LIENS ENTRE LA JUSTICE DES AFFAIRES FAMILIALES ET LES PROFESSIONNELS DE LA FAMILLE



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LIENS ENTRE LA JUSTICE DES AFFAIRES FAMILIALES ET LES PROFESSIONNELS DE LA FAMILLE Marc Juston partagera une expérience de partenariat menée dans un ressort judiciaire et une approche pluridisciplinaire des séparations conflictuelles, avec pour objectifs la protection et l intérêt de l enfant, le soutien à la parentalité et l apaisement des séparations. Un tel travail interpelle les pratiques de nombreux professionnels et lieux sociaux. Andréa Astier dialoguera avec le magistrat sur l importance d inscrire le travail avec les familles dans une perspective de relations. Marc Juston, président du Tribunal de Grande Instance de Tarascon (13) et Juge aux Affaires Familiales Andréa Astier, psychologue clinicienne, responsable du service visites médiatisées espace de rencontre de l EPE13 1

Marc Juston, président du Tribunal de Grande Instance de Tarascon (13) et Juge aux Affaires Familiales Introduction: Dans le monde de la Justice familiale classique, partenariat n est pas dans la culture du Juge. le travail en Mais, depuis quelques années, le partenariat a pris de plus en plus de place dans l activité professionnelle du juge aux affaires familiales. Il s agit d échanges avec différents acteurs professionnels de l enfance qui ont des compétences complémentaires et qui ont à répondre à des personnes qui ont des problèmes multi factoriels. La notion de partenariat a émergé dans le contexte du travail social. Elle a fait l objet d une définition en 2002 par le Ministère de l emploi et de la solidarité : Coopération entre des personnes ou des institutions généralement différentes par leur nature et leurs activités. L apport de contributions mutuelles différentes (financement, personnel...) permet de réaliser un projet commun. La mise en place du partenariat a pour objectif l élaboration de projets communs, un partage d activités, une coopération, les partenaires ayant une volonté commune, une confiance réciproque permettant un réel échange d informations. Le juge aux affaires familiales qui travaillait traditionnellement presque exclusivement avec les avocats et les enquêteurs sociaux a vu multiplier ses interlocuteurs : Médiateurs familiaux, professionnels des espaces rencontre, psychologues, éducateurs, thérapeutes, experts psychiatres et pédopsychiatres nécessitant d autres méthodes de travail et notamment la nécessité de travailler en partenariat. I - La mise en place d un partenariat A - Les partenaires et les modalités d un partenariat Les affaires familiales doivent se développer dans un ressort dans le cadre d un partenariat privilégié initié par les juges. Ce partenariat s étend: - aux professionnels de la famille du ressort issus du monde juridique (avocats, greffiers, notaires), social (travailleurs sociaux - médiateurs familiaux - psychologues et éducateurs des espaces rencontre) ou médical (médecins, pédiatres, pédopsychiatres) ou psychologues et thérapeutes, - aux communes et communautés de communes qui soutiennent l action de diverses associations et peuvent notamment mettre à disposition des locaux pour assurer des permanences de proximité) - à la maison de la justice et du droit ou à la maison de la citoyenneté, - au conseil départemental d accès au droit. 2

Ce travail de partenariat doit être conforté par un travail de mise en lien entre les différents opérateurs par le président du tribunal de grande instance qui doit réunir régulièrement les acteurs de la justice (juges, greffiers, avocats) et les principaux partenaires (médiateurs familiaux et professionnels des espaces rencontre) pour des réunions d échanges où sont traitées : - les questions d organisation (par exemples pour l espace rencontre la mise en place des créneaux d ouverture, la rédaction de l ordonnance de saisine, le retour de la mesure, ou pour la médiation familiale la mise en place des plannings de rendez-vous d injonction à une séance d information, les courriers à envoyer aux personnes pour les informer de la possibilité de médiation et les lieux de permanence, les courriers d information aux avocats...) - les attentes des professionnels de la justice concernant par exemple pour la médiation familiale : les indications à la médiation, ses limites, le déroulé de la médiation, les conditions d échange entre professionnels dans l intérêt du justiciable tout en maintenant la confidentialité de la médiation... De