Polarisation du territoire et développement urbain : les gares du Nord et de l'est et la transformation de Paris au XIXe siècle



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Association pour l'histoire des chemins de fer en France 19, rue d'amsterdam, F-75008 Paris Tél. : 01 42 82 71 70 (int. : +331 42...) Télécopie : 01 42 82 71 72 Polarisation du territoire et développement urbain : les gares du Nord et de l'est et la transformation de Paris au XIXe siècle Une étude sur l'instauration et l'évolution des rapports entre les acteurs des grands aménagements ferroviaires urbains, première étape (1830-1870). sous la direction de Karen Bowie maître-assistant à l'ecole d'architecture de Paris - Val-de-Marne Contrat de recherche n 967002 passé le 22 mars 1996 entre le Plan Urbain Construction Architecture et l'association pour l'histoire des chemins de fer en France AHICF et auteurs Décembre 1999

Association pour l'histoire des chemins de fer en France 19, rue d'amsterdam, F-75008 Paris Tél. : 01 42 82 71 70 (int. : +331 42...) Télécopie : 01 42 82 71 72 Courrier électr. : ahicf@ club-internet.fr Informations électr. : http : // www. trains-fr.org / ahicf Polarisation du territoire et développement urbain : les gares du Nord et de l'est et la transformation de Paris au XIXe siècle. Une étude sur l'instauration et l'évolution des rapports entre les acteurs des grands aménagements ferroviaires urbains, première étape (1830-1870). Contrat de recherche n 967002 passé le 22 mars 1996 entre le Plan Urbain Construction Architecture et l'association pour l'histoire des chemins de fer en France ------------------ Volume II : Documents ------------------ Les recherches ont été réalisées sous la direction de Karen Bowie, maître-assistant à l'ecole d'architecture de Paris - Val-de-Marne et lui ont associé Pauline Prévost- Marcilhacy, docteur en histoire de l'art, maître de conférence à l'université Blaise-Pascal (Clermont-Ferrand) et Pierre Pinon, architecte DPLG, docteur en histoire, professeur à l'ecole d'architecture de Paris-Belleville. Elles ont bénéficié des conseils de François Loyer, directeur de recherche au C.N.R.S. Philippe Laurent, architecte DPLG, a réalisé une partie des recherches cartographiques ainsi que les documents graphiques qui en expriment les résultats. Des dépouillements complémentaires ont été effectués par Laurence Pereno et Bégotie Proust, étudiantes en architecture. Marie-Noëlle Polino, secrétaire scientifique de l'ahicf, est responsable de l'édition du rapport. Décembre 1999

Association pour l'histoire des chemins de fer en France 19, rue d'amsterdam, F-75008 Paris Tél. : 01 42 82 71 70 (int. : +331 42...) Télécopie : 01 42 82 71 72 Courrier électr. : ahicf@ club-internet.fr Informations électr. : http : // www. trains-fr.org / ahicf Polarisation du territoire et développement urbain : les gares du Nord et de l'est et la transformation de Paris au XIXe siècle. Une étude sur l'instauration et l'évolution des rapports entre les acteurs des grands aménagements ferroviaires urbains, première étape (1830-1870). Contrat de recherche n 967002 passé le 22 mars 1996 entre le Plan Urbain Construction Architecture et l'association pour l'histoire des chemins de fer en France L'implantation des gares du Nord et de l'est dans Paris et l'évolution de leur articulation avec la ville, 1830-1870. Introduction générale, par Karen Bowie...5 CHAPITRE I. Enjeux et problématiques communs aux deux sites des gares du Nord et de l'est, par Karen Bowie...11 PREMIERE PARTIE : LA GARE DU NORD CHAPITRE II. L'implantation de la gare du Nord dans Paris et l'évolution de son articulation avec la ville, 1830-1856, par Karen Bowie...19 1) Débats et études préalables au choix du site La ville plaque tournante...19 Les sites proposés...21 2) Le site avant la gare : le Clos Saint-Lazare Le Nouveau Quartier Poissonnière...24 Le Clos Saint-Charles...25 3) La suite des événements Pistes pour de futures recherches...28 Une embrouille juridique...29 4) L'implantation de la gare Onfroy de Bréville et la prévision des besoins de la première gare du Nord à Paris.32 L'ingénieur public devant les jurys d'expropriation...33 5) La gare et ses abords, 1847-1856 Préfet de la Seine contre ministre des Travaux publics...35

