et les intérêts divergents que le gouvernement doit également protéger. Cependant, on constate que les arrêts du Conseil d Etat s arrêtent à la justification de la mesure par la nécessité de maintenir la continuité du service public. Dans les décisions rendues par le juge administratif, on pourrait presque croire qu il écarte le contrôle de proportionnalité. En effet, à plusieurs reprises le gouvernement, pour sanctionner un mouvement de grève, ne va pas chercher à concilier le droit de grève avec les besoins essentiels du pays. En principe, le décret réquisitionne la totalité des personnes d un service vidant le droit de grève de son essence et le rendant inutile 111. Ces jurisprudences ont été perçues comme une véritable entorse à la liberté de faire grève. En réquisitionnant l ensemble du personnel, le gouvernement ne fait pas application du principe de proportionnalité. Ainsi, la réquisition «aux yeux des travailleurs, est purement et simplement devenue la négation de leur droit de recourir à la grève» 112. Ces discussions doctrinales ont cessé après la réquisition des médecins hospitaliers en 1983 puisque le gouvernement n a plus procédé à l utilisation des réquisitions. Malgré cela, le débat est revenu sur le devant de la scène en 2011 suite à la grève des contrôleurs aériens. Cette grève s était déroulée durant une période clef : les vacances de noël. La motivation provenait du fait que «la seule grève efficace est la grève gênante pour le public». Ainsi, on retrouve le schéma de travailleurs cessant le travail pour faire pression sur l employeur avec un conflit qui va toucher des tiers : le client ou l usager du service. Dans ce cadre, le ministre de l intérieur de l époque, Claude Guéant, avait selon ses propres propos «pris ses responsabilités». Ainsi, dans le cadre de la loi du 11 juillet 1938 et de l article L du Code de la défense, le gouvernement a fait appel à la réquisition militaire. En effet, lors de cette grève, des personnels de police et des forces armées ont assuré les tâches des grévistes. Cette procédure avait été très peu utilisée auparavant Par exemple : CE 10 novembre 1950 fédération nationale de l éclairage : le décret qui était mit en cause en date du 8 mars 1950 réquisitionnait l ensemble des personnels des entreprises d exploitation électrique et gazière. CE 26 octobre 1962 sieur Moult : le décret du 21 décembre 1960 réquisitionnait l ensemble du personnel navigant d air France. 112 G. Lyon-Caen et Camerlynk cités par Yves Struillou in «Conflits sociaux et réquisition : Finalité et modalités du contrôle exercé par le juge administratif» Droit Ouvrier AOÛT 2011 n 757. AOÛT 2011 n à l encontre des cheminots (Cass. Crim 7 mai 1951, 413) et en 1938 à l encontre des agents de service public (Cass Crim. 2 février 1956). 39

40 L acte même du gouvernement ne pèse aucunement les intérêts et aucun compromis n est recherché. Les propos d Yves Struillou sont dans ce cas justifiés : le gouvernement tend à appliquer au droit de grève le droit de la guerre 114. Dans cette affaire, le juge des référés a été saisi pour mettre fin l entrave de la liberté d exercer le droit de grève. A l étonnement général, le juge a admis que le remplacement des grévistes par les forces de l ordre n est pas «une atteinte grave et manifestement illégale». Là encore, aucune analyse de la justesse de la mesure n a été effectuée. De plus, alors que tout contrôle de proportionnalité comporte la vérification de la restriction du droit de grève, le juge administratif a laissé une porte ouverte au gouvernement. Effectivement, selon le juge administratif dorénavant l autorité peut prendre des dispositions pour assurer la continuité du service public alors même que «l ordre public n est pas manifestement menacé». Si l on adopte une approche de droit comparé, deux éléments peuvent être mis en avant. La réquisition n est pas propre au droit français, elle existe sous une forme ressemblante en Grande-Bretagne et également en Espagne. De même, si l on compare particulièrement avec le droit espagnol, on constate que ce pouvoir est beaucoup plus encadré et fait appel à un juste équilibre contrôlé par le juge du tribunal constitutionnel. En effet, en droit espagnol ce sont également des décrets qui viennent limiter le droit de grève des agents et des salariés travaillant dans un «service essentiel». En cas de grève, chaque autorité gouvernante 115 prend des décrets pour réquisitionner des agents ou des salariés qui doivent assurer impérativement un service essentiel de la communauté 116. L Espagne vivant sous un régime de décentralisation, il appartient à chaque communauté autonome, dans le cadre de ses compétences exclusives 117, de réquisitionner des agents pour maintenir un service minimum dans les services essentiels. Ainsi, par exemple, pour une grève dans un service de santé, la santé faisant partie intégrante des compétences exclusives des communautés autonomes, il reviendra au gouvernement de chaque 114 Ibid. 115 L Espagne ressemble de près à un Etat fédéral. Le pays est décomposé en communauté autonomes (ressemblant aux Lands allemands. 116 L article 28.2 de la Constitution espagnole de 1978 prévoyait en fait que ce soit une loi qui réglemente le droit de grève dans les services essentiels en absence de loi, les juges du tribunal constitutionnel espagnol ont décidé dans la décision déjà cité 11/1981 du 8 avril 1981 qu il revenait aux autorités gouvernantes de chaque communauté autonome le soin de réquisitionner les agents nécessaires à assurer les services essentiels. 117 Article 148 de la Constitution espagnole défini les compétences exclusives des communautés autonomes : les institutions gouvernementales locales (parlement, gouvernement, administration, écoles)l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement, les chemins de fer et les routes,l'agriculture et l'exploitation forestière, la chasse et la pêche, le développement économique, la culture, l'enseignement et l'emploi des langues, la santé et l'assistance sociale, le tourisme et le loisir, la police. 40

41 communauté de fixer un service minimum. En revanche, une grève dans les transports aériens dépendra d un décret pris par le gouvernement central 118. Le décret est adopté lorsqu une grève est annoncée et que le préavis a été déposé. Il fixe les modalités du service minimum qui doit être mis en place dans les services essentiels de la communauté. Selon Martin Valverde, «les activités essentielles» qui sont les plus réglementés dans les communautés autonomes sont celles qui touchent aux domaines des services sanitaires, des transports mais aussi du ramassage des ordures, etc 119 Selon la doctrine du tribunal constitutionnel espagnol, ce sont des services dont la communauté ne peut pas se priver. Ainsi, le «le droit de la communauté à ces prestations vitales est prioritaire sur le droit de grève» 120. Cependant, il faut «un équilibre entre le préjudice subi par le gréviste et les préjudices subis par les usagers». De ce fait, le point d équilibre se trouve dans l instauration d un service minimum. En effet, contrairement aux réquisitions gouvernementales françaises, il faut que les autorités gouvernantes appliquent le principe de proportionnalité. Selon le juge constitutionnel espagnol, le service minimum doit prendre en compte les circonstances de la grève et la taille de la communauté autonome dans laquelle elle se déroule. De plus, le gouvernement doit procéder à une conciliation entre les libertés en cause 121 tout en prenant le soin de ne «pas vider le contenu essentiel du droit de grève» 122. Contrairement à la réquisition gouvernementale française, l auteur de l acte doit mettre en balance les différentes libertés qui sont en jeu sans léser entièrement le droit de grève. Il ne s agit pas en principe de «briser la grève» comme certains ministres du gouvernement précédent le souhaitaient mais de concilier les différentes libertés qui peuvent entrer en «collision». Si des travailleurs sentent que l administration a porté atteinte de manière disproportionnée au droit de grève, le décret peut faire l objet d un «recurso amparo» 123 devant le juge constitutionnel. Ce dernier, dans le cadre d un recours, va vérifier deux éléments. Premièrement, il s agit de la motivation de l acte. En effet, comme le rappelle Erik Monreal Bringvaerd, l autorité gouvernementale doit pouvoir justifier à tout moment la 118 Pour mieux comprendre la répartition des compétences Espagnole en cas de grève voir en Annexe article Le Monde 25 mai 2003 Martin Silber «le service minimum dans les transports en Espagne, un véritable Casse-tête juridique.» 119 Martin Valverde cité par Erik Monreal Bringvaerd in Huelga en los servicios esenciales analysis de la jurisprudencia espanola, colecion laboral, editions Tirant Leblanc, Valencia TC 11/1981 du 8 avril TC 53/1986 du 5 mai TC 11/ avril 1981 précitée. 123 Ressemble à quelques exceptions près au référé liberté de notre article du Code de justice administrative 41

42 nécessité du décret imposant un service minimum. La motivation ne doit pas être «stéréotypée» 124 en évoquant notamment systématiquement «la nécessité d assurer continuité du service public» comme c est le cas dans les jurisprudences françaises. En effet il s agit d un véritable contrôle in concreto durant lequel l autorité gouvernante doit démontrer par les faits que la sécurité et la tranquillité des citoyens de la communauté autonome étaient véritablement en danger. C est sur ce motif précis que le décret doit être adopté pour fixer un service minimum. Par exemple, le 30 mai 2013, il a été question d une grève générale convoquée par divers syndicats dans le Pays Basque espagnol. Au regard de l urgence de la situation, et pour assurer certains services indispensables, la communauté autonome du Pays Basque a fixé un service minimum dans les hôpitaux, le service de ramassage des poubelles ou encore dans le service des transports de la région. Dès lors que l autorité gouvernante peut justifier de la mesure adoptée, il faut que cette dernière soit adéquate avec le but poursuivi. En vertu du principe de proportionnalité, il faut une «adéquation entre la protection d un intérêt de la communauté et la restriction imposée au droit de grève» 125. En effet, contrairement à ce qu indique la jurisprudence du Conseil d Etat en matière de réquisition gouvernementale, il ne s agit pas de faire fonctionner un service normalement mais de le faire suffisamment pour garantir l ordre public. Par exemple, lors de la grève générale du 30 mai 2013 dernier dans les transports du Pays Basque, le décret établissant un service minimum portait à 30 % le nombre d agents qui devaient être maintenus en poste. Dans certains domaines, et notamment dans le secteur des urgences, il est admis que le «décret de réquisition» puisse concerner la totalité du personnel. En revanche, il faut que l autorité gouvernante puisse le justifier. Dans tous les cas le nombre d agents réquisitionnés doit rester proportionnel et prendre en compte la durée de la grève, les nécessités de chaque communauté autonome et l extension du mouvement. Par exemple, le juge constitutionnel espagnol est venu sanctionner un «plan de transport» fixé par un décret. Ce plan comportait trois niveaux de circulation des trains. Pour RENFE 126, plus le niveau était élevé, plus le nombre d agents appelés à participer au service minimum était important. Or, pour une grève de huit heures, le décret 124 junta de Galicia Sentencia del Tribunal Supremo du 15 janvier STC 5 mai 53/ SNCF espagnole 42

43 avait appliqué le niveau 2. Le juge constitutionnel a estimé que par rapport à la durée de la grève et sans qu aucune circonstance particulière ne le justifie, le service minimum imposé avait été abusif et disproportionné 127. Il est vrai que, par rapport aux réquisitions gouvernementales françaises, il y a un véritable contrôle de proportionnalité qui est effectué. Il s agit là d un élément regretté par les professeurs G. Lyon Caen et Camerlynk lorsqu ils ont étudié le contrôle du juge administratif. En effet, on peut avoir l impression que ce dernier n applique pas véritablement le contrôle de proportionnalité lorsque les réquisitions sont gouvernementales. Il s agit tout de même d une faille dans le système français lorsqu il est étudié à la lumière de la jurisprudence espagnole. On se rend compte que ce problème perdure encore aujourd hui avec la décision du juge des référés du Tribunal de Montreuil en Alors qu il est question d une liberté fondamentale reconnue par la Constitution et par le juge administratif 128, une conciliation entre les différentes libertés en cause devrait être effectuée. Aucun droit ne devrait être privilégié par rapport à un autre. Or, il s agit là de la pratique française actuelle. Cependant, le système espagnol dispose également de failles. Le recours amparo, seul recours disponible pour protéger une liberté, est un recours très long dans le cadre duquel, par opposition à notre recours en référé liberté, la décision peut intervenir plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le conflit collectif 129. Si le service minimum imposé par le décret n est pas respecté par les agents ou les salariés, ils s exposent, comme c est le cas en droit français, à des sanctions disciplinaires. Ainsi, même si le décret est susceptible d être déclaré abusif et disproportionné, il est recommandé d obéir à l ordre de service minimum. Donc dans tous les cas on porte atteinte au droit de grève. En comparant la jurisprudence avec le système espagnol, on comprend que le contrôle de proportionnalité n est pas réellement au point. Avec la décision du Tribunal de Montreuil on peut penser qu il y a un recul de la proportionnalité dans les mesures encadrant le droit de grève. Dans le sens, une conciliation n est pas vraiment recherchée mais plutôt on cherche à étouffer le droit de grève. Cela est également visible dans le cadre des dispositions législatives qui sont intervenues pour encadrer la liberté de de grève dans certains secteurs. 127 STC 26/ juillet. 128 CE 9 decembre 2003 n Mme Aiguillon. 43