même pour l espace rencontre : les indications à la mesure, ses limites, le déroulé etc... - les questions de fond comme par exemple pour la médiation celles que cet outil ne soit pas assorti de mesures style enquête sociale ou expertise, le contenu possible des accords de médiation, l utilité et les conditions de l intervention de l avocat, les possibilités de tenir informé le juge et/ou l avocat de l état d avancement de la médiation, l importance pour le déroulé de la médiation du soutien de la démarche par les avocats, etc... Les mêmes questions peuvent être traitées pour l espace rencontre. Cette action de partenariat doit permettre une diffusion dans chaque ressort judiciaire de la culture et des pratiques des juges aux affaires familiales. Cette action judiciaire doit permettre de développer un mode spontané d appréhension par les professionnels du ressort des séparations, des divorces et de la protection de l enfant. Cette action doit être initiée par un travail de terrain des différents partenaires judiciaires, en direction des partenaires sociaux et des institutions locales de la juridiction (CCAS, Mairie, Réseau parentalité, PMI, RAM, CLSPD, CCTP, MDA, MDS, CMP, REAPP...) qui permet une connaissance locale du mode de fonctionnement des juges aux affaires familiales. B- Les ingrédients nécessaires Pour qu un partenariat dans le cadre de la Justice familiale soit effectif, un certain nombre d ingrédients est nécessaire ; a - Travailler en partenariat passe par un préalable: définir ensemble les objectifs communs, Notamment ceux voulus par le législateur : - la protection de l enfant dans le cadre des séparations parentales, - l apaisement des conflits et la pacification des séparations et des divorces, - la responsabilisation des personnes qui se séparent, - l organisation de la coparentalité, - la reconstruction du lien familial, - l apprentissage d un mode communicationnel non violent de gestion des conflits, - la recherche de solutions adaptées en référence à la loi. Mais aussi, à partir des objectifs et des attentes de chacun des professionnels partenaires. Pour ce faire, sont nécessaires des temps d échange, des réunions de travail, des journées d études, voire des colloques 3

b - Travailler en partenariat nécessite transparence, authenticité et confiance Les craintes et a priori de chacun sont à considérer et à reconnaître plutôt qu à refouler et nier. Parmi les craintes les plus présentes sont celles de la perte, de l inconnu et de la concurrence (très marquée par exemple chez les avocats pour la médiation familiale) Est également en toile de fond, la question du pouvoir, alors que les rapports de pouvoir sont clairement définis dans les textes qui précisent les attributions de chacun, (juge, avocat, médiateur familial, enquêteur social, professionnels de l espace rencontre, expert etc...) c - Travailler en partenariat nécessite que chacun ait sa place Pour ce faire, il est nécessaire de distinguer et respecter les spécificités des rôles de chacun des partenaires. Travailler en partenariat nécessite de mettre en place des interactions et des passerelles. II - Des expériences de partenariat dans le ressort de l arrondissement judiciaire d Arles - Tarascon Pour la mise en place d un partenariat, l objectif commun de départ a été, dans le respect de la loi, de protéger l enfant des souffrances d une séparation conflictuelle des parents. A - La médiation familiale avec l association Résonances L application de la médiation familiale, dans un ressort judiciaire, révolutionne le travail des juges aux affaires familiales et des avocats, si tous les acteurs y réfléchissent ensemble. La médiation familiale entraîne un changement de culture pour les acteurs de la justice familiale. La culture traditionnelle donne à l avocat un rôle de négociateur pour les justiciables et au juge aux affaires familiales la tâche de tenter de concilier et de trancher. Avec la médiation familiale, l avocat et le juge ont pour mission principale de donner aux justiciables le pouvoir décisionnel, malgré les difficultés qu ils peuvent rencontrer. Les acteurs judiciaires ont désormais le pouvoir de donner aux parents un rôle décisionnel. C est un renversement de culture, la justice traditionnelle est de trancher un litige, la justice moderne est de donner aux parties la possibilité de décider par elles-mêmes. Un tel changement ne peut se faire qu avec un partenariat très solide. La mise en place de la médiation familiale en effet ne se décrète pas, mais elle se réfléchit et se réveille. La médiation familiale ne peut prendre une vraie place sans un partenariat construit avec les acteurs de la séparation (avocats, juges, greffiers, médiateurs familiaux, responsables de l espace rencontre), mais aussi avec tous les acteurs de la société, notamment les travailleurs sociaux, les conseillers conjugaux, les médecins. En effet, l objectif de la médiation familiale consiste à soutenir le mieux possible la démarche d une famille en séparation, et ce en mutualisant 4

