COMMUNAUTES. VIRTUELLES La monétisation des communautés virtuelles. HEC Entrepreneurs. Sous la direction de M. Julien LEVY, Groupe HEC



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Transcription:

2008 HEC Entrepreneurs Vincent COURCELLE, Pierre JUHEN Sous la direction de M. Julien LEVY, Groupe HEC LES VIRTUELLES La monétisation des communautés virtuelles COMMUNAUTES

Sommaire 2

Sommaire Sommaire... 3 Table des abréviations... 7 Introduction... 8 1. Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles?... 10 1.1. Définition : qu est-ce qu une communauté virtuelle?... 10 1.1.1. La loi de Metcalfe... 11 1.1.2. La masse critique... 11 1.1.3. Sous-communautés : profondeur et largeur... 12 1.1.3.1. La segmentation verticale... 13 1.1.3.2. La segmentation horizontale... 14 1.1.3.3. Quelle est la segmentation optimale?... 14 1.1.3.4. Le cas Facebook... 14 1.1.4. Les relations entre communautés... 15 1.2. L aspect «anti-commercial» des communautés virtuelles... 17 1.3. L attractivité des communautés virtuelles... 17 1.3.1. Un mode de vie... 18 1.3.2. La base : les relations entre les participants... 19 1.3.3. La confiance et l engagement... 19 1.3.4. La loyauté des participants... 20 1.3.5. La valeur de la présence dans la communauté... 20 1.4. Les différents types de participants... 20 1.4.1. Les lecteurs... 21 1.4.2. Les novices... 22 1.4.3. Les réguliers... 22 1.4.4. Les leaders... 22 Sommaire 3

1.4.5. Les seniors... 23 1.4.6. Les acheteurs... 23 1.5. Le principe d inversion du pouvoir... 25 1.6. La croissance... 26 1.7. Le management... 29 1.8. Néanmoins, le succès n est pas acquis... 29 1.8.1. L importance de l interface utilisateur... 29 1.8.2. Quelques règles de base d ergonomie... 30 1.8.3. Le test A/B et le test multi-variables... 36 2. Comment gagner de l argent avec une communauté virtuelle?... 38 2.1. Un profond changement de la conception du commerce... 38 2.1.1. Investissements nécessaires... 40 2.1.2. Ressources nécessaires... 44 2.2. La valeur ajoutée des communautés virtuelles... 45 2.3. Les outils nécessaires à la construction d une communauté virtuelle rentable... 45 2.4. Le partage de la valeur... 46 2.5. Les organisateurs... 46 2.6. Le marketing des communautés virtuelles... 46 2.6.1. Barrières d entrées et de sorties... 46 2.6.2. Plus vous vendez plus vous vendez!... 47 2.6.3. Des cercles vicieusement vertueux... 48 2.6.4. L attractivité publicitaire des communautés virtuelles... 50 2.6.5. Exploiter/Manipuler l intelligence de groupe... 52 2.7. Indicateurs du succès (KPI) d une communauté... 53 2.8. La valeur économique des communautés virtuelles... 57 3. Etudes de cas... 59 Sommaire 4 3.1. Etude de cas n 1 : Dogzer.com La naissance d une communauté... 59

3.1.1. Genèse et concept... 60 3.1.1.1. L origine du projet... 60 3.1.1.2. La mise en œuvre... 61 3.1.1.3. Comment a été conçue la communauté virtuelle?... 61 3.1.2. La communauté virtuelle Dogzer... 64 3.1.2.1. Croissance et taille critique... 64 3.1.2.2. Comment le site s est-il fait connaître?... 65 3.1.3. Le Business Model et les premiers résultats... 67 3.1.3.1. Un jeu gratuit mais payant!... 67 3.1.3.2. Les premiers résultats... 69 3.2. Etude de cas n 2 : tubededentifrice.com La vie et la mort d une communauté... 71 3.2.1. Historique et contexte... 72 3.2.2. Génération de revenus... 73 3.2.2.1. Publicité... 74 3.2.2.2. Abonnements «premium»... 76 3.2.3. Politique marketing... 77 3.2.4. Statistiques sur l ensemble de la période... 78 3.2.5. La phase préalable au lancement... 80 3.2.6. L arrivée de nouveaux leaders... 82 3.2.7. La phase de stagnation... 85 3.2.8. La phase de déclin... 87 3.2.9. Perspectives d évolution... 90 Conclusion... 92 Sources et références citées... 93 Remerciements... 97 Sommaire 5

Sommaire 6

Table des abréviations ACPU API ARPU GUI KIS KPI MGC (resp. UGC) Average Cost Per User : coût moyen par utilisateur Application Programmer Interface : interface de programmation permettant à un développeur tiers de communiquer avec un autre programme de manière normalisée et structurée. Average Revenue Per User : revenu moyen par utilisateur Graphical User Interface : interface de l utilisateur. Keep It Simple : rester simple (en apparence et/ou au sein du code). Key Performance Indicators : indicateurs clés relativement à un but (générer du chiffre d affaire, de l activité, de l image, etc.) Member (resp. User) Generated Content : contenu généré par les membres. Table des abréviations 7

