CATHÉTERS PÉRINERVEUX : ANALYSE RISQUE-BÉNÉFICE ET CONSÉQUENCES POUR LA PRATIQUE



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CATHÉTERS PÉRINERVEUX : ANALYSE RISQUE-BÉNÉFICE ET CONSÉQUENCES POUR LA PRATIQUE Nathalie Bernard, Xavier Capdevila Département d Anesthésie Réanimation A, CHU Lapeyronie, 371 avenue du doyen G. Giraud, 34295 Montpellier cedex 5 INTRODUCTION La technique idéale d analgésie doit offrir une qualité d analgésie optimale et adaptée à chaque patient, sans effet secondaire majeur en utilisant des techniques efficaces, sûres et reproductibles, le tout avec un risque acceptable de morbidité propre. Cette méthode doit également permettre une amélioration du pronostic chirurgical fonctionnel et une réduction de la durée des séjours hospitaliers et par là même des coûts. L anesthésie/analgésie par blocs nerveux périphériques continus (BNPC) répond en grande partie à ce cahier des charges. Elle est devenue la référence dans l approche des douleurs postopératoires générées par la chirurgie, notamment orthopédique, réputée pour ses actes douloureux. Cet essor est lié à plusieurs facteurs : Une meilleure connaissance de l anatomie permettant la description de nouveaux abords, le développement d anesthésiques locaux (AL) plus sûrs et de matériel plus performant, ainsi que de nouvelles modalités d administration des AL. La supériorité de l analgésie locorégionale sur l analgésie morphinique autocontrôlée (ACP) intraveineuse, la faible incidence des effets secondaires et les avantages sur la réhabilitation postopératoire sont maintenant largement prouvés dans la littérature [1]. Cependant, comme toute technique d anesthésie ou d analgésie, le BNPC comporte ses spécificités et ses risques. Des effets indésirables de gravité variable sont notés, avec une fréquence certes minime mais ne permettant pas d en faire abstraction. Les principaux risques décrits sont neurologiques, cardiovasculaires, infectieux, liés à la myotoxicité des AL ou spécifiques à la technique d ALR utilisée. Dans la plupart des cas, le respect des règles de sécurité et des critères de surveillance permet d éviter la survenue de complications graves et de faire pencher la balance en faveur des bénéfices procurés par les BNPC.

294 MAPAR 2006 1. BÉNÉFICES DES CATHÉTERS PÉRINERVEUX 1.1. BÉNÉFICES SUR L ANALGÉSIE ET LA RÉHABILITATION POSTOPÉRATOIRE La chirurgie orthopédique des membres et des ceintures entraîne un certain nombre de contraintes. Tout d abord, elle génère des douleurs postopératoires souvent modérées à sévères. En effet, les articulations possèdent des structures riches en nocicepteurs, telles que capsule, ligament et périoste, qui seront mises sous tension par des spasmes musculaires après la chirurgie. Certaines interventions (arthroplastie, arthrolyse, ligamentoplastie ) nécessitent une kinésithérapie intense en postopératoire immédiat, responsable d exacerbations douloureuses. Cette mobilisation active est primordiale afin d assurer une bonne vascularisation du cartilage, une limitation des adhérences et des rétractions capsulaires et de limiter la réduction de la masse ostéocalcique et l amyotrophie. Ces modifications apparaissent très précocement en postopératoire (3 à 5 jours). Le contrôle de la douleur permettant la mobilisation fait donc partie intégrante du résultat fonctionnel de la chirurgie et améliore le confort du patient. Dans certains cas (chirurgie vasculaire, réimplantations, lambeaux libres) une vasoplégie induite par un bloc sympathique peut être bénéfique sur le résultat, de même lors de la prise en charge des syndromes neuroalgodystrophiques en douleur chronique. L utilisation des cathéters nerveux périphériques représente un atout majeur dans la prise en charge postopératoire de ces chirurgies. En effet, la supériorité de cette technique sur les autres méthodes est désormais largement prouvée par les données récentes de la littérature. Dans la chirurgie de l épaule (arthroplastie, coiffe des rotateurs), Borgeat et al ont montré que la mise en place d un cathéter interscalénique avec perfusion de bupivacaïne [2] ou de ropivacaïne [3] améliorait les scores de douleurs