les moyens d action possible dans le respect des champs de compétence et de l éthique de la médiation et du droit. Rassembler ainsi les énergies de tous les professionnels donne à la médiation familiale toute son efficacité. La médiation familiale ne peut permettre d obtenir des résultats intéressants dans un ressort qu à ces seules conditions. Les professionnels de la justice qui disent que la médiation familiale ne fonctionne pas et ne donne pas les résultats escomptés sont ceux qui ne se sont pas donnés les moyens de réfléchir ensemble à la bonne marche de cet outil. Par exemple comprendre que la confidentialité en médiation familiale est un atout pour le juge et l avocat, (alors que ces acteurs ont la culture de l écrit), et surtout pour les justiciables dont la liberté individuelle et l altérité sont ainsi respectées. C est ce travail qui est effectué depuis plusieurs années avec les juges aux affaires familiales, les avocats et les Responsables de l association Résonances et qui a permis une réelle implantation de la médiation familiale spontanée et judiciaire dans le ressort de l arrondissement d Arles - Tarascon, et ce dans l intérêt des enfants et des familles qui se séparent. B - L espace de rencontre d Arles avec l Ecole des Parents et des Educateurs des Bouches du Rhône Force est de reconnaître que le fonctionnement des espaces de rencontre est très divers. L hétérogénéité des espaces rencontre est une réalité. Pour faire fonctionner un espace de rencontre, les responsables doivent tenir compte de la demande des magistrats, mais ceux-ci doivent toutefois prendre en considération les contraintes et des possibilités des services d espaces rencontre. Cette demande doit être discutée. Pour nombre de juges aux affaires familiales, l espace de rencontre ne doit pas être qu un lieu de tentative de rencontre ou de maintien des rencontres parents enfant, mais il doit être aussi un lieu de travail avec les parents d une part, et l enfant et les parents d autre part. Il est important que le juge, mais aussi les avocats spécialisés dans les affaires familiales, connaissent le fonctionnement de l espace de rencontre, s entretiennent avec l équipe qui y travaillent, apprennent à connaître le travail qui y est accompli, et discutent des situations qui peuvent être soumises et des modalités de fonctionnement. Certains espaces de rencontre établissent une documentation sur le fonctionnement de la structure et un livret d accueil à l intention des parents. Ces documents méritent d être communiqués à tous les acteurs judiciaires travaillant pour la justice familiale. Les bonnes relations avec les tribunaux favorisent le fonctionnement et la stabilité des espaces de rencontre. Elles sont inégalement développées. Les espaces de rencontre qui ont des relations suivies avec les tribunaux ont pu établir des protocoles de fonctionnement. D autres espaces de rencontre ont établi des relations avec les magistrats prévoyant des réunions régulières, ce qui permet de mieux connaître leur fonctionnement. Les espaces de rencontre ont en effet à connaître les magistrats et à se faire connaître d eux. Les changements de poste peuvent influer sur l activité d un espace de rencontre. Le nombre des mesures confiées varie en effet avec les magistrats, leur intérêt et leur connaissance de ce dispositif. 5