Création de rues aux abords de l'hôpital Lariboisière...36 Échanges de terrains....37 CHAPITRE III. Lotissements autour de la gare du Nord : rôle de James de Rothschild, par Pauline Prévost-Marcilhacy...39 1) Les sources : fonds conservés dans les archives publiques...40 Archives de la ville de Paris Archives nationales : minutier central Revue municipale 2) Autour de la gare du Nord...41 Détail des transactions immobilières...47 Récapitulation des propriétés de James de Rothschild dans le quartier...48 CHAPITRE IV. L'inscription de la gare du Nord dans le réseau viaire des quartiers nord de Paris entre les faubourgs Poissonnière et Saint-Martin, par Pierre Pinon...51 1) La composition viaire du lotissement Poissonnière...51 2) La formation du réseau viaire du quartier de la gare du Nord...52 1 re phase : état au début du XIX e siècle 2 e phase : état vers 1830. 3 e phase : état vers 1846-1847. 4 e phase : état vers 1860. 5 e phase : état vers 1900. 3) Projets d'ouvertures de voies en relation avec les gares du Nord...54 (premier et second emplacements) Table des figures in-texte...70 La gare du Nord : éléments de conclusion, par Karen Bowie...71 DEUXIEME PARTIE : LA GARE DE L EST CHAPITRE V. La gare de l'est, par Karen Bowie...73 1) Projets pour une ligne Paris-Meaux, 1838-1841...73 2) Le projet du gouvernement : 1844-1849...79 3) L'implantation de la gare dans le faubourg Saint-Martin...85 4) Construire la gare...86 5) Quelques remarques en conclusion...88 Conclusion générale, par Karen Bowie...91

TROISIEME PARTIE : DOCUMENTS CHAPITRE VI. Figures. Table générale des figures...97 Planches hors texte CHAPITRE VII. Textes. 1) Documents relatifs au chapitre II : l'implantation de la gare du Nord dans Paris et l'évolution de son articulation avec la ville, 1830-1856, sélectionnés par Karen Bowie...103 Doc. Nord/1...106 Doc. Nord/2...108 Doc. Nord/3...110 Doc. Nord/4...116 Doc. Nord/5...118 Doc. Nord/6...119 Doc. Nord/7...122 Doc. Nord/8...122 Doc. Nord/9...124 Doc. Nord/10...125 Doc. Nord/11...126 Doc. Nord/12...127 2) Documents relatifs aux chapitres III et IV : extraits choisis de la Revue municipale, sélectionnés par Pauline Prévost-Marcilhacy...131 Tome I, 1848-1853...131 Tome II, 1853-1857...139 Tome III, 1857-1859...164 Tome IV, 1860-1862...169 3) Documents relatifs au chapitre V : la gare de l'est, sélectionnés par Karen Bowie....175 Doc. Est/1...178 Doc. Est/2...178 Doc. Est/3...180 Doc. Est/4...182 Doc. Est/5...184 Doc. Est/6...186 Doc. Est/7...224 Doc. Est/7 bis...226 Doc. Est/8...228 Doc. Est/9...231 Doc. Est/10...233 Doc. Est/11...234 Doc. Est/12...237 CHAPITRE VIII. Les gares du Nord et de l Est et la transformation de Paris au XIXe siècle : synthèse cartographique, par Philippe Laurent et Karen Bowie...239 Bibliographie sommaire...243

L'implantation des gares du Nord et de l'est dans Paris et l'évolution de leur articulation avec la ville, 1830-1870 Introduction générale par Karen Bowie Cette étude aborde des phénomènes complexes mais fondamentaux et qui structurent l'évolution de Paris et de ses environs depuis plus d'un siècle et demi. L'approche adoptée ici pour les appréhender est, elle aussi, complexe, elle aussi objet de questionnements et de recherche. Sa structure générale a été élaborée à partir d'un constat, celui de l'insuffisance ou de l'inadéquation de la plupart des voies jusque-là empruntées pour rendre compte de l'histoire des gares, de leur implantation dans le tissu urbain et de l'évolution de leur rapport avec la ville. C'est en effet le plus souvent la typologie architecturale qui a orienté et même motivé l'étude de l'histoire des gares ; préoccupation légitime certes, mais qui tend à couper l'objet architectural de son contexte historique, urbain et ferroviaire 1. L'étude devenue classique de C.L.V. Meeks, par exemple, The Railway Station, an Architectural History 2, malgré sa richesse, est un témoin exact des difficultés que soulève cette approche typologique. D'abord, le terme même de gare y est compris dans son sens simplifié et le plus réducteur, c'est-à-dire qu'il correspond à ce qu'en langage ferroviaire on entend par le seul bâtiment voyageurs, un élément parmi plusieurs autres qui constituent l'ensemble complexe de la gare ferroviaire. Cette première réduction conduit à d'autres : l'articulation de cet équipement avec la ville est abordée seulement par rapport à sa face urbaine, ou tout au plus à ses liens avec la ville en aval de la gare ; les importantes emprises situées en amont, dans des zones périphériques des villes, et occupées par des fonctions de logistique, d'entretien du matériel ferroviaire et de transport ou de stockage de marchandises, s'en trouvent complètement ignorées. Coupée de ses environs ferroviaires et urbains, cette gare réduite est séparée aussi de plusieurs des dimensions de sa situation historique : les contextes politique, juridique, financier et industriel dans lesquels agissaient les acteurs de ces grands projets d'aménagement ferroviaire et urbain que sont en définitive les gares. Notre étude a donc pour