en postopératoire, la satisfaction du patient et réduisait les effets secondaires (nausées, vomissements, prurit) en comparaison avec l ACP morphine. Dans cette indication, la perfusion continue d AL avec un faible débit (5 ml.h -1 ), associée à des boli (2 à 3 ml toutes les 30 minutes) permettait une faible consommation d AL, une excellente analgésie et une meilleure adaptation de celle-ci au patient (et notamment lors des séances de kinésithérapie) [4]. Dans la chirurgie d arthroplastie de hanche, la mise en place d un cathéter lombaire au niveau du compartiment psoas procurait une excellente analgésie postopératoire (scores médians d EVA 10 mm au repos et 15 à 25 mm à la mobilisation), sans recours à la morphine parentérale [5]. Türker et al ont comparé cette technique à l analgésie péridurale chez 30 patients opérés d une prothèse intermédiaire de hanche pour fracture du col fémoral [6]. Les scores de douleurs et de satisfaction étaient identiques, mais les auteurs notaient une diminution significative des temps de réalisation de l ALR, du nombre d épisodes d hypotension artérielle, de la consommation d éphédrine et des autres effets secondaires ainsi qu une déambulation plus précoce dans le groupe des cathéters lombaires. Dans ces indications, un cathéter fémoral procurait également une bonne analgésie, comparable à l ACP morphine et à l analgésie par voie épidurale (PCEA) [7]. Cependant l incidence des nausées, vomissements, prurit et sédation était diminuée dans le groupe cathéter fémoral par rapport au groupe morphine, ainsi que les rétentions urinaires et les épisodes d hypotension artérielle en comparaison avec le groupe analgésie péridurale. L indice de satisfaction des patients était significativement meilleur dans le groupe cathéter fémoral.

A.L.R. 295 La même équipe, dans une étude récente, a trouvé des résultats comparables concernant ces 3 techniques sur la réhabilitation et la durée d hospitalisation après PTH [8]. Après prothèse totale de genou (PTG), les douleurs sont considérées comme sévères par 60 % des patients et modérées par 30 %. De plus, elle nécessite une rééducation précoce et intense, facteur de bon pronostic fonctionnel. Trois travaux se sont intéressés à l impact de la technique sur la réhabilitation post PTG en comparant l analgésie par cathéter fémoral, par ACP morphine et par voie péridurale [9-11]. Les techniques locorégionales entraînaient une analgésie supérieure à l ACP morphine, avec une incidence d effets secondaires significativement diminuée dans le groupe cathéter fémoral par rapport aux 2 autres groupes. Le degré de flexion du genou était significativement plus élevé jusqu à 6 semaines postopératoires dans les groupes cathéter fémoral et épidural, mais cette différence n existait plus à 3 mois [9, 10]. Dans ces 2 groupes de patients, la déambulation était plus précoce et la durée d hospitalisation en service de chirurgie [9, 11] ou en centre de rééducation [10] était significativement diminuée (20 % en moyenne). Chelly et al ont même mis en évidence une réduction du saignement péri-opératoire de 72 % ainsi que des complications graves dans le groupe cathéter fémoral en comparaison avec l ACP morphine [11]. La chirurgie du pied est également réputée pour être douloureuse (correction d hallux valgus, ostéotomie métatarsienne, arthrodèse de cheville). Dans ces indications, l analgésie par voie périneurale (sciatique poplité) a démontré sa supériorité par rapport à l analgésie morphinique (en intramusculaire ou intraveineuse) avec une diminution significative des effets secondaires [12]. Tous ces travaux démontrent la supériorité des BNPC quelle que soit leur localisation sur les autres techniques d analgésie postopératoire en chirurgie orthopédique, en termes de qualité et d efficacité d analgésie, d effets secondaires, de satisfaction des patients, de résultat fonctionnel chirurgical, de durée de séjour et de coût. Le bénéfice des cathéters périphériques a aussi été démontré en chirurgie thoracique lourde. Un travail de Richardson et al a comparé après thoracotomie unilatérale le cathéter paravertébral (avec perfusion de bupivacaine) à la péridurale thoracique [13]. Les principaux résultats consistaient en une réduction significative des scores EVA au repos et à la toux, une moindre incidence des effets secondaires et une amélioration de la fonction pulmonaire postopératoire (augmentation du débit expiratoire de pointe, de la saturation en oxygène) chez les patients du groupe cathéter paravertébral. 