OMS Europe : Recommandations sur le traitement de la dépendance tabagique basées sur les preuves scientifiques



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Partenariat Européen pour Réduire la Dépendance Tabagique OMS Europe : Recommandations sur le traitement de la dépendance tabagique basées sur les preuves scientifiques Juin 2001

Sommaire A propos de ces recommandations 2 Approbation par les organisations professionnelles 3 Introduction 3 Terminologie 3 Actualité de ces recommandations 3 Le but de ces recommandations 4 Les bases scientifiques et le processus de sélection 4 Les recommandations 5 1. Recommandations pour le conseil minimal 5 2. Recommandations pour les spécialistes du sevrage tabagique 5 3. Traitement pharmacologique 6 4. Recommandations pour les populations spécifiques 6 5. Recommandations pour les systèmes de soin 6 Références 8 Les traducteurs de ce document sont responsables de l exactitude de sa traduction. Jacques Le Houezec, Gérard Dubois, Albert Hirsch Octobre 2001 A propos de ces recommandations. Ces recommandations ont été rédigées par Martin Raw à l initiative du Projet de Partenariat pour Réduire la Dépendance Tabagique de l OMS Europe. Elles ont été commandées par l Organisation Mondiale de la Santé et ont profité de l expérience de certains pays européens, en particuliers les quatre pays cibles choisis à l origine par le Projet de partenariat pour réduire la dépendance tabagique de l OMS Europe: l Allemagne, la France, la Pologne et le Royaume Uni. Ces recommandations ont été discutées lors de deux réunions de l OMS Europe sur les traitements de la dépendance tabagique qui se sont tenus à Londres en novembre 1999 et à Barcelone en octobre 2000. Elles ont été révisées en fonction des propositions faites à l occasion de ces deux réunions, mais aussi en fonction de celles faites par un grand nombre de personnes et d organisations, en particuliers les organisations professionnelles qui les ont approuvées. Comme ces recommandations sont basées sur les connaissances scientifiques, et que celle-ci évoluent très vite, elles nécessiteront une mise à jour régulière. Les commentaires et suggestions sont donc les bienvenus, de même que les organisations qui souhaiteraient ajouter leur nom à la liste de celles qui les ont déjà approuvées. Il est possible pour les différents pays de traduire et d adapter ces recommandations de façon à ce qu elles correspondent au mieux aux terminologies et aux systèmes de santé de ces pays, mais les auteurs souhaitent que ces traductions adhèrent le plus objectivement possible aux connaissances scientifiques qui ont permis des les établir. Organisation Mondiale de la Santé Tous les droits concernant ce document sont réservés par le bureau régional pour l Europe de l OMS. Ce document peut cependant être librement revu, résumé, reproduit ou traduit dans n importe quelle autre langue (mais pas vendu ni utilisé pour des raison commerciales) à condition qu il soit fait mention de sa source. Pour l utilisation de l emblème de l OMS, une autorisation doit être demandée au bureau régional pour l Europe de l OMS. Toute traduction doit comporter le texte suivant: le traducteur de ce document est responsable de l exactitude de sa traduction. Le bureau régional pour l Europe souhaiterait recevoir trois copies de toute traduction. Tout point de vue nommément exprimé par un ou plusieurs auteurs est sous leur seule et entière responsabilité. 2

Approbation par les organisations professionnelles Au moment de la mise sous presse de ces recommandations, les organisations suivantes les ont approuvées: European Medical Association on Smoking or Health, European Nurses and Midwives Against Tobacco, Europharm Forum, The European Review Group on Prevention and Health Promotion in Family Medicine and General Practice (EUROPREV), Society for Research on Nicotine and Tobacco Europe (SRNT Europe), ASH England, ASH Scotland, British Medical Association, Comité Nacional de Prevención del Tabaquismo (Spain), Czech Medical Association, Danish Medical Association, Dentistry against Tobacco (Sweden), Georgian Medical Association, Norwegian Medical Association, Swedish Medical Association, Quit (UK), Slovenian Medical Association, World Self-Medication Industry, Comité