ambition d'élaborer une approche de cette histoire qui permette de situer la gare, entendue comme un équipement regroupant des fonctions et des structures qui vont bien au-delà du seul bâtiment voyageurs, dans l'ensemble de ces contextes. Pour ce faire, le croisement de documents issus de plusieurs fonds d'archives a paru le plus à même d'ouvrir de nouvelles et plus larges perspectives. En sondant les fonds créés par chacun des acteurs de ces projets, il devient possible d'en envisager une approche à la fois globale et ancrée dans la matière historique. Cette démarche n'est cependant pas sans soulever certaines difficultés liées à la masse et à la quantité des documents concernés. L'impossibilité d'être exhaustifs nous a amenés, sauf exception, à procéder par sondages plutôt qu à des dépouillements complets. Afin de permettre l'interrogation de cette matière en fonction de préoccupations aujourd'hui imprévisibles mais qui pourraient 1 Notons cependant quelques exceptions importantes : Michèle Lambert, Les problématiques du chemin de fer dans la ville (1830-1855), dans Les chemins de fer dans la ville, actes de la 2e journée scientifique de l AHICF, Paris, Musée d Orsay, 1991, Revue d'histoire des chemins de fer, n 5-6 (automne 1991- printemps 1992), p. 195-235 et Le chemin de fer et la banlieue (1837-1914), Cahiers de la recherche architecturale, n 38/39 (3e trimestre 1996), p. 95-106 ; Annie Terade, Le nouveau quartier de l'europe et la gare Saint-Lazare, dans Les chemins de fer dans la ville, actes de la 2e journée scientifique de l AHICF, Paris, Musée d Orsay, 1991, Revue d'histoire des chemins de fer, n 5-6 (automne 1991-printemps 1992), p. 237-260, et Le Quartier de l'europe, certificat d'études approfondies Architecture urbaine, Ecole d'architecture de Paris-Belleville, 1989. 2 New Haven, Yale University Press, 1956, 1964 ; réédité par Dover Publications, New York, en 1995.

émerger à l'avenir, nous avons joint en annexe un choix des documents que nous avons jugés les plus intéressants ou typiques. Les limites chronologiques choisies Cette recherche a donc pour ambition d éclairer d un nouveau jour des évolutions structurantes pour l'histoire de Paris, notamment en ce qui concerne l'urbanisation des quartiers et zones périphériques. Nous avons choisi de les limites de la période étudiée, 1830 et 1870, par rapport à l'histoire politique : il s'agit du début de la monarchie de Juillet et de la fin du Second Empire, séparés bien entendu par la Deuxième République. Il est vrai que, étant donné la nature des phénomènes concernés, au carrefour de l'histoire ferroviaire, de l'histoire de l'aménagement du territoire et de l'histoire urbaine, il nous aurait été possible de définir notre période en fonction d'autres critères, plus proprement ferroviaires ou parisiens par exemple. Mais l'importance du rôle de l'administration dans l'histoire que nous étudions nous a engagés à nous en tenir aux régimes politiques qu a connus la période. Le choix d'aborder comme un tout, pour ce qui concerne l'implantation ferroviaire dans la capitale, une période marquée par deux révolutions et trois régimes politiques, relève dans une certaine mesure d'un parti pris. Pour ce qui est de l'histoire de Paris, il nous paraît en effet que la transformation de la capitale pendant le Second Empire, menée par le préfet Haussmann, est trop souvent abordée en termes de rupture plutôt que de continuité avec le passé. Cela est dû au moins en partie à la présentation qu'en fait Haussmann luimême dans ses mémoires, où il insiste sur le caractère sans précédent de son œuvre 3. Il nous semble au contraire qu'il est possible et utile de considérer cette modernisation comme l'aboutissement de projets et d'idées qui étaient en cours d'élaboration depuis plusieurs décennies, mis en œuvre par un régime qui s'était donné les moyens juridiques et financiers de les réaliser 4. Nous souhaitons en somme défendre l'hypothèse selon laquelle c'est à la lumière de l'urbanisme parisien de la première moitié du siècle que l'on peut mieux comprendre celui du Second Empire. En matière d'histoire ferroviaire il nous paraît également légitime de proposer une période qui va des débuts des chemins de fer en France jusqu'à la fin du Second Empire. La monarchie de Juillet est l'époque de la mise en place des fondements du système ferroviaire français, avec non seulement la création des premières lignes mais surtout le foisonnement de réflexions et de débats qui a abouti à la loi sur les chemins de fer de 1842. Cette loi a établi le cadre régissant les relations entre l'état et les compagnies concessionnaires dans la création et l'exploitation du