1.2. BÉNÉFICES CHEZ L ENFANT Chez l enfant, les indications de BNPC sont nombreuses (malformations congénitales des extrémités, allongement des membres inférieurs, arthrolyses ) et leur utilisation pour l analgésie postopératoire est croissante ces dernières années. Quelle que soit leur localisation, la littérature récente a permis de démontrer un réel intérêt sur la qualité de l analgésie postopératoire, la diminution des effets secondaires par rapport à l analgésie péridurale, le bloc sympathique en chirurgie de réimplantation et les syndromes neuroalgodystrophiques [14]. 1.3. ANALGÉSIE AMBULATOIRE L essor des techniques continues d ALR, la description de nouvelles voies d abord des nerfs et plexus, la commercialisation d AL plus sûrs (ropivacaine, L-bupivacaine) et de nouveaux matériels (pompes miniatures, perfuseurs élasto-

296 MAPAR 2006 mériques, cathéters stimulants) ont permis d utiliser ces méthodes d analgésie à domicile. De nombreux travaux ont démontré, notamment en chirurgie ambulatoire du pied et de l épaule, les avantages des cathéters périnerveux : diminution de la consommation d antalgiques oraux ou intraveineux, des effets secondaires, amélioration du sommeil et satisfaction des patients [15]. Les indications actuelles sont des procédures chirurgicales entraînant des douleurs postopératoires modérées et supérieures à 24 h, mais difficilement contrôlables avec les morphiniques. Le mode optimal de perfusion des AL semble être un débit continu associé à la possibilité de boli [15]. L utilisation de cathéters périnerveux à domicile impose quelques précautions : une sélection rigoureuse et une éducation préalable du patient, l injection du premier bolus d AL au travers du cathéter afin de limiter les échecs d analgésie, la sécurisation et éventuellement la tunnelisation des cathéters et le maintien d un contact téléphonique avec le patient. Les bénéfices des cathéters périnerveux ne sont donc plus à prouver et expliquent leur formidable essor lors de la dernière décennie. Cependant on recense dans la littérature de nombreux travaux relatant des effets indésirables et des complications liés à ces techniques. Nous allons maintenant envisager ces risques et essayer de déterminer en pratique clinique comment les éviter, dépister et/ou traiter ces complications afin d en diminuer la morbidité. 2. RISQUES DES CATHÉTERS PÉRINERVEUX 2.1. RISQUE D ÉCHEC Le premier risque est l échec de la technique. Des études ont montré des taux d échec des blocs analgésiques secondaires élevés, jusqu à 40 % [16]. En effet la migration du cathéter est totalement imprévisible et le résultat analgésique dépend de la bonne localisation du cathéter à proximité du nerf ou groupe de nerfs à bloquer [17]. La prévention passe donc par un repérage correct des structures nerveuses et la vérification immédiate du placement, permettant de repositionner le cathéter en cas d échec. En dehors de la méthode clinique (testing sensitif et moteur après injection d AL au travers du cathéter), plusieurs techniques sont utilisables. L opacification radiologique du cathéter qui est encore de nos jours le «gold standard» nécessite pour sa généralisation la formation de personnel, des manipulateurs en radiologie disponibles et la mise en place d infrastructures coûteuses. De plus, l absence de certitude d innocuité des produits de contraste et l irradiation des patients et du personnel soignant limitent son utilisation. Depuis 1997, les cathéters stimulants sont disponibles sur le marché. Ils permettent théoriquement d optimiser le placement du cathéter en l insérant sous contrôle de la neurostimulation. Plusieurs travaux ont montré un bénéfice à leur utilisation: diminution du délai d installation des blocs, faibles scores EVA, indices de satisfaction des patients élevés, diminution de la consommation d AL et de la consommation postopératoire de morphine par rapport aux cathéters insérés à l aveugle [18, 19]. La réalisation de l ALR sous guidage échographique permet de repérer précisément les structures nerveuses facilitant ainsi l insertion du cathéter à leur contact. Cette technique employée maintenant par de nombreuses équipes permettrait d éviter les complications neurologiques et de visualiser la distribution des AL [20]. Cependant, elle nécessite l acquisition de matériel