National Contre le Tabagisme (France), Alliance pour la santé; coalition contre le tabagisme (France), DG-Sucht: Deutsche Gesellschaft für Suchtforschung und Suchttherapie, (German Society for Addiction Research and Therapy), German Medical Association, German Scientific Society for Smoking Cessation, German Society for Nicotine Research, and German Coalition against Smoking. Remerciements Ce projet a bénéficié grandement de la bienveillance et de l aide de nombreuses personnes. Nous aimerions remercier plus particulièrement pour leur aide et leur contribution au développement de ces recommandations: Dr Peter Anderson, Prof Gérard Dubois, Dr Jürgen Hasler, Prof Albert Hirsch, M. Jacques Le Houezec, Prof Alexander Mazurek, Dr Ann McNeill, Dr Dawn Milner, Dr (Prof?) Martina Poetschke-Langer, et Prof Witold Zatonski. Terminologie INTRODUCTION Le traitement de la dépendance tabagique inclu les interventions suivantes (seules ou associées): interventions comportementales et pharmacologiques tels que le conseil minimal et l aide à l arrêt, l aide intensive à l arrêt et l utilisation de traitements pharmacologiques qui contribuent à réduire ou à soulager la dépendance tabagique chez les individus ou dans la population dans son ensemble. Un tabacologue est un spécialiste formé et payé pour aider les fumeurs qui souhaitent arrêter de fumer au-delà du simple conseil minimal. Ils n ont pas nécessairement besoin d avoir suivi des études médicales, mais ne doivent réaliser cette aide, ni sans être payé, ni comme une tâche supplémentaire de leur travail habituel, car il est reconnu que cela est inefficace. Actualité de ces recommandations La dépendance tabagique est reconnue comme une maladie, tant dans la classification internationale des maladies de l OMS (ICD-10) 1 que dans l American Psychiatric Association s Diagnostic and Statistical Manual (DSM-IV). 2 En Europe des millions de fumeurs veulent arrêter de fumer et beaucoup essayent, mais ont des difficultés pour y arriver, à cause du fort pouvoir de dépendance du tabac. Bien que la majorité des arrêts soient réalisés sans aide, le taux de succès des ces arrêts est faible. La dépendance tabagique est une maladie chronique récurrente et même dans la population générale de fumeurs essayant d arrêter le taux de rechute est élevé. Le taux d arrêt naturel, mesuré sur une longue période dans un pays où la prévention du tabagisme est établi depuis longtemps, n est que de 2% par an. 3 Le tabagisme est reconnu comme principale cause du cancer du poumon, des maladies cardio-vasculaires et des broncho-pneumopathies chroniques obstructives (notamment bronchite chronique et emphysème). Le tabagisme cause 1 200 000 morts par an dans la région OMS Europe (14% de tous les décès). Si rien n est fait pour aider les quelques 200 millions de fumeurs adultes européens à arrêter de fumer, la mortalité due au tabagisme atteindra 2 millions de décès annuels en 2020. 4 Le soutien et les traitements pour aider les fumeurs à arrêter de fumer est une des approches de la prévention du tabagisme. Ce n est pas seulement une question pour les professionnels de santé dans leur approche des fumeurs, mais aussi des systèmes de santé dans leur 3

d usage ou de publicité, de la réglementation de leur contenu ou de leur libellé, de l information du public et de l éducation), mais s adresse à un groupe spécifique : ceux qui veulent arrêter de fumer et ont besoin d aide. 5 Nous reconnaissons cependant que l éducation reste une approche cruciale pour informer les fumeurs des dangers du tabac et pour les motiver à l arrêt, et que dans de nombreux pays les campagnes d éducation à la santé sont réalisées par les systèmes de santé. De plus, la prévention chez les jeunes, si elle est efficace, évitera des maladies dans 30 à 50 ans, alors que l arrêt chez le fumeur adulte produira des gains de santé plus rapides dans la population, dans les 20 à 30 ans à venir. 