Prévenir les TMS Repères pour agir dans l entreprise



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Transcription:

Prévenir les TMS Repères pour agir dans l entreprise réseau EDITIONS

Ouvrages disponibles aux Editions de l ANACT sur cette thématique : Troubles Musculo-Squelettiques et Travail : quand la santé interroge l organisation (F. Bourgeois et coll.), 310 p., 2006 Prévenir les TMS : de l impensable au possible (E. Bricault), 72 p., 1999 Agir sur les maladies professionnelles : l exemple des Troubles Musculo-Squelettiques (P. Franchi et coll.), 62 p., 1997 Auteurs : Jean-Michel SCHWEITZER (coordinateur), Florent ARNAUD, Evelyne ESCRIVA, Armand JOLY, Isabelle MARY CHERAY, Bertrand POETE, Elisabeth TAYAR.

3 La prévention des Troubles Musculo-Squelettiques est possible : des entreprises s y sont engagées et leurs résultats montrent qu en maintenant la vigilance, le risque peut être considérablement réduit. 1 Une prévention efficace est structurée selon 3 repères essentiels : une action sur le long terme, conduite par l entreprise comme un projet : des objectifs concrets et concertés et des responsabilités identifiées ; une contribution des acteurs-clés de l entreprise, facilitée par l appui de compétences externes ; des améliorations concrètes dans le travail des salariés, portant sur des champs complémentaires : organisation générale de l entreprise et de l atelier, gestion de la production, matériels sur le poste, compétences des équipes, management Les résultats ainsi obtenus seront observés sur plusieurs plans : de moindres contraintes pour réaliser le travail avec qualité et l amélioration de la santé des salariés. Ce sera aussi moins de dysfonctionnements pour l entreprise. Même si ces effets ne sont pas toujours visibles au départ de la démarche de prévention, ils seront appréciés par tous sur le long terme. 1 La prévention durable des TMS : Quels freins? Quels leviers d action? Daniellou F., Caroly S., Coutarel F., Escriva E., Roquelaure Y., Schweitzer J.M. (2008). Rapport d étude pour la Direction Générale du Travail.

4 Toute prévention n est pas efficace Nombreuses sont les entreprises qui saisissent les enjeux de prévention des TMS : préserver la santé des salariés et améliorer conjointement le fonctionnement de l entreprise. Plusieurs d entre elles réussissent à maîtriser ce risque, mais d autres ne voient pas leurs initiatives couronnées de succès. Il existe donc bien des difficultés à réussir le projet de prévention. Quand les TMS échappent à notre vigilance Dans les ateliers, au laboratoire, au bureau ou sur le chantier, les expositions au risque TMS se multiplient et s intensifient. Les salariés sont plus nombreux à ressentir des douleurs et sont alors souvent gênés par des déficiences qui s aggravent. Ils s absentent et les dysfonctionnements tendent les relations dans l entreprise. Pour autant, les acteurs ne prennent pas toujours conscience du problème. Les quelques plaintes remontées par les salariés au médecin du travail ne sont pas suffisamment entendues et le problème reste individuel. Les restrictions d aptitude sont reçues comme une nouvelle difficulté à gérer par le management. Par ailleurs, le «Document unique» d évaluation des risques pointe ce problème, mais sans analyse. Le CHSCT a du mal à aborder ce thème Les acteurs n inscrivent donc pas les TMS comme une priorité de prévention. La santé des salariés est vue par la production comme une source de coûts, sans lien avec la qualité du travail. La population est déjà largement exposée : à défaut de prévention, il faut régler le cas des salariés touchés par les lésions. Quand les acteurs changent et l exposition demeure Les rotations du management sont fréquentes et s accompagnent d objectifs à court terme. Le rachat de l entreprise est probable, et sa politique ne joue pas en faveur de la santé. Les représentants du personnel ont des mandats limités et privilégient des résultats immédiats. Les outils de gestion et les priorités changent : ils mobilisent régulièrement l ensemble des fonctions pour un nouveau système de gestion, une certification Le risque TMS est mal connu de l entreprise et ses principaux responsables ne partagent pas le même diagnostic. L intervention du médecin du travail n est pas suffisante pour comprendre les expositions, et le chef d établissement a choisi de limiter les analyses d un ergonome à un cas particulier. Le passage d un conseil externe il y a quelques années n est plus dans la mémoire du CHSCT Face à un risque dont les causes sont multiples et combinées, il n y a donc pas de compréhension suffisamment commune des expositions. Il n existe pas non plus de priorité d action, et ce d autant qu on ne sait pas bien qui anime cette question dans l établissement.