44 2) Un contrôle de proportionnalité imparfait pour les mesures législatives encadrant le droit de grève On peut parler d un contrôle de proportionnalité «inachevé» de la part des juges du Conseil Constitutionnel pour les mesures législatives restreignant le droit de grève parce que soit ce contrôle n a jamais eu lieu (a) soit il est très minime (b). a) L absence de proportionnalité dans les législations interdisant totalement le droit de grève à certains corps de métiers Dans un premier temps, le législateur est intervenu par des lois éparses ne faisant aucune conciliation entre le droit de grève et les droits des usagers. Afin de garantir la continuité du service, le législateur a préféré dans certains cas pondérer le droit des usagers par rapport au droit de grève 130. La législation française n est pas une exception en la matière. En effet, plusieurs pays comme l Italie et également l Espagne ont fait ce choix. Dans certains corps de métier, au nom de l intérêt général et de l ordre public, le droit de grève n est donc pas reconnu. A plusieurs reprises, le Conseil Constitutionnel Français a admis que «la loi peut aller jusqu à l interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments de service public dont leur interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays» 131. Plusieurs services sont concernés en France. Ainsi, il est interdit de faire grève notamment pour les fonctionnaires des compagnies républicaines de sécurité 132, le personnel de la police national 133, les services extérieurs de l administration pénitentiaire 134, les magistrats de l ordre judiciaire 135 ou encore les militaires 136. De l autre côté des Pyrénées, les mêmes restrictions se retrouvent. Il existe notamment une interdiction du droit de grève pour les 130 Esther Carrizosa Prieto in «el principio de proporcionalidad como mécanismo de control en las injerencias en el derecho de huelga» temas laborales numéro 77/2004 pgs Décision du Conseil Constitutionnel du 25 juillet 1979 n DC. 132 Loi n du 27 décembre Loi n du 28 septembre Ordonnance du n aout Ordonnance décembre Loi n du 3 juillet 1972 et loi n mars

45 magistrats, les militaires ou encore la guardia civil (l équivalent de notre police national 137 ). Les lois françaises interdisant le droit de grève à ces corps de métier particuliers représentant directement l Etat sont assez anciennes. Il est possible de considérer que le législateur n a pas réellement tenté de concilier le droit de grève et les autres droits. En effet, le droit de grève est «sacrifié» au nom de la tranquillité, de la paix et de la sécurité des citoyens. Finalement, c est la notion d ordre public qui occupe ici une importance fondamentale. Il est vrai que l on pourrait partir de l argument selon lequel, en tant que liberté fondamentale, le droit de grève ne doit pas être totalement évincé. Ainsi si on s appuie sur la Constitution, en tant que droit «inaliénable», aucun travailleur ne peut y renoncer. Or, de l autre côté, un juge, un agent de police, ou un agent des services pénitentiaires, en tant qu agents publics, sont non seulement chargés d une mission d intérêt général mais ils sauvegardent directement l ordre public. Ainsi, une cessation totale du travail mettrait en danger l Etat et les citoyens. Il serait légitime aujourd hui de se poser la question de savoir si l éviction totale du droit de grève n est pas disproportionnée. Ne suffirait-il pas d une limitation plutôt que d une éviction totale? Aucune réponse ne peut être apportée à ce jour. En revanche, après la «grogne» des policiers en 2002 et des magistrats en 2011, on pourrait se demander si ces sujétions sont toujours justifiées. En effet, ces agents sont finalement soumis à une hiérarchie. Si dans un Etat démocratique tout est affaire de contrepoids et de juste mesure, peut-être que l interdiction totale de la grève à ces agents va au-delà de ce qui est nécessaire pour maintenir l ordre public? Une réponse aurait pu être apportée par le juge constitutionnel sur le fondement du contrôle de proportionnalité. Cependant, à l époque de la promulgation de ces lois, les sages n avaient pas encore le rôle de garant du bloc de constitutionnalité et ces lois n ont pas pu faire l objet d un contrôle 138. Le Conseil Constitutionnel français revient souvent sur le fait qu il n a pas pu exercer de contrôle sur 137 Article 4 del estatut basico de los empleados publicos (EBEP) n 7/2007 du 12 avril Le Conseil Constitutionnel crée en 1958 avait plutôt le rôle de «chien de garde de l exécutif» il se chargeait notamment de vérifier si le législateur n avait pas empiété sur le pouvoirs de l exécutif lorsqu une loi lui été déférée. Ce n est qu en 1971 qu il va devenir réellement le garant de la Constitution en exerçant un contrôle de constitutionnalité des lois non seulement par rapport à la Constitution mais aussi à son préambule auquel il donne pleinement valeur Constitutionnelle. Décision du 16 juillet 1971 dite «liberté d association». Valérie Goesel- Le Bihan in «contentieux constitutionnel» éditions Ellipses, paris

46 ces lois interdisant le droit de grève 139. La mise en place d un service minimum aurait-elle pu être suffisante? En effet, depuis une dizaine d années et particulièrement sous la dernière législature, de nombreux commentaires ont été réalisés quant à l instauration d un service minimum. Suite au rapport d information déposé à l Assemblée Nationale en 2003 par la délégation de l assemblée nationale sur le service minimum dans les services publics en Europe, cela est devenu un des points forts du programme politique de l ancien président de la République. b) La législation sur le «service garanti» : la mise en place d une «démocratie minimum» Après l intervention du rapport Mandelkern de 2004 et des lois qui ont instauré un service minimum dans les transports publics terrestres et aériens, on ne parle que de l encadrement du droit de grève par le service minimum. Il s agirait du meilleur juste milieu entre la défense des intérêts professionnels et la continuité du service public. Cependant, le service minimum existe dans certains services publics depuis En effet, le législateur est déjà intervenu dans des domaines tels que la radiodiffusion 140, le nucléaire 141 et la navigation aérienne 142. Le juge Constitutionnel a été saisi afin d effectuer un contrôle de proportionnalité lorsque des lois sont venus encadrer la grève dans les domaines précités. Le contrôle de proportionnalité effectué par le Conseil Constitutionnel est presque similaire au contrôle effectué par le juge administratif français. En effet, l objectif de ce contrôle est de vérifier si le droit de grève est restreint par une raison valable et si l atteinte au droit de grève est proportionnée. En d autres termes, est-ce que le législateur n aurait pas «tiré sur des moineaux avec un canon» 143? Dans les trois cas, le juge constitutionnel, a promu la continuité du service public 144, la sécurité et la santé des personnes 145 au rang de principe 139 Entre autres décision n du 15 mars 2012 relative à l information des passagers et à divers dispositions dans le domaine des transports. 140 L du 26 juillet L du 25 juillet L du 31 décembre W. Jellinek (juriste allemand) cité par Xavier Philippe in «le contrôle de proportionnalité exercé par les juridictions étrangères : l exemple du contentieux constitutionnel» colloque université Paul Cezanne Aix-Marseille III le 4 et 5 juin Décision du 25 juillet 1979 GAJA. 145 Décision du 24 juillet

47 constitutionnel. Ainsi, la restriction du droit de grève par la mise en place d un service minimum est justifiée par les principes que le juge venait de consacrer. En effet, il revient au législateur «d établir la balance entre les exigences du droit de grève et ceux des autres principes à valeur constitutionnelle (continuité du service public, sécurité et santé des personnes)» 146. En se basant sur l attendu de principe de l arrêt Dahaene, le juge constitutionnel admet également qu il est nécessaire d aboutir à une conciliation entre la défense des intérêts professionnels et les droits des usagers. Cependant, les restrictions ne peuvent pas «désavantager l un des principes au point de le mettre en cause 147». Pourtant, c est ce qu il a pu se passer avec les lois du 21 août relatives à ce que l on appelle de manière très inadapté, «le service minimum dans les transports terrestre de voyageurs» et dernièrement avec la «loi Diard» transposant ces dispositions aux transports aériens 149. Ainsi certains auteurs ont pu parler «d un rabotage du droit de grève» et d un manque de proportionnalité dans ces dispositions 150. D ailleurs, certains députés parlaient à propos de ces textes légaux de l instauration d une «démocratie minimum» 151. En revanche, certains auteurs ont été bien plus loin en qualifiant ces lois de «démagogues et populistes». Selon eux, elles constitueraient une grave atteinte à un droit constitutionnellement garanti et ne concilieraient en rien droit de grève et continuité du service public 152. L ancien ministre de la fonction publique Anicet Le Pors lui-même a jugé cette loi d «inutile» 153. Alors peut-on parler de ces lois comme faisant une exacte conciliation entre liberté liée au droit de grève et droits des usagers? Ou plutôt comme l a estimé M. Le Pors comme «une attaque frontale contre le droit de grève»? 146 Commentaire de la décision du 25 juillet 1979 par L. Favoeureu, GAJA. 147 Ibid. 148 La loi n du 21 aout 2007 «sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs». 149 Loi du 19 mars 2012 (L. n , 19 mars 2012 : Journal Officiel 20 Mars 2012) 150 Loic Grard, «Rabotage du droit de grève dans les transports : le Conseil constitutionnel laisse encore passer», Revue juridique de l'èconomie publique n 702, Novembre 2012, comm Jackie Ralite député du parti communiste lors des débats parlementaire portant sur la loi du 21 aout 2007, séance du 16 juillet Eric Millard,( professeur à l université de Paris Nanterre centre de Théorie et d analyse du droit) «La loi sur continuité du service public des transports terrestres de personnes» : bienvenue ou dangereuse, légitime ou attentatoire au droit de grève?» Revue de droit du travail, ISSN , Nº. 10, 2007, págs Propos recueilli dans le journal «l humanité» article paru le 22 juillet 2004 «une accumulation des mesures de régression sociale». 47

48 Par certains côtés, La loi restreignant le droit de grève dans les transports terrestres et mêmes celles qui ont suivi 154 peuvent sembler juste voire même libérales. Il ne s agit pas de l instauration d un service minimum, entendu dans le sens commun, mais plutôt d un «service garanti». En effet, les diverses lois ne prévoient pas une réquisition ou une désignation des agents mais plutôt une prévisibilité du service par des dispositions particulières. En effet, selon les dispositions du Code des transports 155, les agents directement en lien avec l exécution du service doivent se déclarer grévistes 48 heures avant la cessation de travail. Il ressort de ces dispositions mais également des débats parlementaires qu avec cette déclaration individuelle on gagnerait en prévisibilité sur le nombre de grévistes pour organiser un plan de transports à l avance. De cette manière, l autorité organisatrice des transports définie les dessertes prioritaires et l employeur peut redéployer les non-grévistes afin d assurer un service. Pour ces raisons, le ministre des transports, Thierry Mariani, après le vote de la loi sur les transports aériens a indiqué que «la tradition française est bien respectée ; à savoir que le droit de grève n est absolument pas remis en cause ici. Mais le droit des passagers existe enfin». Mais ces dispositions sont-elles véritablement nécessaires et efficaces? A titre d illustration, un scénario extrême peut être envisagé : lors d une grève SNCF dans la région Loire-Atlantique, la totalité des cheminots se déclarent en grève. Dans ce cas, il est clair que les usagers seront au courant à l avance mais la continuité du service ne sera pas garantie. Finalement, ces lois, plus qu une conciliation entre le droit de grève et les droits des usagers, établissent avant tout un «encadrement strict du droit de grève». Il s agit d une domestication du droit de grève sous couvert d une meilleure conciliation entre droit de grève et droits des usagers. Alain Gournac, lors de la présentation du projet de loi du 21 août 2007 devant l assemblée, présentait pourtant ce projet comme étant «un point d équilibre entre le respect du droit individuel du droit de grève et les autres principes à valeur constitutionnelle». Or, cet équilibre a rapidement évolué dans le vocabulaire de certains ministres pour parvenir à la «nécessité d éviter un maximum le recours à la grève, éviter les paralysies engendrées par le droit de grève» 156. Ces textes légaux visent surtout à éviter le droit de grève. Les propos de Diedonné Mandelkern en sont l exemple : 154 LOI n du 20 août 2008 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire et LOI n du 19 mars 2012 relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports 155 l article L (pour les transports terrestres de passagers) et l article L (les transports aériens) 156 Xavier Bertrand ministre du travail sous le gouvernement Fillon. Débats parlementaires sur le projet de loi du 21 aout 2007 séance du 17 juillet

