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Transcription:

UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DE MEDECINE Section de Médecine dentaire Département de Prévention et Pathologie buccale Division de Stomatologie et Chirurgie orale Institut de Médecine Sociale et Préventive Thèse effectuée sous la direction du Professeur Jacky SAMSON et du Professeur André ROUGEMONT SANTE ET HYGIENE BUCCO-DENTAIRES AU CAMEROUN: ETUDE PRELIMINAIRE POUR LA MISE EN PLACE D UN PROGRAMME DE PREVENTION CHEZ DES ECOLIERS Thèse présentée à la Faculté de Médecine de l Université de Genève pour obtenir le grade de Docteur en Médecine dentaire par Stefano MAJOLI de Genthod (GE) Thèse n 628 Genève 2003

Résumé Cette étude a évalué la santé bucco-dentaire et les habitudes d hygiène d enfants scolarisés au Cameroun afin de mettre en place un programme de prévention dans les écoles. Le questionnaire a permis d obtenir des renseignements sur la fréquence du brossage et sur les moyens utilisés pour l hygiène bucco-dentaire. L examen clinique a évalué l état du parodonte et l atteinte carieuse des dents. Cette étude montre que 86,1% des enfants possèdent une brosse à dents mais son emploi reste insuffisant. La pâte dentifrice est utilisée par 48,5% des enfants. La prévalence de la gingivite atteint 58,6% et celle de la carie 70,9%. L indice DMFT/dmft est de 0,3/2,97 pour les 4-6 ans, de 0,82/1,88 pour les 7-11 ans et de 2,26/0,77 pour les 12-18 ans. Ces résultats montrent que l état de santé bucco-dentaire de ces enfants est préoccupant et que les habitudes d hygiène sont inadéquates.

1. Introduction Depuis de nombreuses années, le Cameroun a pris conscience de l importance de la santé bucco-dentaire. Bien que les affections bucco-dentaires ne représentent pas une priorité face aux autres problèmes sanitaires, l évolution de ces affections mène, faute de traitement, à l édentement précoce responsable de troubles fonctionnels et nutritionnels bien connus. Quelquefois, ces affections ont une évolution fatale. Désireuse d améliorer le niveau de santé de sa population, les autorités sanitaires du District de Mfou ont souhaité ajouter la santé bucco-dentaire au programme de développement des soins de santé primaire. Cette étude a donc pour but d évaluer la santé bucco-dentaire et les habitudes d hygiène des enfants scolarisés dans des écoles primaires de la ville de Mfou, ainsi que dans celles de deux villages de brousse environnants. Elle devrait permettre, en premier lieu, de mieux appréhender les besoins réels en matière d hygiène buccodentaire et d aider à la mise en place, dans les écoles primaires de la région, d un programme de prévention adapté aux habitudes locales. En deuxième lieu, la confrontation des résultats entre la brousse et la petite ville de Mfou devrait également permettre d évaluer l impact de la transition socio-économique sur la santé bucco-dentaire. Cette étude est née sous l impulsion du Dr Engelbert Manga, médecin chef du District de santé de Mfou au Cameroun, qui est responsable du programme de coopération technico-médicale entre le Canton du Jura, la Direction du Développement et de la Coopération Suisse et le District sanitaire de Mfou. Cette coopération, effective depuis plus de dix ans, a pour objectif l amélioration de l état de santé de la population, en particulier celui des personnes les plus démunies, par la promotion des soins de santé primaires. Le volet de la santé bucco-dentaire a été inclus au programme en 2001 : il se fait en collaboration avec la Faculté de Médecine et la Section de Médecine Dentaire de l Université de Genève, qui ont participé à l installation d un cabinet dentaire au sein de l Hôpital de District de Mfou. Une campagne de prévention dans les écoles de la ville de Mfou et les villages environnants a été mise en place dès novembre 2002. 1

