1 Intervention de Marisol Touraine Ministre des Affaires sociales et de la Santé Conférence de presse pour la journée mondiale sans tabac Vendredi 31 mai 2013 Mesdames et messieurs les parlementaires, Monsieur le Président de l Alliance contre le tabac, (Yves BUR) Madame la Présidente de l institut national du cancer (Prof. Agnès BUZYN), Monsieur le Président de l office français de prévention du tabagisme (Prof. Bertrand DAUTZENBERG) Monsieur le Président du comité national contre le tabagisme (Prof. Yves MARTINET) Monsieur le Directeur général de la Santé (Jean-Yves GRALL) Madame la Directrice de l Institut de prévention et d éducation pour la santé (Thanh LE- LUONG) Mesdames et messieurs, Le tabagisme, c est un enjeu majeur de santé publique. Pourquoi? D abord, parce que le tabac est la première cause de mortalité évitable dans notre pays. Il est responsable de 73 000 morts chaque année. 200 par jour. Un fumeur sur deux mourra à cause de la cigarette. Ensuite, parce que cette situation ne cesse de s aggraver.
2 De plus en plus de jeunes tombent dans le piège du tabac et entrent dans la dépendance. A 17 ans, près d un jeune sur trois fume tous les jours. Et cette consommation a recommencé à croitre, alors qu elle était en baisse : le nombre de jeunes de 17 ans fumeurs réguliers a augmenté de 10% entre 2008 et 2011, contre + 2% en population générale. De plus en plus de femmes également. Un quart d entre elles fume régulièrement. Et 17% des femmes enceintes fument pendant leur grossesse. Le nombre de décès par cancer du poumon dépassera bientôt, pour les femmes, les décès par cancer du sein. Cette aggravation concerne aussi les personnes en situation de précarité. Aujourd hui, la moitié des chômeurs fume! Le tabagisme, c est donc enjeu majeur de santé publique pour la France : nous sommes parmi les mauvais élèves européens. Nos voisins font mieux que nous en termes de lutte contre le tabagisme et de prévention. La majorité d entre eux a diminué drastiquement le nombre de femmes fumant durant la grossesse. En 5 ans, la Grande-Bretagne a fait chuter le nombre de fumeurs de 10%. Preuve, que le tabagisme n est pas une fatalité. Cette situation peut être renversée! Face à ce constat, une seule attitude est possible: la mobilisation de tous! Fumeurs, comme non-fumeurs! Les dégâts causés par le tabagisme, c est la société tout entière qui doit en prendre conscience. Nous avons su le faire pour la sécurité routière et les résultats sont là! Nombreux sont ceux qui sont déjà engagés. A ce titre, je veux saluer la présence parmi nous de Yves BUR : il mène ce combat résolu depuis des années, d abord sur les bancs de l Assemblée nationale, et aujourd hui comme président de l Alliance contre le tabac. Je tiens aussi à rendre hommage à l engagement sans faille de Jean-Louis TOURAINE, qui, avec Denis JACQUAT, a récemment remis un rapport détaillé sur ce sujet. Tous sont unanimes : pour être efficace, il faut mener ce combat sur tous les fronts. Il n'existe pas de remède miracle, ni de solution unique. C est donc une stratégie d ensemble que nous devons déployer. La fiscalité est un élément de cette politique. Le 1er juillet, conformément à ce qui a été voté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, la fiscalité sur le tabac augmentera. Mais une politique de lutte contre le tabac ne se limite pas à la fiscalité, comme le montrent les pays étrangers. Il nous faut donc déployer notre stratégie globalement : c est pourquoi elle trouvera son prolongement dans le plan addictions préparé par la Mission interministérielle de la lutte
3 contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), qui sera annoncé en juillet, et dans le plan cancer du Président de la République. Par ailleurs, au niveau européen, la France est fortement impliquée dans la révision de la directive sur le tabac de 2001. Une stratégie, autour trois grandes priorités : mieux cibler, mieux mobiliser et mieux prévenir. 