49 «la bonne grève est celle qui n a pas lieu». Alors, derrière le souci d «équilibre» affiché par les sénateurs UMP tels que Gournac et Procaccia, il y a surtout le désir de limiter les effets d un «droit constitutionnel de nuire». Ces lois essaient avant tout de contourner la grève par l instauration d une obligation préalable de négocier. En effet, désormais, dans les transports aériens, dans les transports terrestres de passagers et même dans les écoles maternelles et primaires, il existe une obligation de négociation comme étape précédent le dépôt du préavis. La durée de la négociation est d au maximum huit jours 157. Ensuite, c est la législation de 1963 qui s applique, c est-à-dire que le préavis est déposé cinq jours avant le déclenchement de la grève. Au total, avant que les salariés des entreprises de transports puissent faire grève, treize jours peuvent s écouler. Si Alain Gournac et Madame Procaccia parlaient de cette loi comme étant le point d équilibre entre le droit de grève et les droits des passagers, on peut avoir du voit mal à voir où se situe l équilibre. Ces lois ne garantissent pas tout à fait un service minimum et on cherche à éviter d exercer la liberté fondamentale de faire grève. Lorsque les négociations ont échoué, que la grève n a pu être évitée et que le préavis a été déposé, il ne faut pas que les agents oublient de se déclarer grévistes 48 heures à l avance 158. Il en va de même lorsque ces mêmes agents décident de ne plus faire grève depuis la loi Diard transposée aux transports terrestres. Il existe une obligation de prévenir la hiérarchie 24 heures à l avance. Il s agit là d un encadrement strict répondant à un objectif de limitation des effets de la grève. Or, la grève n est-elle pas véritablement efficace que si elle est gênante? L encadrement strict n a-t-il pas vocation à démontrer qu aujourd hui «quand il y a une grève en France plus personne ne s en aperçoit» 159. En apparence, il existe sans doute une volonté de conciliation et de restriction du droit de grève de manière proportionnelle. Mais il demeure des doutes si l on recueille l ensemble des propos des auteurs de ces lois. Alors que le droit de grève doit être avant tout un contrepoids au pouvoir de l employeur et un rapport de force, on se rend vite compte que 157 Article 3 de la loi La loi n du 21 aout 2007 «sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs» repris par la loi du 8 aout 2008 sur l organisation d un service d accueil dans les écoles primaires ainsi que par la loi du 19 mars 2012 pour l organisation d un service minimum dans les transports aériens.» 158 Contrepied de la jurisprudence du la Cour de Cassation air France c/le bras ass plen. 26 juillet 2006 : «il ne pouvait pas être imposé à un salarié d indiquer à son employeur son intention de participer à la grève avant le déclanchement de celle-ci». 159 Nicolas Sarkozy Meeting UMP 5 juillet

50 ces possibilités dans les entreprises de transports deviennent de plus en plus minimes. L objectif est avant tout d apporter un encadrement strict à une notion qui gagnerait à être articulée avec les autres droit et libertés qui peuvent être mis en cause lorsque l on se trouve face à une cessation collective de travail. Nombreux sont les députés et les sénateurs de l opposition qui attendaient que les sages de la rue Montpensier interviennent afin de sanctionner la disproportion des mesures via le contrôle de proportionnalité. En étudiant les décisions rendues, on remarque le faible contrôle effectué par le Conseil Constitutionnel. Selon les auteurs des lois instaurant un service garanti dans les entreprises de transports terrestre et aérien, ces dispositions étaient nécessaires afin de concilier le droit de grève et la continuité du service public 160 ou l ordre public 161. Sur la base de ces justifications, le juge constitutionnel valide les dispositions des lois. En revanche, il ne va pas plus loin en prenant comme «leitmotiv» le considérant de principe déjà utilisé en 1979 : «le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle mais il a des limites ( ) le législateur est habilité à tracer les limites en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte». Les sénateurs et les députés qui ont saisi le Conseil Constitutionnel ont souligné le fait que le délai minimal à respecter avant le déclanchement du droit de grève était excessif lors du premier projet de loi dans les transports terrestres de voyageurs. Ainsi, ils estimaient que «l'obligation de recourir à une négociation préalable avant le dépôt d'un préavis de grève limite excessivement l'exercice de ce droit compte tenu de la durée de négociation imposée et de l'absence de prise en considération de la nature des revendications à l'origine de la grève ; que les sénateurs requérants estiment, pour leur part, que la confirmation et le renforcement de l'intervention obligatoire et préalable des syndicats représentatifs pour le déclenchement de la grève porte une atteinte excessive à l'exercice du droit de grève.» 162. Cependant, au nom de la continuité du service public, les juges ont validé cette disposition qui est fondée sur un équilibre entre le droit de grève et la continuité du service public. En revanche, le contrôle n est pas allé au-delà de ces éléments et s arrête à la justification de la mesure. Le juge ne cherche pas à savoir si le délai de treize jours de procédure 160 Décision du 16 aout 2007 et décision du 7 aout Décision du 15 mars Décision n DC du 16 août

51 obligatoire avant le déclenchement d une grève est excessif ou non? Les juges ne font pas de conciliation dans ce cas, ils utilisent le même vocabulaire que certains ministres et valident la mesure parce que «ce délai est destiné à permettre d'abord une négociation effective susceptible d'éviter la grève» 163. Cela est surprenant, le juge constitutionnel alors qu il est le garant des libertés fondamentales valide une disposition parce que cela permet d éviter d avoir recours à une des libertés qu il est censé protéger. Cela parait donc dérisoire, on comprend alors pourquoi certains auteurs parlent d un manque de proportionnalité concernant ces décisions. Le contrôle de proportionnalité s arrête à la justification de la mesure et ne va pas au-delà. Le juge ne s est pas interrogé sur la nécessité de cette mesure ni même sur la proportionnalité des treize jours obligatoires avant le déclenchement de toute grève. Aussi, les députés parlaient d une restriction du droit de grève importante lorsqu une disposition prévoit la déclaration personnelle 48 heures avant le déclanchement du conflit pour les agents participant directement à l exécution du service. En effet, selon certains députés cela permet à l employeur de faire pression sur le salarié durant ces 48 heures afin qu il renonce à faire grève. Le juge, encore une fois, s arrête à la justification de la mesure portant sur la continuité du service mais ne va pas au-delà. Aujourd hui, la mise en balance des droits fondamentaux par le juge constitutionnel n est pas très juste. Lors du vote de la loi applicable aux transports terrestres, le juge a effectué un contrôle de proportionnalité qui ne ressemblait que partiellement au «test allemand» 164. Puis, après la loi Diard le contrôle de proportionnalité est passé de partiel à moyen. Alors que la restriction d une liberté fondamentale ne peut être réalisée que pour une conciliation avec d autres libertés fondamentales ou «principes à même valeur constitutionnelle», la dernière décision du juge constitutionnel est peu compréhensible. La loi Diard a introduit un nouveau dispositif permettant d encadrer les conflits collectifs dans les transports aériens. Elle a également été transposée aux transports terrestres. Il s agit des nouveaux articles L alinéa 2 et L du Code des transports qui obligent les salariés grévistes à déclarer leur volonté de reprendre le travail 24 heures avant la prise 163 Ibidem. 164 Trois étapes sont à réaliser dans le contrôle de proportionnalité selon le test allemand : la justification de la mesure, la nécessité de la mesure et la proportionnalité à proprement parler par la théorie des coûts et des avantages. Selon Esther Carrizosa Prieto becaria FPDI universidad Pablo Olavide in «principio de proporcionalidad en la injerencias del derecho de huelga» Temas laborales num 77/2004 pg

52 de poste pour permettre à l employeur d adapter le plan de transport. Cette disposition est fondée sur le «droit d information des passagers» qui n est ni un droit inscrit à la Constitution ni même un principe à valeur constitutionnelle. En effet, cela permet d avoir une visibilité sur les effectifs présents dans l entreprise et de maintenir un service organisé en prenant comme façade la conciliation avec les droits des usagers. En plus d un certain recul de la proportionnalité à l égard des restrictions apportées au droit de grève, une autre critique peut être apportée. Le Conseil constitutionnel, et même le juge administratif, ont admis des restrictions dans les secteurs qualifiés de «besoins essentiels pour la nation». Si l on reprend la définition donnée par le comité de la liberté syndicale de l organisation internationale du travail, il s agit d un«service dans lequel une interruption mettrait en danger, dans l ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne». On peut alors se demander en quoi l interruption des services de la SNCF ou d Air France mettrait en péril la santé et la sécurité de la nation. Aujourd hui, on ne sait véritablement pas ce qu est un service essentiel. Alors qu avant on pensait que la notion de service essentiel était fortement liée à la continuité du service public, cela n est plus cas avec la loi Diard. En effet, cette dernière encadre le droit de grève dans les entreprises privées de transport. Pour faire valider cette loi, elle a dû être articulée avec la notion d ordre général qui est une notion vague qui pourrait être utilisée pour encadrer le droit de grève dans d autres secteurs tels que les entreprises comme EDF ou le ramassage d ordures, des secteurs considérés par le droit espagnol comme essentiels. La dernière critique qui peut être apportée porte sur le fait qu avec autant de restrictions fondées sur les mêmes principes (continuité du service public, santé, sécurité), les restrictions du droit de grève sont toujours fondées sur des justifications légèrement «stéréotypées». Même si les juges sont amenés à contrôler la proportionnalité des restrictions en les prenant les divers moyens utilisés (acte administratif ou lois) on se rend compte qu ils se basent sur les mêmes justifications. Ainsi, les réquisitions viennent sanctionner une grève qui serait devenue abusive au point de mettre en péril l intérêt général, les désignations et les diverses lois votées ces dernières années servent à prévenir le conflit lorsque l on craint que dans certains secteurs la grève deviennent trop gênante. La liberté de faire grève est donc bien encadrée dans les «services essentiels». Mais est-ce 52

53 proportionnel le fait d avoir autant d outils avec autant d acteurs susceptibles d apporter des restrictions pour une liberté aussi fondamentale que celle de la liberté de faire grève? Le droit espagnol, après l échec du gouvernement Gonzalez sur le projet de loi instaurant un service minimum dans les services essentiels, fonctionne encore avec le système des réquisitions que l autorité de la communauté autonome met en place par décret. Le rapport sur les services minimums en Europe présenté en 2003 devant l assemblée nationale démontre que ce système, malgré quelques imperfections, est efficace. Afin de trouver une conciliation équilibrée entre le droit de grève et les droits des usagers, il faudrait sans doute se concentrer sur un mécanisme particulier et améliorer le contrôle de proportionnalité qui doit être fait. Le droit de grève a donc des limites internes. Les mouvements doivent répondre à une définition bien précise autant en droit français qu en droit espagnol. Mais le droit de grève a également des limites externes. D une part, le mouvement de grève concerne les salariés et l employeur. De ce fait il ne peut porter atteinte à aux droits des usagers qui sont des tiers au conflit. D autre part, les limites externes du droit de grève ne s arrêtent pas au droit des usagers. A l intérieur même de l entreprise d autres libertés doivent être respectées. La grève ne doit pas être «disproportionnée». Ainsi une grève ne peut porter atteinte à la liberté de travailler du salarié non gréviste ou alors désorganiser totalement l entreprise au point que celle-ci soit en péril. Il semble alors qu un contrôle de proportionnalité implicite soit mis en place pour sanctionner ce que l on appelle la grève abusive. 53

54 PARTIE II. La proportionnalité comme trait d union entre le droit de grève et l intérêt de l entreprise : la sanction de l abus du droit grève L exercice du droit de grève doit être proportionné et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire. Les juges de la Cour de Cassation semblent faire un contrôle de proportionnalité implicite à travers des notions de «trouble manifestement illicite» et «désorganisation de l entreprise» pour sanctionner une grève qui serait devenue abusive. Un contrôle que le juge espagnol ne cache pas contrairement au droit français. Dans les deux jurisprudences il s agit d une part de ne pas entraver la liberté de travail des nongrévistes et ne pas s opposer trop fortement aux libertés économiques de l employeur au point que l entreprise soit en péril (A). Il s agit en effet de ne pas rompre un équilibre. Cependant, la Cour de Justice de l Union Européenne semble s être servi du principe de proportionnalité comme un outil ayant permis de construire une nouvelle hiérarchie des normes. En effet, la proportionnalité dans les conflits transnationaux a permis de soumettre le droit de grève aux libertés économiques de l employeur. En adoptant ce point de vue européen il ne s agit plus d encadrer le droit de grève à l aide du principe de proportionnalité mais plutôt de l évincer définitivement (B). A. Un contrôle de proportionnalité sous-entendu dans les notions de «désorganisation de l entreprise» et «trouble manifestement illicite» La proportionnalité s applique également à l exercice du droit de grève à l intérieur de l entreprise. Le droit de grève doit s exercer tout en respectant les autres droits et libertés de l entreprise. La relation de travail qui est basée sur la bonne foi, le droit de grève trouve une limite qui est la faute lourde du salarié. En droit du travail français c est hiérarchiquement parlant la faute la plus grave que l on puisse trouver, qui se caractérise selon la jurisprudence par «une intention de nuire». En droit espagnol il agit d une faute de«gravité spéciale» 165. Certains comportement durant une grève totalement licite, sont abusifs et doivent être sanctionnés. Ce sont des fautes que l employeur doit amputer personnellement au salarié dans les deux législations étudiés. En effet, dans l exercice du droit de grève il y a tout de même des devoirs de «bonne conduite» 166. Il s agit notamment de ne pas avoir recours à des actes de violence, ni porter atteinte à des biens. L exercice du droit de grève doit s exercer dans une certaine civilité. La disproportion de la grève est un des contours de la faute abusive dans le droit de grève. En effet, le droit de 165 STC 127/ Martin Valverde cité par Ignacio Garcia Perrote in «manual del derecho del trabajo». 54