A.L.R. 297 coûteux d échographie et un bon apprentissage. Une autre technique permettant le repérage des structures nerveuses et d apprécier leur profondeur consiste à utiliser la neurostimulation transcutanée préalablement à la ponction [21]. Elle peut être une aide précieuse en cas de variabilité anatomique. 2.2. TOXICITÉ DES ANESTHÉSIQUES LOCAUX 2.2.1. TOXICITÉ SYSTÉMIQUE Des manifestations toxiques peuvent survenir soit lors d une injection intraveineuse directe, soit lors de l administration de doses trop importantes. La plupart des AL sont d abord toxiques au niveau du système nerveux central puis, à plus forte concentration deviennent cardiotoxiques, hormis pour la bupivacaine dont l atteinte cardiaque peut être initiale (surtout chez l enfant). La prévention de ces accidents passe donc par une surveillance accrue lors de la réalisation de l ALR. Celle-ci implique obligatoirement l installation d un monitorage identique à celui d une anesthésie générale, une oxygénation nasale et la présence à proximité immédiate d un chariot de réanimation. La surveillance clinique du patient comporte la recherche de signes de toxicité neurologique subjectifs (tels que engourdissement des lèvres, vertiges, bourdonnements d oreille, sensation de goût métallique, diplopie) ou objectifs (frissons, nystagmus, agitation, empâtement de la voix). Pour des concentrations sériques plus élevées apparaissent les convulsions et au stade ultime un coma avec dépression respiratoire, favorisés par l hypercapnie et l acidose. Le traitement d un accident convulsif passe par le maintien de la liberté des voies aériennes et l oxygénation, ainsi que l injection de faibles doses de benzodiazépines ou de thiopental si les convulsions ne cèdent pas rapidement. En cas d état de mal subintrant, une intubation favorisée par de la succinylcholine peut s avérer nécessaire. La toxicité cardiaque est liée au ralentissement considérable de la conduction intraventriculaire avec création de zones de réentrée. Sur le plan clinique et électrocardiographique elle se traduit par des tableaux de bradycardie avec élargissement du QRS, des arythmies à type de tachycardie ventriculaire ou torsades de pointe, souvent suivies de fibrillation ventriculaire ou d asystolie. L incidence de ces accidents toxiques est faible (la plupart décrits avec la bupivacaine), les grandes séries épidémiologiques publiées à partir des données de SOS ALR en France ne rapportant pas d accidents graves liés à une toxicité systémique des AL [22, 23]. Dans une étude prospective sur 1416 cathéters, Capdevila et al décrivaient un cas de migration secondaire intraveineuse d un cathéter, sans signe de toxicité et un épisode de convulsions [24]. Un des moyens de prévention de ces accidents toxiques est l injection lente et fractionnée des anesthésiques locaux avec tests d aspiration itératifs, l utilité de la dose test étant discutée. La réalisation de l ALR sous anesthésie générale ou sédation lourde doit être proscrite hormis cas exceptionnels afin de garder le contact verbal avec le patient et de pouvoir détecter rapidement les prodromes. La surveillance du bloc débute lors de sa réalisation (moment crucial) et se poursuit avec l évaluation de l installation de l anesthésie et de l efficacité du bloc. La toxicité des AL peut se manifester de façon retardée au cours de l installation du bloc, voire en postopératoire en cas de migration secondaire intraveineuse d un cathéter d analgésie. Pour ces raisons, la réalisation du bloc, la mise en place d un cathéter et la première injection sont du ressort du médecin anesthésiste réanimateur.