réseau ferré national ; un système qui, avec diverses évolutions, est resté en vigueur pendant tout le XIXe siècle et même jusqu'à la création de la SNCF en 1937. La loi de 1842 a aussi fait de Paris le centre du réseau figuré en étoile autour de lui, dit l'étoile Legrand d'après le directeur général des Ponts et Chaussées qui l'a définie. Ainsi, au moment de la prise du pouvoir par Louis Napoléon Bonaparte en 1851, les directions des grandes lignes au départ de Paris étaient arrêtées et les grandes gares parisiennes, sous leur forme initiale, mises en place. La monarchie de Juillet a vu aussi un foisonnement de petites compagnies de chemins de fer plus ou moins solides. C'est par ailleurs sans doute cet aspect-là du paysage ferroviaire français qui fut le plus profondément transformé pendant le Second 3 Georges Haussmann, Mémoires du Baron Haussmann 1853-1870. Grands Travaux de Paris, 2 vol., Paris, Guy Durier, 1979 (fac-similé de la 3e édition, 1893). 4 Pour ces questions, voir entre autres Maurice Garden, Paris dans Jean-Luc Pinol (sous la dir. de), Atlas historique des villes de France, Hachette/Centre de Cultura Contemporanea de Barcelona, 1996 ; Pierre Pinon, A travers révolutions architecturales et politiques 1715-1848 et Marcel Roncayolo et Louis Bergeron, D'Haussmann à nos jours, dans Louis Bergeron (sous la dir. de), Paris. Genèse d'un paysage, 1989 ; ainsi que Jean-Marc Léri, Les travaux de Paris (1830-1848). Recherches sur la politique d'urbanisme de la ville de Paris sous la Monarchie de Juillet, dans Ecole des Chartes, Positions des thèses de 1974, p. 159-167.

Empire, au début duquel le pouvoir a favorisé la fusion de plusieurs compagnies de chemins de fer relativement petites en quelques grands groupes 5. Notre hypothèse est donc que, malgré cette profonde réorganisation, qui a suivi la crise économique puis révolutionnaire de 1847-1848, et malgré les changements de régime politique, l'administration a mené pendant la période 1830-1870 l'implantation physique des terminus de grandes lignes ferroviaires dans la capitale comme une œuvre qu'il est au moins aussi intéressant de considérer en termes de continuité et d'évolution qu'en termes de rupture 6. Toute tentative de périodisation présente cependant des embûches. Si nous avons choisi de définir et d'étudier une période délimitée par les dates de la monarchie de Juillet et du Second Empire, il s'est avéré néanmoins nécessaire de remonter jusqu'à la Restauration et les années 1820 pour mettre au clair certaines évolutions foncières sur les sites d'implantation des gares : les projets de lotissement dans le Clos Saint-Lazare élaborés pendant la Restauration ont profondément marqué les formes urbaines qui caractérisent le quartier, comme le démontre plus loin Pierre Pinon. Ces évolutions appellent des comparaisons qui restent à développer entre notre site et le quartier de l'europe marqué par l'implantation de la gare Saint-Lazare 7. Un site, deux gares? Nous nous sommes penchés sur l'implantation ainsi que sur l évolution des liens des deux gares du Nord et de l'est avec la ville. Ce choix d'étudier deux gares permet surtout de comparer deux exemples contrastés, dans ce qui est aujourd'hui un seul quartier, d'insertion de gares dans le réseau viaire parisien. La gare du Nord se situe plutôt en culde-sac comparée à la position privilégiée de la gare de l'est qui ferme l'une des principales artères du Paris haussmannien, l'axe nord-sud de la grande croisée dont la partie nord est constituée par le boulevard de Strasbourg 8. Nous souhaitions ainsi explorer, entre autres, l'hypothèse selon laquelle cette différence entre les rapports des deux gares avec le réseau viaire devrait être attribuée à la nature différente des relations respectives des deux compagnies du Nord et de l'est avec le pouvoir politique. En particulier, les tensions des relations entre Napoléon III et le baron James de Rothschild, pour qui la Compagnie du Nord représentait, selon le mot de Bertrand Gille, le bijou dans sa couronne, sont bien connues. C'est cet auteur qui rapporte les conseils longtemps répétés du banquier Benoît Fould à Louis Napoléon Bonaparte alors qu'il était encore prince-président : il faut abolument que vous vous affranchissiez de la tutelle des Rothschild qui règnent malgré vous 9. Cependant, à l'issue de notre recherche, il faut constater que si les documents consultés révèlent, comme le rapporte plus loin Pauline Prévost-Marcilhacy, l'importance 5 Voir surtout à ce propos Louis Girard, La Politique des travaux publics sous le Second Empire, Paris, 1952 ; Bertrand Gille, Histoire de la Maison Rothschild, Genève, 1965 ; ainsi que Georges Ribeill, La Révolution ferroviaire. La formation des compagnies de chemin de fer en France, 1823-1870, préface de J. Fournier, Paris, Belin, 1993, et François Caron, Histoire des chemins de fer en France, tome premier, 1750-1883, Paris, Fayard, 1997. 