Dialogue Régional. L Agriculture Ouest Africaine à l épreuve de la Libéralisation des Echanges. Situation, Défis et Opportunités



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Transcription:

Dialogue Régional L Agriculture Ouest Africaine à l épreuve de la Libéralisation des Echanges Situation, Défis et Opportunités Mercredi 9 et Jeudi 10 Mars 2005 Ouagadougou Burkina Faso Produits spéciaux et Mesures de sauvegarde Spéciale : Régime et Opportunités des Mesures de défense Commerciale Isabelle Mamaty, Responsable des produits FIPA, Paris Dialogue Organisé par ICTSD, le Bureau de la Coopération Suisse au Burkina Faso, le ROPPA et l UNPCB

Produits Spéciaux et Mesures de Sauvegarde Spéciale : Régime et Opportunités des Mesures de Défense Commerciale 1 Introduction Le paragraphe 13 sur l Agriculture de la Déclaration Ministérielle de Doha reconnaît que le Traitement spécial et différencié (TSD) est partie intégrante de tous les éléments du nouvel accord à venir 1. Surtout, ce paragraphe reconnaît que les mesures de TSD doivent permettre aux PVD de poursuivre leur politique de développement rural ainsi que de sécurité alimentaire. En effet, en se basant sur l expérience de la mise en œuvre des Accords de Marrakech et de l utilisation des provisions de TSD qui en faisaient partie, il faudrait au cours de ce cycle de Doha que les provisions de TSD ne représentent pas uniquement des déclarations de bonne intention comme ce fut le cas de la plupart d entre eux mais soient opérationnelles. Il s agit donc maintenant pour les pays en développement de négocier des mesures qui répondent effectivement à leurs besoins. Parmi ces mesures, dans le cadre de l accès au marché, le Paquet de juillet (WT/L/579) fait référence à des provisions TSD relatives aux produits spéciaux (PS) et au mécanisme de sauvegarde spéciale (MSS) respectivement dans les paragraphes 41 et 42 de l Annexe A (concernant le cadre pour l établissement de modalités concernant l agriculture). Ces provisions ont pour objectif principal de donner plus de flexibilité aux pays en développement (PVD) en matière d accès aux marchés. Ces deux paragraphes restent très ouverts car ils n énoncent que des principes généraux qui restent donc à négocier. Une chose dont on sait est que ces mesures concernent uniquement l accès aux marchés. Pour les PVD, il s agit maintenant de confronter leurs objectifs de sécurité alimentaire et de développement rural aux règles multilatérales du commerce afin d identifier les mesures appropriées. Le principal objectif de cette note est de mieux comprendre la nature et l étendue de ces deux flexibilités liées à ces deux mesures de défense commerciale accordées dans le Paquet de Juillet et au-delà. 2 Quels sont les fondements et les justifications des notions de produits spéciaux et de Mesure de Sauvegarde spéciale? La mise en œuvre des Accords de Marrakech a aboutit à plusieurs constats : Les engagements à prendre dans le cadre de ces accords n ont pas été trop contraignants pour la plupart des PVD car ils étaient sous politique d ajustement ou avaient déjà entrepris des processus de libéralisation de manière unilatérale 1 Le paragraphe 13 sur l agriculture de la Déclaration Ministérielle de Doha : Nous convenons que le traitement spécial et différencié pour les pays en développement fera partie intégrante de tous les éléments des négociations et sera incorporé dans les Listes de concessions et d'engagements et selon qu'il sera approprié dans les règles et disciplines à négocier, de manière à être effectif d'un point de vue opérationnel et à permettre aux pays en développement de tenir effectivement compte de leurs besoins de développement, y compris en matière de sécurité alimentaire et de développement rural. 2