55 grève ne doit pas porter atteinte à la liberté de travailler des non-grévistes (1). Mais également à travers la notion de «désorganisation totale de l entreprise», le gréviste à une limite, qui est l intérêt de l entreprise. Ainsi, mettre en péril l économie de l entreprise c est exercer le droit de grève de manière disproportionnée qui se traduit en abus (2). 1)La caractérisation d un trouble manifestement illicite: l atteinte disproportionnée de la grève à la liberté de travailler Lorsqu une grève dégénère on parle d un durcissement des comportements individuels. Dans certains cas après l échec des premières négociations, les grévistes veulent en quelques sortes paralyser la production en demandant aux non-grévistes de rejoindre leur rang. Les grévistes ne commettent aucun abus tant que leur manifestation auprès des nongrévistes se limite à informer et distribuer des tracts (b). Cependant, bloquer l accès et empêcher le non gréviste d atteindre son poste de travail fait que la grève devient disproportionnée et abusive (c) qu il convient de sanctionner puisque la liberté de travailler est un droit protégé et opposable aux grévistes (a). a) L opposabilité de la liberté de travailler au droit de grève Le droit de grève est un droit positif mais également négatif. En effet, à l intérieur d une même entreprise coexistent des travailleurs qui vont faire grève et ceux qui ne veulent pas faire grève et continuer à travailler. Les premiers ne peuvent influencer les seconds ou porter atteinte à leur liberté de travailler et à leur droit de ne pas faire grève. Il doit y avoir une certaine conciliation entre la liberté exercée collectivement et la liberté individuelle ne pas faire grève et de continuer le travail. En d autres termes, au sein d une entreprise, c est en quelque sorte «ma liberté contre la tienne» 167. Tout comme on ne peut pas interdire la grève aux travailleurs, les grévistes ne peuvent pas obliger à faire grève ceux qui ne le veulent pas. Il faut alors respecter chacune des deux libertés en jeu. La liberté de travailler a toujours été protégée contre le délit de coalition et le droit de grève. Déjà, la loi du 14 juin 1791, en son article 8, protégeait la liberté de travailler à l encontre des coalitions ouvrières en exposant que «tous attroupements, composés d artisans, ouvriers, compagnons, journaliers ou excités par eux contre le libre exercice de 167 Marie Tilche «les barrages routiers» Bulletin des Transports et de la Logistique nº3081 du 09/05/

56 l industrie et du travail ( ) seront réprimés». Ensuite, la loi libérale du 25 mai 1864, qui a en quelque sorte libéralisé le droit de grève, a supprimé le délit de coalition en le substituant au délit d atteinte à la liberté de travailler. Aujourd hui, très paradoxalement, l entrave à liberté de travailler est toujours réprimée par le Code pénal aux articles et -2. En revanche, l entrave au droit de grève n apparaît pas dans ce code. Le droit espagnol protège également la liberté de travailler. Ainsi, l article 6.4 du RDLRT précise que, durant les grèves, «la liberté de travailler devra être respectée». De même, le droit espagnol condamne toute entrave à cette liberté aussi fondamentale que le droit de grève dans le code pénal mais de manière plus implicite à l article del codigo penal 168. La liberté de travailler peut renvoyer à diverses définitions au cours de la relation de travail mais elle prend une forme particulière lorsqu elle est confrontée à la liberté de faire grève. Ainsi, selon Jean Pélissier, la liberté de travailler est «la liberté d exécuter une tâche alors que d autres salariés sont en grève» 169. Selon Alain Supiot, elle «permet à l individu d avoir des droits contre un groupe» 170. Pourtant, certains comportements de grévistes qui ne respectent pas ce «principe» font que la grève peut rapidement dégénérer en abus. En portant atteinte à la liberté de travailler, la grève prend des dimensions disproportionnées et les grévistes inversent le but et les moyens. En effet, on considère que les moyens vont au-delà de ce qui est nécessaire pour faire pression sur l employeur. Cela concerne notamment les cas dans lesquels le moyen consiste à obliger les non-grévistes de faire grève 171. De ce fait, la grève n est pas pour autant illicite mais elle devient illégitime de par les moyens employés. La doctrine du Tribunal Constitutionnel espagnol est assez claire en ce sens. Lorsque les moyens employés dans l exercice normal de la grève portent atteinte à la liberté de travail cela «dénature et défigure le droit de grève le situant à la marge de son contenu essentiel» 172. L atteinte à la liberté de travail peut intervenir notamment par les piquets de grève formés par les travailleurs grévistes. Selon Bernard Teyssié, les piquets de grève sont à l origine 168 Selon l article del codigo penal «Des peines identiques à l alinéa deux seront infligées à ceux qui, agissant en groupe, ou individuellement mais en accord avec les autres, feront pression sur d autres personnes pour engager ou continuer une grève». 169 Jean Pélissier in «La liberté du travail» - 10/01/1990 Droit social 1990 p Alain Supiot in «Le travail, liberté partagée» - 10/09/1993 Droit social 1993 p Cyril Wolmark in «la définition prétorienne étude en droit du travail préface de Georges Borenfreund nouvelle bibliothèque de thèses, éditions Dalloz, Paris STC 20 juin 2011 ibidem. 56

57 d une forme de pression des salariés sur l employeur qui peut vite dégénérer en abus et constituer une forme de pression des grévistes sur les non-grévistes 173. Ils s analysent comme des regroupements de salariés grévistes à l extérieur ou à l intérieur de l entreprise. Ils peuvent être licites si aucun empêchement n est provoqué à l égard de la liberté de travailler. b) L exercice du droit de grève légitime : le respect de la liberté de travailler Le piquet de grève peut être simplement informatif lorsqu il se situe à l extérieur de l entreprise. Tant le droit espagnol que le droit français autorisent ce genre de pratiques 174. D ailleurs, la doctrine du tribunal constitutionnel qualifie les piquets de grève comme étant des manoeuvres «pacifistes» 175. En effet, les piquets de grève n ont vocation dans certains cas qu à informer les non-grévistes des causes du mouvement. Ils peuvent également susciter la sympathie via la médiatisation 176. Nous avons assisté à ce type de pratiques lors des grèves de l entreprise Lejaby. Finalement, le juge français est resté sur la même lignée que le juge espagnol en estimant que les piquets de grève sont la «légitime expression collective de la revendication des salariés» 177. Même si une partie de la doctrine espagnole conteste ce genre de mouvements, ils n en restent pas moins licites tant que la liberté de travail est respectée 178. Les piquets de grève peuvent également se dérouler à l intérieur de l entreprise. Cela se traduit par une occupation des locaux où le travail se déroule. Certains employeurs ont pu analyser cela comme une atteinte au droit de propriété 179. C est d ailleurs pour cette raison que, dans un premier temps, la RDLRT interdisait l occupation des lieux de travail durant la grève à l article 7.1. Or, autant la jurisprudence espagnole que la jurisprudence française ont exclu cette analyse. En effet, tant que l occupation ne porte pas atteinte à la liberté de travail des non-grévistes, elle n est pas disproportionnée et ne sera pas constitutive d un abus. Il peut en effet s agir d une manifestation symbolique, cela a été le 173 Bernard Teyssié in «droit du travail des relations collectives» éditions litec, lexisnexis paris Article 6.6 du RDLRT 4 mars STC 254/ Manuel Alonso Oléa et Emilia Casas Baamonde ibidem. 177 TGI, n o 10/02463, 30 sept Selon le professeur Rodrigo Martin Jimenez («derecho de huelga contra derecho al trabajo» in la cara y la cruz legaltoday.com) et selon le magistrat José R. Chaves («piquetes informativos fuera de la ley» diario independiente de Asturias du 24 septembre 2010) ces piquets rien que dans le fait de demander l adhésion des non grévistes au mouvements cela est constitutif de l atteinte à la liberté de travail. 179 TGI de Metz 21 avril 1972 : DR. Ouvrier 1972,

58 cas dans l affaire «Mcdonald s» de Strasbourg Saint Denis en Dans l une des franchises de la marque, 28 salariés sur 30 s étaient mis en grève en occupant les locaux de l entreprise tout en respectant le travail des deux autres salariés et sans porter atteinte à leur liberté de travailler. Dans d autres cas, comme l avance le professeur Manuel Alonso Oléa, l occupation du lieu de travail tient de l organisation même du travail. C est le cas notamment des marins qui effectuent une grève «pacifique» sur leur bateau qui est non seulement leur lieu de travail mais également leur lieu de domicile 180. Cependant, si le moindre non-gréviste est gêné ou empêché de travailler, la grève devient disproportionnée et la faute lourde est constituée 181. En droit français, la grève devient alors un trouble manifestement illicite auquel le juge met fin dans l objectif de protéger la liberté de travail. c) La caractérisation du trouble manifestement illicite : la protection de la liberté de travail et l exclusion de la protection des libertés de l employeur En effet, certains piquets de grève à l extérieur et à l intérieur de l entreprise peuvent prendre une deuxième dimension, une dimension abusive en anéantissant la liberté de travail de non-grévistes. C est notamment ce qu il s est passé lors des grèves dans les hauts fourneaux d Arcelor Mittal ou dans les Ateliers de PSA Aulnay. Les piques de grève ne deviennent plus informatifs mais servent notamment à bloquer les entrées et les sorties d un bâtiment en empêchant de rentrer les non-grévistes les plus souvent par les feux de palettes ou de feu de pneus lors des piquets extérieur. Mais également, les grévistes commettent une infraction en empêchant les non-grévistes à rejoindre leur poste de travail par des atteintes physiques 182 ou des voies de faits par des violences morales 183 Comme on a pu le voir lors des grèves dans l atelier de PSA Aulnay 184. Selon une circulaire du 22 mars 1950 et la jurisprudence du tribunal Constitutionnel 185 tous ces agissements constituent une atteinte à la liberté du travail. En effet Le professeur espagnol De Villa considère que ces agissements doivent être perçus comme une dissuasion à la volonté de 180 STS (sentecia del tribunal supremo) 10 mars 1982 et 24 mai Soc. 7 juin 1995 n Cass. Crim 27 novembre 1979 :jurisp. Sociale 1980, Riom, 11 mai 1950 : rev.sc.crim 1950, Voir en Annexe III : le droit de grève contre la liberté de travail : «PSA Aulnay : les non-grévistes inquiets» Interview Europe I. 185 STC 137/

59 travailler qui doit être, tout comme l entrave au droit de grève réprimée. Le tribunal Constitutionnel espagnol estime que ces agissements «dépassent les limites de ce qui est constitutionnellement protégé» 186. En droit français contrairement au droit espagnol qui est plus radical 187 il y a un mécanisme pour mettre fin à ces agissements. Il s agit du référé expulsion rendu par le juge du tribunal de grande instance. Il s agit d un référé d heure à heure sur la base de l article 809 du code de procédure civil 188. Lors de cette procédure le juge du référé fait un contrôle in concreto et recherche si les piquets de grève sont abusifs devenant ainsi un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin par une procédure d expulsion. Si l on décompose la notion de trouble manifestement illicite on retrouve que : Un trouble est «une atteinte à la paix publique ou à l exercice d'un droit individuel» et lorsque ce trouble est manifeste cela «justifie incontestablement une intervention lorsque les conséquences sont contraires à l équité» étant donné que le trouble est illicite et donc «contraire au droit et aux bonnes mœurs» 189. En d autres termes, le juge est invité à rétablir l équité. Pour cela il rend un titre exécutoire pour expulser les grévistes qui bloquent les entrées des entreprises 190 ou qui gênent les salariés non-grévistes à l intérieur de locaux. Il s agit en effet de rendre la liberté de travail à chacun des non-grévistes lésés par une grève en «disproportion flagrante et excessive avec les objectifs poursuivis» 191. Ici le contrôle de proportionnalité est implicite, et recherche en quelque sorte la «raisonnabilité» dans laquelle la grève s est déroulée. Ainsi, le référé expulsion lorsqu il est prononcé sanctionne un manque de proportionnalité et de raisonnabilité dans l exercice du droit de grève. Le référé expulsion lorsqu il est prononcé permet de mettre sur un pied d égalité certains droits que certains auraient préférés hiérarchisés STC 13/ Selon la décision du Tribunal Constitutionnel du 8 avril 1981, en cas d occupation illicite des lieux de travail par les grévistes l employeur est autorisé au recours au lock out. Sans passer par une autorisation administrative comme c est le cas en France. 188 Voir annexe IV : pour la procédure de référé. Article 809 du code de procédure civil : «Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.» 189 Vocabulaire juridique, Gerard Cornu aux éditions «quadrillage» presse universitaire de France, 9 édition Paris Cass. Soc 21 juin 1984 n TGI Paris, ref. 27 mars 1979 JCP Cl 1980,I 8488 p.57. TGI Paris 28 janvier 1980 : JCP cl 1980,I 9100 p Isabelle Cornesse «le principe de proportionnalité en droit du travail» (introduction «proportionnalité et finalité). 59

