Une fausse couche spontanée



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Transcription:

Les explorations génétiques Résumé : Les grossesses se soldent par une fausse couche spontanée (FCS) dans 10 à 15 % des cas. Celle-ci est provoquée par une anomalie génétique dans environ 50 % des cas, surtout lorsqu elle est précoce. La plupart des anomalies génétiques détectées dans les produits de FCS sont à type d aneuploïdie, les autres sont des anomalies de structure déséquilibrées. Elles sont souvent de novo, mais peuvent parfois être secondaires à une mauvaise ségrégation chromosomique dans les gamètes, provenant d un remaniement parental équilibré. Dans ce dernier cas, elles auront tendance à se répéter, et conduiront à déclencher un bilan génétique consistant en la réalisation du caryotype parental. Seule la récurrence des FCS, à partir de deux ou trois, nécessite donc la réalisation d un bilan. Le résultat permettra d orienter le conseil génétique, notamment vers un diagnostic prénatal. A. RECEVEUR Praticien Hospitalier Service de Cytogénétique, Biologie de la Reproduction et CECOS de Picardie, AMIENS. Une fausse couche spontanée (FCS) est définie par la perte de la grossesse avant 22 semaines d aménorrhée ou d un fœtus de moins de 500 g [1]. Les FCS précoces surviennent au cours du 1 er trimestre de la grossesse, soit avant 14 semaines d aménorrhée. Leurs mécanismes de survenue sont radicalement différents de ceux des FCS tardives. Il est admis que la récurrence des FCS est prise en compte à partir de la survenue de trois événements. Cependant, de nombreux auteurs s accordent pour considérer que la survenue de deux FCS consécutives ou non, chez des patientes de plus de 35 ans, ou chez des femmes plus jeunes présentant des difficultés à concevoir, doit être prise en compte dans la décision de la réalisation d un bilan [2]. Ce bilan doit être complet ; il suppose l exploration de la fonction ovarienne et endométriale, celle de la fonction spermatique, celle des troubles de la coagulation et, enfin, une exploration génétique. Etiologies des fausses [ couches spontanées On estime que 10 à 15 % des grossesses se terminent par une FCS, ce qui consti- tue un événement fréquent dans la vie reproductive d une femme [3]. La récurrence des FCS (2 à 3) concerne 2 à 5 % des couples ; ce taux important suppose l existence de facteurs de prédisposition qui peuvent être multiples. Boué et al. [4] ont montré que la majorité des FCS, soit 60 à 80 %, sont secondaires à une anomalie génétique et en particulier chromosomique, qu elle soit embryonnaire ou trophoblastique. Les anomalies de nombre de chromosomes, ou aneuploïdies, sont observées au cours des FCS du 1 er trimestre de la grossesse ; elles représentent 95 % de toutes les anomalies chromosomiques [5]. Ce sont le plus souvent des trisomies (T), mais également des polyploïdies. l Les trisomies Les trisomies concernant les chromosomes 16 et 22 ne sont en général pas viables, ce qui explique la précocité des FCS. Les monosomies concernant les autosomes sont rarement décelées 1

dans les produits de fausses couches, dans la mesure où elles seraient précliniques [6]. En revanche, certaines trisomies comme les T13, T18 et T21, ainsi que la monosomie X sont viables, mais peuvent cependant se solder par une FCS plus ou moins précoce en fonction de la présence de malformations organiques, souvent visualisées à l échographie (fig. 1). l Les polyploïdies Elles sont responsables d environ 15 % des avortements spontanés : ce sont des triploïdies ou des tétraploïdies. Les triploïdies sont de deux types : La diandrie, qui est la fécondation d un ovocyte par deux spermatozoïdes ou beaucoup plus rarement par un spermatozoïde diploïde ; elle générera un caryotype : 69,XXX ; 69,XXY ou 69,XYY (fig. 2). La digynie, qui est la fécondation d un ovocyte