2. Généralités 2.1. Situation du Cameroun Situé en Afrique Centrale, le Cameroun est à cheval sur l Afrique Equatoriale au sud et l Afrique Tropicale au nord. Il s étend sur une superficie de 475'650 Km 2 et possède 402 Km de côte en bordure du golfe de Guinée. Sa population comprend 14,9 millions d habitants dont 43% ont moins de 15 ans. La densité moyenne est de 32,4 habitants/km 2, mais elle varie beaucoup d une région à l autre. Elle est plutôt faible dans les régions du Sud, du centre et de l Est, allant de 6 à 33 habitants/km 2, tandis que dans les régions du littoral, de l Ouest et de l Extrême Nord, elle est plus élevée, se situant entre 45 et 132 habitants/km 2. Sur le plan administratif, le pays est divisé en dix provinces, chacune d elle comptant entre quatre et dix départements. Il y a deux langues officielles, le français et l anglais, mais il existe plus de 200 langues autochtones. Les principales ethnies sont les ewondos, les bulus, les peuls, les bamilékés, les doualas et les bassas. Le rapport du Programme pour le développement, réalisé par les Nations Unies en 2002, classait le Cameroun au 135 e rang mondial pour l Indicateur du Développement Humain (IDH) *. Environ un Camerounais sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté (24). Dans ce pays, l école est obligatoire pour les enfants de moins de 11 ans. Le taux d alphabétisation atteint 75,8%, le taux de scolarisation est de 82% pour l enseignement primaire, de 26% pour l enseignement secondaire et de 4% pour l enseignement supérieur (25). 2.2. Etat sanitaire du Cameroun Pour la santé, chaque département du Cameroun est divisé en plusieurs Districts de santé. Les services de soins appartenant au secteur public sont organisés sur trois niveaux. Localement, on trouve les centres de santé où le personnel est constitué essentiellement d infirmiers qui donnent des soins de base et des conseils de prévention. Dans chaque District de santé se trouve un hôpital d une capacité de 100 à 150 lits avec au moins un médecin. Dans chaque province finalement se trouve un hôpital de plus de 200 lits comportant des services de soins spécialisés avec * IDH : L Indicateur du Développement Humain est un outil synthétique de mesure du développement humain. Il chiffre le niveau moyen atteint par chaque pays sous trois aspects essentiels : la longévité et la santé (représentées par l espérance de vie à la naissance), l instruction et l accès au savoir (représentés par le taux d alphabétisation des adultes et par le taux brut de scolarisation), la possibilité de disposer d un niveau de vie décent (représentée par le PIB/hab.). 2

plusieurs médecins. Parallèlement, il y a un secteur privé, où les services de soins sont assurés essentiellement par des Organisations Non Gouvernementales (ONG), souvent d origine religieuse. La médecine traditionnelle occupe toujours une place importante dans le système de santé informel même si sa pratique échappe à tout contrôle car aucune déclaration, ni autorisation ne sont nécessaires pour cette activité (5). L espérance de vie est de 50 ans environ et le taux de mortalité infantile * est de 95. Les principales causes de décès sont les maladies infectieuses, essentiellement le paludisme et la malnutrition. Une source d eau potable est accessible à 62% de la population. Dans son rapport sur le développement humain de 2002, l Organisation des Nations Unies (ONU) estime que la prévalence du virus de l immuno déficience humaine (VIH) parmi la population adulte (15-49 ans) atteint 11,8% (25). * Cet indice exprime le nombre d enfants décédés au cours de leur première année pour 1000 enfants vivants à la naissance. 3