5 Quand des initiatives se suivent sans cohérence Pourtant l entreprise cherche à éviter de nouvelles maladies professionnelles. Elle prend souvent appui sur des acteurs compétents, mais la démarche de prévention dans son ensemble n est pas organisée. Elle est alors pénalisée par un manque de cohérence. Les projets dans l entreprise sont souvent conduits par des services cloisonnés. L organisation et les équipements de travail sont donc sujets à des conditions de retours sur investissement courts. Ils n incluent ni l efficacité des gestes, ni la santé de ceux qui les réalisent. Les nouvelles implantations faites à la hâte posent de nombreux problèmes de rythme, de coordinations et de manutentions. Les réalités de l atelier sont en effet méconnues du management et des concepteurs. Comment survient un Trouble Musculo-Squelettique? Les affections touchant le système articulaire surviennent lorsque les gestes des salariés ne sont plus réalisés dans de bonnes conditions. Ces gestes, ce sont à la fois des mouvements ou des postures, mais ce sont aussi des connaissances de stratégies à suivre selon les situations de travail, c est enfin du sens donné aux actions dans le métier. Lorsque le mouvement est trop contraint, trop rapide, sans récupération, lorsque les apprentissages sont insuffisants, lorsque l activité n a plus de cohérence dans le collectif de travail, alors les gestes professionnels sont empêchés et deviennent pathogènes. Les causes sont souvent combinées et trouvent leurs principales origines dans l organisation de l entreprise : conception des postes, production, compétences, etc. Les affections (épicondylite, syndrome du canal carpien, hernie discale ) sont les résultats visibles et tardifs des expositions. Peu d entre elles sont reconnues comme maladies professionnelles : tableaux des régimes, défaut d information ou réticence des salariés Ces reconnaissances ne sont pas un indicateur suffisant pour guider la prévention. Pour en savoir plus : www.anact.fr et www.inrs.fr

6 Repères pour une action réussie Un engagement fort de l entreprise est nécessaire pour réussir la prévention des TMS. Alors, la prévention se traduit comme un projet et se structure autour de trois compétences principales : conduire le projet, connaître le risque spécifique dans l entreprise, et changer les conditions de travail des salariés exposés. Conduire le projet de prévention La prévention est une dimension stratégique de l entreprise. Elle doit être résistante au temps, aux changements de personnes et d organisations. Pour cela, plusieurs acteurs de l entreprise tiennent un rôle-clé. Le chef d établissement : il est responsable de la santé des salariés et garant des choix réalisés. Il dispose aussi de l autorité sur l ensemble de l entreprise et son engagement permet d intégrer, à chaque niveau concerné de l entreprise, les objectifs et moyens nécessaires pour la prévention. Lorsque la politique choisie est inscrite et expliquée, les efforts de prévention sont légitimes et redoublés. La mission des représentants du personnel (CHSCT ou DP) les implique tout particulièrement : en lien avec le médecin du travail et les salariés, ils assurent une vigilance par le biais d enquêtes ou d inspections sur le terrain. Ils participent à l analyse des risques et veillent à ce que ces transformations participent à lever des difficultés pour les salariés concernés. Par exemple, à l occasion de nouveaux projets industriels ou de nouvelles formes d organisation des équipes. L animation du projet «TMS» peut être confiée à une personne qualifiée et clairement identifiée. En effet, la conduite de la prévention dans l entreprise peut représenter un investissement significatif en temps et demander des compétences spécifiques. Cette délégation s accompagne de moyens clairement définis : autorité, temps Le projet est alors guidé avec des objectifs concertés et évoluant selon les étapes. Des actions concrètes sont réalisées sur les causes prioritaires identifiées ; elles sont ensuite évaluées.