Face à l aggravation et à la multiplication des conflits parentaux, en présence de la souffrance des enfants dans le cadre des séparations, l espace de rencontre a une place privilégiée, qui doit être réfléchie, dans chaque arrondissement judiciaire. Ce partenariat a été mis en place entre les magistrats du tribunal de grande instance de Tarascon, les avocats et les responsables de l espace de rencontre d Arles dépendant de l Ecole des Parents et des Educateurs des Bouches du Rhône (13), permettant un fonctionnement efficace et adapté à l intérêt des familles et à la protection des enfants du ressort. C - L audition de l enfant devant le Juge aux affaires familiales Tout enfant doué de discernement peut demander à être entendu dans le cadre de la séparation de ses parents en application de l article 388-1 du code civil. Le juge peut soit procéder à l audition lui-même, soit la confier à un tiers. Dans le ressort de l arrondissement judiciaire de Tarascon, l association Résonances, qui a été récompensée par la Fondation de l Enfance, en partenariat étroit avec les juges aux affaires familiales, a réfléchi aux modalités de l audition de l enfant, et a proposé un service d audition de l enfant. cadre de la Journée Européenne de la Justice Civile à Vilnius Lithuanie le 24 novembre 2012. D - Le dysfonctionnement parental grave avec tous les partenaires de la justice familiale Le juge aux affaires familiales constate que dans de plus en plus de situations familiales de séparation, l enfant ne veut plus rencontrer l un de ses parents et ce très souvent sous l emprise de l autre parent. Dans le ressort de l arrondissement judiciaire de Tarascon, a été mis en place un groupe de travail sur le dysfonctionnement parental grave réunissant tous les acteurs de l enfance: juges aux affaires familiales, juge des enfants, substitut chargé des mineurs, bâtonnier de l ordre des avocats ou son représentant, responsables de l aide sociale à l enfance, responsables des services de médiation familiale et de l espace de rencontre, expert psychiatrique chargé des expertises familiales, thérapeute familial, enquêteur social. Dans ces situations difficiles, il est en effet impératif de travailler dans une perspective transdisciplinaire et de ne pas empiler des compétences. Il est nécessaire de travailler en équipe et d établir un partenariat entre tous les acteurs concernés. Selon les situations, l enfant est entendu, soit par deux auditeurs d enfant de formation médiateur familial, soit par le juge aux affaires familiales et un auditeur d enfant. Cette réflexion collective sur la parole de l enfant s est révélée réellement protectrice de l enfant dans l esprit de la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l enfance et a été reconnue comme pratique innovante et récompensée par la Commission Européenne et la Cour Européenne dans le 6

Conclusion : Dans un ressort judiciaire, il convient d établir des liens et un partenariat étroit, actif et efficace entre le juge aux affaires familiales et tous les acteurs directs ou indirects qui travaillent dans le cadre des séparations, des divorces et de la protection de l enfant. La finalité courte de l acte de juger, c est de trancher un litige, sa finalité longue, c est de contribuer à la paix sociale. Or, pour contribuer à la paix sociale et familiale, il est impératif pour le juge aux affaires familiales de travailler en partenariat avec tous les professionnels de la famille. Il est important que tous les acteurs se connaissent et perçoivent les ressources et les difficultés de chacun. Une équipe sportive est toujours plus efficace quand elle joue collectif que lorsqu elle joue personnelle. Il en est de même pour la Justice familiale. L objectif du travail en partenariat est d apporter la meilleure réponse possible aux justiciables et d associer toutes les compétences professionnelles, contrairement à ce que le juge aux affaires familiales constate en amour où les deux partenaires sont trop souvent des adversaires qui s ignorent. La Justice familiale du XXI ème siècle doit être une Justice de l avenir, une Justice qui doit préparer l avenir des couples qui se séparent et de leurs enfants. Le partenariat traduit l émergence d une conception nouvelle du rôle de la Justice. Le Juge ne peut plus, ne doit plus se contenter d être la bouche de la loi, ni de rendre des jugements qui s apparentent à la vérité venue du ciel. Il est important d avoir conscience de la dimension noble du rôle de juger rappelée par le philosophe Paul RICOEUR : 7