diploïde, ayant retenu son globule polaire, par un spermatozoïde ; elle générera un caryotype : 69,XXX ou 69,XXY. Dans les deux cas, étant donné le développement anarchique de l embryon et du placenta à cause de l empreinte génomique parentale, la grossesse ne sera pas viable. Il en est de même pour les tétraploïdies : 92,XXXX ou 92,XXYY. l Autres aneuploïdies Fig. 1 : Trisomie 21 47,XX,+21. D autres aneuploïdies comme les dysgonosomies peuvent provoquer des avortements spontanés, même si la compatibilité avec la vie est admise : la monosomie X, seule monosomie viable ; les tri-, tétra- ou pentasomies X associées à un ou plusieurs chromosomes Y. On décèle également des aneuploïdies en mosaïque, c est-à-dire présentes dans un certain pourcentage de cellules. Ces anomalies chromosomiques sont en grande majorité de novo, elles présentent alors un très faible risque de récidive pour le couple. Dans la plupart des cas, aucune exploration cytogénétique n est effectuée dans ce contexte. l Anomalies de structure Fig. 2 : Triploïdie 69,XXX. Au-delà des aneuploïdies, des anomalies de structure des chromosomes peuvent également induire des FCS du fait du déséquilibre présent. On compte parmi elles des délétions, duplications, chromosomes en anneau, isochromosomes. Ces anomalies de structure sont soit de novo, avec un risque de récidive négligeable, soit liées à une malségrégation méiotique d un remaniement équilibré chez l un des parents, qui sera alors à l origine de la récidive des fausses couches. 2

réalités en gynécologie-obstétrique # 165_Octobre 2012-Cahier 1 Quand et comment réaliser [ ce bilan? La Société américaine de médecine reproductive [7] recommande un bilan de FCS pour les couples ayant eu plus de 3 FCS consécutives. Cependant, à partir de 2 FCS chez une patiente de plus de 35 ans ou ayant des difficultés de conception, un bilan est indiqué, le risque d une troisième fausse couche étant de 20 à 30 %. On considère que la survenue d une FCS et d une mort fœtale in utero même audelà de 22 semaines d aménorrhée entre également dans le cadre d un protocole de bilan de FCS. En pratique, ce bilan est réalisé au décours d une consultation de génétique avec un cytogénéticien ; elle permet dans un premier temps de rechercher à l interrogatoire les antécédents personnels et familiaux du couple en termes d hypofertilité, de FCS, de mort fœtale in utero, de retard mental ou des acquisitions et de malformation. Des études [8] ont montré que le risque d anomalies chromosomiques dans les couples est environ deux fois plus important lorsque des antécédents sont retrouvés. D autre part, cette consultation a pour but d expliquer les causes génétiques des FCS à répétition ainsi que les résultats qui peuvent être obtenus. Le caryotype parental est alors réalisé après avoir obtenu le consentement éclairé du couple. Il se fait par un prélèvement de sang veineux périphérique sur un tube d héparinate de lithium. [ Remaniements chromosomiques parentaux et conséquences Des remaniements chromosomiques constitutionnels sont décelés chez 5 à 10 % des couples selon les séries, suivis pour fausses couches spontanées à répétition [4]. Les caryotypes établis montrent, dans la majorité des cas, des remaniements équilibrés, ce qui, étant donné l absence de perte ou de duplication de gènes, explique le phénotype normal des membres du couple. C est essentiellement au cours de la méiose des cellules gamétiques, et particulièrement en prophase de première division méiotique, lors de l appariement des chromosomes ou crossing-over, que le déséquilibre survient. En effet, compte tenu de l absence d alignement correct des segments des chromosomes remaniés, ceux-ci prennent une conformation particulière pour accéder aux échanges entre chromatides de chromosomes homologues. La ségrégation chromosomique qui en résulte