6 Cependant, le soutien et les traitements pour aider les fumeurs à arrêter de fumer ne sont pas largement disponibles à l heure actuelle. Cette approche n est généralement pas encore intégrée dans les systèmes de santé européens, bien que quelques pays aient fait un pas dans cette direction. Et pourtant, de façon paradoxale, contrastant avec la difficulté d obtenir de l aide pour l arrêt (incluant l accès aux traitements pharmaceutiques pour soulager le sevrage), le tabac, qui est responsable de la mortalité et de la morbidité citées plus haut, est très facilement disponible. Le but de ces recommandations Le but de ce document est de recommander les interventions de base dont l efficacité a été largement prouvée au niveau international et qu il faudrait intégrer aux systèmes de soins. Ces recommandations sont délibérément brèves et générales, plutôt qu exhaustives. Les détails doivent être recherchés dans les revues et recommandations sur lesquelles elles sont basées (voir ci-dessous). Ceci est dû à la diversité des systèmes sociaux et de santé en Europe, incluant différents régimes réglementaires et de mise sur le marché des produits pharmaceutiques. Nous espérons que ces recommandations seront utilisées par chaque pays comme un document source auquel ils pourront rajouter les détails spécifiques à leur systèmes. A cause de leur brièveté, ces recommandations doivent être lues dans le contexte indiqué dans cette introduction. Elles couvrent tout autant le rôle individuel des professionnels de santé qui aident les fumeurs que le rôle des systèmes de santé dans leur globalité. Ce point est important, car l impact en terme de santé publique ne sera pas seulement le résultat de l efficacité clinique individuelle mais aussi de la dissémination, d où l importance d engager la totalité du système localement, ainsi qu aux niveaux national, et international. Les bases scientifiques et le processus de sélection Ces recommandations reflètent la tendance internationale à aller vers une médecine basée sur les faits scientifiques et le fait qu un nombre croissant de pays adoptent ce type d approche pour le traitement de la dépendance tabagique. Ce document est basé sur un nombre important de revues de la littérature telles que les recommandations américaines (US DHHS Public Health Service Clinical Practice Guideline Treating tobacco use and dependence, 2000 7 ), suédoises (Conclusions: Smoking Cessation Methods, National Institute of Public Health and Swedish Council on Technology Assessment in Health Care, Sweden, 1998 8 ), françaises (Recommandations de la Conférence de Consensus sur l arrêt du tabac, France, 1999 9 ) et britanniques (Smoking cessation guidelines for health profes-sionals: an update, England, 2000 10 ), ainsi que la base de donnée de la Cochrane Library (Cochrane Library Systematic Reviews 11 ). Ces revues et recommandations sont basées sur plusieurs centaines d essais cliniques contrôlés et insistent sur le fait que les traitements pour la dépendance tabagique sont non seulement efficaces mais présentent aussi un rapport coût/efficacité très favorable (Guidance for Commissioners on the Cost Effectiveness of Smoking Cessation Interventions, England, 1998 12 ; Curbing the Epidemic. Governments and the Economics of Tobacco Control, 1999 13 ). Ces recommandations de l OMS sont complétées par un rapport sur la réglementation des produits pour le traitement de la dépendance tabagique qui est issu d une réunion qui s est tenue à Helsinki en octobre 1999. Ce rapport insiste sur le contraste existant entre l accès très facile des produits du tabac au contraire des produits pour le traitement de la dépendance au tabac, qui sont beaucoup plus difficile d accès, et demande que soient développées des approches réglementaires qui atténuent ce déséquilibre. 5 Trois types principaux d interventions devraient être développées, car leur efficacité est scientifiquement démontrée: le conseil minimal délivré par les professionnels de santé dans le cadre de leur activité courante ; le soutien plus important par des spécialistes, souvent dans des centres spécialisés (tabacologues) ; l ajout d un traitement pharmacologique qui en général double les chances de succès, à la fois en cas de soutien minimal ou intensif. Cette dernière catégorie inclut les substituts nicotiniques et le bupropion qui est maintenant largement disponible. En Europe, les substituts nicotiniques peuvent être obtenus, suivant les pays, sur prescription ou sans prescription (en pharmacie), voire en grandes surfaces (au Royaume Uni par exemple). Le bupropion ne peut être obtenu qu avec une ordonnance. Bien que les preuves scientifiques soient plus fortes pour 4