7 Une bonne articulation des acteurs Dans cet abattoir de bovins, un projet élaboré par les institutionnels a favorisé le démarrage d un projet de prévention des TMS avec un accompagnement par des consultants privés. La Mutualité sociale agricole (MSA) et l ARACT ont convaincu la direction de l importance de la conduite du projet tant dans sa structuration (comité de pilotage, groupes de travail mixtes responsables, encadrants, salariés de production, fonctions santé et sécurité ), que dans sa conduite (chef de projet, sensibilisation des acteurs pour élaborer un point de vue commun, implication forte du CHSCT ). Quatre ans après, même si le site subit les contraintes de rentabilité et de concurrence, la méthodologie est ancrée et poursuivre le projet est une manière de «mieux» vivre ce contexte. Gestion des ressources humaines et mobilisation dans la durée Depuis 10 ans, direction et élus du CHSCT d une entreprise de découpe de porcs se mobilisent contre les TMS. Dès 1995, une première étape d analyse (diagnostic court, étude épidémiologique du médecin du travail ) est suivie d un appui ergonomique pour des transformations en découpe primaire et à l abattage. Les TMS se stabilisent ; mais en 99, les indicateurs «santé» repartent à la hausse. De 2001 à 2005, une seconde phase pour réduire l absentéisme s engage (analyse des AT/MP, expression des douleurs, accueil et ré-accueil des salariés en arrêt, mise en place des rotations ). En juillet 2001, une fonction «Prévention» est créée. En 2005, le renouveau de la dynamique prévention porte sur le management et son outillage. Depuis 2001, la baisse continue des AT/MP est constatée. Quand la prévention prend racine Le responsable HSE de cette entreprise de montage mécanique a été sensibilisé et encouragé par des confrères d autres entreprises aux actions possibles pour prévenir les TMS. Le projet qu il initie alors en interne prend d abord la forme d un diagnostic, confié à l ARACT. Il bénéficie d une bonne concertation avec les directions de l usine et le CHSCT, mais surtout d un engagement fort de la Direction générale. Par la suite, le plan d action définit plusieurs priorités, dont une évaluation du risque TMS pour l ensemble de l atelier, la sensibilisation du management de proximité et l aide à la conception des lignes pour les méthodistes. La CRAM sera sollicitée et proposera ses appuis pour les aider dans la réussite de ces trois actions concrètes.

8 Connaître l exposition au risque Au sein de l entreprise, il est avant tout nécessaire de se mettre d accord sur ce que sont les TMS, puis d identifier leurs causes. La pertinence des actions qui seront alors menées est fortement liée à la qualité des diagnostics préalablement posés. Il est pour cela nécessaire de connaître la santé de la population salariée en lien avec les expositions au cours du travail. Ce bilan doit être discuté et partagé entre les acteurs, renouvelé et suivi dans le temps, au fil des évolutions de l organisation et de la population. Le médecin du travail saura rendre compte de cette situation à partir des examens cliniques, et suggérer, si nécessaire, des outils complémentaires, tel un questionnaire. Ces données sont lues selon les évolutions des conditions de travail spécifiques à l entreprise : variations de rythmes, répétition des efforts, relation dans les équipes, montage du produit, contraintes du process, etc. L interprétation collective (direction de production ou du personnel, élus, médecin, préventeur ) de cet état des lieux permet de commencer un diagnostic commun du problème pour analyser plus précisément les expositions. La compréhension des réalités du travail des salariés et de son organisation doit compléter les données de santé pour expliquer les expositions au risque. Elle est basée sur une démarche ergonomique, c est-à-dire qui cherche à comprendre dans les faits les activités de travail. Elle rend compte de ce qui induit des contraintes pour les gestes professionnels des salariés et peut être une cause dans la survenue de TMS. Par exemple : formation des novices ou collaborations insuffisantes, choix inadaptés des matériels, ordonnancement incompatible avec les encombrements, etc. Cette analyse, généralement conduite par un ergonome, débouche sur une explication des mécanismes des expositions. Pour que la connaissance du risque soit complète, les acteurs de l entreprise ordonnent alors ce qui, dans l existant et la réalité de l entreprise, semble être prioritairement à l origine des contraintes des salariés exposés au risque TMS.

