LE THÉÂTRE DU MERLAN scène nationale à Marseille. un théâtre situé dans le Centre Urbain du Merlan



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Transcription:

LE THÉÂTRE DU MERLAN scène nationale à Marseille un théâtre situé dans le Centre Urbain du Merlan

L'œil averti constate qu'il a affaire à un bâtiment tramé et à un ouvrage faisant référence aux procédés de construction de cette époque, les années 70, courant de la «super- structure». «Ouvrage d'art» sur une voie rapide, le Centre Urbain est un immense pont qui franchit l'avenue Allende. Il représente un des seuls bâtiments à Marseille avec une telle typologie, si massive et si complexe. Allant dans un théâtre, nous nous retrouvons face à un bâtiment-pont, installé dans un site topographique très particulier et compliqué, à flanc de colline, avec une partie haute (Carrefour, parkings...) et une partie basse (le théâtre, le commissariat...), au croisement de nombreux flux (routes, voies rapides), lui même abritant de nombreux flux de circulation intérieure, avec ses galeries, ses issues de secours croisées, ses passerelles. Il se présente comme l'emblème des quartiers nord (il en est le centre) et donc des divisions de cette ville, marquée par la coupure entre quartiers nord et quartiers sud (géographique et sociologique), comme le symbole d'un terroir «oublié, passé» (la campagne marseillaise, les collines, les bastides), d'un grand territoire (la ville) éclaté et des contradictions de cette ville : une scène nationale (d'habitude située en centre ville) ici placée dans un quartier pauvre, perçu «négativement», qui, aujourd'hui, après avoir fait l'objet d'opérations successives lourdes de réhabilitation, bénéficie d'un GPV (grand projet de ville) et d'un vaste projet de rénovation urbaine (grand St Barthélémy).

Retour aux origines du théâtre du Merlan et à la construction du Centre Urbain, en 1975 Situation et chronologie Le Centre Urbain va être construit à l'intérieur du périmètre de la ZUP N 1, dans le 14ème arrondissement de Marseille, appelée à cette époque «zone à urbaniser par priorité». La ZUP N 1 a été créée par arrêté du 6 janvier 1960. Le conseil municipal a confié à la SOMICA (société marseillaise mixte d'aménagement et d'équipement) le 19 décembre 1960 l'étude de l équipement de la ZUP. Cette étude avait pour objet la préparation d'un dossier comprenant notamment le programme de travaux et le bilan financier prévisionnel de l'opération, établi à partir du plan masse dressé par l'architecte en chef désigné par le Ministre de la construction, en accord avec la ville de Marseille. Il s'agissait de Guillaume Gillet, qui avait déjà fait de grandes réalisations (n'oublions pas que le Maire, Gaston Deferre, avait été Ministre et jouait un rôle politique national important). Soulignons que la documentation trouvée dans les archives de Marseille est extrêmement pauvre en plans et encore plus en référence à l'architecte en chef. Je n'ai trouvé aucun document faisant état d'une relation entre le Maire ou ses collaborateurs proches et Guillaume Gillet.

La zone à urbaniser a une superficie de 164 hectares environ et devra compter 7970 logements. 1724 logements sont déjà construits ou en construction sur 26 hectares. Il reste donc 138 hectares disponibles affectés à 6246 logements. L'opération de réalisation de logements avait donc déjà commencé avant le démarrage administratif (délibération) de la ZUP. La procédure ZUP est apparue comme une opportunité très positive pour les villes, puisque l'etat s'engageait sur un montant de subvention. Les ZUP : Rappel Procédure administrative d'urbanisme opérationnel utilisée en France entre 1959 et 1967 afin de répondre à la demande croissante de logements (cf. accroissement démographique et ses raisons...), la ZUP pose le principe d'un zonage afin de planifier et d'encadrer le développement urbain. Les ZUP ont été créées par le décret N 58-1464 du 31 décembre 1958 afin de permettre, dans les «communes ou agglomérations où l'importance des programmes de construction de logements rend nécessaire la création, le renforcement ou l'extension d'équipements collectifs» la planification et le financement de ces équipements et logements, afin de planifier et d'encadrer sur le territoire national le développement urbain, de répondre à la carence de logements et de favoriser la résorption de l'habitat insalubre. Les zones à urbaniser par priorité permettaient l'équipement rapide de terrains où l'on souhaitait localiser des opérations nouvelles d'urbanisme. La collectivité responsable, la commune ou, souvent l'état, passait une convention avec un établissement public ou une SEM qui expropriait les terrains, les équipait et les revendait aux constructeurs. Le financement était assuré en partie par l'état, dont le représentant local, le Préfet, approuvait les éléments essentiels (plan-masse, programme )