3. Santé bucco-dentaire 3.1. En Afrique Durant les deux dernières décennies, on a observé une diminution très nette de la prévalence de la carie dans les pays industrialisés. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer ce progrès : l apparition de produits d hygiène buccodentaire fluorés, une amélioration de l hygiène bucco-dentaire grâce à des campagnes de prévention plus efficaces et une sensibilisation pour une alimentation moins cariogène (18, 34, 32). Pour l Afrique Noire, en revanche, Cleaton-Jones P. et Fatti P. ont démontré que cette évolution ne se confirme pas aussi nettement, mis à part pour certains groupes d âge (7). Ils ont sélectionné 45 publications, parues entre 1967 et 1997, concernant 11 pays situés en Afrique subsaharienne. Quatre tranches d âge ont été sélectionnées (5-6, 11-13, 14-15, 35-44 ans) afin d obtenir des données chez des enfants en denture de lait et en denture mixte, et des adultes en denture permanente. Cinq groupes ont été formés : un avec des enfants issus de zones rurales et quatre avec des enfants et des adultes issus de zones urbaines. Chacun de ces groupes a été divisé en deux, afin d analyser d une part, la prévalence de la carie et, d autre part, l importance de l atteinte carieuse selon le score DMFT (de l anglais Disease = (dent) cariée, Missing = (dent) perdue, Filled = (dent) obturée, Teeth = dents). Parmi ces dix sous-groupes, seule une diminution significative de la sévérité de la carie pour deux sous-groupes de zone urbaine ( 5-6 ans et 35-44 ans) a été constatée. Dans les groupes restants, aucune variation significative n a été constatée. Il est également intéressant de souligner que pour les scores DMFT rapportés dans ces études, l indice F, qui représente le nombre de dents obturées, était pratiquement toujours égale à zéro (7). De manière générale, la prévalence de la carie en Afrique reste très élevée. Les programmes d éducation de santé bucco-dentaire sont rares et souvent non intégrés aux soins de santé primaires et la fluoration à grande échelle est pratiquement inexistante. L Organisation Mondiale de la Santé (OMS) constate que, sur les 46 états membres de l Afrique Noire, 14 seulement avaient adopté un plan national de santé bucco-dentaire en 1998. Très peu d entre eux ont commencé à le mettre en œuvre et aucun n a procédé à l évaluation de son efficacité (28). De plus, la quantité de personnel qualifié en soins dentaires est insuffisante. En 1989, Dreyer W. P. rapportait que pour l Afrique subsaharienne, on ne comptait que 16 écoles dentaires pour 46 pays, dont six pour la seule Afrique du Sud (9). En conséquence, plusieurs 4

pays s efforcent de développer des programmes de formation pour auxiliaires dentaires afin d essayer de satisfaire les besoins en soins de santé dentaire. Pendant plusieurs années encore, il manquera du personnel qualifié dans le domaine des soins bucco-dentaires. Les habitudes alimentaires ont également évolué, essentiellement dans les zones en voie de transition socio-économique. Cela aboutit à l adoption d un régime plus riche en glucides favorisant l apparition de caries dentaires alors que les mesures d hygiène bucco-dentaires n ont pas évolué de façon adéquate. 3.2. Au Cameroun Le Cameroun a pris la décision en 1989 de réorienter sa politique de mise en œuvre des soins de santé primaires. Cette nouvelle approche met un accent particulier sur le District de santé, la participation de la communauté et l intégration des soins de santé primaires qui constituent un ensemble minimum d activités ou de prestations sanitaires à mener. Actuellement les soins bucco-dentaires ne sont pas encore intégrés dans ce programme, seul un projet pilote a vu le jour dans un District de santé au sud du pays. Ce projet vise à tester au sein du District de Sangmélima, l efficacité d un programme de prévention et de soins dans le domaine de la santé bucco-dentaire. Des agents de santé et des maîtres d école ont été formés dans ce but. La gestion d un système de financement des soins a été également évaluée (21). En ce qui concerne la prévention, il n y a pas de programme national visant les enfants en général. Les seules initiatives ayant vu le jour proviennent des ONG et des milieux religieux. Le nombre de médecins-dentistes dans le pays reste également insuffisant pour couvrir les besoins en soin. Selon l Organisation Mondiale de la Santé, on comptait 120 médecins-dentistes dans ce pays en 2000, soit environ un médecin-dentiste pour 120'000 habitants (la Suisse comptait 59 dentistes pour 120 000 habitants en 1992). Il est également important de souligner que ces médecins-dentistes ont tous été formés à l étranger car la Faculté de Médecine de Yaoundé ne dispense aucune formation en médecine-dentaire et l école de Yaoundé qui formait des techniciens en soins bucco-dentaires a été fermée. De plus, comme dans la plupart des pays d Afrique Noire, les services assurant les soins curatifs sont concentrés dans les villes, privilégiant les citadins au détriment des habitants des zones sub-urbaines et rurales. Les conditions socio-économiques 5

mais la population adulte pourrait également en bénéficier : l hôpital et les communautés religieuses pouvant servir de vecteur pour l information. Dans tous les cas, des moyens simples, économiques et ne reposant sur aucun apport financier extérieur doivent être proposés à la population afin de l aider à améliorer de façon durable sa santé bucco-dentaire. 34

