Circulaire d information N 36 17 juin 2014 JURIDIQUE Les nouveaux délais de prescription des révisions, impayés de loyers et de charges depuis la loi ALUR Pour des informations complémentaires contacter : Arnaud COUVELARD E-mail : arnaud.couvelard@unpi.fr Comme nous l indiquions dans la circulaire d information n 20 du 28 février 2014, la loi ALUR du 24 mars 2014 a modifié le délai de prescription applicable en matière de révision de loyer : celui-ci est à présent d un an (auparavant cinq ans). Le délai de prescription applicable aux autres actions dérivant du bail (comme l action en recouvrement des loyers et charges impayés) a également été revu à la baisse, en passant de cinq à trois ans. Après avoir rappelé les textes existant dans ce domaine, nous reviendrons sur ces différents cas et les illustrerons par des exemples concrets.
Les textes applicables en matière de prescription : Article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 : «Toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit. Toutefois, l'action en révision du loyer par le bailleur est prescrite un an après la date convenue par les parties dans le contrat de bail pour réviser ledit loyer.» Article 17-1, I de la loi du 6 juillet 1989 : «Lorsque le contrat prévoit la révision du loyer, celle-ci intervient chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat. La variation qui en résulte ne peut excéder, à la hausse, la variation d'un indice de référence des loyers publié par l'institut national de la statistique et des études économiques chaque trimestre et qui correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l'évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers. A défaut de clause contractuelle fixant la date de référence, cette date est celle du dernier indice publié à la date de signature du contrat de location. A défaut de manifester sa volonté d'appliquer la révision du loyer dans un délai d'un an suivant sa date de prise d'effet, le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause pour l'année écoulée. Si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d'un an, cette révision de loyer prend effet à compter de sa demande.» Article 25-3 de la loi du 6 juillet 1989 : «Les dispositions du présent titre sont d'ordre public et s'appliquent aux contrats de location de logements meublés tels que définis à l'article 25-4 dès lors qu'ils constituent la résidence principale du locataire au sens de l'article 2. Les articles 1er, 3-2, 3-3, 4, à l'exception du l, 5, 6, 7, 7-1, 8, 8-1, 18, 20-1, 21, 22, 22-1, 22-2, 24 et 24-1 sont applicables aux logements meublés.» Article 14 de la loi ALUR du 24 mars 2014 : «Les contrats de location en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi demeurent soumis aux dispositions qui leur étaient applicables. Toutefois, pour les contrats en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et mentionnés au premier alinéa de l'article 2 de la loi n 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n 86-1290 du 23 décembre 1986, dans sa rédaction antérieure à la présente loi : 1 Les articles 7, 17-1, 20-1, 21 et 23 de la même loi, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables ( )». Article 2222, alinéa 2, du Code civil : «En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.» Il ressort de ces textes : - une modification des délais de prescription : toutes les actions découlant du bail sont prescrites par trois ans (par exemple, régularisation de charges ou impayés de loyer), à l exception de l'action en révision du loyer dont le délai de prescription est d un an ; - que ces nouveaux délais s appliquent aux logements vides, mais aussi aux meublés loués à titre de résidence principale ; - que si ces nouvelles dispositions s appliquent immédiatement aux baux en cours, la loi ancienne survit néanmoins (il n y a donc pas application «brutale» de ces nouveaux délais). 2
I. La prescription de l action en révision du loyer : A. Pour les baux conclus avant le 27 mars 2014 : Pour ces baux, il convient de prendre en compte l ancien délai de prescription de cinq ans pour les révisions antérieures à la loi ALUR (survie de la loi ancienne) et le nouveau délai de prescription d un an à compter de l entrée en vigueur de la loi ALUR (application immédiate de la loi). Hypothèse de départ : Un bail a pris effet le 2 mai 2010 suivant un loyer de 800 et un IRL de référence de 117,81 (1 er trimestre 2010). Exemple 1 : Le 1 er juin 2014, le bailleur souhaite faire jouer la clause de révision figurant dans le bail. Quel sera le loyer à cette date et quels rattrapages peut-il effectuer? Le propriétaire aurait pu réclamer les sommes suivantes : - le 2 mai 2011 : 800 X 119,69 (IRL du 1 er trimestre 2011) / 117,81 (IRL du 1 er trimestre 2010) = 812,77 ; - le 2 mai 2012 : 812,77 X 122,37 (IRL du 1 er trimestre 2012) / 119,69 (IRL du 1 er trimestre 2011) = 830,97 ; - le 2 mai 2013: 830,97 X 124,25 (IRL du 1 er trimestre 2013) / 122,37 (IRL du 1 er trimestre 2012) = 843,74 ; - le 2 mai 2014 : 843,74 X 125,00 (IRL du 1 er trimestre 2014) / 124,25 (IRL du 1 er trimestre 2013) = 848,83. Concernant les révisions antérieures à la loi ALUR (révisions de 2011, 2012 et 2013) : Moins de cinq années se sont écoulées entre