6 En matière d'histoire financière et bancaire, Bertrand Gille (op. cit.) souligne le fait que la révolution de 1848 et le régime de la Seconde République n'ont en rien ébranlé la position dominante de la Banque Rothschild. Cette banque, qui a ouvert la voie en matière d'investissements dans la création de chemins de fer (voir Ribeill, op. cit., ainsi que Barrie Ratcliffe, The Origin of the Paris-Saint-Germain Railway, Journal of Transport History, n.s., vol. 1 n 4 (sept. 1972), p. 197-219 ; vol. 2 n 1 (fév. 1972), p. 20-40) verra seulement sous le Second Empire sa position menacée. 7 Cf. Annie Terade, ouvrages cités. 8 Cf. Pierre Pinon, La "Grande Croisée de Paris", dans Jean Des Cars et Pierre Pinon, Paris-Haussmann, Edition du Pavillon de l'arsenal, Paris, Picard éditeur, 1991. 9 Bertrand Gille, op. cit., t. 2, p. 98. Cf. Karen Bowie, The Rothschilds, the Railways, and the Urban Form of 19th Century Paris, dans Die Rothschilds - Eine europäische Familie, Jüdische Museum, Francfort, 1994.

jusqu'ici insoupçonnée de l'activité immobilière du baron Rothschild dans le quartier de sa gare, ils ne permettent pas de confirmer l'hypothèse d'une volonté chez le gouvernement du Second Empire d'accorder à la gare parisienne de la Compagnie de l'est une situation plus favorable qu à celle de la Compagnie du Nord. En fait, les résultats de cette étude ouvrent des perspectives et soulèvent des interrogations parfois autres que celles initialement prévues. On est par exemple frappé au terme de cette recherche par la différence entre les types de problématiques et d'enjeux qui ressortent de la documentation concernant les deux gares du Nord et de l'est. Cette différence est certainement due en partie aux spécificités des politiques et des cultures de conservation et d'archivage de documents des deux compagnies du Nord et de l'est, spécificités héritées par les régions SNCF qui détiennent aujourd'hui ce patrimoine. Elles s'expriment aujourd'hui dans les diverses politiques adoptées vis-à-vis du versement de documents au centre d'archives historiques de la SNCF du Mans : des documents d'un même type seront dans le cas de la région Nord maintenus à Paris, dans celui de la région Est, versés au Mans. Pour l'importante partie de notre recherche consacrée aux archives historiques de la SNCF, nous avons pour la gare du Nord surtout consulté les archives des domaines toujours conservées dans la gare parisienne. Ces documents constituent un fonds distinct que nous avons étudié de façon détaillée. Dans le cas de la gare de l'est, les documents comparables se trouvent confondus dans un fonds plus vaste versé au Mans. Cette différence dans la manière de gérer et de conserver les documents historiques a affecté notre manière de les découvrir et de les appréhender. Le fonds conservé à la gare du Nord concerne essentiellement les modalités d'acquisition des terrains nécessaires à l'implantation de la gare puis à ses extensions. Le fonds au Mans concernant la gare de l'est contient entre autres des rapports sur le choix même du site d'implantation, dont l'intérêt évident pour notre étude nous a amenés à leur consacrer des efforts importants pour les transcrire et les analyser. Il en résulte que la plupart de nos informations sur la gare du Nord concerne la gare elle-même et ses abords et pose des problèmes à l échelle du quartier, alors que nos documents sur la gare de l'est se placent plus souvent à celle de l'aménagement du territoire et touchent donc à des questions plus larges. Mais soulignons aussi que, au-delà de différences dans les politiques de gestion de documents historiques dans les régions Est et Nord de la SNCF, il est inévitable que deux têtes de lignes différentes, sièges de deux compagnies distinctes, soulèvent à travers la documentation concernant leur insertion urbaine des problématiques spécifiques. Notre choix d'étudier les deux gares ensemble a surtout mis en évidence la complexité du terme de quartier et les difficultés que peut présenter son maniement dans une étude historique. Notre tendance actuelle - notamment avec la création de la nouvelle station EOLE Gare du Nord/Gare de l'est - à considérer que les deux gares font un tout et qu'elles sont situées dans un même quartier des deux gares, s'est révélée être un phénomène récent : les documents historiques montrent clairement que, à l'époque de leur création pour le moins, les deux gares