9 Etat des lieux : de l alerte à l action Cette entreprise de distribution de presse a choisi de démarrer son projet de prévention par la constitution d un comité de pilotage : directeur de site, chef de projet, membres du CHSCT, opérateurs, médecin du travail, ARACT. Pour orienter les actions, le «copil» réalise un état des lieux à partir des données santé, d un questionnaire sur le vécu du travail, d un historique des actions déjà menées pour l amélioration des conditions de travail. Un groupe de travail s attachera donc à analyser et transformer une situation pour les raisons suivantes : la présence de douleurs, une perception négative du travail par les opérateurs (organisation, entraide difficile, pas de butée temporelle ) et l opportunité d un projet de changement du système technique. Connaître les risques pour une meilleure rotation Un établissement d abattage et de découpe de poulets constatait un nombre important de TMS malgré des équipements récents. Un groupe de travail a été constitué pour mettre en place une démarche de prévention. L infirmière a d abord mis en place un suivi des maladies professionnelles, des accidents bénins et des restrictions d aptitudes. Un questionnaire auprès des salariées au bridage a mis en évidence des douleurs importantes au niveau des membres supérieurs et un ressenti du stress différent selon les équipes. L étude a ensuite été étendue à l ensemble des postes du secteur du conditionnement. Les contraintes ont ainsi été mieux connues ce qui a permis des améliorations ; permettant ainsi la mise en place de la rotation et de la polyvalence. Questionner les salariés pour agir Dans cette papeterie, direction et représentants du personnel n étaient pas d accord sur l ampleur des TMS. Faute de diagnostic, aucune action n était menée. Le médecin du travail, avec l appui de l ARACT, aide alors à structurer une démarche de prévention. Dans ce cadre, une évaluation du risque TMS est faite. Après information, 2/3 des salariés participent à un questionnaire. Les résultats montrent que 8 salariés sur 10 souffrent de TMS, alors qu il y a un seul cas de maladie reconnue. Ils indiquent aussi que les novices sont touchés, et que certaines activités comme la traction ou le soulèvement de charges blessent le dos Les résultats, débattus dans un groupe de travail, confirment la nécessité de renforcer la prévention et donnent des orientations.

10 Changer les conditions de travail La prévention n est possible que si les conditions de travail évoluent, et si les principales contraintes identifiées dans les phases de diagnostic sont sinon supprimées, au moins atténuées. Selon les contextes, ces changements sont attendus du côté : des organisations du travail et de la production, des relations entre services, des compétences - collectives comme individuelles - des salariés, des équipements au poste et des systèmes de travail Les entreprises qui initient une démarche de prévention des TMS réalisent au départ des transformations modestes, ponctuelles, qui corrigent des problèmes évidents. Même si les effets en sont limités, c est là une action nécessaire, car elle est appréciée des salariés et encourage les efforts de tous les acteurs. Pour devenir pleinement efficace, la prévention ne se limite pas à la correction de l existant : elle se place le plus en amont possible, dès la conception. En tirant profit des expériences menées, les acteurs de l entreprise savent maintenant réaliser des choix favorables à la prévention sans que les avancées soient régulièrement remises en cause par les multiples changements. Ils agissent sur : la conception de la production : gammes, flux, lean, ordonnancement, management de la qualité, maintenance ; la conception des outils de travail et du produit : qualité des équipements, implantations, accessoires manuels ou automatisés, éclairement ; la conception du management : organisation et progression des compétences, collaborations novices-experts, rétributions, recours à la hiérarchie Au fil des efforts de l ensemble des acteurs, la prévention s installe durablement dans le fonctionnement de l entreprise. C est à ce moment que les fruits de la prévention sont recueillis : les contraintes éprouvées par les salariés sont petit à petit levées. Certes, les TMS ne disparaissent pas, mais ils reculent. La vigilance est maintenue pour que le dispositif s améliore encore et que les résultats soient consolidés.