60 La caractérisation d un trouble manifestement illicite ne se fait aujourd hui que pour protéger la liberté de travailler des non-grévistes. Ainsi, seules les libertés des tiers au conflit sont les seules à protéger contre un droit de grève devenu disproportionnée et abusif. En effet, le trouble manifestement illicite ne sera pas caractérisé lorsque l employeur invoque la violation de son droit de propriété. Le droit de grève est par sa nature même une limite aux libertés de l employeur qui est le premier concerné par un conflit collectif. De ce fait, même si l occupation des lieux de travail est une véritable voie de fait, l idée de conciliation entre droit de grève et le droit de propriété de l employeur n est plus faite par le juge des référés depuis début des années Pendant un moment nous avons cru à la conciliation entre libertés de l employeur et droit de grève via la notion des «revendications raisonnables». Par le biais du référé l employeur saisissait le juge des référés pour apprécier avant le déclanchement de la grève le caractère déraisonnable de celle-ci. L assemblée plénière de la Cour de Cassation avait alors admit dans la célèbre affaire «Air Inter» que le juge des référés pouvait apprécier la «raisonnablité» des revendications professionnelles. Dans l affaire Air Inter l équipage s étaient mis en grève suite à une décision ministérielle permettant d utiliser des avions avec un équipage réduit 194. Dans une autre affaire un peu plus récente dans les transports de la ville de Marseille les salariés de l entreprise RTM s étaient opposés à la décision de la communauté urbaine de Marseille sur la privatisation de l entreprise 195. Dans les deux cas, le juge des référés avait constaté que l employeur ne pouvait répondre aux revendications étant donné que la décision ne lui appartenait pas. Il s agissait ici selon Madame Cornesse de «déterminer que la grève ne procure pas plus d inconvénients qu elle n entraine d avantages». Il y a une idée de proportionnalité dans les «grèves déraisonnables». C est l idée suivant laquelle il doit y avoir un rapport de mesure entre les modalités de la grève et les capacités de l entreprise à la supporter financièrement. L employeur ne pouvant répondre favorablement aux revendications des salariés l entreprise risque d être bloquée par la grève. L intérêt de l entreprise qui doit être au centre de conflit est en péril mais la liberté d entreprendre de l employeur aussi. 193 TGI Mulhouse 9 octobre Ass.Pléniaire 4 juillet 1986 Bull Civ n TGI Marseille ord.ref 4 novembre 2005 D.2005 n

61 Alors justement, les juges de la haute Cour sont venus évincer cette pratique. D une manière sous entendue les juges ont admis que le droit de grève ne doit pas se concilier en principe avec les libertés économiques de l employeur. Ainsi les juges de la chambre sociale de la Cour de Cassation ont estimé que «la capacité de l employeur à satisfaire les revendications des salariés est sans incidence sur la légitimité de la grève». 196 Néanmoins cette solution doit aujourd hui être contrastée avec le droit de l Union Européenne qui concilie désormais droit de grève avec le principe de a liberté d établissement des entreprises. En effet la CJUE à l issue des arrêts très contestés Viking et Laval invitent désormais les juges dans le cadre des conflits collectifs transnationaux à vérifier le caractère raisonnable des revendications afin que les libertés économiques ne soient pas lésées 197. Ces jurisprudences on fait couler beaucoup d encre, beaucoup d auteurs ont avancé le fait que le droit de grève est justement un contrepoids à la liberté économique de l employeur. Le droit de grève en tant qu instrument de régulation sociale ne peut se concilier avec l économie étant donné que ce droit à se rebeller est inhérent à la dignité humaine 198. En règle générale, les travailleurs faisant grève s opposent justement à une vision trop économique de l entreprise (délocalisations, suppressions de poste afin de faire des économies) par l employeur qui oublie parfois les droits sociaux du capital humain. Cependant, l abus du droit de grève peut «désorganiser l entreprise» et c est dans ce contexte que les droits de l employeur peuvent être reconnus. Le juge va sanctionner un droit de grève qui se serait trop opposé à la liberté d entreprendre de l employeur ce qui est contraire à l intérêt de l entreprise. Il s agit plus d une sanction plus que d une conciliation. Un contrôle de proportionnalité très implicite que certains auteurs ont rapproché de la théorie des couts et avantages 199 faite par le juge administratif. 196 Cass.sociale 23 octobre 2007 N Z (affaire RTM) Soc. 2 juin 1992(affaire Air inter). 197 CJCE 11 décembre 2007 affaire Viking C-438/05, CJCE 18 décembre 2007 affaire Laval C-34/ Alain Supiot in «L Europe gagnée par «l économie communiste de marché» 30 janvier 2008, Benoit Géniaut «le proportionnalité dans les relations de travail» et Isabelle Cornesse «la porportionnalité dans le droit du travail». 61

62 2) La proportionnalité à travers la théorie des couts-avantages : la mise en péril de l économie de l entreprise par sa «désorganisation totale» Selon Benoit Géniaut, la désorganisation de l entreprise serait une notion qui vient préciser le critère de la disproportion des préjudices subis par l employeur. En effet, toutes le grèves désorganisent un minimum l entreprise. Cependant il paraît important de souligner que la disproportion se trouve dans la désorganisation totale de l entreprise plutôt que dans la simple désorganisation de la production (a). Cette notion est une notion hybride aux contours très flous. Par certains côtés, avec la naissance de nouvelles formes de grèves telles que les débrayages répétés, les grèves tournantes le droit français autant que le droit espagnol semblent placer la désorganisation de l entreprise dans l atteinte disproportionnée aux libertés économiques de l employeur (b). a) L abus du droit de grève dans la désorganisation de l entreprise : l exclusion de la désorganisation de la production La grève est un véritable droit de nuire. Cette notion de désorganisation paraît un peu complexe à comprendre. Le droit de grève en lui-même n est-il pas déjà un droit de nuire qui, lorsqu il est exercé désorganise ne serait-ce qu un minimum l entreprise? Le droit espagnol fait également référence à cette notion. La jurisprudence du tribunal constitutionnel admet que le droit de grève est un droit qui permet de nuire mais dans les limites de ce qui «est raisonnable et sans désorganisation de l entreprise» 200. Mais que recouvre exactement cette notion? La désorganisation de l entreprise est une définition purement prétorienne tant en droit français qu en droit espagnol. Selon les juges de la haute Cour pour qu une grève soit déclarée abusive il ne faut pas simplement une «désorganisation de la production 201». En effet toute grève rend l exploitation d une entreprise un peu plus onéreuse qu en temps de paix sociale 202. Le juge espagnol est sur la même lignée que le juge français et peut être un peu plus explicite que ce dernier. Ainsi, selon une sentence du tribunal Constitutionnel du 2 décembre 1982 le juge a estimé qu «il ne suffit pas que la grève ait occasionné un préjudice à l entreprise sinon, il faut que ce préjudice soit grave et qu il ait été recherché 200 STC 8 avril Soc. 7 avril 1993, RJS, 1993 n Soc. 5 juillet 1995, Bull, V n

63 par les grévistes, qu il aille en quelques sortes au-delà ce qui est raisonnable ( ) que ce que la pression de la grève implique». 203 Ainsi comme le commente le magistrat Martin Valverde, toute grève suppose des préjudices. Ce que l on recherche dans la désorganisation de l entreprise c est de savoir si les moyens de pression contre l employeur ait été au-delà de ce qui est nécessaire 204 ce qui a mis en péril la survie de l entreprise. Il apparaît que les juges français tendent à donner à la notion de désorganisation de l entreprise plusieurs sens. Dans certains cas, selon l évolution jurisprudentielle de ces dernières années il y a désorganisation totale de l entreprise que lorsque il y atteinte à la liberté de travailler des non-grévistes 205. Mais dans d autres cas et de manière implicite, il y a une notion très économique dans la notion de désorganisation de l entreprise, rejoignant la liberté d entreprendre de l employeur dans la jurisprudence de la Cour de Cassation. D ailleurs, c est en ce sens que le juge espagnol fait apparaître de manière très précise à travers la notion «de proportion des sacrifices» entre les grévistes et l employeur. b) La désorganisation de l entreprise : la proportionnalité entre les sacrifices des grévistes et les conséquences économiques pour l employeur Lorsqu il y a désorganisation de l entreprise sa survie est en jeu. En effet le droit de grève est un droit particulier en ce qu il permet de limiter les pouvoirs de l employeur. Selon la jurisprudence du Tribunal Constitutionnel espagnol «il est alors exigé une proportionnalité des sacrifices mutuels, et lorsque ces exigences ne sont pas observées le grèves peuvent être considérées comme abusives» 206. Ainsi, autant dans la jurisprudence espagnole que dans la jurisprudence Française on a pu voir un contrôle effectué par les juges consistant à déterminer si la grève n entraine pas plus d inconvénients qu elle ne procure d avantages. C est en ce sens que les auteurs 203 STC 72/1982 du 2 décembre Martin Valverde cité par Iganacio Garcia Perrote Escartin in «derecho de huelga y libertad de la empresa» revista juridica de Castilla y Leon n 5, Janvier Cass Soc. 9 mars 2004 n et dernièrement Cass Soc 9 mai STC 8 avril

64 Géniaut et Cornesse expliquent dans leur thèse qu il semblait que le juge de la chambre sociale faisait un contrôle de proportionnalité suivant la théorie des couts et avantages empruntée au juge administratif. En d autres termes, il s agit de constater que la production de l entreprise durant la grève était devenue si onéreuse que sa survie était en jeu. La conséquence étant que la grève était devenue abusive par les disproportions qu elle avait pris. En effet, il existe certains types de grève qui répondent exactement à la définition même d un mouvement de grève. En ce sens elles sont donc licites. Cependant, ces mouvements peuvent dégénérer en abus. Il en va ainsi pour ce que les grèves sous forme de «débrayages répétées» ou «grève intermittentes» selon le droit espagnol. Ces grèves répondent à tout point de vue à la définition jurisprudentielle du droit de grève. Ce sont des arrêts de travail collectifs à l appui de revendications professionnelles. Mais ces arrêts sont très courts et se font de manière répétée sur une seule journée ou sur une longue période 207. Les conséquences de ces grèves sont moins contraignantes (pour les salariés) qu une véritable grève. Le salarié ne perd qu une petite partie de son salaire correspondant aux 5 minutes d arrêt de travail que l on appelle débrayage. Les conséquences financières pour l employeur peuvent être plus lourdes. Notamment, lorsque les débrayages sont répétitifs sur une longue période et qu ils se produisent à chaque moment clef de la production. Cela implique pour l employeur de payer les heures durant lesquelles ils ont travaillé tout en perdant une partie de la production. Tant la jurisprudence française que la jurisprudence espagnole estiment que ces mouvements sont licites. Mais ce genre de grèves peuvent devenir abusives en cas de désorganisation de l entreprise 208. Le contrôle constatant la désorganisation de l entreprise dans la jurisprudence espagnole rend bien compte d une volonté du juge à vouloir reconnaitre les libertés de l employeur dans le déroulement du droit de grève à partir d un certain seuil 209. Dès les premières affaires, notamment l une d entre elles en 1982, l ancien tribunal central de travail 207 Par exemple : un arrêt concerté de travail 5 minutes avant la prise de poste ou 5 minutes avant la fin du poste. Mais également cela peut être beaucoup plus dommageables si ces arrêts concertés se produisent sur un moment clef d une chaine de production. 208 Cass. Soc 7 Janvier 1988, Cass Soc. 30 mai La liberté d entreprendre est consacrée à l article 38 de la Constitution espagnole de

65 espagnol devait vérifier si les débrayages abusifs qui avaient conduit l employeur à prendre la décision de fermer son entreprise temporairement étaient abusifs. Les juges de cet ancien tribunal avaient considéré que la grève était abusive dans le sens «les modalités qu elle impliquait obligeait l entreprise à réaliser une couteuse réinstallation et mise à jour (des machines) tous les trois jours» ce que les juges analysaient comme «un préjudice supplémentaire en plus de la grève». C est en ce sens que les juges du Tribunal Constitutionnel avaient considéré qu il y avait désorganisation des éléments de l entreprise, puisqu il y avait un manque de «proportionnalité entre les préjudices subis par les grévistes et ceux subis par l employeur» 210. Les juges de la chambre sociale avaient également rendu un arrêt en 1967 faisant un comparatif entre «la réduction importante de la production» et une «diminution minime des salaires» 211. Ce genre de constations faisait que la grève «avait perturbé gravement l organisation de l entreprise et entraîné un préjudice qui excédait celui qui résulte normalement de l exercice d une grève» 212. On retrouve un peu près le même vocabulaire lorsque les débrayages répétés sont accompagnés «d une grève tournante» 213. Les juges de la haute Cour constatant une «paralysie grave de l activité» 214 qui peut causer une «perturbation anormale, grave et continue et exorbitante de l exercice régulier du droit de grève» 215 La désorganisation de l entreprise dans le vocabulaire employé par ces jurisprudences semble dévoiler un droit de grève abusif qui se serait trop fortement opposé à la liberté d entreprendre de l employeur. Il semble qu il soit fait de manière sous entendue une comparaison entre le droit de grève et la nuisance causé à l employeur 216. Cyril Wolmark, déduit de ces jurisprudences que «si le préjudice subi par l employeur est disproportionnée, la grève est déclarée abusive» STS 72/1982, mais on peut trouver également ce principe de proportionnalité dans la décision du tribunal supremo STS du 17 décembre 1999 et évidemment dans la décision su 8 avril 1981, il y toujours une référence à la proportionnalité des sacrifices mutuels entre grévistes et employeur». 211 Cass soc 31 mai Cass. Soc 7 janvier 1988 Bull civ V n Arrêt concerté par atelier ou groupe de travailleur à tour de rôle dans l entreprise, ce qui réduit également la perte de salaire. Le droit espagnol en l article 7.2 de la DRLT fait directement des grèves tournantes des grèves abusives. 214 Soc 14 janvier 1960 Bull civ IV n Soc 30 janvier 1967 Bull IV n Même si les dernières jurisprudences de la chambre sociale de la Cour de cassation il semble que la désorganisation de l entreprise soit reconnue que par l entrave à la liberté de travailler des grévistes envers les non grévistes (soc. 9 mars 2004 et soc 9 mai 2012). 217 Cyril Wolmark «la définition prétorienne» précité. 65