la demande de rattrapage (1 er juin 2014) et la première révision non appliquée (2 mai 2011), et la demande de révision est antérieure au 27 mars 2015 (un an à compter de l entrée en vigueur de la loi ALUR). Ces conditions étant remplies, le bailleur peut réclamer les différentiels de loyer pour l ensemble de ces révisions. Concernant la révision de 2014 : celle-ci est également valable, mais seulement à compter du 1 er juin 2014 (date de la demande) 1. Exemple 2 : Le propriétaire veut appliquer la clause de révision figurant dans le bail le 2 mai 2015 (le loyer n a jamais été révisé avant cette date). Concernant les révisions antérieures à la loi ALUR (révisions de 2011, 2012 et 2013) : Moins de cinq années se sont écoulées entre la demande de rattrapage (2 mai 2015) et la première révision non appliquée (2 mai 2011), mais la demande de révision est postérieure au 27 mars 2015 (un an à compter de l entrée en vigueur de la loi ALUR). Dans cette hypothèse, le bailleur ne peut donc pas réclamer les différentiels de loyer pour l ensemble de ces révisions, mais il peut bénéficier du loyer théorique de 843,74 fixé au 2 mai 2013. 1 La révision de loyer prend effet à compter de sa demande (article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989). 3
Concernant les révisions postérieures à la loi ALUR (révisions de 2014 et 2015) : La révision de 2014 : le bailleur ne s étant pas manifesté dans l année qui a suivi la date de prise d effet de cette révision (donc du 2 mai 2014 au 1 er mai 2015), cette révision est perdue 2. La révision de 2015 : à compter du 2 mai 2015, le bailleur pourra demander un loyer de : 843,74 X 126,5 3 (IRL du 1 er trimestre 2015) / 125,00 (IRL du 1 er trimestre 2014) = 853,86. Il ressort de ces deux exemples un constat important pour les propriétaires souhaitant faire appliquer des révisions de loyer antérieures au 26 mars 2014 et non encore appliquées : ils doivent impérativement faire leur demande au plus tard le 26 mars 2015. A défaut, aucun différentiel de loyer au titre de ces révisions ne pourra être réclamé. B. Pour les baux conclus (ou reconduits tacitement ou renouvelés) à compter du 27 mars 2014 : Ces baux sont entièrement soumis au délai de prescription d un an, avec prise d effet de la révision du loyer à compter de la demande du bailleur. Hypothèse de départ : Un bail a pris effet le 2 mai 2014 suivant un loyer de 800 et un IRL de référence de 125 (1 er trimestre 2014). Exemple 1 : Le 2 mai 2015, le bailleur souhaite faire jouer la clause de révision figurant dans le bail. A compter du 2 mai 2015, le loyer sera donc de 800 X 126,5 3 (IRL du 1 er trimestre 2015) / 125 (IRL du 1 er trimestre 2014) = 809,60. Exemple 2 : Le propriétaire manifeste son intention de réviser le loyer le 1 er octobre 2015 (donc dans l année qui suit la date de prise d effet de la révision). Dans ce cas, ce n est qu à compter du 1 er octobre 2015 que le nouveau loyer de 809,60 est dû. Exemple 3 : Le bailleur réclame une augmentation de loyer le 1 er juin 2016 (donc passé le délai d un an après la date de prise d effet de la révision). Conformément à l article 17-1 de la loi de 1989 2, la révision de 2015 est perdue et le loyer perçu à compter du 1 er juin 2016 sera de : 800 X 128 3 (IRL du 1 er trimestre 2016) / 126,5 3 (IRL du 1 er trimestre 2015) = 809,49. 2 Article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989 : «( ) A défaut de manifester sa volonté d'appliquer la révision du loyer dans un délai d'un an suivant sa date de prise d'effet, le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause pour l'année écoulée ( )». 3 Il s agit de valeurs fictives, ces indices n étant pas encore parus. 4
II. La prescription de l action en recouvrement des loyers et charges impayés : A. Pour les créances exigibles antérieures au 27 mars 2014 : Comme pour les révisions de loyer, il convient de prendre en compte l ancien délai de prescription de cinq ans pour les sommes dues avant la loi ALUR (survie de la loi ancienne) et le nouveau délai de prescription de trois ans à compter de l entrée en vigueur de la loi ALUR (application immédiate de la loi). Exemple 1 : Le propriétaire constate que son locataire n a jamais payé ses loyers et/ou charges de mai et juin 2011. Peut-il engager en juillet 2014 une action en recouvrement de ces sommes? Oui, car les deux conditions sont remplies : il s agit de créances de moins de cinq ans à la date de la demande et l action est engagée dans les trois ans qui suivent l entrée en vigueur de la loi ALUR. Exemple 2 : Le propriétaire constate que son locataire n a jamais payé ses loyers et/ou charges de mai et juin 2013. Peut-il engager en juillet 2017 une action en recouvrement de ces sommes? Non, car les deux conditions ne sont pas remplies : il s agit bien de créances de moins de cinq ans à la date de la demande, mais le propriétaire n a pas engagé d action dans les trois ans qui ont suivi l entrée en vigueur de la loi ALUR (soit au plus tard le 26 mars 2017). B. Pour les créances exigibles à compter du 27 mars 2014 : Ces créances sont soumises au délai de prescription de trois ans. Il est donc par exemple possible d engager une action jusqu en avril 2017 pour des sommes exigibles en avril 2014. 5