générera alors, dans certains cas, des cellules filles déséquilibrées, dont la fécondation va former des zygotes avec un caryotype porteur de monosomie et trisomie partielles. Les différents types de réarrangements chromosomiques décelés sont par ordre de fréquence : 1. Les translocations réciproques équilibrées Elles correspondent à un échange de segments distaux entre deux chromosomes non homologues, après les cassures d un des bras chromosomiques suivies de recollement. Elles peuvent concerner n importe quel chromosome, les autosomes ou les gonosomes [9]. Une translocation est caractérisée par ses points de cassure sur chacun des chromosomes impliqués, ils sont définis selon la nomenclature internationale (ISCN 2009) [10]. Exemple : 46,XY,t(7;12)(q3 ;p13) (fig. 3). La fréquence des translocations réciproques est de 1/1200, soit 1 couple sur 600 ; cependant, elle double chez les couples suivis pour FCS (1/250 à 1/300) [11]. Des études de cohortes ont montré que les translocations réciproques équilibrées génèrent en moyenne un taux de gamètes Le suivi du protocole d obtention des chromosomes, à partir de la culture lymphocytaire, permettra l établissement du caryotype par l analyse d un minimum de 16 mitoses dont 4 caryotypées. Des examens complémentaires à type d hybridation in situ fluorescente seront éventuellement réalisés pour préciser la nature des réarrangements. Fig. 3 : Translocation réciproque équilibrée 46,XY,t(7;12)(q33;p13). 3

déséquilibrés de 50 % [12]. Chaque translocation réciproque étant unique par les chromosomes impliqués et la localisation des points de cassure, le taux de déséquilibre des gamètes sera d une grande variabilité. Des points de cassure proches des télomères vont générer des embryons viables mais malformés, en revanche, des remaniements impliquant des segments de grande taille seront responsables de fausses couches précoces. 2. Les translocations robertsoniennes par fusion centrique Elles se définissent par l accolement des bras longs de deux chromosomes acrocentriques (13, 14, 15, 21 et 22), par leur centromère. Les sujets porteurs de cette translocation de façon équilibrée auront 45 chromosomes sans aucune conséquence phénotypique. La perte de matériel concerne une région polymorphe contenant une information génétique redondante (gènes codants des ARN ribosomaux), présente au niveau des bras courts de tous les acrocentriques. Parmi toutes les translocations robertsoniennes possibles, deux sont plus Fig. 4 : 45,XX,rob(13;14)(q10;q10). fréquemment retrouvées, il s agit des t(14;21) et t(13;14), qui peuvent entraîner chez les hommes une hypofertilité se traduisant par des anomalies du spermogramme ; elles accroissent le risque de trisomie 21 et 13 (fig. 4). Ces types de translocations équilibrées peuvent se transmettre ici encore de façon déséquilibrée à la descendance, à un taux proche de 15 % [8], ce qui provoque notamment des FCS. La ségrégation méiotique correspondant à la séparation des chromosomes dans les gamètes se fait selon trois modes : l La ségrégation alterne, qui produit deux types de gamètes : un avec des chromosomes normaux, et l autre avec les deux chromosomes porteurs de la translocation ; dans les deux cas, la fécondation générera un embryon sans conséquence phénotypique. l La ségrégation adjacente 1, qui aboutit à un gamète avec un chromosome normal d une des paires, et transloqué de l autre. L adjacente 2 produit un gamète avec deux chromosomes de la même paire, l un transloqué et son homologue normal. Dans les deux cas, la fécondation produira un embryon au phénotype anormal, ayant un caryotype déséquilibré avec une monosomie partielle pour une paire et une trisomie partielle pour l autre paire de chromosomes impliqués. l La ségrégation 3:1, qui produit des gamètes avec une aneuploïdie, 24 ou 22 chromosomes, ce qui générera un embryon anormal ayant au caryotype une anomalie de nombre associée à un ou deux chromosomes porteurs de la translocation. Elle ne concerne que les translocations réciproques équilibrées. 