Retour à Marseille, années 60 De manière générale, la procédure ZUP nous renseigne sur le type d'urbanisation de l'époque et nous renvoie à l'histoire de Marseille autant qu'à son contexte politique : les années Deferre. Quelle réflexion dans la planification de l'époque? Comment émerge l'urbanisation dans cette ZUP, la première à Marseille? Sur le plan foncier, son périmètre correspond aux propriétés - bastides des grandes familles marseillaises - achetées par les organismes HLM dès la fin des années 50. Nous l'avons vu, dès cette époque émergent les premiers logements dans des grands ensembles. Il s'agissait, rappelons-le, d'abord de répondre à l'explosion démographique (entre 1956 et 1976, la population marseillaise passe de 600.000 à 900.000 habitants). Pour autant, le périmètre de la ZUP va être tracé autour du projet de construction de la rocade, entamé en 1962, visant à relier l'autoroute Nord et l'autoroute Est, les deux seules existantes à l'époque, et à réduire le transit par le cœur de la ville. Ainsi, en réalité, une large priorité est donnée aux projets infrastructurels, comme le dira plus tard Philippe Sanmarco luimême, (à l'époque directeur de la SOMICA, à qui le Conseil Municipal a décidé la concession de l'opération de la ZUP par délibération le 27 mai 1963) : «Les espaces de vie et d'habitat se déduisent des projets de grands travaux et non l'inverse...» («Marseille l'endroit du décor», 1985).

Il est intéressant de remarquer qu'une telle réalisation (la rocade) représentait une sorte de «déviation» par rapport aux textes sur les ZUP qui préconisaient qu'une «voirie primaire» (la L2 fut ainsi appelée pour bénéficier de subventions) puisse être financée pour «mettre en relation une opération avec son environnement», et non l'inverse! La ZUP sera donc conçue autour d'une voie autoroutière, qui va être réalisée en tranchée avec de nombreux déblais, des échangeurs, sans lien avec les zônes d'habitat et au-dessus de laquelle va être construit le Centre Urbain, à l'emplacement d'une colline boisée, avec vue sur la mer... Plus tard, à nouveau, dans les années 80, Philippe Sanmarco aura ce commentaire éloquent sur la réflexion qui a présidé la planification de l'époque : «Pour la ZUP N 1 on est dans la périphérie de la ville urbanisée, on trace de grandes voies puis on construit autour sans vision urbaine». Nous savons que Marseille ne sera pas le seul exemple d'une planification de ville conçue comme un boulevard urbain. Périmètre de la Zup n 1

Les raisons et le contexte de la réalisation du Centre Urbain La plupart des cités sont donc déjà construites au début des années 70, parmi lesquelles «La Busserine» et «Malpassé», entourant le site où va se réaliser le Centre Urbain. «Fontvert», de l'autre côté de la rocade est presque achevée. Seuls existent quelques petits commerces de proximité sur ce secteur, insuffisants par rapport à la population existante et les prix sont élevés pour les habitants. Ils le font savoir lors des réunions de concertation qui ont lieu une fois par mois (menées par Lucien Weygand, Maire de secteur (13 et 14ème arr.), PS proche de Deferre, les services techniques de la Ville et les associations - courant Léo Lagrange - elles mêmes proches de Deferre...). Jusque là, le Maire a toujours refusé la réalisation d'un centre commercial sur la ville, défendant les «petits commerces», lobby électoral important. Cette fois, et c'est une première, il va accepter que dans la ZUP N 1 soit réalisé un supermarché, essentiellement pour remédier au fait que les habitants aient un rapport de prix trop élevé à la consommation alimentaire. La construction d'un hypermarché va être voulu par tous. Ce sera le premier, avant «Boneveine» et bien plus tard «Grand Littoral». La réalisation d'un centre commercial va représenter une vraie modification du programme initial de la ZUP N 1, puisqu'elle comportait exclusivement des logements collectifs type HLM. Une première étude (après plusieurs études de marché sur le secteur) de la CCIM (chambre de commerce) remise le 20 mars 1971 confirmera la nécessité de «créer un centre commercial» de «13.000 m2 avec éventuellement une deuxième unité pour des boutiques et une cafétéria, de 3 à 4000 m2». Ce serait (je n'ai pas retrouvé de traces formelles) la SOMICA qui aurait eu l'idée du site, «au milieu de la ZUP». Plutôt que de creuser à grands frais le tunnel projeté par la DDE et sans pouvoir construire dessus, on continuerait la tranchée de la L2 à travers la butte et on pourrait construire dans le volume ainsi créé un empilement de planchers à cheval sur la future rocade.