8. Bibliographie 1. AKPATA ES, AKINRIMISI EO, Antibacterial activity of extracts from some African chewing sticks. Oral Surg. 44 : 717-22, 1977. 2. AL-LAFI T, ABABNEH H, The effect of the extract of the Miswak (chewing sticks) used in Jordan and the Middle East on oral bacteria. Int Dent J. 45 : 218-22, 1995. 3. ALMAS K, AL-LAFI TR, The natural toothbrush. World Health Forum 16 : 206-10, 1995. 4. ATTIN T, MBIYDZEMO FN, VILLARD I, KIELBASSA AM, HELLWIG E, Dental status of schoolchildren from a rural community in Cameroon. S Afr Dent J. 54 : 145-48, 1999. 5. BEYEME-ONDOUA JP, Le système de santé camerounais. Actualité et dossier en santé publique 39 : 61-65, 2002. 6. BRINDLE R, WILKINSON D, HARRISON A, CONNOLLY C, CLEATON- JONES P, Oral health in Hlabisa, Kwazulu/Natal a rural school and community based survey. Int Dent J. 50 : 13-20, 2000. 7. CLEATON-JONES P, FATTI P, Dental caries trends in Africa. Community Dent Oral Epidemiol. 27 : 316-20, 1999. 8. DANIELSEN B, BAELUM V, MANJI F, FEJERSKOV O, Chewing sticks, toothpaste, and plaque removal. Acta Odontol Scan. 47 : 121-25, 1989. 9. DREYER WP, Dental educational trends in Africa with special reference to Southern Africa. Int Dent J. 39 : 211-15, 1989. 10. Epi-Info 6-0, Epidemiology Program Office. Disponible sur : www.cdr.gov/epiinfo ou www.epidata.dk (consulté le 22.06.2003) 35

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Remerciements Merci au Dr Beat Stoll de l Institut de Médecine Sociale et Préventive, pour avoir, avec gentillesse et patience, dirigé la réalisation de cette étude. Mes remerciements au Prof Jacky Samson pour son aide à la rédaction de ce travail ainsi que pour m avoir apporté son soutien depuis de nombreuses années aux différents projets de coopération auxquels j ai participé. Mes remerciements au Dr Engelbert Manga ainsi qu a sa femme, Françoise Manga, pour m avoir chaleureusement accueilli lors de mes séjours à Mfou. Merci également au Prof Fritz Baumann pour son enthousiasme et pour m avoir efficacement aidé sur le terrain. Mes remerciements à M. Benjamin Engama pour avoir participé, avec beaucoup de patience, à la réalisation de cette enquête. Merci à Mme Nathalie Vivien-Castioni pour sa précieuse collaboration pour l analyse des données. Enfin, un grand merci à tous les enfants et enseignants des écoles de Mfou, Mekomba et Abembe pour m avoir ouvert la porte leur classe. 39

Annexe I Etude des habitudes d hygiène et de la prévalence des maladies bucco-dentaires dans les écoles primaires de Mfou (Cameroun) Fiche N : Sexe : Age : Degré : Habitudes d hygiène: Utilisez-vous : - une brosse à dents? non oui - une brindille de bois? non oui - autres? non oui Utilisez-vous de la pâte dentifrice? Si oui : chaque fois quelquefois Autres? Fréquence du brossage : -jamais -1-3x/sem -chaque jour Avez-vous déjà été chez le dentiste? non oui non oui matin avd apd midi soir non oui Habitudes alimentaires Hier avez-vous : -mâché de la canne à sucre? non oui -mangé des bonbons/caramels? non oui -bu de la limonade? non oui Examen physique Muqueuse buccale : sans particularité ulcérations abcès autres Parodonte : sans particularité saignements spontanés gingivite tartrique tartre autre Etat des dents 55 54 53 52 51 61 62 63 64 65 18 17 16 15 14 13 12 11 21 22 23 24 25 26 27 28 85 84 83 82 81 71 72 73 74 75 48 47 46 45 44 43 42 41 31 32 33 34 35 36 37 38 X : absente O : saine 1 : cariée 2 : obturée + cariée 3 : obturée saine 4 : reste radiculaire Remarque :