298 MAPAR 2006 En conclusion, un respect des posologies maximales (5 à 6 mg.kg -1 pour la mépivacaine, 2 à 2,5 mg.kg -1 pour la bupivacaine adrénalinée et de 3 à 4 mg.kg -1 pour la ropivacaine), des règles de réalisation de l ALR, une détection précoce des signaux d alarme et une surveillance par monitoring adéquat doivent permettre de diminuer l incidence des accidents toxiques liés aux anesthésiques locaux. 2.2.2. TOXICITÉ LOCALE : MYOTOXICITÉ Les AL sont responsables de myotoxicité locale secondaire à une concentration élevée de la molécule dans le muscle. Sur mitochondries isolées ou fibres myocardiques perméabilisées, les AL modifient le métabolisme mitochondrial et induisent principalement une diminution de la synthèse d ATP. Cette myotoxicité dépend également de la concentration et de la liposolubilité des AL [25]. Sur des modèles animaux, des lésions apoptotiques et nécrotiques étaient retrouvées à l examen des muscles striés voisins du nerf fémoral après une administration continue de 6 heures de bupivacaine via un cathéter fémoral [26]. En revanche, la ropivacaine, énantiomère S moins lipophile, n entraînerait pas de lésions apoptotiques. Ces phénomènes sont associés in vitro à des perturbations de l homéostasie calcique par une interaction complexe entre l anesthésique local et le récepteur à la ryanodine situé au niveau du réticulum sarcoplasmique avec une libération massive de calcium et l inhibition de la recapture du calcium au niveau sarcoplasmique. Cette augmentation du calcium cytosolique associée à la déplétion de synthèse d ATP et à la libération de facteurs apoptotiques sont à l origine de la mort cellulaire. Chez le miniporc recevant des AL durant 6 heures via un cathéter fémoral, les fibres musculaires présentaient en histologie des vacuoles, des myofibrilles condensées conduisant la cellule à la nécrose cellulaire [26]. La majeure partie des myocytes à proximité de la zone d injection semblait affectée, avec des lésions plus prononcées pour la bupivacaine par rapport à la ropivacaine. La réversibilité complète de ces lésions est à confirmer. Une régénération musculaire avec prolifération des myoblastes était observée 7 jours après l injection, alors qu au 28 ème jour les auteurs observaient des plages de nécrose calcifiées dans les zones superficielles du muscle directement en contact avec l anesthésique local. Les conséquences cliniques de la myotoxicité des AL restent controversées. Dans la plupart des cas, elle est décrite après une injection unique de bupivacaine en péri ou rétro-bulbaire ou après infiltration mais peu de données sont disponibles après administration via un cathéter [25]. Le suivi de ces patients reste difficile à réaliser car les signes permettant le diagnostic de la myotoxicité ne sont pas spécifiques (faiblesse musculaire, douleurs). Le choix de l AL, de sa concentration optimale et de la durée du traitement sera probablement le meilleur moyen de prévention de la myotoxicité. 2.3. COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES DES CATHÉTERS PÉRINERVEUX Trois mécanismes plus ou moins associés sont habituellement reconnus pour expliquer une atteinte neurologique : l ischémie nerveuse par compression ou étirement, un traumatisme direct du nerf par le biseau de l aiguille entraînant un hématome et/ou un œdème intranerveux et une neurotoxicité directe des AL par injection intranerveuse. Le diagnostic d une neuropathie postopératoire est difficile et se base sur l anamnèse, les signes cliniques (paresthésies ou douleurs à la ponction ou lors de l injection, troubles sensitifs et/ou moteurs, hyperesthésie ou allodynie persistantes), la topographie des lésions, l imagerie

A.L.R. 299 (échographie, TDM, IRM) et enfin l électromyogramme, examen de référence et de suivi. L incidence des neuropathies après blocs nerveux périphériques est faible (0,02 à 1,7 %) [22, 23]. En ce qui concerne les BNPC, elle est variable selon les études. Cuvillon et al rapportaient un cas de paresthésies prolongées sur 211 cathéters fémoraux (0,4 %) [27]. Sur une autre série de 1142 cathéters fémoraux, étaient colligés 2 cas de dysesthésies régressives en une semaine et un cas de neuropathie prolongée (8 mois) dans le territoire du nerf fémoral [7]. Sur une série de 520 blocs interscaléniques dont 234 cathéters, l incidence totale des complications neurologiques était de 0,4 %, toutes régressives à 9 mois sauf une [28]. Ce patient présentait une atteinte sévère et persistante du plexus brachial. Dans un travail portant sur le suivi de 405 cathéters axillaires, les auteurs ont retrouvé 4 déficits neurologiques postopératoires (1 %) dont deux étaient imputables à l ALR [29]. D autres équipes ne mettaient pas en évidence de troubles