Le conseil municipal de novembre 1972, après la consultation faite par la SOMICA en 1971, approuve la réalisation du projet et retient la proposition (construire un centre commercial «régional» plus grand que celui prévu), de M. Weil, promoteur, qui constituera une société de gestion, la SMECI (Société Méditerranéenne d'expansion Commerciale et Industrielle) en 1975. Le terme «Centre urbain» apparaît dans un texte de la commission d'urbanisme qui approuve la réalisation du Centre commercial sur une superficie de 26500 m2, plus des équipements municipaux : une salle polyvalente, une bibliothèque, une halte enfants et même une patinoire!... Pourquoi ces «équipements municipaux» apparaissent-ils (au dernier moment) dans la proposition de la réalisation (décision initiée par la SOMICA)? Je n'ai pas retrouvé de textes officiels ni même de lettres qui le mentionne. On peut supposer que la prise de conscience sur la gestion du quartier a commencé. D'autant que les critiques sont déjà apparues sur l'isolement du quartier par rapport au reste de la ville et sur un quartier d'habitat répondant plus à des objectifs routiers qu'à la création d'un quartier équilibré. Le regard porté sur les grands ensembles change. La critique monte, annonciatrice des périodes à venir : la réhabilitation. Les comptes-rendus des réunions de «concertation pour l'amélioration des conditions de vie dans la ZUP N 1» témoignent des insuffisances dénoncées par les habitants. Et nous savons que la SOMICA, qui a joué un rôle fondamental est en lien étroit avec M. Grandguillot, chargé de mission dépendant du secrétariat général à l'expansion de la ville, qui dirige les réunions de concertation. A travers la notion de «salle polyvalente» apparaît en germe la réalisation de notre théâtre. Façade du Centre Urbain Avenue Raimu et entrée du Théâtre La construction du Centre Urbain débutera le 5 juin 1975, sur un terrain de 76000m2 et, après seulement 10 mois, sera inauguré le 7 avril 1976.

La mémoire de la décision de réaliser un théâtre Le théâtre du Merlan, dans le cadre de l'application du droit de l'urbanisme de l'époque (défini par la ZUP et la LOF) fut réalisé grâce à une transaction : la construction d'un supermarché Carrefour en échange de «2000m2 d'espaces couverts et clos à destination culturelle» (entre-autre équipements municipaux comme nous l'avons vu précédemment). Entrée principale des équipements publics Le contexte sur le secteur et la «petite histoire» La SOMICA, la société d'économie mixte est dirigée par un proche de Gaston Deferre. Elle assure l'articulation entre la Ville et l'etat, qui va comme nous le savons, jouer un rôle considérable dans la planification urbaine à cette époque. «ALFA», puissance proche de la Caisse des Dépôts et donc de l'etat, gère les structures sociales de la ville. Son directeur, Severin Montarello et Lucien Weygand, élu PS du secteur ont la confiance de Gaston Deferre. La SOMICA et la Caisse des dépôts travaillent ensemble, avec les associations du secteur, en articulation étroite avec le secrétariat général de la Mairie. C'est Lucien Weygand qui a la responsabilité de la programmation de la «salle polyvalente». Les techniciens maître d'œuvre (Messieurs Montarello et Grandguillot) contactent Jean-Pierre Daniel, responsable d'une association culturelle consacrée à la vidéo installée sur le secteur, et lui demandent : «Que peut-on faire de ces 2000 m2?». La réponse fut : «Un studio de cinéma avec une tribune à l'intérieur, à articuler avec une bibliothèque»... En accord avec le plan de développement des bibliothèques de 1973, le projet est accepté. L'espace est divisé en deux : une salle polyvalente et une bibliothèque.

En une soirée, sur un calque, J.P. Daniel fait le dessin de la salle polyvalente! Un plateau au sol, un gradin (copié sur celui du stade vélodrôme, ce qui explique son caractère particulièrement pentu!) et qui «exploite la déclinivité du rocher», une régie et une entrée camion (dessous). Le plan est donné au constructeur. Mais où situer cette salle polyvalence? J.P. Daniel propose que les deux fonctions (centre commercial et activité culturelle) se tournent le dos. La circulation entre les deux n'est pas à l'ordre du jour... La salle polyvalente sera donc placée en sous-sol, dans les fondations... L'infrastructure du Centre Urbain se construit à toute vitesse, avec des poteaux gigantesques pour réaliser le pont, au dessus de la voie rapide. Des cables sont tirés dans l'urgence pour la salle polyvalente, sur les consignes que donne J.P. Daniel au constructeur («Nord France»). Un drôle d'objet va alors apparaitre, un «trou noir», avec l'idée qu'on «puisse tout y faire». Peu d'espaces pour le théâtre existent à ce moment là à Marseille. Nous sommes au début du théâtre de la Criée avec M. Maréchal. R. Mouillac va amener au Merlan un public friand de théâtre. Un lieu, une «enclave» démarre (avec 10 projecteurs, une secrétaire, un directeur salarié de la Maison de Quartier!). Quelque-chose commence à s'inventer. Peter Brook va être un des premiers artistes invités. Hall actuel du Théâtre Salle de spectacle