66 Il apparaît à travers la notion de désorganisation de l entreprise un contrôle de proportionnalité implicite, uniquement mentionné par la doctrine française. En effet, ce sont les annotateurs de grands arrêts qui font référence à ce contrôle de proportionnalité et décrivent les solutions jurisprudentielles comme «un contrôle de proportionnalité cherchant à savoir si l exercice d un droit constitutionnel de grève n a pas causé ou ne risquait pas de causer aux droits et intérêts légitimes de l employeur un dommage disproportionné» 218. Selon J-C Javillier «il faut qu il existe un certain équilibre entre les revendications des grévistes et les préjudices causés à l employeur, une proportionnalité entre les sacrifices des grévistes et les conséquences économiques du mouvement pour l employeur (pertes de production, charges )» 219. D ailleurs c est autour de ces considérations que le professeur Georges Borenfreund s est demandé à propos du contrôle fait sur les débrayages répétés, si ce contrôle de proportionnalité implicite sur la désorganisation de l entreprise ne faisait pas un echo plus profond à la liberté de l entreprise 220. Alors que la jurisprudence du Tribunal Constitutionnel espagnol ne cache pas l invitation faite aux juges du fond de vérifier la désorganisation de l entreprise à travers un contrôle de proportionnalité vérifiant l équilibre entre les sacrifices des deux parties. Pour éviter un sacrifice économique trop important de la part de l employeur mettant en péril l entreprise, la grève abusive autorise également l employeur à riposter. Ainsi, si l article du Code du travail dispose que : «Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché». On peut lire qu à contrario l employeur peut apporter des restrictions aux libertés individuelles et collectives lorsqu elles sont nécessaires et proportionnées. C est notamment le cas lorsque la grève devient disproportionnée et qu elle met en péril la survie de l entreprise. L employeur a en quelque sorte le droit de «briser le mouvement» par la fermeture de l entreprise. Le contrôle de proportionnalité change, et c est la mesure prise par l employeur pour combattre la désorganisation de l entreprise qui fait l objet d un contrôle de proportionnalité. En Espagne et en France la riposte patronale peut se faire par le biais 218 J. Pelissier, A. supiot, A. jeammaud in grands arrêts de droit du travail, 3 ème édition, dalloz J-C Javillier cité par B.Géniaut ibid. 220 c 66

67 du lock-out qui est un moyen pour sauvegarder l appareil industriel et commercial 221. Le droit allemand reconnaît le lock-out comme une véritable égalité des armes entre la lutte des travailleurs et les employeurs alors que la jurisprudence française et la législation espagnole s en serve d avantage comme «un antidote contre la grève abusive» 222. Même si le droit espagnol à contrario du droit français mentionne explicitement cette prérogative de l employeur à l article 12 du RDLRT ils ont la même finalité et ils s exposent au même contrôle de proportionnalité 223. Le lock-out ne peut être défensif ni concomitant à une grève. Ainsi dans les deux législations il faut que la fermeture de l entreprise soit défensive pour maintenir l intérêt de l entreprise et donc que la désorganisation de l entreprise soit certaine et immédiate 224. On retrouve ici le premier critère d un contrôle de proportionnalité exercé par les juges français et espagnol qui est celui de la nécessité au recours de la fermeture de l entreprise pour cause de désorganisation de l entreprise. C est ce que la jurisprudence française va appeler une «situation contraignante» nécessitant la fermeture de l établissement 225. Ainsi, lock-out brise le droit grève mais également porte atteinte à la liberté de travailler des non-grévistes. De ce fait étant donné que dans les deux systèmes étudiés, le lock-out ne peut être considéré comme une égalité des armes entre travailleurs et employeurs, il faut que l employeur démontre la situation contraignante. En quelques que sortes démontrer que la grève avait désorganisé totalement l entreprise, ce qui faisait qu en perdant un grande partie des clients et des commandes l employeur n était plus en mesure de fournir du travail aux non-grévistes 226 Il y a une notion qui est au centre de la désorganisation de l entreprise, c est l intérêt de l entreprise. Ce qui semble être au centre des conflits collectifs c est la bonne foi qui doit être la base de la relation de travail et ce même lorsque le contrat de travail est suspendu. L employeur ayant fait des choix trop économiques en oubliant les intérêts du capital 221 Le lock out ou cierre patronal est reconnu par la législation espagnole notamment à l article 37.2 de la Constitution qui reconnaît implicitement ce droit aux employeurs espagnols et surtout le cierre patronal est mentionné à l article 12 du RDLRT. 222 Despax cité par Manuel Alonso Oléa et Emilia Casas Baamonde précité. 223 La différence est que le recours au lock-out est beaucoup plus facile pour l employeur espagnol qui doit juste le déclarer à «l autorité de travail» (notre direction général du travail) dans les 12 heures qui suivent la fermeture de l entreprise. 224 Droit espagnol : TSJ (tribunal supremo de justicia de Sevilla) Sevilla 3 juillet 1998 et droit français : 225 Soc 11 mars 1992 n Cass soc 7 février

68 humain fait que cela donne légitimité aux travailleurs de se mettre en grève. Mais en faisant grève les travailleurs ne doivent pas, par les moyens employés porter atteinte à l intérêt commun des deux parties au conflit, qui est l entreprise. La notion de désorganisation de l entreprise et de «situation contraignante» permettant à l employeur de riposter dévoile la finalité de la proportionnalité. En effet, le principe de proportionnalité est le trait d union entre intérêts divergeants. Lorsque le juge des conflits collectifs fait un contrôle de proportionnalité qu il soit implicite comme en droit français, ou explicite comme en droit espagnol, il mesure les décisions de chaque partie au conflit par rapport à l intérêt de l entreprise. On ne peut pas vraiment parler d une conciliation entre le droit de faire grève et les libertés économiques de l employeur. La conciliation ne se fait que dans lorsque la liberté ou le droit à protéger sont de même valeur Constitutionnelle que le droit de grève. Or dans l ordonnancement juridique français et espagnol, les libertés économiques de l employeur sont des droits de second rang, et le droit de grève de premier rang. La conciliation n est donc logiquement pas possible. Cependant, les libertés économiques de l employeur sont reconnues si la grève atteint le seuil de la désorganisation de l entreprise 227 en devenant ainsi une grève abusive. Il doit s agir d une disproportion manifeste. Il s agit d imposer un juste équilibre au sein de la relation de travail. A quoi servirai une grève qui a eu pour cause la fermeture de l entreprise? C est peut-être en ce sens que le professeur Alain Supiot estime que depuis les années 80 le principe de proportionnalité dans les relations de travail ne se fait ni en faveur des salariés ni en faveur de l employeur. Mais cette théorie n est adaptée que pour l ancien modèle industriel. Aujourd hui dans un contexte de globalisation, de marché unique et surtout de «flexsécurité» le principe de proportionnalité a totalement évolué. Depuis 2007 la proportionnalité a basculé en faveur des libertés économiques de l employeur au nom du marché unique. Le principe de proportionnalité dans les conflits transnationaux sert désormais non plus à dévoiler l abus du droit de grève pour le sanctionner mais à réduire les possibilités de faire grève afin de préserver le marché. La grève est devenue une «entorse» aux libertés économiques de l employeur. Désormais le contrôle de proportionnalité interroge la grève sur sa justification, sa nécessité et sa proportionnalité. 227 Bigiaoui-Duhamel citée par B. Géniaut précité. 68

69 69

70 B.L évolution de la proportionnalité : la fin des équilibres par la soumission du droit de grève aux libertés économiques communautaires Selon l article du traité fondant l Union Européenne, L Union exclue explicitement le droit de grève de ses compétences. Pourtant les juges de celle que l on appelle déjà «la Cour économique» vont consacrer les actions collectives des travailleurs y compris le droit de grève comme un principe général du droit. Cette consécration a un revers de la médaille. En effet, en consacrant le droit de grève et les autres actions collectives les juges de la Cour de justice de l union européenne deviennent compétents pour juger la défense des intérêts professionnels à la lumière des libertés économiques qu ils protègent. Les juges mettent ainsi en place un contrôle de proportionnalité strict de la grève, par une mise en balance avec les libertés économiques. Ce qui fait que l on peut qualifier le droit de grève dans les conflits transnationaux d un droit «mort-né» (1) dévoilant ainsi une Europe antisociale dans laquelle la défense des droits sociaux se fait sous la haute surveillance des libertés économiques (2). 1) La mise en œuvre du contrôle de proportionnalité par la CJCE : la grève un droit «mort-né» Il y a un peu moins d une vingtaine d années, les juges de la Cour de justice de l Union Européenne affirmaient que : la défense des intérêts des travailleurs par le biais des négociations collectives ne pouvaient être soumis aux règles régissant le marché 228. On aurait pu croire après cette jurisprudence que l Europe, ayant à l origine une visée économique, souhaitait réellement agir davantage au plan social. Or, après avoir consacré le droit de grève comme principe général du droit communautaire, (a) les juges l ont «enterré» en le soumettant à un contrôle de proportionnalité strict. Ainsi le droit de grève devient une entrave faite aux libertés économiques de l employeur qu il convient de contrôler et mesurer(b). Une vision des choses particulières pour un droit qui, dans les législations étudiées a justement pour objet de limiter les libertés de ce dernier. 228 CJCE 21 Septembre 1996 Albany affaire C-67/96 59 et

71 a) La consécration du droit de grève par la CJCE : le droit fondamental de mener une action collective Afin de comprendre l importance des décisions rendues par les juges de la «Cour économique», il est nécessaire d expliquer les faits qui en sont à l origine. Deux cas d espèce sont ici à étudier. Le premier concerne une société finlandaise de ferries «Viking-Line», propriétaire du navire le Rosella à bord duquel des marins finlandais assurent la liaison entre Taslin (Estonie) et Helsinki (Finlande). Le contexte est particulier, Viking-Line connaît de grandes difficultés. L entreprise subit une concurrence accablante du fait des entreprises de ferries estoniennes, dont l équipage coûte moins cher. C est ainsi qu en octobre 2003, la société annonce au syndicat «Finnish Seamen s Union» (FSU) 229,auquel tous les membres de l équipage sont affiliés, son intention de changer de pavillon et d immatriculer le navire en Estonie. Cette décision n est pas sans conséquence. Dans un contexte de globalisation, le changement de pavillon est une forme de délocalisation. En immatriculant le pavillon en Estonie, la loi qui règnera à bord du navire sera la loi estonienne. C est une mesure beaucoup plus avantageuse en termes de coûts pour l armateur mais pas en termes de salaire pour l équipage. En novembre 2003, le syndicat FSU menace de faire grève en revendiquant, d une part, une augmentation du nombre des membres de l équipage. D autre part, il appelle à la négociation d une convention collective prévoyant qu en cas de changement de pavillon le droit finlandais sera respecté sans licencier les membres de l équipage. Cependant, en août 2004, l Estonie fait son entrée dans l Union Européenne et, a fortiori, dans le grand marché unique européen. De ce fait, l armateur Finlandais est résolu à invoquer sa liberté d établissement à l encontre du droit de grève dont le syndicat finlandais fait usage. La Commercial Court du Royaume est saisie par Viking Line 230 qui déclare que les syndicats ne peuvent entraver la liberté communautaire d établissement. Cependant, s il est évident pour la Cour Commerciale que les libertés économiques sont au-dessus de la liberté fondamentale de faire grève, ce n était pas le cas pour la Cour d appel saisie par FSU. Ainsi, la «Court of Appeal» défère 229 La FSU est elle même affiliée au syndicat International transport workers (ITF) dont depuis les années 90 leur objectif principal est de lutter contre les pavillons de complaisance. (P.Chaumette «les actions collectives dans les mailles des libertés économiques de l Union européenne» Dr. Soc. 2008, n 2, février, pp ) 230 ITF ayant son siège à Londres. 71