neurologiques sérieux rémanents au retrait du cathéter sur des séries de 35, 60 et 228 patients [5, 12, 30].Très récemment, deux séries portant sur des gros collectifs de patients ont été publiées. Un travail allemand sur 3 491 cathéters retrouvait 9 patients présentant un déficit neurologique de courte durée (0,3 %) et 6 patients avec des lésions nerveuses prolongées plus de 6 semaines (0,2 %) [31]. Enfin, sur 1416 cathéters périnerveux colligés en 1 an, 3 patients (0,21 %) ont présenté des neuropathies, toutes après cathéters fémoraux, et régressives dans un délai maximal de 10 semaines [24]. Chez 2 patients, l ALR avait été réalisée sous anesthésie générale, tandis que le troisième avait signalé des douleurs lors de l injection du bolus d AL. Au total, l incidence des complications neurologiques après BNPC est faible, en moyenne entre 0,2 et 0,5 %, mais non négligeable car susceptible d induire un handicap pour le patient. Des facteurs de risque favorisant la survenue de ces complications ont pu être isolés : douleurs à la ponction et/ou à l injection des AL, réalisation de l ALR sous sédation profonde ou sous AG, utilisation de la bupivacaïne (risque relatif 2,8) ou d aiguilles à biseau long, séjour en unité de soins intensifs (RR 9,8) [24]. Les facteurs liés au patient sont l existence d un diabète, d une insuffisance rénale chronique, la dénutrition, l alcoolisme, les pathologies démyélinisantes et l âge. Il est donc recommandé de réaliser l ALR chez un patient réveillé et capable d exprimer d éventuels symptômes pour minimiser le risque de lésions nerveuses, d utiliser un neurostimulateur et des aiguilles à biseau court. La surveillance postopératoire d une ALR avec cathéter périnerveux doit être rigoureuse et ce d autant plus qu il existe des facteurs de risque. Elle consiste en une évaluation quotidienne du bloc sensitif et moteur, des scores de douleur et un interrogatoire du patient à la recherche de paresthésies. Il convient de sensibiliser et former le personnel soignant infirmier à la recherche de ces symptômes. 2.4. COMPLICATIONS INFECTIEUSES DES CATHÉTERS PÉRINERVEUX Cuvillon et al dans une étude s intéressant aux effets secondaires infectieux de 208 cathéters fémoraux, rapportaient un taux de colonisation des cathéters de 57 % et aucun cas d infection caractérisée au site d insertion [27]. Nessler et al ont laissé en place 104 cathéters fémoraux en moyenne 6 jours (maximum 44 j) et n ont constaté aucun effet indésirable infectieux [32]. Un travail portant sur 3491 cathéters, toutes localisations confondues, relevait des incidences

300 MAPAR 2006 d inflammation locale (rougeur, douleur, œdème au point de ponction) de 4,2 % et d infection (écoulement purulent, hyperleucocytose, fièvre) de 2,4% [31]. Parmi ces patients, 29 (0,8 %) ont nécessité une intervention chirurgicale pour évacuer un abcès local. Morin et al, sur 198 cathéters périnerveux et périduraux retrouvaient des taux globaux de colonisation de 23,7 % et d inflammation locale de 9,1 % [33]. Les cathéters les plus fréquemment colonisés étaient ceux situés dans la région de l aine. Dans ces études, les germes les plus souvent retrouvés étaient Staphylococcus epidermidis et aureus. Dans le travail de Capdevila et al, 28,7 % sur 986 cathéters mis en culture étaient colonisés, avec une incidence plus grande pour les cathéters axillaires (36,5 %) et sciatiques (30,4 %) [24]. Cette équipe retrouvait un taux d inflammation locale de 3 %. Les manifestations infectieuses au cours du cathétérisme périnerveux sont donc rares mais elles peuvent être graves. Quatre cas d abcès après cathétérisme périnerveux ont été récemment décrits dans la littérature [24, 33-35]. Les signes cliniques (locaux et généraux) apparaissaient dans tous les cas à partir du 4 ème jour postopératoire. Dans 3 cas, il s agissait d abcès du psoas avec myosite, dans les suites d un cathéter fémoral [24, 35] ou d un cathéter lombaire postérieur [34]. Chez ces 3 patients, le germe retrouvé lors de la culture du cathéter ou sur des hémocultures était du Staphylococcus aureus. Le dernier patient a présenté un abcès cervical à Staphylococcus epidermidis après cathéter interscalénique [33]. Tous ces patients ont guéri en un mois sous antibiothérapie adaptée. L élément constant à toutes ces études est la grande disproportion entre le taux de cathéters colonisés et le taux d infections réellement constatées. Il est d une part probable qu une partie des cathéters soient contaminés lors de leur retrait et d autre part que ces cathéters soient souvent colonisés par des bactéries commensales sans réel pouvoir pathogène. Des facteurs de risque de colonisation et d inflammation locale au point de ponction des cathéters ont pu être mis en