Des déséquilibres ont apparut dans la structure même de l AsA entre d une part les pays pouvant utiliser les soutiens internes et les subventions à l exportation parce qu ils les avaient notifiés et les autres L utilisation du mécanisme de sauvegarde spéciale (SGS) très simple pour faire face à la baisse des prix et l augmentation massive des importations est accessible que pour un nombre limité de pays Ces déséquilibres sont d autant plus ressentis comme des injustices par les PVD et en particulier les plus pauvres d entre eux car La plupart des PVD n ont pas les moyens financiers de soutenir leur agriculture Certains d entre eux ont souffert de la concurrence de plus en plus grande des produits importés souvent subventionnés et les instruments disponibles à l OMC pour y faire face sont difficiles à utiliser contrairement à la SGS (voir encadre 2) Exemples (bases sur des études de cas prépares par la FAO) Tomate concentrée au Sénégal, produits laitiers et volaille et riz en Jamaïque et produits laitiers au Kenya L évaluation de la mise en œuvre des accords était très demandée par les PVD qui voulaient corriger les déséquilibres constatés avant de commencer un nouveau cycle de négociation. Le fait que les questions relatives à la mise en œuvre fassent partie de l engagement unique donne à certains pays le sentiment de devoir payer deux fois. Les PVD craignent que le secteur agricole soit davantage marginalisé au cours de ce nouveau processus de libéralisation, et que leurs efforts actuels ou futurs de mise en œuvre des politiques de sécurité alimentaire et de développement rural soient réduits à néant. Encadre 1 : Provisions TSD dans l AsA Dans l Accord sur l Agriculture (AsA) de l OMC, les dispositions relatives au Traitement spécial et différencié (TSD) ont pris plusieurs formes. Les dispositions qui reconnaissent de manière générale (i) que le TSD fait partie intégrante de l accord; (ii) que les pays développés doivent s efforcer d améliorer les possibilités d accès aux marchés pour les produits agricoles présentant un intérêt particulier pour les PVD: et (iii) la mise en œuvre du programme de réforme du cycle d Uruguay peut avoir des effets négatifs qui sont abordés dans la Décision ministérielle de Marrakech. Ces dispositions ne sont pas véritablement contraignantes et n ont pas impliqué d engagements concrets de la part des pays développés. En terme d accès au marché par exemple, mis à part les produis tropicaux, de nombreux produits d exportation, pour lesquels les ays en développement ont un intérêt particulier, n ont pas bénéficié que d un taux de réduction très bas sur plusieurs marchés importants (ex.le sucre, les fruits et légumes, les produits de l élevage). Les dispositions prévoyant des réductions inférieures aux pays développés et des périodes de transition plus longues: ces dispositions se sont montrées peu utiles en pratique d autant plus que les pays africains n avaient rien à réduire (soutien interne, subvention à l exportation...) et par conséquent rien à mettre en œuvre. En ce qui concerne les mesures sanitaires et phytosanitaires ainsi que les obstacles techniques au commerce, les dispositions en matière de TDS prévoient essentiellement des périodes de transition plus longues et de l assistance technique. Ces dispositions n ont cependant pas été opérationnalisées. En revanche, d autres dispositions se sont avérées plus utiles, notamment celles concernant les exemptions en matière de réduction des subventions à l investissement et des subventions aux intrants agricoles généralement disponibles pour les producteurs à faibles revenus ou dotés de ressources limitées. 70 pour cent des pays en développement les ont invoquées dans leurs notifications à l OMC entre 1995 et 1996. Quant aux exemptions en matière de subventions octroyées pour réduire les coûts de commercialisation, de transport interne et de frêt des exportations de produits agricoles, elles ont été mentionnées dans 13 pour cent des notifications des pays en développement entre 1995 et 1996. 3

lien entre commerce international et la sécurité alimentaire, les moyens d existence et le développement rural En effet, pour la plupart des PVD, l augmentation de la production afin de satisfaire les besoins nationaux de manière soutenue, la promotion de l investissement et le commerce des produits agricoles sont les politiques nécessaires pour un développement durable. Pour cela, il faut des mesures incitatives (accès au crédit, à la terre, aux intrants) et un environnement économique et institutionnel sain (stabilité des prix, infrastructures adéquat, recherche et développement, promotion des services d extension). Pour atteindre ces objectifs, les expériences montrent qu il faudrait une combinaison judicieuse de subventions (aux intrants et à la gestion de l eau), de politiques des prix, de mesures à la frontière, et d autres mesures institutionnelles et infrastructurelles (crédits à l agriculture, services d extension, réforme foncière, transport et routes, système de marché et de distribution). Les règles de l OMC telles quelles sont actuellement ne permettent pas toujours la mise en place de certaines de ces mesures. En général, les règles du commerce international affectent la sécurité alimentaire et les besoins en subsistance : De manière directe, en établissant de nouvelles règles sur les politiques de sécurité alimentaire déjà en place ou à mettre en oeuvre De manière indirecte en changeant les prix absolus et relatifs des produits agricoles Exemples érosion des préférences et utilisation des subventions dans les pays développés. Pourquoi des produits spéciaux et un mécanisme de sauvegarde spéciale. En se basant sur l expérience de la mise en œuvre des Accords de Marrakech et des effets de la libéralisation sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de leurs populations les plus vulnérables, de nombreux PVD étaient très réticents à envisager une nouvelle ouverture de leur secteur agricole. Ainsi, tout au long des négociations, ils ont donc demandé une plus grande flexibilité dans le cadre du traitement spécial et différencié dans les engagements à prendre pour le nouvel accord afin d assurer leur sécurité alimentaire et le développement rural, surtout pour les plus pauvres d entre eux. La boite de développement a été une des options proposées par les PVD. Les mesures proposées dans la boîte de développement touchaient cinq secteurs clés : La nécessité de protéger et de promouvoir la production alimentaire domestique, en particulier pour les aliments de base La nécessité de protéger les moyens de subsistance des pauvres ruraux La nécessité de protéger les producteurs locaux des importations sujettes au dumping et des fluctuations excessives des importations en terme de volumes que de prix La nécessité d améliorer les systèmes de distribution des productions locales et 4