Introduction Depuis quelques années, le petit monde de l Internet ne jure plus que par les communautés virtuelles, le terme étant attribué à Howard Rheingold 1 en 1987. L arrivée de ce que certains appellent le «Web 2.0», ou Internet participatif (ou «User Centric», parfois même appelé «Community 2.0»), est venu renforcer ce sentiment : il faut que l utilisateur soit au cœur du système. Le World Wide Web est un canal bidirectionnel où l utilisateur recherche l interaction ; il ne doit pas être conçu comme une super télévision de 100 millions de chaînes mais bien comme un médium de communication au sens large. Lorsque Internet n était encore qu une devanture pour des marchands en quête de nouveaux clients, les relations avec ceux-ci étaient très similaires à ce qui existait dans le monde réel : l utilisateur arrivait sur le site, regardait les produits et finalement passait commande. Désormais les choses ont bien évoluées, puisque, dans le but toujours identique de capter le maximum de clients, les vendeurs se sont retrouvés dans l obligation de donner des informations concernant leurs produits provenant des autres utilisateurs afin de leur donner du crédit. Les exemples ne manquent pas mais Amazon est l un des premiers à l avoir compris : «je vends plus en affichant les avis de mes acheteurs associés à mes produits et ceux-ci renforcent mon image de transparence envers mes clients». Le rapport avec les communautés virtuelles est simple : on gagne à «communautariser» et cette dérive a conduit à des processus d achats différents de ceux du commerce traditionnel que nous tenterons d expliciter. D autre part, depuis le succès historique de The Well, bien d autres communautés virtuelles pures ont ouvert leurs portes. Leur aspect le plus connu a pris la forme de réseaux sociaux ou de super forums de discussion. Tout d abord se pose la question du succès de ces communautés virtuelles : pourquoi en existe-il autant? Quels sont les clés de la réussite (ou de l échec) de celles-ci? Cette dernière question pose de manière intrinsèque la question de la mesure de leurs performances. Alors que pour les sites de e-commerce les mécanismes marketing et les flux financiers sont similaires à ce que l on trouve dans le monde réel, il en va autrement des communautés virtuelles. En effet, celles-ci n ont, à priori, rien à vendre, mais disposent simplement d une base d utilisateurs interconnectés, sans réel équivalent en dehors d Internet. Quelles sont donc les analogies et les 2 Introduction 8 1 (Rheingold, 2009) 2 http://www.well.com : The Well est considéré comme l une des toutes premières communautés virtuelles. Lancée en 1985, la plateforme a connu son heure de gloire au milieu des années 90 comparativement au nombre d utilisateurs de l Internet d alors. Uniquement accessible sur abonnement, la communauté a lentement déclinée et ne compte plus aujourd hui qu environ 4 000 membres.

différences avec le commerce traditionnel? Comment exploiter ces dernières pour valoriser cette audience, qui n est à priori pas investie par des intentions d achat et, en particulier, quelles sources de revenus exploiter? Nous aborderons tout d abord les clés permettant de construire avec succès une communauté virtuelle, puis nous élargirons notre analyse aux coûts et méthodes permettant de monétiser son audience, entendue aussi bien en termes de vente de services (sur des réseaux sociaux par exemple) qu en termes de produits (sur Amazon ou ebay par exemple). Introduction 9

1. Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? Afin de bien comprendre comment il est possible de valoriser une communauté virtuelle, il est nécessaire de bien s entendre sur la définition et sur les éléments du succès de celles-ci. 1.1. Définition : qu est-ce qu une communauté virtuelle? Le terme «communauté virtuelle» est entendu au sens large : constituée de personnes bien réelles, le terme «virtuelle» ne se réfère qu à la présence d un médium de communication. Par abus de langage, nous confondrons le terme «communauté virtuelle» avec «communauté en ligne» (le médium est alors un réseau informatique, Internet), bien peu ne subsistant par téléphone ou par courrier (telle que la toute première communauté virtuelle, créée par la Royal Society of London au 17 ème siècle). Une communauté virtuelle doit posséder quatre caractéristiques essentielles pour être considérée comme telle, d après (Hagel III & Armstrong, 1997) : 1. L essentiel de la valeur ajoutée doit être basée sur le contenu que produisent ses membres (Member Generated Content ou MGC) : Liberation.fr n est pas une communauté Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 10 virtuelle (la valeur ajoutée est constituée par du contenu rédactionnel) alors que Rue89.com (mêlant du contenu rédactionnel et du contenu envoyé par les membres) en est une. 2. La plateforme doit favoriser la communication entre ses membres : LDLC.com n est pas une communauté virtuelle (il n est pas possible de discuter avec les autres clients mais uniquement de donner son avis sur les produits) alors qu Amazon.com peut être considéré comme tel (il est, depuis peu, possible de créer des discussions autour des produits). 3. Le site Internet doit jouer le rôle d agent organisateur de l information (information qui doit donc être persistante et organisée) : MSN Messenger n est donc pas une communauté virtuelle. 4. L organisation de l information doit profiter à toute la communauté, qui doit ainsi bénéficier de l augmentation de sa taille : GMail n est pas une communauté virtuelle (les capacités d organisation sont propres à chaque compte et les membres ne bénéficient pas de l augmentation du nombre d inscrits autrement que par la perspective de communication par le chat intégré). On peut donc considérer les sites Internet suivant comme faisant partie des communautés virtuelles (cette liste n étant évidemment par exhaustive) :

- Facebook, - YouTube, - ebay, - Amazon (de manière limitée toutefois), - Agoravox et, dans une bien moindre mesure, Rue89, - SecondLife (le MGC étant les îles et autres espaces créés par les utilisateurs), - Hardware.fr (au niveau de ses forums). En résumé, une communauté virtuelle est simplement un environnement engageant favorisant la création d échanges entre ses membres. 1.1.1. La loi de Metcalfe Robert Metcalfe, fondateur de la société 3M, a énoncé une loi empirique établissant l utilité d un réseau, s appliquant tout aussi bien au réseau téléphonique, au fax ou aux réseaux sociaux : «L utilité d un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs (N²)» (Shapiro & Varian, 1999) 3 Soit, plus un réseau (ou une communauté) contient d utilisateurs et plus chaque utilisateur a de la valeur. Si personne n était inscrit sur Facebook, vous n y trouveriez aucune utilité tandis que si toutes vos connaissances y sont inscrites alors les fonctionnalités avancées prennent tout leur sens. Cette théorie est fondatrice pour tout ce qui va suivre et notamment la seconde partie. 1.1.2. La masse critique Comme pour n importe quelle autre affaire, les communautés virtuelles, pour être rentables, doivent atteindre un point mort, équilibre entre les coûts fixes, les coûts variables et le chiffre d affaire réalisé grâce aux clients. Cependant, dans le cas des communautés, ce dernier n est pas linéaire : on vient de le voir avec la loi de Metcalfe. D autre part, en raison des cercles vertueux agissant sur les communautés virtuelles (nous y reviendrons en section 2.6.3), celles-ci, pour être pérennes, doivent 3 Initialement énoncée dans (Gilder, 1993), cette interprétation simplifiée est parfois remise en question (Simeonov, 2006) Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 11