3. Les inversions Elles résultent de deux cassures sur un même chromosome suivies de recollement après un retournement à 180 du segment intermédiaire. Elles sont de deux types : paracentrique, si les points de cassure sont localisés sur le même bras chromosomique ; péricentriques, lorsque les points de cassure sont de part et d autre du centromère. Au cours de la méiose, afin de permettre un appariement correct avec son homologue, le chromosome inversé doit produire une boucle d inversion. Un (ou un nombre impair) de crossing-over dans cette boucle peut générer une aneusomie de recombinaison, à savoir une duplication d une extrémité distale associée à une délétion de l autre extrémité ; ou un chromosome dicentrique, c est-à-dire avec deux centromères. Les caryotypes qui en résultent seront déséquilibrés. Un nombre pair de crossing-over, ou en dehors de la boucle d inversion, générera des gamètes équilibrés ayant le chromosome inversé. 4. Les dysgonosomies Elles sont homogènes ou en mosaïque, et peuvent induire des aneuploïdies concernant les autosomes et les gonosomes. 4

réalités en gynécologie-obstétrique # 165_Octobre 2012-Cahier 1 5. Les variants polymorphiques De façon théorique ils seraient sans incidence, ils peuvent cependant, par des mécanismes peu connus, provoquer des anomalies de structure [12]. La revue de 200 publications portant sur le bilan cytogénétique de 20 000 couples suivis pour FCS a établi la prévalence des réarrangements chromosomiques : 1,3 % de translocations réciproques, 0,6 % de translocations robertsoniennes, 0,2 % d inversions chromosomiques, 0,1 % de dysgonosomies et 0,003 % de marqueurs surnuméraires [13]. Spz NI Sondes : Tel 7a / Tel 12p / CEP7 Fig. 5 : FISH sur spermatozoïdes du patient porteur de la translocation t(7;12). Les spermatozoïdes du milieu et de droite sont déséquilibrés. En absence de cause retrouvée au bilan (comportant le caryotype parental), une anomalie peut être recherchée sur le produit de fausse couche avec un recours à la technique de CGH-array qui permettra de rechercher des déséquilibres chromosomiques de petite taille, générés par des remaniements cryptiques des caryotypes parentaux. [ Le conseil génétique Le rendu du résultat des caryotypes parentaux présentant un remaniement chromosomique s accompagne d un conseil génétique qui est réalisé par le cytogénéticien. Il faudra éviter de parler d anomalie au patient et le terme de particularité cytogénétique sera préféré. En présence de remaniement chromosomique, son type, le mécanisme de déséquilibre responsable des FCS, et surtout le pronostic pour les futures grossesses sont expliqués au couple. Un logiciel établi par le CHU de Grenoble [14] permet d évaluer le pourcentage du risque de déséquilibre et du risque de naissance d un enfant vivant avec déséquilibre en fonction des anomalies de structure détectées. Les chromosomes impliqués ainsi que la localisation des points de cassure sont des facteurs pronostiques majeurs. Le risque est également inhérent au sujet porteur de l anomalie. En effet, environ 60 % des remaniements sont portés par les femmes, ce qui s explique par le fait que l ovogenèse est généralement conservée, et que les gamètes produits sont fécondés parce qu ils n ont pas de nécessité de mobilité. En revanche, chez l homme, la spermatogenèse est souvent affectée, d où une fonction spermatique perturbée et une forte incidence sur la fertilité masculine. Pour les translocations robertsoniennes, surtout la t(14;21), le risque de trisomie 21 par translocation est de 15 % si c est la mère qui est porteuse du remaniement et de 5 % si c est le père. En absence de