La nécessité d augmenter la flexibilité dans les règles de commerce existant pour permettre aux PVD de gérer la libéralisation de manière prudente. Finalement l idée de la boite a été abandonnée avec comme argument pour les non partisans de ne pas avoir un accord à deux vitesses entre les PVD et les autres. A la place, l introduction des mesures de traitement spécial et différencié au niveau de chaque pilier de l accord agricole a finalement été adoptée: les produits spéciaux et le mécanisme de sauvegarde font partie de ces instruments au niveau de l accès aux marchés. 3 Que recouvrent précisément ces deux notions? Quels sont les liens entre produits spéciaux et Mesure de sauvegarde spéciale? Produits spéciaux (PS) La notion de produits spéciaux a été introduite pour la première fois par le groupe africain à l OMC en 2002. Il s agit principalement de permettre aux PVD une réduction moins importante (voir pas de réduction du tout) sur certains produits dits sensibles, afin d assurer leur sécurité alimentaire, de garantir les moyens de subsistance des plus démunis et d assurer un développement rural. Pour les PVD, le concept de produits spéciaux est un moyen de défense vis à vis des importations moins chères pour les produits qui auraient du mal à s ajuster rapidement au nouvel environnement commercial. La rationalité est que face à la vulnérabilité de leurs économies et l importance de l agriculture en tant que moyen de subsistance pour plus de 70% de la population, un processus de libéralisation sans aucun filet de sécurité pourrait compromettre leurs efforts de développement. Contrairement aux politiques d ajustement structurel, l AsA est négocié sur une base permanente et à long terme. Le concept de produits spéciaux représente une garantie politique pour les pays africains afin de poursuivre le processus de libéralisation des échanges. Para 41: Les pays en développement Membres auront la flexibilité de désigner un nombre approprié de produits en tant que produits spéciaux (PS), sur la base des critères des besoins en matière de sécurité alimentaire, de garantie des moyens d existence et de développement rural. Ces produits seront admis à bénéficier d un traitement plus flexible. Les critères et le traitement de ces produits seront spécifiés plus avant pendant la phase de négociation et reconnaîtront l importance fondamentale des produits spéciaux pour les pays en développement. D après ce paragraphe, le seul accord est l existence des produits spéciaux tout le reste est à négocier. L idée est qu une fois que les produits auraient été sélectionnés, ils pourraient bénéficier d un taux de réduction plus faible que les autres produits (ou pourraient être exemptés de réduction). 5

Encadré 2 : la liste des sauvegardes du GATT et de l OMC Antidumping : mesures de lutte contre le dumping fixation par une entreprise privée d un prix à l exportation inférieur à celui pratiqué sur le marché d origine qui cause un dommage important à une branche de production nationale (Article VI du GATT et Accord sur la mise en œuvre de l Article VI du GATT de 1994) Droits compensateurs: mesures visant à neutraliser l effet des subventions instituées par le gouvernement d un pays exportateur qui causent ou sont susceptibles de causer un dommage important à une branche de production nationale (Articles VI et XVI du GATT et Accord sur les subventions et les mesures compensatoires) Mesures d urgence : protection temporaire s appliquant dans les cas où l importation d un produit cause ou est susceptible de causer un dommage grave aux producteurs nationaux de produits directement concurrents (Article XIX). Clause de sauvegarde spéciale : prévue par l Accord sur l Agriculture (Article 5) uniquement pour les produits agricoles ayant fait l objet d une tarification durant le Cycle d Uruguay, désignées dans les listes des pays par le symbole «SGS, qui donne le droit d invoquer cette clause. La disposition reste en vigueur pendant la durée du processus de reforme vise par l Article 20 de ce même Accord, qui reste à déterminer. Balance des paiements : restrictions à l importation visant à sauvegarder la position financière extérieure d un pays (Article XII) Industries naissantes : aide publique au développement économique, autorisant les restrictions à l importation pour protéger les industries naissantes (Articles XVII : a et Article XVIII : c). Dérogations générales : autorisent les membres à demander d être relevés d une obligation (Article XXV et Accord de l OMC). A la différence d autres mécanismes, ces dérogations nécessitent l approbation officielle du Conseil de l OMC Dispositions prévoyant des exemptions permanentes des obligations Exceptions générales : mesures nécessaires a la protection de la moralité publique, de la santé, des lois et des ressources naturelles, sous réserve que ces mesures me soient pas discriminatoires et ne constituent pas une restriction déguisée au commerce (Article XX). Modifications des Listes et Renégociations tarifaires : permet le retrait de certaines concessions (par exemple le relèvement des tarifs consolides) sous réserve d offrir une compensation aux Membres affectés (Article XXVIII, Article XXVIII bis). Source : Données compilées par Hoekman et Kostecki (1996) Dans Les négociations commerciales multilatérales sur l Agriculture, Manuel de référence, volume II, l Accord sur l agriculture FAO, 2001 6