réussir à réunir un certain nombre d utilisateurs dans leur dynamique pour enclencher ces dynamiques : Peu de membres Peu de contenu Peu d'attrait Non adhésion / résiliation L élément «peu de contenu» doit être entendu à double sens : tout d abord peu de MGC, ensuite, peu de capacité à signer des contrats ou des partenariats (donc peu d offres, peu d intégrations technologiques, ). Il faut donc, en quelques sortes, amorcer ces cercles pour les activer (l attrait initial ne doit pas découler que du contenu généré par les membres de la communauté afin d atteindre une certaine taille, très variable suivant les communautés). Finalement, la capacité à rassembler des utilisateurs est plus importante que n importe quelle ressource financière ; même si cette capacité capitalistique peut être utilisée pour agréger un maximum de membres, si les mécanismes de rétention ne sont pas suffisamment forts, les membres finiront par quitter la plateforme. Facebook s est lancé avec peu de moyens et à dû se battre contre d énormes réseaux sociaux bien en place et possédant des moyens financiers sans commune mesure. Facebook a pourtant réussi à les surpasser simplement par ses capacités de regroupement des utilisateurs (et, implicitement, de conservation de ceux-ci). Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 12 Dans certains cas, trop de membres peut également être un danger pour une communauté qui n a pas sû s adapter, en tuant la sensation d intimité qui doit être laissée à chaque membre et l estime de soi perçue par chaque utilisateur. La communauté doit être suffisamment adaptable pour que l ensemble des utilisateurs bénéficie de l augmentation de sa taille à des milliers voir des millions de membres, aussi bien en terme de performances que de segmentation. Enfin, tout site acceptant des UGC «libres» (commentaires par exemple) doit avoir une structure de modération adaptée : les participants ne sont jamais les membres idéaux auxquels ont s attend! C est pourquoi il faut engager au maximum la participation aux travers de MGC dits maîtrisés 4, comme le sont les sondages, offrant à l utilisateur un nombre limité de choix ne lui permettant pas d être «hors charte». 1.1.3. Sous-communautés : profondeur et largeur 4 (Fétique, Les UGC maîtrisés : une alternative à la modération, 2008)

S il y a un principe fondamental gouvernant le succès d une communauté virtuelle, c est bien le fait que plus la taille de la communauté grandit et plus celle-ci doit être attirante, à la fois vis-à-vis de potentiels nouveaux membres et pour la rétention des anciens. Imaginons L estime de soi même diminue lorsque la taille de la communauté augmente une seconde une communauté virtuelle «plate», non segmentée, où tous ses membres se retrouveraient à communiquer dans un unique (ou même quelques) lieu(x), par exemple un forum. Plus le nombre de membres augmenterait et plus la valeur perçue de chaque utilisateur au sein de la communauté diminue et ceux-ci se sentiraient donc moins importants pour la vie de la plateforme, ce qui les amènerait, dans l impossibilité de se faire remarquer, à quitter la communauté à plus ou moins court terme. D autre part, l autre grande valeur perçue par les utilisateurs se situe dans l organisation de l information. Par définition, l absence de segmentation ne permet une organisation structurée de l information : les utilisateurs sont perdus au milieu de la masse d information et la communauté perd de la valeur à leurs yeux. L absence de catégorisation aboutit à la stagnation du revenus. nombre d utilisateurs Du point de vue des organisateurs, la valeur monétaire d une communauté est fonction de son nombre d utilisateurs et de l intérêt que ceux-ci lui portent. Pour eux, l absence de catégorisation de l information entraîne peu à peu une stagnation du nombre d utilisateurs et par conséquence une perte de Deux modes de segmentation des communautés peuvent être mis en place pour répondre à ces problèmes : une segmentation verticale (profondeur) et une segmentation horizontale (largeur). 1.1.3.1. La segmentation verticale La segmentation verticale consiste à découper chaque rubrique en sous-rubriques. Par exemple, la rubrique «Informatique» sur ebay est découpée en «PC de Bureau», «PC Portables», «Accessoires PC Le fractionnement peut être explicite ou implicite Portables», etc., chaque rubrique étant à son tour subdivisée en sous-sous-rubriques et ainsi de suite. Il est à noter que la segmentation verticale, du moins dans sa fonction d organisation de l information, ne prend pas nécessairement la forme de sous-rubriques explicite. En effet, elle peut Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 13

être implémentée implicitement sous forme de raffinements possibles (filtres d affichages). Ce système permet de palier à l explosion exponentielle des sous-rubriques. Ainsi, toujours sur ebay, il est possible de choisir le processeur, la quantité de mémoire vive ou la taille du disque dur au sein de la rubrique «PC de Bureau». Dans le cas d ebay, les vertus de cette segmentation sont essentiellement d ordre organisationnel. Dans le cas des forums de Hardware.fr, l intérêt de cette segmentation est tout autre puisqu il consiste à obtenir des utilisateurs beaucoup plus centrés sur un objet et donc beaucoup plus intéressés, quasiment spécialistes du sujet en question, et ainsi d augmenter drastiquement la valeur perçue de la communauté. En revanche, cette subdivision ne permet pas de toucher directement un plus grand nombre d utilisateurs. 1.1.3.2. La segmentation horizontale Au contraire de la division verticale, la segmentation horizontale consiste à étendre l objet de la communauté par des sujets connexes. Si l on reprend le cas d ebay, l art côtoie l automobile et l informatique. Ainsi, la communauté touche potentiellement plus de membres. Là encore, la difficulté de ce type de segmentation est de conserver un lien suffisamment fort entre les catégories. La segmentation étant mise en place progressivement, au fur et à mesure que le nombre d utilisateurs augmente, il faut faire en sorte qu un nombre suffisant de membres s intéresse aux nouvelles catégories ouvertes, afin qu ils créent le contenu de base qui va servir à étendre la communauté. La bonne méthode pour parvenir à ce résultat étant bien sûr d écouter leurs attentes. Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 14 1.1.3.3. Quelle est la segmentation optimale? La meilleure communauté, du point de vue de son potentiel de croissance, est celle qui arrive à regrouper des utilisateurs de manière suffisamment globale pour ensuite la sous-diviser au fur et à mesure que la taille de la communauté croît. 1.1.3.4. Le cas Facebook Facebook est un cas très particulier car il ne propose aucune segmentation particulière. Au contraire, il permet à chaque participant de créer ses propres subdivisions (groupes), débordant de son propre compte pour se répandre vers ses connexions (amis). C est finalement une catégorisation optimale, puisque sous l égide «je reste connecté avec mes amis», la plateforme propose exactement le bon nombre de sous-communautés puisque celles-ci sont créées et gérées par les utilisateurs euxmêmes. Le nombre de «catégories» augmentant mécaniquement avec le nombre d utilisateurs, les utilisateurs appartiennent à un nombre croissant de groupes, augmentant leur intérêt dans la