11 Des transformations concrètes et complémentaires Sur la ligne de découpe des «bavettes» de cet abattoir, les opérateurs ne se bousculent pas pour y travailler! Un groupe de travail se penche sur cette situation, observe, analyse, met à contribution les opérateurs, propose des transformations qui seront validées par le comité de pilotage. Outre les améliorations matérielles, l ensemble des postes va être redistribué, une personne va être ajoutée Mais aussi, sur le geste technique de découpe de la bavette, deux savoir-faire vont être identifiés, retransmis aux présents et enseignés aux nouveaux arrivants dont l accueil sera mieux adapté aux activités de découpe. Ainsi, les difficultés d affectation sur cette ligne sont nettement réduites et les opérateurs peuvent aujourd hui tenir l ensemble des postes. Des acteurs-clés pour une prévention efficace Une entreprise sous-traitante du secteur automobile, sous l impulsion de son DRH, a engagé une démarche de prévention de TMS. La formation de 2 référents et d un groupe pluridisciplinaire de 13 personnes (un référent par service) à l analyse des situations de travail et à la démarche de prévention des TMS a permis une sensibilisation du comité de direction. Les référents ont ensuite construit un projet de prévention durable dont le plan d actions sur 3 ans, présenté à l ensemble des services, a été validé par la direction qui l a inscrit dans sa politique d entreprise. Les actions prioritaires de la première année sont : la sensibilisation/ formation aux TMS, l intégration d une démarche ergonomique lors de la conception de nouveaux moyens. Intégrer la prévention en conception Chez ce plasturgiste la prévention est une histoire longue de 15 années. Mais les efforts se perdent au fil des renouvellements d actionnaires et de directions. Des orientations sont proposées par des conseils et le médecin, mais elles se traduisent difficilement en politique de prévention. D autres priorités remplissent l agenda, tandis que la production perd en performance, du fait aussi de dysfonctionnements liés aux TMS. Le service industrialisation décide néanmoins d agir sur le cahier des charges des futurs équipements semi-automatiques. Pour cela, ils définissent avec l appui d un ergonome des critères d analyse de la pénibilité puis construisent un référentiel «ergonomique» pour tous les investissements dont les salariés seront utilisateurs.

12 Evaluer son dispositif de prévention Débattez périodiquement des actions de votre entreprise et positionnez-les sur la grille. Vous en déduirez les évolutions réalisées et les progressions à faire pour chacune des compétences nécessaires à la prévention. Compétence de l entreprise Niveau d engagement de la prévention TMS 0 : non initié 1 : initié 2 : complet 1. Conduire la prévention 2. Connaître l exposition Engagement Direction et implication représentants du personnel Pilotage du projet de prévention Rôle et contribution des préventeurs externes Connaissance de la santé de la population Analyse des réalités du travail et de l organisation Compréhension et priorisation des causes La Direction est juste informée de problèmes particuliers. Le CHSCT recense les maladies reconnues. Les salariés s expriment peu. Le sujet est cantonné aux postes de travail et aux salariés qui les occupent. La hiérarchie de proximité se débrouille du problème. Les professionnels externes ne sont pas invités. Les restrictions du médecin sont perçues comme une difficulté supplémentaire. La présence de la CRAM/MSA est vue comme une contrainte. Les bordereaux d aptitude sont les seules communications entre le médecin et l entreprise. Les TMS sont connus comme le problème de quelques salariés. Des personnes pensent avoir identifié des «gestes nocifs» qui expliquent le problème de salariés. Il suffit pour cela de repérer lesquels. La cause retenue est celle qui semble la plus simple à expliquer et résoudre le problème. Le matériel est souvent une cause visible. Direction et CHSCT ont identifié des risques. Ils souhaitent mieux poser un diagnostic et recherchent une méthode. Une personne «prévention TMS» est identifiée. Elle anime un groupe de travail et apporte des réponses ponctuelles selon les agendas et les urgences. Certains membres du CHSCT (médecin, inspecteur, conseil) interpellent l entreprise et proposent des appuis. Le médecin est consulté lors de la résolution de situations individuelles. Dans le cadre de réunions, les principaux problèmes de santé sont exposés et commentés de façon anonyme par le médecin. Ils sont interprétés selon les postes occupés. Les postes les plus problématiques sont analysés par un ergonome externe et les principales causes identifiées. Les salariés sont questionnés. Les principales causes TMS sont identifiées et discutées en groupe. Elles aboutissent sur un diagnostic commun communiqué y compris au CHSCT. Direction et CHSCT écrivent un plan concerté d actions prioritaires et définissent des moyens de prévention. Ils évaluent les avancées et en informent les salariés. Un responsable de projet TMS est nommé, doté de moyens et d objectifs. Il anime des groupes pour évoluer dans les étapes de la prévention et rend compte à la Direction. L entreprise s appuie selon les besoins sur les préventeurs. Elle invite des compétences externes ciblées à l appuyer lors de chantiers concrets : conception, implantation, compétences, etc. Le médecin alerte lorsque des signes prédictifs de TMS sont identifiés. Il rend régulièrement compte des évolutions de la santé en fonction de la population et des caractéristiques du travail. Des indicateurs, suivis dans le temps, rendent compte des contraintes qui exposent au risque TMS. Des investigations ergonomiques plus précises sont faites selon les besoins. Les acteurs identifient dans l organisation ce qui produit des contraintes et connaissent les gestes professionnels. Ils bénéficient pour cela de référentiels construits au fil des expériences.