étaient situées dans des quartiers perçus et représentés comme bien distincts. Objectifs et méthodes Un des objectifs primordiaux de notre étude était de mieux comprendre les relations et interactions entre les divers acteurs de ces projets d'aménagement : l'administration des travaux publics, les compagnies de chemins de fer, la Ville de Paris et, parfois, les grandes puissances financières qui appuyaient ces compagnies, notamment dans le cas de la Compagnie du Nord le baron James de Rothschild. Nous sommes en effet en présence de deux chemins de fer créés et administrés un temps par l'état avant d'être concédés à deux compagnies, qui traitaient pour les questions qui nous occupent avec l'administration

municipale aussi bien que départementale ainsi qu'avec le ministère de l'intérieur pour certaines questions de voirie. Étant donné l'abondance des documents générés par ces instances, il est impossible pour un chercheur isolé de maîtriser l'ensemble des fonds qui témoignent de ces opérations. Par ailleurs, le chercheur a tendance à aborder les phénomènes et à les problématiser dans des termes propres aux acteurs institutionnels ou individuels avec lesquels ses travaux antérieurs l'ont le plus familiarisé. Il nous a donc paru utile d'organiser un travail en équipe, réunissant des chercheurs connaissant chacun certains de ces divers fonds d'archives, pour permettre d'appréhender cette histoire de façon globale. Equipe de recherche et fonds étudiés C'est ainsi que Karen Bowie a travaillé à partir d'archives de l'administration des Travaux publics (Archives Nationales série F/14) ainsi que d'archives historiques restées entre les mains de la SNCF. Certains de ces derniers documents furent eux aussi produits par l'administration des Travaux publics, et remontent à la période précédant les concessions aux deux compagnies. Nous avons consulté les archives des domaines du chemin de fer du Nord puis de la Compagnie du Nord là où elles sont toujours conservées, à la gare du Nord à Paris. Les documents comparables concernant l'implantation de la gare de l'est ont donc été pour la plupart versés au centre des Archives historiques de la SNCF au Mans, où ils ont été consultés. Ces enquêtes ont été complétées par des recherches dans les fonds du ministère de l'intérieur conservés aux Archives Nationales concernant le classement des voies parisiennes et qui reprennent parfois les termes des débats suscités par certains percements aux abords des gares (séries F/2/II (Seine) et F/1a/2000). La consultation des archives historiques de la SNCF a permis en particulier de vérifier des informations contenues dans certaines études anciennes, devenues des références, qui les ont exploitées sans être en mesure d'en donner la source exacte, comme la thèse de René Clozier sur la gare du Nord 10. En effet, à l'époque où cette recherche fut réalisée, certaines des sources sur lesquelles elle s'appuie n'étaient pas directement accessibles à son auteur. R. Clozier explique comment il dut élaborer des questionnaires remplis par des responsables de la SNCF de l'époque après la consultation d'une documentation qui leur était alors réservée. Nous avons pu examiner directement pour la première fois certains de ces documents. Pour ce qui est des archives de la Compagnie de l Est consultées par Louis-Maurice Jouffroy pour rédiger son étude magistrale sur la construction de la ligne de l'est et restées à la SNCF 11, un effort considérable a été déployé pour transcrire des documents manuscrits que nous reproduisons en annexe, afin de les rendre plus accessibles à des chercheurs futurs. En particulier, un rapport de la main de l'ingénieur des Ponts et Chaussées Cabanel de Sermet concernant le tracé à adopter pour le premier tronçon de la ligne Paris- Strasbourg entre Paris et Meaux et sur le site à choisir pour sa gare terminus dans Paris permet de comprendre pour la première fois les raisons des choix adoptés [Doc. Est/6]. Ce texte, très difficile à lire, dont nous n avons pu retrouver d éventuelles versions définitives 10 René Clozier, La Gare du Nord, thèse pour le doctorat, présentée à la Faculté des Lettres de Paris, Paris, 1940. 11 Louis-Maurice Jouffroy, La Ligne de Paris à la frontière d Allemagne, 3 vol., Paris, J. Barreau, 1932 ; voir du même Recherches sur les sources de la création d'une grande ligne de chemin de fer au XIXe siècle. Introduction à l'histoire du chemin de fer de Paris à la frontière d'allemagne (1825-1852), J. Barreau, 1932, et l opuscule publié par la Compagnie de l'est à l'occasion de l'agrandissement de sa gare parisienne en 1931 Compagnie des Chemins de fer de l'est, La Gare de l'est, Paris, 1931.