communauté, leur temps de présence et finalement le nombre d utilisateurs (il s agit d un des cercles vertueux de base des communautés virtuelles sur lequel nous reviendrons par la suite). 1.1.4. Les relations entre communautés L une des solutions à la problématique de l atteinte de la masse critique est d accompagner le lancement d une nouvelle communauté en s appuyant sur une communauté existante : une partie des membres de la mère passent dans la nouvelle communauté, s ils y trouvent un intérêt, sans forcément quitter cette dernière ; la fille conserve ainsi, au moins en partie, l image de confiance que les membres associent à leur communauté d origine. Qui plus est, la fille peut bénéficier du contenu hébergé par sa mère : - partage de contributions pertinentes des utilisateurs, - partage de partenariats réalisés avec des fabricants (dans le cas des communautés de vente), - partage de technologies (capture de l information, paiement, gestion des utilisateurs, ). La séparation mère/fille peut être plus ou moins claire, pouvant aller de l intégration de cette dernière sous forme d une nouvelle rubrique à un simple partenariat entre deux sites bien distincts. Les avantages pour les deux parties consistent donc en des réductions de coûts ou en l augmentation de certaines recettes : - coûts d acquisition d un nouveau membre (coûts marketing), - coûts de gestion de ces membres (modération, ), - coûts liés à l activité (hébergement du site, ), - augmentation des ventes, - augmentation des contributions. L action de ce levier aboutit à l émergence de systèmes solaires de communautés, ayant un grand nombre de communautés gravitant autour d une même étoile, chacune d entre-elles pouvant avoir des communautés satellites exploitant leur propre valeur ajoutée. Ceci commence par ailleurs à prendre véritablement forme dans la partie du «Web 2.0» favorisant l interopérabilité entre les services Internet : un grand nombre de «mashups 5» apparaissent. Le principe est le même 5 Applications composites, utilisant du contenu provenant de diverses sources pour créer une nouvelle valeur ajoutée, par exemple la carte des stations Vélib exploitant la position et l état de ces stations (en provenance de la base de données de l exploitant) pour l afficher sur une carte «Google Maps». Parfois, la valeur créée peut être simplement dans le regroupement d informations disponibles publiquement mais dans des endroits différents, par exemple l information trafic sur toute la France sur une carte Google Maps comme le propose V- Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 15

consistant à s appuyer sur de la valeur produite autre part, même si celle-ci n est pas obligatoirement à vocation communautaire (il peut l être, par exemple Google Maps affichant sur ses cartes les photos des utilisateurs de Panoramio). Figure 1 - Un exemple de mashup communautaire : les photos des utilisateurs de Panoramio sur Google Maps Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 16 Comme on l a vu, la mère trouve également son compte dans le partenariat. Les exemples de communautés mettant en place des outils d exploitation de leur contenu pour accroître leur succès ne manquent pas. Prenons, par exemple, le cas d Amazon qui permet à chacun de créer sa propre mini-boutique en sélectionnant des produits dans son catalogue. Le bénéfice est alors direct, les produits vendus obtiennent une meilleure visibilité (puisque vendus sur une multitude de sites Internet), donc plus de ventes pour Amazon tout en conservant un contrôle total sur les produits vendus et leur prix. L affilié y trouve également son avantage puisqu il touche une commission sur les ventes réalisées à partir de sa boutique, boutique créée à moindre frais et pouvant même inclure les commentaires des utilisateurs d Amazon. Si l on pousse la réflexion à l extrême, on peut considérer Trafic. Il existe de nombreux outils permettant à n importe qui de créer des mashups sans avoir à écrire la moindre ligne de code, par exemple Yahoo! Pipes ou Microsoft Popfly.

que des sites comme Blogger, qui ne font que fournir des plateformes de blog, ne vivent que par cette intégration, si l on considère chaque blog comme une mini-communauté. 1.2. L aspect «anti-commercial» des communautés virtuelles Historiquement, les communautés virtuelles sont des lieux où des passionnés se retrouvent pour parler des sujets qui leur tiennent à cœur. La plateforme, et, par extension, ses membres doivent garder une certaine neutralité vis-à-vis des sujets abordés afin de poursuivre un objectif commun dans la diffusion de la connaissance. Si bien qu un état d esprit s est développé, plutôt anticommercial, que l on peut rapprocher de celui régnant dans le monde des logiciels libres. Même si cette idée est plutôt sur le déclin avec l augmentation de l offre en ligne, elle persiste néanmoins dans les «communautés pures», constituées de forums (par exemple Hardware.fr) et les réseaux sociaux. 1.3. L attractivité des communautés virtuelles Nous sommes tous à la recherche de quatre éléments, que l on peut superposer à la pyramide de Maslow, théorie voulant montrer la hiérarchie des besoins (Simons, Irwin, & Drinnien, 1987) : - De l intérêt (i.e. de l information) - Du rêve Auto publication (YouTube, Blogs, ) Accomplis sement personnel Estime de soi Estime des autres Antivirus Firewall Recherche - De possession matérielle - De la socialisation 6 Communication Cette pyramide est notamment applicable aux communautés virtuelles, en interprétant les différents niveaux de manière adaptée. Par exemple, on peut observer une analogie avec le cycle de vie des 6 La théorie montre que ces deux derniers points sont liés et que le besoin de possession matérielle vient combler une frustration dans les besoins sociaux-affectifs Amour, appartenance Sécurité Physiologique Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 17