1/ Mieux cibler d abord. a/ «Zéro tabac pendant la grossesse»: voilà l'objectif! Avant l été 2014, chaque paquet de cigarettes portera un logo traduisant cette recommandation. Cette mesure sera mise en œuvre en concertation avec les associations de lutte contre le tabagisme, mais également avec les buralistes et les industriels du tabac. A cette fin, je prendrai, après concertation, un arrêté dans les prochains mois. b/ Ensuite, il faut protéger les jeunes. Un jeune fumeur sur deux mourra du tabac. Ce constat est insupportable. Préserver l avenir des jeunes, c est prévenir les maladies cardiovasculaires et les cancers : il faut inciter les jeunes adultes qui fument à arrêter le plus tôt possible. Il faut aussi encourager et soutenir ceux qui veulent le faire. Il ne faut pas sous estimer la dépendance à la nicotine. Rappelons-le. Elle est aussi forte que celle à l héroïne, et beaucoup plus encore que celle à l alcool. Nous ne pouvons plus perdre de temps. Nous devons faciliter l aide au sevrage, en renforçant le soutien public, notamment aux jeunes. Je proposerai une mesure en ce sens dans le prochain PLFSS. c/ Enfin, mieux cibler nos messages : les jeunes et les fumeurs souhaitant arrêter sont les 2 cibles prioritaires de la campagne 2013 de l INPES. Le premier volet de cette campagne est lancé à l occasion cette la journée mondiale sans tabac. Thanh LE LUONG, directrice générale de l INPES, répondra à toutes vos questions sur cette campagne lors de nos échanges. 2/ Ensuite, il faut mobiliser. a/ Et d'abord, mieux mobiliser les collectivités locales! Certaines villes sont volontaires pour élargir les espaces sans tabac. Quelques municipalités ont déjà signé des chartes avec la Ligue nationale contre le cancer. Je valoriserai et j intensifierai ces actions. L objectif est clair : mieux protéger, y compris dans certains lieux ouverts, comme les aires de jeux pour les enfants, ou les abris-bus. Cette mesure profitera à la santé de tous : celle des fumeurs, comme celle des non fumeurs. b/ Mieux mobiliser, aussi, les restaurateurs et les cafetiers. La principale fédération professionnelle des métiers de la restauration et de l hôtellerie (l UMIH) m a déjà exprimé son soutien. Elle s est engagée à la création d un label «terrasse non fumeurs», basée sur le volontariat. Je l en remercie.
4 3/ Enfin, il nous faut mieux prévenir. Et mieux prévenir, c est encadrer les nouvelles pratiques. Je veux parler de la cigarette électronique : ce produit est de plus en plus apprécié par les Français. Près d un million d entre eux se seraient déjà tournés vers elle. C est ce que pointe le rapport qui m a été remis par le Professeur Bertrand DAUTZENBERG : ce travail d experts détaillé, d une qualité que je veux souligner, montre que les risques sanitaires de la cigarette électronique sont encore méconnus. Il rappelle aussi que sa consommation n est pas suffisamment encadrée. En l état des connaissances qui sont les nôtres, il s agit là d un enjeu de santé publique. Plusieurs pays européens ont déjà avancé sur ce sujet. En Italie, la cigarette électronique est interdite au moins de 16 ans. En Pologne et en Finlande, c est sa publicité qui y est proscrite. La Belgique et le Luxembourg ont interdit son utilisation dans les lieux publics. Mesdames et Messieurs, La cigarette électronique ne serait pas un produit du tabac. Mais dans son usage, elle n'a d'électronique que le nom! Franchement, le geste est celui d'un fumeur. Vous inhalez de la fumée, une fumée épaisse d'ailleurs. Cette fumée indispose vos voisins, elle irrite la gorge, elle laisse une odeur désagréable... Tout cela me rappelle quand même furieusement la cigarette traditionnelle! Pour autant, rien ne permet aujourd hui une interdiction générale. Mais ce n est pas un produit banal. Pourquoi? Parce qu il contient de la nicotine. Parce qu il encourage à l imitation et donc il peut inciter à entrer dans le tabac. Parce que, enfin, il pourrait présenter aussi un risque pour l entourage. J ai donc décidé d étendre aux cigarettes électroniques deux mesures aujourd hui appliquées au tabac : - Je confirme que l interdiction de la publicité s applique dès maintenant, sans disposition nouvelle. Une circulaire de mes services précisera les modalités de cette interdiction. - Ensuite, l interdiction de la vente aux mineurs sera mise en œuvre dès que possible et au plus tard dans la prochaine loi de santé publique. Enfin, l interdiction de «vapoter» dans les lieux publics où il est d ores et déjà interdit de fumer me semble s imposer, du fait de la similitude entre les cigarettes traditionnelle et électronique. Le gouvernement saisira sans délai le Conseil d Etat pour que les modalités juridiques de cette interdiction soient précisées. Mesdames et messieurs,
5 La lutte contre le tabagisme appelle une détermination sans faille des pouvoirs publics. Mais elle nécessite aussi une prise de conscience collective. Elle est indispensable pour inverser la tendance, pour mieux protéger de ce fléau nos enfants, les femmes enceintes, ainsi que l ensemble de nos concitoyens. Je suis prête à répondre à toutes vos questions