ultérieures, est mentionné dans l'ouvrage de L.M. Jouffroy 12. Notre étude, plus détaillée, permet de lui donner une nouvelle interprétation. Cette recherche documentaire a été complétée par une recherche cartographique dans les fonds déjà mentionnés ainsi qu'à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Les résultats de cette recherche, indispensable pour comprendre l'évolution du tissu dans lequel ces équipements sont venus prendre place, sont matérialisés par une série de plans synthétiques réalisée par Philippe Laurent. Les archives fiscales du département de la Seine ont été dépouillées par Pauline Prévost-Marcilhacy (séries D1/P/4 et DQ/18) 13. Comme elle l'explique plus loin, elle a pu, par le croisement des calepins du cadastre avec les archives notariales de la famille Rothschild, mettre en évidence l'importance, jusqu'ici ignorée, des acquisitions immobilières et foncières de James de Rothschild autour de la gare du Nord, tête du réseau qu'il dirigeait. Elle a aussi dépouillé la Revue municipale, une publication parue entre 1848 et 1859 qui, quoique dirigée par un particulier, Louis Lazare, avait presque le statut d'organe officiel de la Ville de Paris et constitue une source indispensable de l'histoire de l'urbanisme à Paris pendant cette période. Cette recherche archivistique est complétée par l'étude présentée plus loin par Pierre Pinon sur les percements de voie et les questions de composition urbaine dans le quartier du Faubourg Poissonnière : recherche qui permet d'établir avec précision la chronologie des percements et agrandissements de voies dans le quartier. Structure du présent rapport Ainsi on trouvera présentés dans les pages qui suivent, après une définition des problématiques générales qui ressortent de l'étude des deux gares, les apports de notre recherche présentés d'abord pour ce qui est de la gare du Nord, traitée sous trois angles différents dans des chapitres rédigés par K. Bowie, P. Pinon et P. Prévost-Marcilhacy ; celle de l'est est traitée dans un chapitre rédigé par K. Bowie. L'ouvrage se conclut par la présentation de l'étude cartographique réalisée par Philippe Laurent suivie d'un choix de documents, joints en annexe, présentés et commentés par les auteurs. 12 Il en conclut que le tracé adopté pour la ligne dépendait du choix du site de la gare terminus (Jouffroy, op.cit., t. II, p. 208). Or la relation entre ces deux questions nous paraît bien plus complexe après une lecture détaillée du rapport de Sermet. 13 L'historienne Adeline Daumard a attiré l'attention voici déjà 40 ans sur l'importance et l'intérêt de ces fonds pour l'histoire de Paris et a appelé de ses vœux leur exploitation plus approfondie ; appel qui n'a semble-t-il été suivi que de peu d'effets. Voir son Paris et les archives de l'enregistrement, Annales E.S.C., avril-juin 1958, p. 289-303.

Enjeux et problématiques communs aux deux sites des gares du Nord et de l Est par Karen Bowie A l'issue de cette recherche, certaines questions ont émergé comme des leitmotive récurrents des documents concernant les deux gares du Nord et de l'est, au-delà des différences que nous avons notées plus haut. Il est possible de distinguer les questions propres à l'histoire ferroviaire de celles qui concernent surtout l'histoire urbaine ou qui relèvent fondamentalement des deux champs. Enjeux ferroviaires Nous verrons que les deux sites de la gare du Nord et de l'est ont été marqués, de façons bien distinctes, par des évolutions propres à l'histoire ferroviaire française. La plus importante de celles-ci est certainement la clarification des débats sur les tracés et sur les rôles respectifs de l'administration et des entreprises privées apportée par la loi de 1842. Un autre aspect de l'histoire ferroviaire française éclairé par cette étude est la façon dont les deux types d'ingénieurs (ingénieurs civils indépendants et ingénieurs des Ponts et Chaussées) actifs dans ces domaines ont abordé les questions d'aménagement ferroviaire, urbain et territorial soulevées par l'implantation d'une gare dans une ville. Débats sur les tracés : la loi de 1842 et les sites d'implantation parisiens Les années qui précédèrent la loi sur les chemins de fer de 1842 furent marquées par de vifs débats sur la nature du réseau et du régime juridique et financier des chemins de fer français. Pour ce qui est de l'implantation des gares dans Paris, les choix des sites pour les stations terminus étaient étroitement liés aux tracés adoptés pour les premiers tronçons des lignes en partance de la capitale. Ces tracés firent l'objet avant 1842 de discussions bien âpres. Pour les résumer grossièrement, disons que les tenants de tracés dits directs, défendus surtout dans un premier temps par les ingénieurs de l'administration, s'opposaient à des entrepreneurs s'intéressant plutôt aux possibles revenus de tracés plus sinueux desservant des vallées fluviales peuplées. Nous verrons l'importance de ces débats pour les débuts de la gare de l'est et les diverses possibilités envisagées pour son site selon qu'elle devait terminer une ligne suivant un tracé direct vers Strasbourg par Vitry et Sézanne, ou une ligne dont le premier tronçon suivrait la vallée de la Marne jusqu'à Meaux. Nous verrons aussi combien l'histoire du quartier Poissonnière et du site d'implantation de la gare du Nord a elle aussi été marquée par ce même type de débats. En fait, un des plus importants propriétaires de terrains dans la zone que devait exproprier le chemin de fer du Nord était la Compagnie du chemin de fer de Paris à la mer, qui avait obtenu la concession de cette dernière ligne avec un tracé soutenu par l'administration, par les plateaux et non pas par la vallée de la Seine 14. Nous détaillerons un peu plus loin les conséquences pour la gare des activités foncières de cette compagnie - qui renonça rapidement à sa concession - et de son représentant, membre influent de la chambre de commerce de Paris, Auguste Stanislas Lebobe (1790-1858). Ingénieurs civils, ingénieurs des Ponts et Chaussées Les documents que nous présentons ici permettent aussi l'analyse et la comparaison des approches d'ingénieurs civils indépendants tels Eugène Flachat (1802-1873) et Jules Petiet (1813-1871) avec celles d'ingénieurs des Ponts et Chaussées tels Camille Onfroy de 14 Pour ces questions, voir J.A. Durbec, Contribution à l'histoire du chemin de fer de Paris à la mer (Paris- Rouen-Le Havre). Les avant-projets et la réalisation (1825-1843), Paris, Imprimerie Nationale, 1956.