utilisateurs, plus le membre étant investi dans la communauté et plus ses besoins «inférieurs» étant comblés. (Fétique, Maslow, expérience utilisateur et plan de vie client, 2008) Plus globalement, La force des communautés virtuelles est de toucher plusieurs niveaux de la pyramide, dès l étage «Amour, appartenance» (correspondant au besoin de socialisation). Elle permet également d agir sur les trois étages supérieurs (par les possibilités de communication offertes). Plus une communauté réussit à agir sur ces différents leviers et plus elle est susceptible de remporter le succès car l équilibre s établit entre le nombre d angles d attaque et la force de ceux-ci. Afin de parvenir à un ensemble fort et cohérent, attaquant un maximum d angles de la pyramide, il faut donc prêter une attention toute particulière à l intégration du contenu avec les moyens de communication mis en place. La mise en avant des MGC peut être un moyen de parvenir à cela. Il faut garder à l esprit que les utilisateurs ne viennent en général pas en ligne que pour lire, l Internet étant un moyen de diffusion de masse bidirectionnel En ce qui concerne le besoin d achat, les utilisateurs doivent être assurés de leur sécurité (ou plutôt de la sécurité du paiement) avant de passer à l acte. La communauté virtuelle doit donc créer une image de confiance. Elle doit également garantir une certaine neutralité vis-à-vis de ses différents fournisseurs, afin de donner une image impartiale. Cependant, parfois cette neutralité n est qu apparente, certains fournisseurs pouvant financer le fonctionnement de la communauté Ce sont les organisateurs qui tiennent les rênes de la communauté du point de vue des utilisateurs. Ceux-ci doivent donc assurer la cohérence de la stratégie mise en place, stratégie visant à accroître le succès de la communauté. C est pourquoi il est important d intéresser ces organisateurs à la réussite Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 18 de la plateforme, si ces organisateurs ne sont pas les propriétaires de la plateforme. Le cas de Facebook est intéressant à étudier. Outre l esprit d appartenance à un réseau social, à des communautés, chacun peut publier son profil et ses commentaires (et obtenir une certaine estime des autres ) et regarder les profils de ses amis (estime de soi) ; en revanche, la plateforme agit relativement peu sur l accomplissement personnel. Ce qui est étonnant, c est que le site utilise le besoin de possession matérielle par le biais de la publicité affichée, en lui donnant un certain crédit comme on le verra par la suite, ce qui constitue sa principale source de revenus. 1.3.1. Un mode de vie Beaucoup de communautés virtuelles ont des semblables dans le monde réel ; outre le fait qu il puisse être intéressant d utiliser ces groupes pour alimenter, au lancement ou dans la durée, une ou plusieurs plateformes, c est surtout là que l on va trouver les leaders du secteur, ceux qui sauront

donner de la substance aux communautés virtuelles par le biais de l influence qu ils exercent sur le reste du groupe. Savoir recruter ces personnes est un gage de reconnaissance et de crédibilité. Il se trouve que les communautés réelles sont beaucoup plus empreintes d un état d esprit (que l on appellerait «culture d entreprise» dans une société classique), ce qui peut déteindre sur l environnement virtuel par le glissement de ces dirigeants. Plus la communauté grandit et plus la personnalité initiale se perd, diluée dans la masse. Si bien qu il existe très peu de communautés d importance ayant su garder cet état d esprit. YouTube constitue l une de ces exceptions, par son esprit décalé encore très fort que n ont pas su instituer DailyMotion ou Google Vidéo. Encore une fois, le cas de Facebook est particulier et illustre bien la transposition des leaders entre les deux mondes. Tout en ayant gardé un semblant d inconscient collectif («les brillants étudiants de Harvard»), la majorité de son état d esprit se situe au sein de ses micro-communautés, dans les groupes, qui sont bien souvent là encore des transpositions dans le monde virtuel de communautés réelles. 1.3.2. La base : les relations entre les participants 1.3.3. La confiance et l engagement Pour être attractive, une communauté virtuelle doit dégager une forte atmosphère de confiance et de liberté (type «web 2.0» : fun mais sérieux et à l écoute) afin que les membres s expriment et que des leaders se dégagent et s engagent au sein de la communauté. Personne n aurait envie de s investir sur un site trop liberticide! Ainsi, les membres doivent avoir une confiance absolue dans les organisateurs, c est pourquoi il est bien vu de promouvoir certains des membres pour gérer la communauté : ceux-ci sont «comme eux» et agissent donc dans leur intérêt. Enfin, suivant les cas, cette confiance doit également pouvoir s étendre aux contenus générés par les membres : «Puis-je avoir confiance en telle ou telle personne?». Ceci abouti à la mise en place d outils de notation (les étoiles et évaluations sur ebay par exemple). L idée sous-jacente étant d augmenter la confiance en la communauté et sa qualité au fur et à mesure que le nombre de membres s accroît. Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 19