Mécanisme de sauvegarde spécial (MSS) La plupart des PVD n ont pas de législation nationale de dispositions de sauvegarde, antidumping et droits compensateurs. Avant la mise en place des accords de Marrakech, les droits additionnels spécifiques et les quotas d importation étaient utilisés sur certains produits (viande; Produits laitiers) afin de compenser les effets négatifs des subventions que les pays de l OCDE octroyaient à leurs exportations. Depuis, certains pays ont entrepris des réformes en se basant sur le modèle de l Accord de sauvegarde du cycle de l Uruguay (ex. Ouganda). En attendant, la plupart des PVD ne possèdent pas d instrument facile à utiliser et ce qui justifie ainsi leur besoin d un mécanisme de sauvegarde spéciale à l instar de la SSG actuelle. En effet, cette dernière simple à manier, n est utilisable que par les pays qui ont eu recours au système de tarification pour consolider leurs tarifs (voir encadré 3) Para 42: Un mécanisme de sauvegarde spéciale (MSS) sera établi pour utilisation par les pays en développement Membres. D après ce paragraphe, l idée du mécanisme de sauvegarde spéciale pour les pays en développement est acquise. Mais rien n est dit sur sa nature. Si on se base sur le fonctionnement de la SGS actuelle, une mesure de sauvegarde spéciale consisterait à appliquer des tarifs de Encadre 3:Le fonctionnement actuel de la clause de sauvegarde spéciale La clause de sauvegarde spéciale pour l agriculture peut être invoquée uniquement pour des produits pour lesquels il a été procédé à une tarification soit moins de 20 pour cent de tous les produits agricoles (définis par ligne tarifaire ) et à condition que le gouvernement se soit réservé le droit de le faire dans sa liste d engagements relatifs à l agriculture. Elle ne peut pas être invoquée pour des importations entrant dans le cadre de contingents tarifaires. Clause de sauvegarde spéciale: qui s est réservé le droit de l invoquer? Actuellement, 39 Membres se sont réservé le droit d appliquer un total de 6 156 mesures de sauvegarde spéciale sur des produits agricoles. Afrique du Sud (166) Australie (10) Barbade (37) Botswana (161) Bulgarie (21) Canada (150) Colombie (56) Corée (111) Costa Rica (87) El Salvador (84) Équateur (7) États-Unis (189) Guatemala (107) Hongrie (117) Indonésie (13) Islande (462) Israël (41) Japon (121) Malaisie (72) Maroc (374) Mexique (293) Namibie (166) Nicaragua (21) Norvège (581) Nouvelle-Zélande (4) Panama (6) Philippines (118) Pologne (144) République slovaque (114) République tchèque (236) Roumanie (175) Suisse- Liechtenstein (961) Swaziland (166) Taipei chinois ( 84) Thaïlande (52) Tunisie (32) UE (539) Uruguay (2) Venezuela (76) Source : WTO(2004) : Historique des négociations sur l agriculture : les questions et où nous en sommes, 1 décembre 2004.Le nombre de produits visés dans chaque cas est indiqué entre parenthèses, mais la définition donnée pour un produit peut varier. Pour plus de précisions, reportez-vous à la note d information du Secrétariat de l OMC intitulée Sauvegarde spéciale pour l agriculture G/AG/NG/S/9/Rev.1. http://www.wto.org/french/tratop_f/agric_f/negs_bkgrnd00_contents_f.htm sauvegarde plus élevés qui seraient automatiquement déclenchés lorsque - le volume des importations excède un certain niveau - ou que les prix tombent en deçà d un certain niveau; En outre, il n est pas nécessaire de démontrer qu un dommage grave est causé à la branche de production nationale. C est cette dernière disposition que réclame les PVD et dont tout 7