72 la question à la CJCE de la conciliation entre droit de grève et liberté d établissement protégée par l article 43 du Traité. La seconde affaire concerne la société Laval Partneri et sa filiale Baltic bygg. Il s agit d une société Lettonne qui va détacher des salariés en Suède pour l exécution d un chantier dans un établissement scolaire de la ville de Vaxholm en Il apparaît important que dans cette affaire soit mentionné le fait que, contrairement aux droits du travail français et espagnol, il revient aux syndicats suédois de négocier les salaires pour chaque secteur. Or, les négociations entre le syndicat suédois du bâtiment et l entreprise lettonne aboutissent à un échec. C est alors que quelques mois plus tard, Baltic Bygg signe une convention collective avec le syndicat letton du bâtiment auquel appartenaient 65% des travailleurs détachés. Selon la directive de l Union Européenne 96/71 du 16 décembre 1996, lors d un détachement dans un pays de l Union, l employeur doit respecter un «noyau dur» de lois du droit du travail dans chaque pays. Dans ce noyau dur, on retrouve notamment les questions liées au salaire minimum afin d éviter le dumping social. Le problème dans ce genre de pays, c est qu en donnant le pouvoir à chaque syndicat de négocier un salaire minimum, ce dernier ne fait plus partie du noyau dur. Dans ce cas, le syndicat ne va pas inciter à faire grève mais à boycotter les chantiers de Laval en Suède. Cette action collective est différente de la grève mais elle fait partie des conflits collectifs suédois. L entreprise Baltic Bygg fait faillite et les travailleurs détachés retournent en Lettonie. L Arbetsdomstolen (Tribunal du travail) a été saisi par Laval d un recours contre la légalité des actions collectives et la réparation du préjudice subi. Les juges ont alors demandé à la Cour de justice de l Union européenne si le droit communautaire accepte que les organisations syndicales mènent des actions qui vont à l encontre de la liberté de prestation de services (article 49 du Traité). Il est évident que dans les deux situations, boycott ou grève des syndicats, opposition est faite à la vision trop économiste de l employeur. L intérêt de l entreprise ne doit pas être représenté uniquement par l aspect économique, mais également par la protection du capital humain. C est sur ce point que les organisations syndicales cherchent à obtenir gain de cause. Il paraît important de souligner que ce que l on cherche à protéger ici ce sont évidemment les libertés économiques de l employeur, qui font grand écho au droit de la concurrence, 72

73 mais également la concurrence des normes sociales. La question pourrait alors être posée de cette manière : «Les actions collectives des syndicats peuvent-elles entraver la libreconcurrence et le marché?». Posée sous cet angle, elle peut paraître surprenante pour les juristes français. La concurrence est effective seulement si les deux acteurs sont des entreprises. Ainsi, les juges de la Cour d appel de Paris avaient décidé que des syndicats, même en empêchant par des moyens peu recommandables une entreprise de délocaliser, leur action ne pouvait être caractérisée comme une «entente» illicite à la concurrence 231. En revanche, les juges de la Cour de justice de l Union européenne ne semblent pas être en phase avec ce raisonnement. Les deux arrêts traités ici sont quelque peu contradictoires. Les juges font du droit de grève et des actions collectives un droit fondamental malgré l exclusion de compétence de l Union européenne en la matière 232. Ainsi, en se fondant sur la Charte sociale européenne de 1989 et la Charte des droits fondamentaux dans les affaires précitées, il est pour la première fois reconnu que «le droit de mener une action collective, y compris le droit de grève, doit être reconnu en tant que droit fondamental faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect». On ne peut qu admettre que la reconnaissance du droit de grève à l intérieur du marché unique est une avancée certaine. En effet, le droit de grève est très complexe du point de vue du droit comparé. Dans une optique de rapprochement des législations, il paraît complexe de vouloir harmoniser des législations extrêmement diverses 233. Cette consécration est surprenante dans le sens où la Cour aurait dû se déclarer incompétente en raison de l article du TFUE. Cependant, on peut parler ici d un «cadeau empoisonné» si l on garde en tête le fait que «la grande ourse de l Union européenne a toujours été le marché commun» et la fin des obstacles aux libertés économiques 234. En effet, l Europe ayant à l origine une vocation 231 CA paris 29 février 2000 décision n 99-D-41. Sur l applicabilité de l article du Code du Commerce (Sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions») aux syndicats exerçant des actions collective. 232 Article TFUE exclue explicitement le droit de grève et le lock-out. 233 Par exemple en droit allemand les auteurs Remy Patrick et Seifert Achim expliquent que le droit de grève est un droit qui s utilise en Ultime recours contrairement au droit français ou au droit espagnol («les droits collectifs» RDT 2010 page 250). 234 Gianni Loy in «la tendencia antisocial de la Union Europea» bolletin mexicano de derecho comparado, aout 2011 pages

74 économique, il fallait sans doute s attendre à un revers de la médaille dans la consécration du droit de grève. La Cour avait déjà admis que «les respect des droits fondamentaux fait partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect» 235. Cependant, malgré la consécration de droits fondamentaux, elle avait déjà admis à plusieurs reprises que ceux-ci n ont pas «des prérogatives absolues». Ces droits, aussi fondamentaux soient-ils, «n échappent aux règles gouvernant le marché» 236. Ainsi, il fallait sans doute s attendre à ce que le droit de grève soit soumis au même régime. De ce fait, le droit grève et les autres actions collectives vont être soumis à un contrôle de proportionnalité strict, afin de vérifier s ils ne portent pas atteinte aux libertés économiques que les juges de la Cour justice protègent 237. Il s agit pour la Cour de trouver un «équilibre» entre droit social et droit économique. Or, en mettant sur un pied d égalité les libertés économiques et le droit grève à travers un contrôle de proportionnalité, la Cour réduit les possibilités d utiliser le droit fondamental qu elle vient de consacrer. Le droit de grève devient ainsi un droit fondamental de second rang dans l ordre juridique communautaire. Il s agit d un ordonnancement inversé par rapport à ce que nous avons pu constater dans les législations françaises et espagnoles. b) Le contrôle de proportionnalité dévoilant la licéité du droit de grève au regard des libertés d établissement et de prestation de services Le traité de Rome, qui protège quatre libertés économiques, doit être respecté par les pays adhérents à l Union Européenne. La Cour économique s est déjà permise de contrôler l inaction des Etats quant à la protection de ces libertés. A titre d exemple, entre 1993 et 1994, des actions collectives consistant en des barrages routiers des agriculteurs français contre les fraises espagnoles conduisirent la commission à engager un recours contre l Etat Français pour son inaction. En effet, le gouvernement français en tant que membre de la Communauté Européenne aurait dû intervenir afin de mettre fin à ce que l on pourrait appeler un «trouble manifestement illicite» au bon déroulement du marché unique. Avec cet exemple, il est indispensable de rappeler que le traité de Rome a, en règle générale, une application verticale. Cela signifie que ce sont les Etats et les associations professionnelles 235 CJCE international Handelgesllshaft, 17 décembre 1970 affaire C CJCE Schmidberger 12 juin 2003 et affaire C et CJCE Omega 14 Octobre 2004 affaire C Vigneau Christophe «encadrement par la Cour de l action Collective au regard du traité de Rome» semaine juridique, édition générale n 13, 26 mars

75 réglementant l accès au marché du travail qui sont sanctionnés en cas d entrave aux libertés économiques, et non pas des personnes privées. Pourtant, dans les affaires Viking Line et Laval, les juges ont décidé d appliquer strictement le Traité aux organisations syndicales ayant organisé une grève ou une autre forme d action collective. L action collective devient licite après avoir été soumise à un contrôle de proportionnalité strict ressemblant fortement au fameux «triple test allemand» que la Cour Constitutionnelle allemande utilise en matière de protection des droits fondamentaux. Le triple test allemand est normalement utilisé pour savoir si une autorité n a pas trop fortement restreint une liberté fondamentale au point de la rendre sans objet. On aurait pu croire, que la CJCE après avoir élevé le droit de grève au rang de principe général du droit de l Union européenne en se basant sur les «traditions Constitutionnelles Communes» serait ici la liberté à protéger. Cependant, le contrôle de proportionnalité est ici inversé. Ce que va contrôler la Cour, c est si le droit de grève ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d établissement et de libre prestation de service. Il s agit d éviter que dans un pays de l Union on rende l exécution du marché unique «moins attrayante ou difficile» par une restriction des libertés économiques. Rappelons que ce triple test débute par une justification de la mesure. En suivant une jurisprudence constante, la Cour économique n admet qu une raison impérieuse d intérêt général pour porter atteinte aux libertés économiques. En ce sens, le juge estime que cette raison impérieuse d intérêt général ne peut être autre que la protection des travailleurs 238. Ce raisonnement peut surprendre, n est-ce pas l objectif de toute grève de protéger les droits de travailleurs? Dans l affaire Viking, il s agit de lutter contre les pavillons de complaisance et, dans l affaire Laval, il s agit de lutter contre le dumping social. Ce qui se cache derrière ce contrôle de la justification, c est une invitation ouverte faite aux juges nationaux de contrôler les revendications professionnelles d une grève. Alors qu en France il est rappelé que «le juge ne peut, sans porter atteinte au libre exercice d'un droit constitutionnellement 238 CJCE, 17 déc. 1981, aff. C-279/80, affaire Webb CJCE 1981, affaire Mazzoleni CJCE, 15 mars 2001, C-165/98. 75

76 garanti, substituer son appréciation à celles des grévistes sur la légitimité ou le bien fonder de ces revendications» 239. La cour admet qu une action collective destinée à protéger les travailleurs contre le dumping social peut constituer une raison impérieuse d intérêt général de nature à restreindre une liberté économique. Concernant l affaire Viking, les juges semblent admettre que la menace de grève du syndicat FSU avait pour objectif le maintien des emplois. Or, la Cour semble donner des directives assez précises quant à la recherche de la justification d une grève. Elle demande que soit vérifiée l existance d une menace sérieuse mettant en péril les emplois des marins finlandais. Les juges de la Cour économique, n ayant pas suffisamment d éléments, semblent admettre la justification du recours à la grève du syndicat FSU. En ce qui concerne l affaire Laval, cela est différent. La Cour va déclarer l action collective des travailleurs suédois illicites parce que leurs revendications ne sont pas fondées. En effet, les syndicats suédois, en se basant sur la directive 96/71 du 16 décembre 1996 relative aux normes de l Etat d accueil qui doivent être respectées lors du détachement de travailleurs, ont voulu négocier le salaire minimum des travailleurs lettons. Contrairement aux systèmes français et espagnol, le salaire minimum se négocie. Depuis la directive en question, la Cour demande aux Etats qu ils établissent de manière claire et précise les normes de travail que doit respecter un prestataire étranger lors d un détachement 240. Dans l affaire Laval, les juges rappellent que les normes qui doivent être respectées lors d un détachement sont essentiellement des normes législatives, réglementaires ou administratives d application générale. Or, le système suédois ne prévoit aucune fixation légale des salaires. Ce procédé dépend essentiellement de la négociation collective. Ainsi, le salaire minimum ne fait pas partie du noyau dur à respecter par les entreprises qui détachent des travailleurs sur le sol Suédois. Dès lors, l action collective des travailleurs suédois visant à ce que l on applique aux travailleurs lettons des avantages allant au-delà du noyau des dispositions légales obligatoires sont excessives. Dans ce cas, l action collective n est pas déclarée abusive mais catégoriquement illicite puisqu elle«a rendu moins attrayante voir difficile la prestation de service». On peut ici avancer deux critiques. D une part, le contrôle de la justification des revendications pourrait être qualifié de dangereux. Cela conduit à cantonner l objet des 239 Soc. 2 juin 1992, Zaluski, jurisprudence confirmée par Soc. 23 octobre CJCE 23 novembre 1999 Arblade affaire C

77 actions collectives. Comme le fait remarquer Christophe Vigneau, on peut avoir du mal à comprendre, notamment dans l affaire Laval, en quoi l absence de dispositions législatives réglementant le salaire minimum rend une action collective illicite 241. En conséquence, on en arrive à une conclusion commune en comparant les deux affaires. En effet, la Cour fait du droit de grève une «entorse» aux libertés économiques. De ce fait, elle ne peut être offensive. Autrement dit, les travailleurs ne peuvent pas faire éclater un conflit transnational pour réclamer des avantages. Aux yeux de la «Cour économique» cela porterait une atteinte excessive à la réalisation du marché unique. En revanche, comme elle le rappelle dans les deux affaires susvisées, la Cour a une «finalité économique mais aussi sociale». En ce sens, elle admet une grève défensive pour préserver des conditions de travail mises sérieusement en péril. Ainsi, les grèves ne peuvent avoir pour objet d améliorer les conditions de travail mais uniquement de les préserver. Il apparait que les juges la Cour de Luxembourg ne savant pas que le droit de grève est un «droit à la transformation du droit». Le contrôle aurait pu s arrêter à ce stade mais la menace de mise en œuvre de la grève par le syndicat FSU va être soumise à deux autres contrôles. La grève envisagée par FSU estelle apte à garantir l objectif poursuivi? En d autres termes, est-ce qu une grève est nécessaire pour protéger les emplois menacés? La Cour semble reconnaître qu une grève peut être «un des moyens pour les syndicats de protéger les intérêts de leurs membres» 242. Cependant, il existe un dernier «test» à passer qui est celui de «l exigence de proportionnalité». Ici, la Cour invite les juges nationaux à vérifier si, en vertu des législations internes, il n y a pas un autre moyen de régler le conflit. Les juges de la Cour de Luxembourg font des actions collectives ainsi que du recours à la grève un ultima ratio. Ainsi, la menace de grève provenant de FSU a été déclarée illicite. La liberté de faire grève se réalise au niveau communautaire sous haute surveillance des libertés économiques. Le contrôle de proportionnalité tend ici à mesurer l immesurable : les lois économiques contre la liberté de faire grève. Une liberté inhérente à toute démocratie basée sur la dignité humaine qui permet aux faibles d objecter sur les forts leur 241 Vigneau Christophe «encadrement par la Cour de l action collective au regard du traité de Rome» JCPG semaine juridique édition générale N 13, 26 mars 2008, CJCE viking Line 11 decembre 2007 (point 86). 77