1.3.4. La loyauté des participants Au contraire des sites de contenus rédactionnel, la source de trafic des communautés virtuelles est basée sur l engagement des membres et les contenus que cet engagement génère. C est pourquoi il est nécessaire de générer de la loyauté chez les participants par l instauration de barrières de sortie. Il faut promouvoir la génération de contenu et finalement faire que les membres reviennent de plus en plus souvent sur le site. La création de cette loyauté peut prendre plusieurs formes : - alertes lors de la création de nouveaux contenus ciblés (exemple : chaînes YouTube, alertes de publication de réponse à un message, alertes d ajout d un ami sur Facebook ou encore alertes de nouveaux inscrits sur Copainsdavant), - alertes intrinsèques (exemple : Facebook : «que font mes amis?»), - augmentation/modification du contenu (exemple : l ajout de nouveaux objets en vente sur ebay : l intégralité des mises en vente est renouvelé en 10 jours), - etc. Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 20 1.3.5. La valeur de la présence dans la communauté Aux yeux des utilisateurs, l information présentée, organisée par la communauté à évidemment une valeur. Cette valeur est dépendante de l intensité du besoin de ces informations pour les membres. Cette force est proportionnelle à l enjeu découlant de la possession de cette information, et donc du niveau de la pyramide de Maslow touché. Evidemment, si l enjeu La valeur d une information dépend des enjeux sous-jacents est directement monétaire, la puissance de l information est directement quantifiable. Mais on peut également considérer l expertise, la précision et l assurance de l exactitude des informations publiées dans l estimation perçue. C est la somme de toutes ces informations qui fait la valeur du contenu à la fois aux yeux de la communauté et des lecteurs, incitant à rejoindre la communauté. 1.4. Les différents types de participants Au sein d une communauté, tous les membres n ont pas la même valeur monétaire pour l organisateur. La conception de la plateforme doit favoriser les rôles les plus rentables en convertissant les moins lucratifs. Ces rôles se posent souvent comme le cycle de vie des utilisateurs mais chaque rôle n est pas nécessairement un passage obligatoire pour tous les membres et ne sont pas tous mutuellement exclusifs.

Il existe plusieurs segmentation possible de ces utilisateurs, nous utiliserons les rôles décrits dans (Hagel III & Armstrong, 1997). Certains préconisent plutôt une segmentation par comportement (Faivre-Duboz, 2007) («trouver», «flâner», «acheter»), superposable aux rôles suivants. 4 3,5 3 Réguliers Leaders Seniors Intérêt 2,5 2 1,5 1 0,5 0 Novices Lecteur Acheteurs 0 2 4 6 8 10 12 14 Figure 2 - Le cycle de vie des membres 1.4.1. Les lecteurs Les lecteurs sont de simples visiteurs, uniquement en quête d informations. Ils arrivent en général dans la communauté par le biais de moteurs de recherche. Complètement extérieurs, il faut, pour les conquérir, proposer du contenu pointu couvrant une large palette de sujets. Les lecteurs ayant une vision périphérique du contenu de la communauté, le challenge consiste à les investir progressivement dans la communauté, en leur exposant des arguments en faveur de leur adhésion. Par exemple, sur Facebook, l intérêt menant à l inscription est de rentrer en contact avec des connaissances. Passé le stade de l inscription, il est nécessaire de proposer des activités de plus en plus engageantes, afin de ne pas laisser l utilisateur au stade de «lecteur inscrit». Cette étape est certainement la plus difficile à mettre en place et également la plus importante pour le succès. Sur les réseaux sociaux, cette étape est généralement aidée par les connaissances réelles de l utilisateur (ses «amis»), qui vont l introduire au sein de la communauté. Sur Facebook, par exemple, l utilisateur va tout d abord remplir son profil (activité très peu engageante), puis commenter ces amis (peu engageante), avant d ajouter ses photos et des photos prises avec ses amis (assez engageant puisque influe également sur le profil de ses amis) et enfin de créer des groupes (très engageant puisque l utilisateur devient l organisateur du groupe). Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 21

1.4.2. Les novices Les novices sont des utilisateurs inscrits qui ont envie de s investir dans la communauté mais qui ne connaissent pas ou mal ses règles de fonctionnement et l utilisation des fonctions proposées. Ces utilisateurs sont donc exposés à un risque de rejet de la part de la communauté, ce qui est généralement négatif du point de vue de l organisateur. La plateforme doit donc proposer des cadres clairs et accompagner ces utilisateurs. Du point de vue des fonctionnalités, la seule bonne solution consiste à améliorer l ergonomie globale du site Internet, et en particulier les éléments justement utilisés par cette catégorie d utilisateurs. Ce stade étant un passage obligatoire pour tout utilisateur, il constitue généralement un goulot d étranglement vers les étapes supérieures. 1.4.3. Les réguliers Ces utilisateurs connaissent bien le site Internet et participent activement à son contenu. C est à partir de ce stade que le membre devient prompt à recommander la plateforme à ses amis et à parrainer de nouveaux adhérents. Sur Facebook, ce stade correspond par exemple aux utilisateurs qui prennent des photos et les associent à leurs amis. Il est essentiel pour une communauté d avoir un grand nombre de réguliers. Il existe des communautés employant des personnes destinées à apparaître dans cette catégorie (parfois sans les exposer en tant que tels) car ce sont eux qui apportent le souffle de vie au sein de la communauté. Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 22 1.4.4. Les leaders Ce sont eux les constructeurs de la communauté. Ils vont apporter de nouvelles idées et organiser l information. Ils sont finalement les relais de l organisateur, tout en gardant leur légitimité de membre «simple». Il est donc important que la plateforme construise mais aussi écoute ces leaders afin qu ils ne desservent pas ses intérêts, par exemple en liguant les utilisateurs contre les animateurs, auprès desquels ils bénéficient d une très bonne écoute. Certaines communautés encouragent ces utilisateurs en leurs offrant plus de pouvoir (modérer les messages par exemple), en échange ou non d avantages (abonnement à Internet gratuit par exemple, comme on l a vu dans le passé avec les animateurs des communautés AOL, aujourd hui abandonnées). C est ici que se nichent les «heavy users», clients à forte consommation. En analysant sa base de données clients, il est possible d effectuer une segmentation RFM (Récurrence/Fréquence/Montant) et de définir une catégorie de clients qui sont bien au-delà des moyennes sur les trois dimensions testées. Certaines études démontrent que les heavy users, qui sont de l ordre de 20% la plupart du temps, peuvent générer à eux seuls 80% des bénéfices d une société. Il convient dès lors de mettre en place des mécanismes de fidélisation spécifique pour ce segment. (Heavy Users (US & FR))