évidence dans 3 études [24, 31, 33] : le sexe masculin (risque relatif RR 2,09), la durée de cathétérisme supérieure à 48 heures (RR 4,61), l absence d antibioprophylaxie (RR 1,92), le séjour du patient en unité de soins intensifs (RR 5,07), l expérience du médecin anesthésiste, les soins répétés (RR 2,1 à chaque changement du pansement recouvrant le point de ponction) et la localisation du cathéter dans la région de l aine (RR 3,4). Il convient de peser le rapport risques-bénéfices du cathétérisme périnerveux chez les patients à hauts risques de survenue d évènements indésirables de nature infectieuse et notamment les patients immunosupprimés (diabétiques, patients hospitalisés en unité de soins intensifs ou réanimation) et de le réévaluer chaque jour et pour chaque patient. La surveillance des points de ponction par le médecin anesthésiste et le personnel soignant doit donc être attentive et quotidienne à la recherche de signes locaux d inflammation (douleurs, rougeur, chaleur, œdème, écoulement) et d éventuels signes généraux (fièvre, frissons). En cas de présence de signes locaux et/ou généraux, le cathéter doit être retiré et son extrémité distale mise en culture. S il existe des signes cliniques caractérisés d infection liée au cathéter, il faut réaliser une échographie du point de ponction, éventuellement une tomodensitométrie de la région d insertion et un bilan infectieux (hémocultures).

A.L.R. 301 2.5. COMPLICATIONS NON SPÉCIFIQUES DES CATHÉTERS PÉRINERVEUX Des études ont rapporté des hématomes au point de ponction de l ALR : 1 hématome du creux axillaire sur 405 cathéters axillaires [29] ou sur 35 cathéters lombaires postérieurs [5]. Les répercussions cliniques sont minimes, mais peuvent toutefois être potentiellement graves en cas de blocs profonds ou de compression d un nerf ou d un groupe de nerfs par l hématome. Un traumatisme chirurgical, le garrot ou un plâtre peuvent majorer le risque d hématome et ses répercussions cliniques. La surveillance du point de ponction à la recherche d hématome doit être journalière, surtout lors de ponctions itératives et/ou difficiles. On peut également souligner l existence de complications mineures liées au cathétérisme périnerveux à type de problèmes techniques : retrait accidentel, cathéters coudés ou arrachés, entraînant un défaut d analgésie. Leur incidence varie de 5,5 à 25 % selon les études [7, 12, 24]. Enfin, l excellente analgésie procurée par ces techniques locorégionales peut être à l origine d un retard de diagnostic du syndrome des loges. Il est donc recommandé de les utiliser avec précautions chez les patients à risque et après concertation avec le chirurgien, et en cas de doute de monitorer la pression dans les loges musculaires. 2.6. COMPLICATIONS SPÉCIFIQUES DES CATHÉTERS PÉRINERVEUX Certaines complications sont spécifiques à un type d anesthésie locorégionale et doivent être plus particulièrement surveillées. 2.6.1. LES CATHÉTERS INTERSCALÉNIQUES (IS) ET SUPRACLAVICULAIRES (SC) Des répercussions respiratoires par paralysie diaphragmatique symptomatique et des paralysies laryngées et récurrentielles (entraînant des troubles de la déglutition) ont été fréquemment décrites dans ce type de bloc. Dans l étude de Capdevila et al, l incidence de ces 2 types de complications est de 0,78 % [24]. De même, le risque théorique de pneumothorax fait contre indiquer les blocs supraclaviculaires chez les patients à risques (insuffisance respiratoire chronique) [28]. Des cas d anesthésies spinale et péridurale ont été rapportés et leur prévention passe par l utilisation d aiguilles 50 mm et une direction de l aiguille lors de la ponction évitant l axe du rachis. La surveillance des patients ayant un cathéter IS ou SC doit être scrupuleuse : fréquence respiratoire, recherche de dyspnée, de signes de pneumopathie (par surinfection d une atélectasie pulmonaire). 2.6.2. LES BLOCS CONTINUS DU COMPARTIMENT PSOAS Il s agit d un bloc particulièrement efficace en analgésie postopératoire, cependant ses complications potentiellement graves doivent faire reconsidérer ses indications et peser le rapport risques-bénéfices pour chaque patient. Des diffusions spinale ou péridurale des AL ont été décrites [5, 24] ainsi que des migrations intra ou rétropéritonéales des cathéters plexiques lombaires postérieurs [5]. Sur les données de SOS ALR, il est rapporté 1 décès sur 394 cathéters (soit une incidence de 25,4/10 000 blocs) et 2 détresses respiratoires (par migration péridurale des AL, soit une incidence de 50,8/10 000) [23]. Dans le travail de Capdevila et al, les auteurs ont relevé 3 cas de migration péridurale des AL lors de la 1 ère injection entraînant une instabilité hémodynamique, sur un total de 20 cathéters [24].