Le système de santé devrait proposer aux fumeurs les plus dépendants une offre de traitement avec toute intervention minimale. Ce soutien pourrait être offert, soit individuellement, soit en groupes, et devrait inclure un soutien comportemental et social. Une formule bien rodée comporte environ 5 séances d une heure réparties sur un suivi d un mois environ. Le soutien intensif devrait inclure l offre de, ou l encouragement à utiliser la substicertaines catégories de professionnels de santé, l implication des professionnels de santé dans l offre d aide à l arrêt du tabac doit plus tenir compte de l accès aux fumeurs et du niveau de formation dans ce domaine que de la discipline d exercice. Ainsi donc, les recommandations pour les professionnels de santé sont valables pour tous les professionnels de santé et non pour seulement certaines catégories comme les généralistes par exemple. Les caractéristiques essentielles des conseils individuels d arrêt du tabac ont été décrits comme la règle des quatre A (en anglais): ask (poser la question du tabagisme à chaque occasion); advise (conseiller l arrêt à tous les fumeurs); assist (aider le fumeur à arrêter); arrange (organiser un suivi). 14 La récente mise à jour des recommandations américaines a introduit un nouveau A entre advise et assist: assess willingness to stop (évaluer le désir d arrêt). 7 Nous espérons que ces recommandations seront régulièrement mises à jour en tenant compte des nouvelles preuves scientifiques et des résultats de leur mise en place dans les différents pays. RECOMMANDATIONS 1. Recommandations pour le conseil minimal Lors de leur pratique clinique courante, les professionnels de santé devraient systématiquement réaliser une intervention brève incluant les points essentiels suivants: Ask: s enquérir du statut tabagique de leurs patients, en prendre note et le mettre à jour régulièrement; Advise: rappeler aux fumeurs les bénéfices de l arrêt de façon personnalisée et appropriée (cela peut inclure de faire le lien avec leur condition médicale); Assess: évaluer leur motivation à l arrêt; Assist: proposer un suivi si possible. Cela peut inclure une proposition d aide, des recommandations sur l utilisation des substituts nicotiniques ou du bupropion et pouvoir donner des conseils d utilisation et une information juste, sur ceux-ci. Cela peut aussi conduire à les référer à un spécialiste si nécessaire; Arrange: prévoir un suivi si possible. Si une aide peut être apportée, ces quelques points peuvent être abordés en quelques minutes: là; fixer une date d arrêt et arrêter complètement ce jour passer en revue l expérience passée d arrêt(s) et profiter de cette expérience (qu est ce qui a aidé, qu est-ce qui n a pas réussi?); identifier les problèmes éventuels et prévoir des solu- établir un plan d action personnalisé; tions; demander de l aide à sa famille et à son entourage. Une formation sur le tabagisme et l arrêt du tabac devrait faire partie de l enseignement de base de tous les professionnels de santé. 2. Recommandations pour les spécialistes du sevrage tabagique (tabacologues) 5

tution nicotinique ou le bupropion (selon les cas), ainsi que des instructions claires d utilisation. 3. Traitements pharmacologiques A l heure actuelle, les principaux traitements de la dépendance tabagique sont les substituts nicotiniques et le bupropion. Il y a six substituts nicotiniques différents; le patch (timbre), la gomme, le spray nasal (nébuliseur), l inhaleur, le comprimé sublingual et le lozenge (pastille). Les fumeurs fumant 10 cigarettes par jour ou plus, désirant s arrêter de fumer devraient être encouragés à utiliser la substitution nicotinique ou le bupropion pour l aide à l arrêt. Les professionnels de santé délivrant des conseils d arrêt du tabac, doivent donner aux fumeurs des conseils d utilisation et une information juste, sur ces produits En Europe, les substituts nicotiniques peuvent être obtenus, suivant les pays, sur prescription ou sans prescription (en pharmacie), ou en grandes surfaces (au Royaume Uni par exemple). Le bupropion ne peut être obtenu que sur ordonnance et selon les données scientifiques devrait le rester. Les preuves d efficacité du bupropion sont pour le moment limitées à une population de fumeurs moyennement ou fortement dépendants recevant un soutien comportemental. 