INTRODUCTION Le paysage bancaire canadien s'est profondément modifié depuis les changements apportés à la Loi sur les banques en 1987. Autrefois, les fameux «quatre piliers» dominaient le paysage financier : les banques, les fiducies, les compagnies d'assurances et les maisons de courtage. Des cloisons somme toute assez étanches séparaient ces catégories d'institutions. Depuis 1987, ces cloisons ont sauté et les banques conquièrent progressivement tous les autres types d ' institutions financières. Elles se sont portées acquéreurs des principales maisons de courtage et sociétés de fiducie. Et elles s'apprêtent à s'implanter fermement dans le secteur de l'assurance. Sur la toile de fond de ces développements, écrire un manuel ayant trait à la gestion bancaire n ' est point une sinécure. C ' est pourtant à ce sujet que nous nous attaquons et nous espérons fournir aux étudiants en gestion bancaire, aux gestionnaires de banques, et de caisses populaires et à toute personne manifestant un intérêt pour le monde des institutions de dépôt, un volume de référence aussi complet que possible sur les divers aspects de la gestion bancaire. Le premier chapitre de ce traité s'intéresse à la description des principales activités des banques canadiennes. On y aborde les grandes composantes des actifs, des passifs et de l'avoir des actionnaires et on y étudie les principaux ratios financiers se rapportant au bilan bancaire. La croissance historique des différents éléments des actifs et des passifs bancaires est également observée. Le chapitre 2 est consacré à l'analyse de l'évolution des résultats financiers des banques depuis 1967. Nous serons à même de constater que les divers ratios financiers attenant à ces résultats se sont
2 Traité de gestion bancaire beaucoup modifiés depuis plus de trente ans, attestant des changements structurels dans l'industrie bancaire. Les revenus autres que d'intérêts sont en effet en voie de sup-planter la marge bénéficiaire (spread d'intérêts) comme principale source des revenus bancaires. Les banques ont également dû s'adapter aux nouveautés électroniques, ce qui a exercé des pressions sur le ratio de leurs frais d'exploitation. Ce chapitre fait ressortir à quel point les banques vivent sur une marge de profit très vulnérable, quoi qu'en disent les critiques des profits bancaires, et à quel point une rationalisation de leurs activités s'impose encore. Le chapitre 3 se penche sur l'épineuse question de la déréglementation dans le secteur bancaire canadien. Jusqu'au milieu des années 1960, ce secteur était très réglementé, le législateur mettant de l'avant la protection absolue des déposants. Une banque classique n'était-elle pas une institution qui reçoit des dépôts à court terme et qui les investit dans des prêts commerciaux garantis par les stocks des entreprises (self-liquidating loans)? C ' était du moins autrefois la définition légale d'une banque. Mais sous la pression d'une concurrence qui s'exacerbait dans le milieu financier, les banques ont dû se soumettre à de profondes mutations. Dans le milieu bancaire, ce sont les banques elles-mêmes qui forçaient la main du législateur de telle sorte que la loi bancaire s'adaptât aux nouveaux enjeux de la scène financière. C'est ainsi que les banques ont pu s'approprier les secteurs du courtage et de la fiducie. Mais, de façon concomitante, les règles ayant trait à la capitalisation des banques ont été durcies de façon à ce qu'elles aient un garde-fou contre les «nouveaux» risques qu'elles assument. Le chapitre 4 s'intéresse à la gestion des liquidités bancaires. Les banques doivent en effet déterminer leur encaisse optimale. Elles doivent également voir à se procurer des liquidités au moindre coût possible. C ' est là l'objet de ce chapitre. Le chapitre 5 examine l'importante question de l'appariement des actifs et des passifs bancaires. Au cours des années 1980, un grand nombre d'institutions financières sises en Amérique du Nord ont dû déposer leur bilan, car les échéanciers de leurs actifs et de leurs passifs, constitués majoritairement de dépôts, étaient mal appariés. Les techniques de l'appariement des actifs et des passifs, que celui-ci s'effectue par les échéanciers ou les durées, sont analysées à l'intérieur de ce chapitre. Ce faisant, nous montrons comment le recours à certains produits dérivés, tels les
Introduction 3 swaps sur taux d'intérêt, peut amoindrir le problème de désappariement d'une institution financière. Ces dernières années, de nouvelles mesures du risque ont dû être développées, les mesures classiques étant de moins en moins adaptées aux nouvelles dimensions des produits financiers. Le chapitre 6 se voue à l'analyse d'une mesure du risque de plus en plus populaire dans le secteur bancaire : la VAR (Value at Risk). Celle-ci s ' est imposée progressivement au point de devenir la norme en matière de risque pour la Banque des règlements internationaux, qui recommande les principaux ratios en matière de capitalisation bancaire. L ' une des questions qui préoccupent le plus en plus les banques est la rentabilité de leurs diverses activités. Le chapitre 7 propose certaines techniques pour calculer cette rentabilité. On essaie d'y déterminer la marge de profit de chacune des activités d'une banque. Le chapitre 8 regroupe, pour sa part, les diverses techniques de gestion des actifs et des passifs bancaires. Nous accordons une attention toute spéciale à la gestion des sources de financement d'une banque, qui met en cause les grands théorèmes de la finance corporative moderne. Le chapitre 9 examine la panoplie des produits dérivés que les banques offrent à leurs clients corporatifs pour gérer les risques financiers auxquels ils font face. Il prend également acte des divers modèles ayant trait à la fixation des prix de ces produits. Finalement, le chapitre 10 traite d ' une catégorie de risque de première importance à laquelle sont confrontées quotidiennement les banques : le risque de crédit. Incidemment, les produits dérivés orientés vers la gestion du risque de crédit ont vu le jour ces dernières années et ont connu une croissance exponentielle. Dans un monde bancaire en pleine évolution, le gestionnaire doit disposer d'une formation de pointe en gestion bancaire. Les chapitres de ce manuel lui seront d'une grande utilité pour maîtriser les principes de base en cette matière. Notre traité repose sur notre expérience étoffée à titre de cadre dans l'industrie des institutions de dépôt québécoises, sur nos travaux de consultation pour la Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'ouest-du-québec et sur nos consultations récentes pour le compte du ministère des Finances du Québec à l'intérieur des travaux sur l'amélioration de la position de Montréal comme centre financier. En publiant ce livre, nous faisons partager à nos lecteurs cette expérience de travail.