remaniement chromosomique décelé, et si le reste du bilan est également normal, on pourra alors considérer légitimement qu il s agit d une cause idiopathique, parmi lesquelles on compte les mutations géniques gamétiques, des fragilités ou instabilités chromosomiques, l existence de variants polymorphiques chromosomiques. La prise en charge des couples pour lesquels un diagnostic de remaniement chromosomique a été porté supposera la réalisation systématique, pour toutes les futures grossesses, d un diagnostic prénatal (ponction de liquide amniotique ou de villosités choriales), afin de déceler un déséquilibre chez le fœtus, ou une aneuploïdie induite par un mécanisme d effet interchromosomique. Par ailleurs, les couples dont la conception est un échec pourront avoir recours au diagnostic préimplantatoire (DPI), qui consiste à trier les œufs fécondés équilibrés obtenus par fécondation in vitro, avant leur transfert dans l utérus. L hybridation in situ fluorescente (FISH) sur spermatozoïdes aura chez l homme porteur d un remaniement chromosomique l avantage d apprécier la qualité chromosomique des spermatozoïdes, en évaluant le pourcentage de spermatozoïdes équilibrés ; le résultat permettra d évaluer les chances de grossesses spontanées ou médicalement assistées (fig. 5). La prise en charge des couples suivis pour fausses couches spontanées à répétition et présentant un bilan génétique perturbé ne peut être le fait d un traitement simplement préventif. Elle suppose en effet un suivi à long terme de la vie reproductive du couple. Bibliographie 1. Royal College of Obstetricians and Gynecologists. The management of recurrent miscarriage. London. 1998. 5

2. Van den Boogaard E, Kaandorp S, Franssen M et al. Consecutive or non-consecutive recurrent miscarriage : is there any difference in carrier status? Human Reprod, 2010 ; 25 : 1 411-1 414. 3. Suzumori N, Sugiura-Ogasawara M. Genetic factors as a cause of miscarriage. Curr Med Chem, 2010 ; 17 : 3 431-3 437. 4. Boue A, Gallano P. A collaborative study of the segregation of inherited chromosomal structural rearrangements in 1 356 prenatal diagnosis. Prenatal Diagnosis, 1984 ; 4 : 45-67. 5. Jacobs P, Hassold T. The origin of numerical chromosome abnormalities. Adv Genet, 1995 ; 33 : 101-133. 6. Boue J, Boue A, Lazar P. Retrospective and prospective epidemiological studies of 1 500 karyotyped spontaneous human abortions. Teratology, 1975 ; 12 : 11-26. 7. Practice Committee of American Society for Reproductive Medicine. Definitions of infertility and recurrent pregnancy loss. Fertil steril, 2008 ; 90 : S60. 8. Elghezal H, Hidar S, Mougou S et al. Prevalence of chromosomal abnormalities in couples with recurrent miscarriage. Fertil Steril, 2007 ; 88 : 721-723. 9. Turleau C, Prieur M ; Service de cytogénétique Necker Enfants Malades. Types, fréquences et mécanismes de formation des anomalies chromosomiques, 2000. 10. Shaffer L, Slovak M, Campbell L ; ISCN. An international system for human cytogenetic nomenclature : recommendations of the international standing committee on human cytogenetic nomenclature, 2009. 11. Mozdarani H, Meybodi A, Zari-Moradi S. A cytogenetic study of couples with recurrent spontaneous abortions and infertile patients with recurrent IVF/ICSI failure. Indian J Hum Genet, 2008 ; 14 : 1-5. 12. Dutta UR, Rajitha P, Pidugu VK et al. Cytogenetic abnormalities in 1 162 couples with recurrent miscarriages in Southern region of India : report and review. J Assist Reprod Genet, 2011 ; 28 : 145-149. 13. Debraekeleer M, Dao T. Cytogenetic studies in couples experiencing pregnancy losses. Hum Reprod, 1990 ; 5 : 519-528. 14. Bases de données HC forum répertoriant plus 1 500 translocations familiales ; aide au conseil génétique. L auteur a déclaré ne pas avoir de conflits d intérêts concernant les données publiées dans cet article. 6