Andréa Astier Psychologue clinicienne Coordinatrice des Visites Médiatisées et Espace Rencontre EPE13 Pour présenter notre travail à l Espace de Rencontre, l équipe des psychologues de l EPE13 a pensé à la notion d Enveloppe Psychique. Aujourd hui, dans le cadre de ce colloque consacré aux «Enjeux des savoirs et des pouvoirs dans le travail social», je souhaite reprendre le concept d enveloppe avec vous. L enveloppe étant une métaphore pour me permettre de parler d un certain nombre de processus inter-relationnels qui se mettront en route tout au long des rencontres avec des parents et des enfants, au sein du dispositif, en lien avec la Justice des Affaires Familiales. La fonction contenante est assurée par ce que nous appelons Enveloppe Psychique à la suite des travaux de Didier Anzieu et Didier Houzel. J avance ici l idée qu il s agit d un travail avec un groupe familial, dont il s agira de créer un espace d échanges suffisamment contenant pour permettre d accueillir chaque interlocuteur dans sa singularité. Notre travail oscille entre le passage du singulier au pluriel et le passage du pluriel au singulier. C est un travail de séparation, d individuation, de prise d autonomie au sein de liens familiaux. On observe que les problématiques apportées par les familles, dont le divorce reste très conflictuel après plusieurs années, sont liées à une difficulté et parfois à une impossibilité à se séparer. L Espace Rencontre se propose de contenir l expression douloureuse, troublée, de ces groupes familiaux. Nous souhaitons démontrer que ce qui contient c est la possibilité de «donner sens» à ce qui se présente dans les relations initialement sous la forme d actes, de somatisations, de plaintes. Quand le dispositif peut favoriser l aspect transformationnel de ces modalités de mise en relation, il prend une dimension de soin. Dans l'accompagnement des rencontres entre un parent et son enfant, certains Espaces de Rencontre auront une approche plutôt socio-éducative, d autres une approche clinique, selon la formation des intervenants et suivant la «culture» de la structure. En tout cas, le dispositif Espace de Rencontre se construit de manière singulière à partir des relations entre les magistrats qui ordonnent les mesures et les structures qui les mettront en application. Dans notre pratique, nous observons que ce qui contient c est aussi la place laissée aux parents dans la co-construction du cadre d intervention. En dehors du temps de rencontre proprement dit, nous proposons différents temps d échanges, d accueil et d écoute dans le lieu de rencontre à Arles mais aussi par lien téléphonique, au moment d organiser les modalités des rencontres, de la formalisation du cadre, de prises de rendez-vous pour la réalisation de temps de bilan intermédiaires jusqu à l écriture de rapports de situation, lors des entretiens individuels ou groupaux, élaborés et écrits par l équipe de psychologues et envoyés aux magistrats. Tout cela participe à ce que les parents puissent se situer singulièrement. La co-construction du cadre demande souplesse, accordage aux besoins spécifiques de chaque famille, mais cela demande aussi prises de positionnement de la part des professionnels. Rien n est évident dans la création de processus pouvant nouer de nouveaux liens. Pour développer certains aspects théoriques de notre pratique clinique des rencontres, j ai relevé quelques observations qui me paressent intéressantes : 8

Je souhaite rappeler que la parentalité correspond à des dynamiques interactives, ces processus interactifs entre le parent et l enfant vont soutenir chez l enfant des modalités essentielles de sa structuration, son sentiment d être dans le monde, son désir de communiquer. L enfant participe activement à la parentalité et il prend une place active dans les conflits entre les adultes. La parentalité s inscrit par ailleurs dans un contexte social-économique et politique, ceci implique le croisement de pratiques de différents professionnels en lien avec les familles dans le champ du droit, de la protection, du soin, et des liens sociaux. Les rapports que l enfant entretient avec le monde peuvent évoluer de manière significative lors d expériences de vie, de rencontre, de partage, d un accompagnement thérapeutique. Nous intervenons, dans l intérêt du développement de l enfant, de sa croissance psychique. Nous observons que la perpétuation de situations de conflits de loyauté, lors du passage d un enfant d un lieu de vie à l autre est un facteur nocif. Nous observons que lorsque des litiges empêchent le contact de l enfant avec son parent ou que les liens familiaux prennent la forme de la négation, du dénigrement de l image d un parent : défaillant, dangereux, la représentation complexe (consciente, inconsciente et préconsciente) du parent, fortement investie par l enfant, prend dans son univers imaginaire une forme surdimensionnée, dramatique, clivé de la réalité, l aliénant de son propre désir. Nous remarquons que dans ces situations de conflit intense entre différents lieux de vie de l enfant, le conflit ne