Il est essentiel pour toute communauté de rapidement disposer de leaders sur lesquels se reposer, un manque structurel se faisant sentir en leur absence. 1.4.5. Les seniors L intérêt de ces membres pour la communauté décroît pour des raisons qui peuvent être multiples, par exemple suite à un changement de vie (passage à la vie active, ) ou tout simplement par lassitude. Il faut bien évidemment limiter au maximum ce rôle. Le combat contre la lassitude peut se faire par l intégration continue de nouvelles fonctionnalités, ce que fait par exemple Facebook via son système d applications intégrées, créant sans cesse de nouvelles motivations. Ce rôle ponctue le cycle de vie, ce qui le rend très proche du cycle de vie d un produit dans la vie réelle. 1.4.6. Les acheteurs Le rôle d acheteur est très particulier car il n est commun qu aux communautés virtuelles vendant des produits et peut avoir lieu à différents moments du cycle de vie des utilisateurs. Comme leur nom l indique, il coïncide avec le moment de l acte d achat, que l on retrouve par exemple sur ebay ou Amazon. On le retrouve également sur certains réseaux sociaux comme Viadeo au niveau de son «club premium» 7. Cela signifie que l utilisateur à suffisamment confiance et d intérêt envers le site Internet pour lui confier son numéro de carte bancaire. Plus que de l intérêt, c est donc de la confiance que doivent construire les communautés virtuelles mettant en place des processus d achat. Il est intéressant de procéder à une segmentation des communautés virtuelles pour tenter d en déterminer les acheteurs types : Type de communauté virtuelle Type d acheteur Forces et faiblesses du modèle 7 Viadeo utilise le principe d abonnement «freemium» : l inscription est gratuite mais l utilisateur doit payer pour avoir accès à certaines fonctionnalités avancées. (Fétique, Le taux de conversion du business model Freemium, 2007) Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 23

Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 24 Réseau social (abonnement freemium) Exemples : - Viadeo - Copains d avant - Meetic Communauté autour Exemples : d un sujet - Bluenity - TGV lab - Communautés de voyage - Communautés de jeux d argent en ligne - Etc. Utilisateur intensif Lecteur (recherche d information), Utilisateur intensif (esprit d appartenance à une marque) De nombreux exemples ont montrés que les communautés virtuelles ayant la publicité pour seule source de revenus est très difficilement viable. Les revenus de ce modèle sont proportionnels à l utilité perçue des fonctionnalités apportées, celle-ci dépendant généralement (non linéairement) du nombre d utilisateur. Ce modèle est donc difficilement rentable avec peu d utilisateurs. A l exception des communautés crées par une marque (SNCF ou Air France par exemple), ces communautés sont généralement associées aux commerçants par l affiliation 8. Les revenus de la communauté sont fonction du coût d acquisition moyen du secteur : $40 à $400 par utilisateur inscrit pour les jeux d argent (paris sportifs, casino, etc.) (Programmes d'affiliations, jeux d'argent en ligne et fraude fiscale..., 2009), 10% sur les ventes de voyage, etc. Le trafic de la communauté étant très ciblée, les taux de conversion sont intéressants et la rentabilité potentiellement importante. Néanmoins le nombre d utilisateurs de ces communautés est souvent limité. 8 Le propriétaire de la communauté virtuelle est rémunéré par une commission sur les ventes des utilisateurs provenant de son site Internet.

Communauté e- commerce Exemples : - Amazon - ebay Lecteur (provenant d un site référant comme un comparateur de prix) ou acheteur récurrent Ce sont généralement des sites de e-commerce sur lesquels des fonctionnalités communautaires ont été greffées afin de renforcer l image de transparence et de confiance. En effet, parce que ces communautés sont au bout du processus d achat et que les sommes en jeu sont généralement beaucoup importantes que pour les abonnements freemiums, ce sont elles qui requièrent la plus grande image de confiance. Remarquons que ces deux derniers modèles en particulier sont susceptibles de fortement progresser dans le futur : «Les consommateurs vont progressivement bouder le marketing de masse poussé par les marques. A la place, les consommateurs vont se tourner vers des solutions basées sur l'opinion des communautés. Des communautés d'utilisateurs initiées par les marques... ou leur échappant totalement. Il est devenu communément admis que les blogs, les wikis et les réseaux sociaux vont devenir une interface privilégiée facilitant la prise de décision des consommateurs en matière d'achats.» (Henderson, 2006) 1.5. Le principe d inversion du pouvoir Sur tout site Internet, tout le pouvoir réel est détenu par ceux qui en créent le contenu. C est également vrai dans les communautés virtuelles ; dans ce cas, le pouvoir est donc détenu par les membres, tandis que l équipe, Le pouvoir est détenu par les créateurs des contenus gestionnaire de la communauté, n a plus qu un pouvoir superficiel. Il se trouve que c est la recherche de ce pouvoir qui attire, inconsciemment, les utilisateurs à prendre part aux communautés. Il faut donc mettre l emphase sur ces pouvoirs : par exemple un membre actif doit avoir droit à plus de choses qu un membre inactif. Cette reconnaissance peut être multiple, citons par exemple : - des fonctionnalités supplémentaires, - une mise en valeur au sein de la communauté (classements, grades, ou, tout simplement, son nom apparaissant auprès de ses performances ), - des cadeaux. Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 25

Ceci est une condition sine qua non de la réussite de toute communauté. Participeriez-vous à n importe quelle communauté de manière importante, si toute contribution était absolument anonyme? 1.6. La croissance Les communautés virtuelles portent en elles-mêmes leur croissance potentielle par la mise en place de barrière de sortie. De part l attraction que représente les membres en eux-mêmes et en particulier le contenus qu ils génèrent, toute communauté virtuelle qui enclenche sa phase de croissance rentre dans le cercle vertueux suivant. L entrée en phase de croissance est conditionnée par l obtention d un trafic de base Attractivité du contenu Présence sur le site Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 26 Mais alors comment enclencher cette phase de croissance? Il faut pour cela donner un prétexte initial à la vie de la communauté, ne nécessitant que la présence de peu de membres pour être attrayant, citons par exemple : Contenu généré par les membres - Facebook a commencé par viser de micro-communautés (les très grandes universités américaines), faciles à convertir car géographiquement bien délimitées et surtout très petites en nombre de personnes. Il a ainsi pu, dès l origine, mettre en valeur son taux de Intéractions entre les membres