78 propre vision du monde. C est pour cette raison que les législations françaises et espagnoles, lorsqu une grève est totalement licite, permettent de placer «sous anesthésie» les pouvoirs de l employeur. Mettre sur un pied d égalité les libertés économiques et la liberté de faire grève, c est vider de toute son essence ce droit de premier rang dans les constitutions française et espagnole. Les juges rappellent souvent que l Europe poursuit des objectifs sociaux qu elle essaie de concilier avec son aspiration économique. Les jurisprudences Viking et Laval montrent que derrière le terme de «conciliation», on entend placer les normes du marché au-dessus des normes sociales en constituant une nouvelle hiérarchie des droits fondamentaux. 2) «L Europe antisociale» 243 : la défense des droits sociaux sous haute surveillance des libertés économiques Si l Europe tenait véritablement à une politique d amélioration des conditions de travail et à un équilibre entre libertés économiques et actions collectives, il aurait fallu choisir l angle d analyse proposé par Sylvie Laulom 244. Dans les arrêts étudiés, la Cour part des libertés économiques, qu elle place au-dessus du droit de grève. Ensuite les juges analysent à travers le contrôle de proportionnalité si une grève ou une action collective ne leur a pas porté une atteinte disproportionnée. Or, comme le souligne Madame Laulom, à l origine, ce sont les actions des sociétés Viking et Laval qui, en voulant changer de pavillon et en ne concluant pas de convention collective avec les syndicats suédois, ont lésé le droit des travailleurs. Est-ce qu il n aurait pas été plus logique, de vérifier si ce n était pas les entreprises viking et Laval qui ont porté atteinte aux droits des travailleurs en voulant délocaliser et en ayant recours à des pratiques de dumping social? La cour dit poursuivre également des objectifs de politique sociale mais il y a là tout de même une volonté de sa part de placer les libertés économiques au-dessus de tous les droits. De ce fait, le droit de grève sera forcément toujours illicite. Lorsque la Cour énonce dans l affaire Viking que «il ne saurait être contesté qu une action collective telle que celle envisagée par FSU a pour effet de rendre moins attrayant voire inutile ( ) l exercice par Viking de son droit de libre établissement». N est-ce pas justement l objet de toute 243 Emmanuel Dockès «l Europe Antisociale» : revue de droit du travail, Dalloz 2009 p «Dessein et destin de quatre arrêts de la CJCE. Peut-on maintenir la spécificité des modèles sociaux en Europe?», En collaboration avec Florence Lefresne, Revue de l'ires, numéro spécial Flexicurité, sécurisation des parcours professionnels et protection sociale, n 63, 2009/4, pp

79 grève de paralyser les libertés de l employeur? En adoptant ce point de vue, la Cour de Justice rend certaines grèves illicites du seul fait qu elles paralysent les droits de l employeur. Il est pourtant complexe de s imaginer une grève qui ne paralysera pas les pouvoirs de l employeur. En l occurrence, si l on poursuit ce raisonnement, c est le droit de grève qui devient «moins attrayant voir inutile». La recherche d un équilibre n est pas forcément adaptée entre ces les droits sociaux et les droits économiques Le contrôle de proportionnalité organise alors un rapport inégal entre un droit nécessaire à toute démocratie et les droits inhérents au libéralisme. La théorie du professeur Alain Supiot semble se confirmer. On espérait que l Europe allait devenir sociale, que les libertés économiques étaient au service de l Homme, mais ces jurisprudences semblent nous démontrer le contraire. L Europe semble écarter tout ce qui porterait atteinte à la réalisation du marché unique laissant ainsi place à «économie communiste de marché» 245. L Europe à travers les jurisprudences Viking et Laval réalise une ébauche de projet de «démocratie limitée», tant préconisée par l économiste Hayek. Il s agit d un système dans lequel l employeur est à la recherche d un moindre cout social, d une vision qui doit désormais être acceptée par le salarié puisque la rébellion sera sanctionnée. Les juges de la «Cour économique» oublient peut-être que l importance du droit de grève dans une démocratie permet «aux faibles d objecter aux forts leur propre vision de la justice» 246. Aujourd hui, l idée est d imposer une vision bien précise du bien commun et de faire parler aux travailleurs «la langue du marché» 247. Lors d un colloque sur le principe de proportionnalité en 1998, Antoine Mazaud avait mis en garde contre l utilisation à outrance du principe de proportionnalité qui pouvait mettre en péril les libertés fondamentales 248. Le contrôle de proportionnalité exercé par la Cour de justice de l Union Européenne en est un exemple. 245 Supiot Alain, «l europe gagnée par l economie communiste de marché» revue du mauss 30 janvier 2008 (http/ 246 ibid. 247 Avocat général de l affaire Viking M. Poires maduro cité par Edelman Bernard in «droit du travail et droit de la concurrence : un nouveau contrat social» Recueil Dalloz 2009 page Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé? Colloque du 20 mars 1998 organisé par le Centre de droits des affaires et de gestion de la faculté de droit de Paris V, A. Mazaud in «Proportionnalité en droit social» Petites affiches, 30 septembre 1998 n 117, P

80 Si jacques Delors décrivait le principe de proportionnalité comme le fait de savoir si «on n avait pas pris un marteau-pilon pour tuer une mouche» 249, on peut dire que son utilisation en ce qui concerne le droit de grève n en a pas tenu compte. 249 Jacques Delors cité par Marc Feix in «subsidiarité, proportionnalité et construction Européenne» Editions du Cerf Revue d'éthique et de théologie morale, 2011/4 - n 267, pages 59 à 70 80

81 ANNEXES 81

82 SOMMAIRE ANNEXES ANNEXE I : LA PROCEDUREDE DECLANCHEMENT DE LA GREVE EN ESPAGNE ANNEXE II : Le service Minimum dans les transports : En Espagne un véritable Cassetête juridique. Article Le Monde du 27 mai 2003 Martin Silber. ANNEXE III : DROIT DE GREVE CONTRE LIBERTE DE TRAVAIL : À Aulnay, les non-grévistes sous pression. Interview Europe 1. ANNEXE IV : PROCEDURE DU REFERE EXPULSION.

83 ANNEXE I : LA PROCEDUREDE DECLANCHEMENT DE LA GREVE EN ESPAGNE Article 3 de la RDLRT du 4 mars 1977 CONVOCATION POUR LE DECLANCHEMENT D UNE GREVE faite par : Les travailleurs, les représentants des travailleurs, ou une organisation syndicale. Elaboration d un accord de grève contenant : Objectif de la grève, la daté de début, la composition d un comité de grève de 12 travailleurs qui se charge des services de maintenance des machines. NON COMMUNICATION DE L ACCORD DE GREVE PAR ECRIT A L EMPLOYEUR La grève affecte un service essentiel d une communauté autonome? OUI PREAVIS DE 5 JOURS PREAVIS DE 10 JOURS Publicité nécessaire pour l information des usagers

84 ANNEXE. II : Le service minimum dans les transports : En Espagne un véritable Casse-tête juridique Le service minimum dans les Transports En Espagne, un Véritable casse-tête juridique Article paru dans l'édition du Le texte pour limiter le droit de grève date de Son Application est ubuesque Le droit de grève est inscrit à l'article 28.2 de la Constitution Espagnole de 1978, mais ce même article prévoit également Qu une loi devra être votée par le Parlement pour régir l'exercice Du droit de grève et «établir les garanties indispensables afin D assurer le maintien des services essentiels pour la Communauté». Or cette loi n'existe pas. Il y a bien eu un projet que devait Présenter le gouvernement de Felipe Gonzalez, en 1993, mais il Ne vit jamais le jour, pour cause de dissolution du Parlement et D élections anticipées. Le gouvernement du Parti populaire de José Maria Aznar n'a pas pris le relais. Les services minimum Sont donc régis par un décret-loi pré constitutionnel, datant du Premier cabinet d'adolfo Suarez, en mars 1977, et dont le Contenu n'a jamais été négocié avec les syndicats. Que dit-il? Il donne la possibilité au gouvernement de prendre «Les mesures nécessaires pour assurer le fonctionnement des Services» lorsque la grève touche des secteurs d'activités dont la Nécessité est reconnue, ne peut être repoussée dans le temps et En cas de circonstances de gravité spéciale. La formulation étant trop vague, une intervention du Tribunal Constitutionnel a permis au moins de fixer un concept : un Service est essentiel lorsque les biens ou les prestations qu'il Garantit sont essentiels. Ainsi, lors d'une grève de transports de Voyageurs, on ne peut pas déclarer qu'une ligne d'autobus est «

85 essentielle» sans donner d'explications. Il faut, par exemple, prendre en considération le fait que la grève soit générale ou sectorielle, sa durée et l'existence potentielle de services de remplacement. Autre exemple, un dispensaire médical ne sera considéré comme essentiel que s'il peut être considéré comme d'importance vitale. C'est à l'autorité gouvernementale de décider des services minimum. L'Espagne vivant sous un régime de décentralisation, il faut encore savoir quelle administration sera compétente. S'il s'agit d'une grève des services de santé, ce sera au gouvernement de chaque communauté autonome de prendre les décisions, car la santé publique leur a été transférée. En revanche, une grève de transports aériens dépendra du gouvernement central. Les cars qui couvrent de longues distances dépendent du ministère des travaux publics, les bus et les métros des Communautés régionales. Encore faut-il que les dispositions sur les services minimum n'affectent pas le droit de grève. Ils ne doivent pas permettre que l'activité du secteur concerné se déroule en toute normalité, mais simplement, selon la définition du Tribunal constitutionnel, «garantir un minimum de couverture des droits, des libertés ou des biens que ce secteur satisfait d'habitude, mais à un niveau moindre». Ce qui est en jeu, c'est bien entendu, outre la garantie de se faire soigner en cas d'urgence ou encore la liberté d'être informé, le droit des citoyens non-grévistes au travail. Et non pas le droit au travail, ce qui, selon un syndicaliste, permettrait aux chômeurs de porter plainte et d'être indemnisés quand ils ne trouvent pas d'emploi, bien que le droit au travail soit également un droit constitutionnel. En justice Chaque partie interprétant en son sens tant les dispositions constitutionnelles que celles du décret-loi, à chaque grève il est décrété une série de services minimum qui sont contestés par les syndicats. Les différends se terminent en justice. Il est prévu que les tribunaux puissent statuer rapidement, mais, dans la réalité, le verdict tombe plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après la fin du mouvement social. Ce qui ne résout rien, ni lorsque les grévistes ont refusé d'effectuer les services minimum qui leur étaient imposés ni lorsque les décisions gouvernementales sont jugées abusives par les tribunaux. 85

86 Ainsi, lors de la grève générale du 20 juin 2002, le gouvernement régional de Madrid avait tenté de trouver un accord avec les centrales syndicales avant la grève. Le décret avait été signé après le refus des syndicats d'accepter les propositions du gouvernement. Le Tribunal supérieur de justice de Madrid a donné raison au syndicat UGT, qui avait porté plainte contre ce décret du président de la Communauté de Madrid imposant, selon la sentence, des services minimum «abusifs» et «injustifiés». Le Tribunal a considéré que ce décret ne donne pas, «même de façon succincte», les raisons pour lesquelles on pourrait considérer comme «essentiels» certains secteurs comme l'environnement, l'éducation, la radio et la télévision ou encore les stations-service. Et qu'il ne dit pas, non plus, sur quels critères ont été définis les pourcentages de service minimum. Seulement, le Tribunal s'est prononcé en février 2003, soit huit mois après la journée de grève. Silber Martin. Le Monde 27 mai

87 ANNEXE III : DROIT DE GREVE CONTRE LIBERTE DE TRAVAIL : À Aulnay, les non-grévistes sous pression Interview des travailleurs non-grévistes d Aulnay par Gaétan Supertino avec Julien Pearce journalistes Pour Europe 1. "Parmi les grévistes, il y a un noyau dur qui a tendance à jouer avec les limites du droit", a affirmé le directeur du site de PSA Aulnay, Laurent Vergely. TÉMOIGNAGE - Des salariés affirment avoir reçu des menaces et travailler "la boule au ventre." Le contexte. "Viens camarade, tu es un des seuls embauchés à ne pas faire grève. Fais comme nous, on va au vestiaire enlever ton bleu de travail". On pouvait entendre ce type de phrases, lancées par des grévistes, lundi à l'usine PSA d'aulnay-sous-bois. Après 10 jours d'arrêt, ce site de Seine-Saint-Denis a rouvert lundi dans un contexte tendu. Plusieurs centaines de salariés ont bloqué la chaîne de production, pour protester contre la fermeture de l'usine en 2014, et le manque de précision quant au reclassement des salariés. "Un noyau dur qui joue avec le droit." Mais si les organisateurs, à l'image du délégué CGT Jean-Pierre Mercier, veulent absolument "éviter tout débordement", les rangs des salariés semblent se disperser. Et pour cause : "parmi les grévistes, il y a un noyau dur qui a tendance à jouer avec les limites du droit", a affirmé lundi le directeur du site, Laurent Vergely. "Il y a deux camps : les grévistes et les non-grévistes. Ces derniers ont peur, ils ont subi des pressions", renchérit Tania Sussest, déléguée du Syndicat 87

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