débouche pas sur une dynamique où le conflit pourrait favoriser une résolution de la crise ou un lien à l autre plus vrai, plus authentique. Ces situations conflictuelles que nous rencontrons se présentent plutôt sous la forme de mise à l écart de l autre. La relation à l autre laisse alors place à des fonctionnements rigides où il y a un qui possède le savoir et l autre qui est cantonné à la place de défaillant, sans possibilité de se défaire du stigmate car «Il ou elle ne pourra jamais évoluer!» Des mécanismes de défenses psychiques, rigidifiés, ayant trait au contrôle, à la maîtrise de l autre, par un regard où l autre est représenté comme un objet sans possibilité d évolution, peuvent être mis en rapport avec des tentatives de l évacuation de souffrances. Les moyens psychiques ne seront pas utilisés pour «transformer» les ressentis, dans une recherche d élaboration d émotions, mais plutôt dans des tentatives de se rendre insensible à l autre. Il s agit de mouvements psychiques en grande partie inconscients : le déni, le clivage, les décharges pulsionnelles, des passages à l acte restant en dehors de processus rationnels. Les changements à être opérés dans ce contexte sont difficiles. Pour favoriser des changements, dans ces situations à risque d aliénation, le juge peut renvoyer les parents vers la médiation, il peut avoir recours à des tiers tels que des experts ou quand c est envisageable de proposer que la famille cherche de l aide auprès d un thérapeute familial. Les Juges aux Affaires Familiales font appel à notre Espace de Rencontre d Arles lorsque les situations sont bloquées, qu il n apparaît pas d autre manière de se rencontrer. Notre clinique des rencontres nous montre que «des possibilités de contenance» s inscrivent dans la mise en dynamique des éléments de conflit plutôt que dans la mise en écart. L espace rencontre doit donc être mesure d accueillir ce qui fait conflit. Le recours au dispositif Espace de Rencontre n est pas sans faire question. Du point de vue de la justice familiale, si l espace de rencontre peut favoriser la reprise des liens, la situation de rencontre dans un espace accompagné doit rester toutefois une mesure provisoire. Il est important de souligner le risque d une intervention qui suivrait uniquement un protocole prescrit par les juges. Ce serait une erreur de 9

s imaginer que l accompagnement des familles est le résultat d une somme d informations obtenues ou dispensées plutôt que le résultat d élaborations qui découlent de la mise en relations entre des sujets et des professionnels, et de la possibilité de «Contenir» cette mise en relations. Une autre enveloppe de l Espace Rencontre est l enveloppe financière. Un budget trop restreint, le manque de pérennisation, un bon marché irréaliste, induisent des espaces de rencontre menés par des professionnels peu formés, au détriment de professionnels qui ont investi des années indispensables dans une formation approfondie. «l enveloppe» tissée par le travail d élaboration continue, dans des groupes de coordination, de supervision, dans le travail de rencontre et d échanges entre-professionnels comme nous nous essayons à le faire ici. Les professionnels des familles touchent à une place particulière du rapport aux savoirs, ils doivent se constituer un savoir-faire dynamique, en lien avec le savoir «être parent», un savoir qui se vit dans le doute, qui se remet en question, plutôt dans la recherche de solution que de solutions «prêt-àporter». La contenance peut ici être mise en rapport avec une certaine qualité d accueil des professionnels engagés dans le travail avec les familles. Ils proposeront aux protagonistes d utiliser la sécurité de l espace pour exprimer et explorer des émotions, pour laisser émerger des souffrances de la rupture et pour vivre les choses d une manière qui ne leur a pas été possible jusqu à présent, pour trouver peut-être la possibilité d en parler et d accepter des nouveaux arrangements. Les professionnels sont en prise avec différentes identifications et projections avec l enfant, le parent gardien, le parent qui n exerce plus la garde, nous sommes parfois traversés par des mouvements contradictoires d empathie et de l envie de nous retirer de la situation... tant elle est douloureuse. Nous observons que l accueil de projections et d identifications provoque des effets dans les équipes des professionnels. Nous accueillons des affectes inconscients : affects d agressivité, de rejet, de clivage Ceci nous amène à 10