système de sauvegarde devrait se munir. Par ailleurs, on pourrait également utiliser le système existant en ajoutant des dispositions de TSD plus favorables pour les PVD sur les quantités et les prix de déclenchement et les tarifs de sauvegarde par exemple. Lien entre PS et SSM Les deux concepts ne répondent pas aux mêmes objectifs. Le concept de produits spéciaux est un concept à long terme tandis que celui du mécanisme de sauvegarde spéciale répond à des problèmes spécifiques et temporaires, à savoir l augmentation massive des importations ou la baisse soudaine des prix à l import. Les produits spéciaux sont les produits qui sont le plus vulnérables au changement dans l environnement commercial et auraient besoin d une plus longue période pour s ajuster. Cependant, dans le cas d une augmentation massive des importations, ou des réductions de prix, les produits spéciaux souffriraient le plus et pour cette raison auraient également besoin d un instrument adéquat pour répondre à ce cas particulier. Ainsi les PS pourraient également être éligibles au SSM. 4 Sur quels critères sont choisis les produits spéciaux? Produits couverts - Auto désignation sans limitation : cette option a la faveur des pays africains car elle donne une totale flexibilité de choix aux pays. Mais pour les autres membres réticents au concept cela signifie de signer un chèque en blanc sans garantie que les produits sélectionnés répondent aux besoins des pays en matière de développement rural et de sécurité alimentaire. -Auto désignation avec limitation: une autre alternative serait de sélectionner les produits spéciaux sur la base des stratégies nationales de développement (DSRP: document stratégique de réduction de la pauvreté) pourraient être limités par: - pourcentage du nombre de lignes tarifaires et/ou - totalité de tous les PS pourraient représenter moins de A% de la totalité des importations (importations agricoles). - Sélection avec un nombre limité de produits sous les chapitres HS 4 ou HS 6 Cette option a le mérite d être simple et équitable pour tous. Mais cela peut poser des problèmes dans un même secteur entre produits spéciaux et produits non spéciaux. Mais il n est pas certain que les autres membres de l OMC puissent accepter cette option car elle est également déconnectée de la préoccupation première a savoir la sécurité alimentaire et le développement rural. -Sélection avec des critères numériques et quantitatifs Un des avantages de cette sélection est son objectivité. Une fois que l on s est mis d accord sur les critères, le système a le mérite d être transparent. Mais la grande difficulté reste le choix même des différents critères qui mesurent la sécurité alimentaire. 8

Critères possibles Importance du produit dans l économie production en % de la production agricole totale Surface cultivée Contribution à l emploi - nombre de personnes travaillant dans le secteur et en % de la population active agricole Contribution du produit dans le régime alimentaire de la population Pays couverts le choix des pays pourrait être : 1) tous les pays en développement 2) tous les PMAs et les pays importateurs nets de produits alimentaires 3) tous les pays à faible revenu et déficitaires au niveau alimentaire (selon la classification de la FAO) 4) les pays présentant une insécurité alimentaire définie par des critères numériques à négocier Les principaux indicateurs seraient PNB par tête en dessous d une certaine limite... Grande proportion de la population dépendant de l agriculture (population agricole en % de la population totale) Grande proportion de la population dépendant de l agriculture et vivant avec moins de 2 dollars Une grande concentration des exportations sur 1 à 3 produits Autres considérations Intégration régionale Pour les pays ayant un tarif extérieur commun, il s agit de se coordonner pour choisir les mêmes produits spéciaux. Commerce Sud/Sud Le concept de produits spéciaux est de permettre aux pays de poursuivre une politique de développement tout en libéralisant davantage les autres secteurs afin de ne pas être marginalisés. 5 Quelques précautions à prendre - l introduction du concept de produits sensibles éligibles pour tous les membres pourrait compliquer quelque peu le concept de produits spéciaux car ils sont la même finalité 9

- la flexibilité accordée dans le cadre de l accès au marché pour les produits spéciaux dépendra de la formule tarifaire négociée; - Par ailleurs, la sélection des produits spéciaux aurait des effets sur les produits de substitution, les produits transformés ainsi que les intrants utilisés dans la production des dits produits. - Enfin l efficacité de cette mesure ne peut être réelle si et seulement si d autres mesures sont prises afin de réduire les distorsions sur les marchés mondiaux des produits agricoles. 10