13 Compétence de l entreprise Niveau d engagement de la prévention TMS 0 : non initié 1 : initié 2 : complet 3. Changer le travail Organisation de la production Outils de travail et produit Les salariés s adaptent à l existant. Les modifications se succèdent pour une meilleure rentabilité, sans concertation. Les espaces et le temps sont rationalisés au détriment des possibilités de régulation. On demande aux salariés de mieux fléchir les jambes pour saisir les pièces, et aux chefs d équipe d aménager seuls les postes. Le juste-à-temps est infléchi pour permettre des variations de rythme des salariés. Les flux sont ajustés pour éviter des gestes contraints. La qualité est mieux maîtrisée pour supprimer des reprises. Des tables élévatrices équipent les postes. Le bureau des méthodes prévoit si nécessaire des aides au montage ou la manutention. Les montages difficiles sont traités à part. Les modalités d organisation sont concertées avec des groupes de salariés et l appui d experts. L amélioration continue cherche à obtenir des résultats positifs y compris sur la pénibilité. La direction de production traduit et contrôle ces objectifs. Les produits et équipements sont renouvelés selon des critères de facilité de montage et d utilisation par les salariés. Tous les prestataires et fournisseurs y travaillent à travers un cahier de charge spécifique. Des itinéraires professionnels sont anticipés pour éviter des expositions prolongées au fil de l âge. L acquisition de compétences est concertée pour tous les postes. Les savoir-faire de prudence des collectifs sont valorisés. Management Les intérimaires sont affectés aux postes réputés difficiles. La prime au présentéisme limite fortement la capacité de s arrêter pour se retirer des situations de travail douloureuses. La rotation est utilisée pour alléger les contraintes. Les novices bénéficient de l appui des plus expérimentés. Les chefs d équipe modulent les objectifs selon les contraintes.

14 Donner des appuis à la prévention Pour mener à bien le projet TMS, l entreprise fait appel aux compétences des professionnels de la prévention. Ils sont force d appui à l entreprise en fonction des étapes. Selon les actions attendues, les acteurs régionaux sont les suivants : Synoptique des appuis possibles en prévention TMS Acteurs prioritaires Action attendue Médecin du Travail CRAM et MSA ARACT Inspection du Travail IPRP OPPBTP Faciliter la construction globale de la prévention Rendre compte de la santé des salariés Analyser les expositions aux risques Participer à l intégration de la santé en conception Donner un appui économique à la prévention Les conditions d une prévention durable sous la loupe Une équipe composée de chercheurs et d intervenants du réseau de l ANACT 2 a mis à jour les conditions d une prévention durable des TMS. Durant 3 années, elle a mené des interventions dans une trentaine d entreprises de secteurs et de configurations variés. Soutenu par la Direction Générale du Travail, ce dispositif a permis d identifier des dispositions favorables au développement de la prévention. Les recommandations portent à la fois sur la manière dont l entreprise devrait traiter de cette question, mais aussi sur l organisation de l ensemble de la politique publique et des professionnels de la prévention. Les résultats de cette étude ont largement inspiré ce document. Pour obtenir le rapport complet de la recherche-action : www.anact.fr onglet «médiathèque». 2 ANACT et ARACT Basse-Normandie, Bretagne, Centre, Franche Comté, Lorraine, Pays de Loire, Poitou Charente.

15 Pour bénéficier de ces appuis, vos contacts en région : Médecin du Travail : coordonnées disponibles dans votre entreprise Caisse Régionale d Assurance Maladie : site internet de la CRAM de la région Mutualité Sociale Agricole : site internet de la MSA de la région Association Régionale pour l Amélioration des Condition de Travail : site internet de l ARACT de la région Inspection du Travail : site internet de la direction du Travail de la région Intervenant en Prévention des Risques Professionnels : attachés aux services de santé au travail, indépendants ou d entreprises, ils sont identifiables auprès de : CRAM, ARACT ou OPPBTP Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics : www.oppbtp.fr

ANACT (Agence nationale pour l amélioration des conditions de travail) 4 quai des Etroits, 69321 LYON CEDEX 05 Tél.: 04 72 56 13 13 Fax : 04 78 37 96 90