CHAPITRE 1 LE SECTEUR BANCAIRE CANADIEN UNE PRÉSENTATION Les banques à charte, qui prennent une très large place dans l ' économie canadienne, occupent le haut du pavé dans le secteur de l'intermédiation financière au Canada. Obtenant des législateurs des pouvoirs toujours accrus dont elles se prévalent promptement, les banques sont maintenant engagées dans toutes les sphères de l ' intermédiation financière : prêts, fiducie, courtage et assurances. Et dire qu'il n'y a pas encore 20 ans, elles se cantonnaient dans les activités bancaires strictes : les prêts et les dépôts. En dressant le bilan de l'ensemble des banques à charte canadiennes et en présentant l'état de leur engagement dans les différentes sphères du crédit, nous serons à même de constater la position clé qu ' elles occupent sur les marchés financiers canadiens. 1. APERÇU DU BILAN BANCAIRE À la fin de 1997, le bilan simplifié de l'ensemble des banques canadiennes montre que leurs actifs globaux excèdent 1 000 milliards de dollars (tableau 1.1). Les actifs bancaires se subdivisent en actifs en dollars canadiens (58 %) et en actifs en devises (42 %). Comme on peut le constater, le levier bancaire (actif / avoir) est très important (de l'ordre de 24).
6 Traité de gestion bancaire TABLEAU 1.1 Bilan simplifié des banques à charte canadiennes Décembre 1997 (en millions de dollars) Actifs $ CAN 772 436 Passifs $ CAN 691 790 Actifs devises 548 624 Passifs devises 575 299 Avoir propre 53 971 Actif total 1 321 060 Passif et avoir 1 321 060 1.1. Les actifs en dollars Considérons d'abord les composantes des actifs en dollars canadiens. Elles comprennent, grosso modo, des liquidités et des prêts. Les liquidités : des pièces et des billets de la Banque du Canada ; des dépôts à la Banque du Canada ; des titres émis ou garantis par le gouvernement canadien ; des prêts à vue ou à court terme ; d'autres avoirs liquides. Les prêts : prêts personnels ; prêts hypothécaires ; prêts commerciaux. Les liquidités L'encaisse des banques est constituée de billets de banque et de dépôts à la Banque du Canada. Afin de pouvoir compenser les chèques qu'elles reçoivent du public, les banques détiennent des dépôts à la Banque du Canada s. Jusqu'en 1992, la Loi sur les banques fixait le coefficient 1. Par exemple, supposons que la Banque Royale reçoive, une certaine journée, un chèque tiré sur la Banque Toronto-Dominion. À la fin de la journée, la Banque Royale verra son dépôt à la Banque du Canada crédité du montant du chèque et
Le secteur bancaire canadien : une présentation 7 obligatoire de réserve qu'une banque devait détenir. Cette règle a été abolie depuis. Les titres émis ou garantis par le gouvernement canadien comprennent des bons du Trésor, dont l'échéance n'excède pas un an, et des obligations. Les bons du Trésor sont émis par adjudication chaque semaine. Par ailleurs, les prêts à vue, ou à court terme, sont des prêts à très courte échéance que les banques consentent aux courtiers en valeurs mobilières. Les prêts TABLEAU 1.2 Principaux prêts bancaires Décembre 1997 (en millions de dollars) Niveau En % du total Prêts personnels 95 988 18,4 % Prêts hypothécaires 228 038 43,8 % Prêts aux entreprises 196 520 37,8 % Total 520 546 100,0 % Les prêts personnels, consentis par les banques aux particuliers pour l'achat de biens durables, notamment des véhicules automobiles, représentent 18 % du total des prêts bancaires alors que les prêts hypothécaires, consentis à ces mêmes particuliers pour l'achat d'une résidence, représentent une part beaucoup plus importante des prêts bancaires, soit 44 %. Les banques étant traditionnellement les institutions qui consentent le plus de prêts aux entreprises, la part de cette catégorie de prêts dans l'ensemble des prêts bancaires se chiffre à près de 38 %. la Banque Toronto-Dominion verra, pour sa part, son compte à la Banque du Canada débité du même montant. Les dépôts des banques à la Banque du Canada sont donc leur compte-chèques.