4. Recommandations pour les populations spécifiques La recherche sur le traitement de la dépendance tabagique s est principalement intéressée aux professionnels de santé tels que les médecins (particulièrement les généralistes), les infirmières, les sages-femmes, les pharmaciens et les tabacologues. Cependant, recommander l arrêt du tabac et aider les fumeurs dans leur démarche sont des activités de l ensemble du système de santé qui devraient finalement être intégrées dans le plus grand nombre de structures possibles, à la fois publiques et privées. De plus, dans de nombreux pays le tabagisme des professionnels de santé est encore important, donc en plus de l éducation et de la formation recommandée ci-dessous, les professionnels de santé devraient être aussi la cible d une l aide à l arrêt. Les personnels hospitaliers devraient relever le statut tabagique des patients lors de l admission, offrir un conseil minimal et leur aide à ceux qui désirent s arrêter à l occasion d une hospitalisation. Les patients devraient être informés de l interdiction de fumer à l hôpital avant l admission. Un traitement par substitution nicotinique ou par le bupropion devrait être proposé aux patients hospitalisés qui en ont besoin. L interdiction de fumer devrait être effective dans les locaux des structures de santé et leur environnement immédiat. Les femmes enceintes devraient recevoir une information claire et exacte sur les risque du tabagisme pour leur futur enfant et recevoir des conseils d arrêt durant toute leur grossesse. On devrait leur offrir l aide d un spécialiste pour qu elles arrêtent de fumer. Les interventions efficaces chez les adultes devraient être proposées chez les jeunes, en modifiant éventuellement leur contenu si nécessaire. 5. Recommandations pour les systèmes de soin L investissement dans le traitement de la dépendance tabagique est une pratique très efficace en terme de coût/ efficacité pour réduire l impact sur la santé et prolonger l espérance de vie de la population. Les systèmes de santé devraient proposer le traitement de la dépendance tabagique en choisissant un éventail d interventions en fonction des structures et en insistant sur celles qui ont démontré une plus grande efficacité. Puisque le traitement de la dépendance tabagique est très efficace en terme de coût/efficacité, il devrait être proposé par tous les systèmes de santé, publics et privés. L accès aux traitements comportementaux et pharmacologiques devrait être le plus large possible en tenant compte des restrictions réglementaires liées aux différentes structures. L accès aux traitements pour les fumeurs en situation précaire devrait être amélioré en proposant ces traitements à coût réduit ou gratuitement. Les professionnels de santé devraient recevoir une formation afin de recommander l arrêt du tabac et d aider les fumeurs à arrêter. Les systèmes de santé devraient prévoir les budgets nécessaires pour que cette éducation soit faite. L éducation et la formation aux différentes formes d interventions ne doit pas être seulement réservée aux niveaux post-universitaires ou cliniques, mais devrait commencer au début du cursus des études, non seulement médicales et para-médicales, mais de tous les autres domaines pertinents. Les lignes téléphoniques d aide à l arrêt peuvent être efficaces et sont très populaires auprès des fumeurs. Bien que des évaluations approfondies soient nécessaires pour confirmer cette efficacité, il semble qu elle apportent un service probant aux fumeurs et qu elles devraient être développées lorsque cela est possible. 6