302 MAPAR 2006 La surveillance de ce type de bloc est primordiale et repose sur l injection lente et fractionnée des AL lors de la réalisation de l ALR, sur le contrôle radiologique des cathéters par produit de contraste iodé et sur la recherche d un bloc sensitif et/ou moteur controlatéral. CONCLUSION L ALR avec perfusion continue est une méthode extrêmement efficace d analgésie postopératoire. Elle permet une nette diminution des effets secondaires liées aux autres techniques d analgésie (péridurale, morphine systémique), améliore le pronostic fonctionnel de la chirurgie et est utilisable en ambulatoire. Les incidents mineurs liés à cette technique sont fréquents mais sans conséquences cliniques dans la grande majorité des cas. Cependant des effets indésirables graves sont possibles et la surveillance des patients doit donc être spécifique, adaptée et pluriquotidienne. Elle débute au bloc opératoire lors de la réalisation de l ALR et se poursuit en per et postopératoire. Afin d éviter des échecs d analgésie et certaines complications, le bon placement du cathéter doit être vérifié. L opacification ne doit pas être systématique mais est recommandée quand il s agit d un bloc profond (lombaire postérieur, supraclaviculaire, para-sacré ), quand le bloc n est pas efficace (recherche d un trajet aberrant), en cas de ponctions itératives et de difficultés pour monter le cathéter ou s il existe un doute sur une position intravasculaire. On peut également s aider de nouvelles techniques comme l échoguidage, les cathéters stimulants ou la neurostimulation transcutanée. L évaluation de la profondeur et de la qualité du bloc, de la douleur et des problèmes techniques est pluri-quotidienne, de même que l examen du point de ponction (à la recherche d hématome, de signes locaux d inflammation). La recherche de signes infectieux et/ou neurologiques persistants pouvant faire évoquer une neuropathie est fondamentale, elle doit être effectuée journalièrement par le médecin anesthésiste responsable et l équipe infirmière. Pour cela, il est impératif de former tout le personnel médical et paramédical (kinésithérapeutes, infirmiers) à la surveillance de ce type d analgésie. La reconnaissance des complications et leur prise en charge précoce permettront d en faciliter le traitement et la récupération du patient. La prévention des complications passe par un entrainement et un respect des règles de réalisation d une ALR et de leurs contre-indications ; le médecin anesthésiste doit aussi se poser quotidiennement et pour chaque patient la question du rapport risques-bénéfices et notamment pour les blocs profonds. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Liu SS, Salinas FV. Continuous plexus and peripheral nerve blocks for postoperative analgesia. Anesth Analg 2003;96:263-72 [2] Borgeat A, Schäppi B, Biasca N, Gerber C. Patient-controlled analgesia after major shoulder surgery. Anesthesiol 1997;87:1343-7 [3] Borgeat A, Tewes E, Biasca N, Gerber C. Patient-controlled interscalene analgesia with ropivacaine after major shoulder surgery: PCIA vs PCA. BJA 1998;81:603-5 [4] Singelyn FJ, Seguy S, Gouverneur JM: Interscalene brachial plexus analgesia after open shoulder surgery: Continuous versus patient controlled infusion. Anesth Analg 1999;89:1216-1220

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