pénétration au sein de ces écoles, ce qui aurait été impossible avec une ouverture totale de la communauté. - Hardware.fr a commencé par la publication de contenus rédactionnels, aujourd hui devenu quasiment anecdotique face aux sites d actualité informatique Néanmoins ce prétexte facilite le succès mais n est pas requis (citons par exemple ebay ou YouTube). La communauté croît alors tant qu il y a de la place virtuelle pour de nouveaux membres, potentiels futurs leaders, et que ceux-ci peuvent s accomplir et être reconnus sans être écrasés par la présence des anciens membres. Cette croissance est néanmoins évidemment plafonnée par la taille du marché et l investissement potentiel des membres dans l intérêt de la communauté. Mais bien peu de communautés arrivent à une taille telle qu elles sont limitées par la population visée. Ainsi, la fin de la croissance est généralement causée par le manque de segmentation de la communauté. Il est nécessaire d ajuster le nombre de sous-communautés au fur et à mesure de l évolution de la communauté principales afin d obtenir une activité globale visible lorsque peu de membres sont encore présents (il ne faut pas trop diluer le trafic) puis la création de nouveaux noyaux périphériques, qui doit se faire petit à petit mais régulièrement, permettant aux membres d avoir plus d espace et donc d éviter le «débordement communautaire». En un mot, il faut que la communauté puisse grandir tout en paraissant rester à une taille abordable. En résumé, il faut laisser les leaders s exprimer et prendre de l importance : ce sont eux qui vont amener le trafic! Ils doivent donc se sentir «chez eux» et doivent être peu limités par un règlement trop liberticide. Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 27

Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 28 Figure 3 - Exemple de segmentation communautaire (source : Net Gain)

Le succès de la phase de croissance est donc conditionné à trois étapes : Générer du traffic Consolider le trafic Verrouiller le trafic Phase critique : doit durer le moins longtemps possible Réussir à convertir les premiers membres Faire parler de la communauté ("buzz") Attirer les leaders Internet Investir les membres Améliorer l'offre Générer de la valeur Mettre l'accent sur les relations personnelles entre les membres Accumuler et organiser les contenus générés par les membres Continuer à améliorer l'offre Ecouter les besoins de la communauté 1.7. Le management Il ne suffit pas d avoir les compétences techniques, qui peuvent d ailleurs être délocalisées, à la création d une communauté virtuelle pour en assurer le succès. Parce qu une communauté virtuelle vit, elle doit être managée au jour le jour : il faut recruter de nouveaux membres, les intéresser et surtout les servir. Beaucoup de communautés virtuelles, surtout les plus petites, recrutent parmi leurs membres pour accomplir certaines de ces tâches, qui sont heureux d acquérir ainsi une reconnaissance supplémentaire, en échange de certains avantages, comme on l a vu précédemment avec l exemple d AOL. 1.8. Néanmoins, le succès n est pas acquis 1.8.1. L importance de l interface utilisateur Puisque les utilisateurs sont centraux dans les communautés virtuelles, ils doivent bénéficier d une interface leur permettant d accomplir ce que la communauté attend d eux de la manière la plus simple, la plus rapide et la plus ergonomique possible, notamment en terme de génération de contenus. Dans l environnement concurrentiel actuel, il n est pas envisageable de lancer une communauté virtuelle sans que son interface soit réellement utilisable. Certaines communautés virtuelles masquent leur complexité intrinsèque en masquant les fonctionnalités avancées, c est par exemple le cas de ebay, qui possède une interface à priori très Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 29

simple pour l achat et la vente en rendant quasiment inaccessible le reste (essayez de trouver comme annuler une de vos enchères ou l enchère de quelqu un placée sur l un de vos objets ou encore d obtenir les coordonnées téléphoniques du gagnant de votre objet!). ebay peut se permettre cela grâce à sa position de leader. Cet exemple est clairement un exemple à ne pas suivre pour toute nouvelle communauté, qui doit réussir à proposer des fonctionnalités avancées au sein d une interface paraissant simple (éviter l «information flooding», par exemple par un masquage de certains liens ou informations que l on révèle au passage de la souris ou après un clic), tout en n oubliant pas de proposer une interface d aide puissante à l égard des nouveaux membres. Le précepte Keep It Simple (KIS) prend ici tout son sens. 1.8.2. Quelques règles de base d ergonomie L ergonomie, ou plutôt l utilisabilité dans ce cas est, d après (Nielsen J., 2003) l évaluation (et de la minimisation) de 5 composantes : - Apprentissage : est-ce facile pour les utilisateurs d accomplir les tâches basiques dès la première fois? Qu est-ce qui fait le succès des communautés virtuelles? 30 - Efficacité : une fois que les utilisateurs se sont adaptés, en combien de temps ils peuvent accomplir les actions? - Mémoire : en combien de temps les utilisateurs se réhabituent à l interface après une période d inactivité? - Erreurs : combien d erreurs font vos utilisateurs, sont-elles importantes et peuvent ils récupérer ces erreurs? - Satisfaction : est-ce que l interface est agréable à utiliser? Il suffit de moins d une seconde à un nouveau visiteur pour se faire une idée sur un site Internet, mieux vaut donc que cette première impression soit positive! Si l aspect graphique joue un rôle essentiel dans cette évaluation, une mauvaise ergonomie, par définition, est source de frustration des utilisateurs alors même qu ils cherchent à aller plus loin sur le service. Il existe un grand nombre de règles de base pour cela (30 Usability Issues To Be Aware Of, 2007) (Fétique, Comment innover et se différencier en terme d ergonomie, lorsqu il est moins risqué de respecter les standards?, 2008), citons par exemple : - Les utilisateurs se sentent rassurer quand ils effectuent des actions qu ils savent savoir déjà faire (faire une recherche, cliquer sur un lien ouvrir une porte). C est pourquoi il faut réutiliser les modèles mentaux que chacun possède pour les exploiter au mieux afin de minimiser l apprentissage nécessaire à l utilisation. Ces modèles sont différents en