Références 1. World Health Organization. International Statistical Classification of Diseases and related Health Problems, 10th revision. Geneva, World Health Organization, 1992. 2. American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4th edition (DSM-IV) Washington, American Psychiatric Association, 1995. 3. Tobacco Advisory Group, Royal College of Physicians. Nicotine Addiction in Britain. London, Royal College of Physicians, 2000. 4. World Health Organization Europe. Partnership to Reduce Tobacco Dependence. Copenhagen, World Health Organization, 2000. 5. World Health Organization. Conclusions of conference on the regulation of tobacco dependence treatment products. Copenhagen, World Health Organization, 1999. 10. West R, McNeill A, Raw M. Smoking cessation guidelines for health professionals: an update. Thorax 55 987-999, 2000 (December). 11. Lancaster T, Stead L, Silagy C, Sowden A. Effectiveness of interventions to help people stop smoking: findings from the Cochrane Library. BMJ 321 355-358, 2000. 12. Parrott S, Godfrey C, Raw M, West R, McNeill A. Guidance for commissioners on the cost-effectiveness of smoking cessation interventions. Thorax 1998;53 Supplement 5 Part 2 13. World Bank. Curbing the Epidemic. Governments and the Economics of Tobacco Control. Washington, World Bank, 1999. 14. Glynn TJ, Manley MW (1989) How to help your patients stop smoking. A National Cancer Institute Manual for Physicians. Washington, US Department of Health and Human Services. 6. Peto R, Lopez A. Future worldwide health effects of current smoking patterns. In Koop CE, Pearson CE, Schwarz MR (Eds.) Critical Issues in Global Health. San Francisco, Jossey-Bass, 2000. 7. Fiore MC, Bailey WC, Cohen SJ, et al. Treating Tobacco use and Dependence. Clinical Practice Guideline. Rockville, US Department of Health and Human Services, 2000. 8. SBU Board of Directors and Scientific Advisory Committee. Conclusions: Smoking Cessation Methods. Stockholm, National Institute of Pub-lic Health and Swedish Council on Technology Assessment in Health Care, 1998 9. Agence Nationale d Accréditation et d Evaluation en Santé. Consensus Conference on Smoking Cessation; English summary by Jacques Le Houezec. Paris, ANAES, 1999 7

Ces recommandations sur le traitement de la dépendance tabagique basées sur les preuves scientifiques ont été développées à l initiative du Projet de Partenariat pour Réduire la Dépendance Tabagique de l OMS Europe. Elles ont profité de l expérience de certains pays européens, en particuliers les quatre pays cibles choisis à l origine par le Projet de partenariat pour réduire la dépendance tabagique de l OMS Europe; l Allemagne, la France, la Pologne et le Royaume Uni. Ces recommandations ont été discutées lors de deux réunions de l OMS Europe sur les traitements de la dépendance tabagique qui se sont tenus à Londres en novembre 1999 et à Barcelone en octobre 2000 et ont été approuvées par de nombreuses organisations professionnelles. Au moment de la mise sous presse de ces recommandations, les organisations suivantes les ont approuvées: European Medical Association on Smoking or Health, European Nurses and Midwives Against Tobacco, Europharm Forum, The European Review Group on Prevention and Health Promotion in Family Medicine and General Practice (EUROPREV), Society for Research on Nicotine and Tobacco Europe (SRNT Europe), ASH England, ASH Scotland, British Medical Association, Comité Nacional de Prevención del Tabaquismo (Spain), Czech Medical Association, Danish Medical Association, Dentistry against Tobacco (Sweden), Georgian Medical Association, Norwegian Medical Association, Swedish Medical Association, Quit (UK), Slovenian Medical Association, World Self-Medication Industry, Comité National Contre le Tabagisme (France), Alliance Pour La Santé (France), Coalition Contre le Tabagisme (France), DG- Sucht: Deutsche Gesellschaft für Suchtforschung und Suchttherapie, (German Society for Addiction Research and Therapy). Les commentaires et suggestions, ainsi que le nom des organisations souhaitant approuver ces recommandations peuvent être envoyés à: Patsy Harrington Project manager WHO European Partnership Project to Reduce Tobacco Dependence Scherfigsvej 8 DK-2100 Copenhagen Æ Denmark PHA@who.dk Telephone +45 39 17 17 17 Telefax +45 39 17 18 18 Telex 12000 who.dk Ces recommandations établissent les interventions reconnues pour le traitement de la dépendance au tabac qui devraient être intégrées aux systèmes de santé. Elles couvrent tout autant le rôle individuel des professionnels de santé qui aident les fumeurs que le rôle des systèmes de santé dans leur globalité. Nous espérons que ces recommandations seront utilisées par chaque pays comme un document source auquel ils pourront rajouter les détails spécifiques à leur systèmes afin de créer leurs propres recommandations.