Bréville (1799-1889) et Pierre Sophie Cabanel de Sermet (1801-1875) 15. Même si, un peu plus tard, il ne sera pas rare de voir des ingénieurs des Ponts et Chaussées prendre congé de l'administration pour travailler au service des compagnies de chemins de fer aux côtés d'ingénieurs civils, au début de la construction du réseau ces hommes dont la formation et les conditions d'exercice de leur métier étaient bien distinctes semblent avoir eu des façons spécifiques d'aborder les questions d'aménagement ferroviaire. Cela dit, sur le plan technique il n'est pas possible de distinguer entre les approches d'ingénieurs publics et privés. Par exemple, l'approche des ingénieurs civils est illustrée ici par les études de Flachat et Petiet pour défendre un chemin de fer Paris-Meaux desservant la riche vallée de la Marne que les projets pour un tracé direct entre Paris et Strasbourg risquaient d'exclure du réseau. Ces ingénieurs iront plus tard jusqu'à réclamer à l'administration leur rémunération, déclarant que leurs travaux avaient été exploités dans la ligne réalisée par l'état une fois arrêté le tracé Paris-Strasbourg par Meaux, sans récompense ni reconnaissance du travail qu'ils avaient fourni quelques années plus tôt. Ce sont surtout les mentalités de deux ingénieurs des Ponts et Chaussées que nous découvrons à travers les textes présentés ici, leur sens de leur devoir et de leur rôle dans la réalisation de ces grands travaux. Nous joignons en annexe la transcription d'un long rapport manuscrit de Cabanel de Sermet concernant le site à adopter pour la gare parisienne de la ligne de Strasbourg et le tracé du premier tronçon entre Paris et Meaux : un texte riche en enseignements sur la manière dont un ingénieur de l'époque aborde des problèmes complexes d'aménagement, les outils conceptuels et les procédures de l analyse qu'il met en œuvre pour les résoudre. Nous présentons aussi des textes de son homologue au chemin de fer du Nord, Onfroy de Bréville, qui témoignent notamment de la haute idée qu'il avait du service public ainsi que des travaux d'utilité publique qu'il menait. Gares multiples ou gares communes? Une autre question débattue au moment de l'implantation des premières gares et qui sera d'une importance primordiale pour la future évolution de la ville est celle des gares communes. Une seule gare peut-elle servir de terminal à plusieurs grandes lignes? Les notables des quartiers nord de Paris protesteront haut et fort pour empêcher que la ligne du Nord n'aboutisse à une gare préexistante, celle de la compagnie Paris-Saint-Germain située rue Saint-Lazare 16. Il n'est cependant pas certain que si la gare fut effectivement construite dans le faubourg Poissonnière ce fût à cause de ces réclamations. On peut penser plutôt que, contrairement aux compagnies exploitantes qui voyaient surtout dans la multiplication de grandes gares une cause importante de dépense de capitaux, le directeur général des Ponts et Chaussées pensait à l'indépendance des compagnies les unes par rapport aux autres et à l'efficacité du service ferroviaire. Ce sont en tout cas ces types d'arguments que déploie l'ingénieur Cabanel de Sermet en déconseillant fortement à sa hiérarchie, dans le rapport mentionné plus haut, l'adoption pour la ligne de Strasbourg d'une gare commune, qu'elle soit avec celle du Nord, de Lyon ou d'orléans. Il affirme notamment que le fait de faire partager une seule gare par deux (ou plusieurs) grandes lignes mènerait nécessairement à des difficultés et à des confusions dans l'exploitation ferroviaire. Il semble avoir été suivi puisque la ligne de Strasbourg fut dotée d'une gare séparée, même si elle est très proche de celle du Nord. 15 Pour Eugène Flachat, voir Léon Malo, Notice sur Eugène Flachat, Paris, 1873 ; Alain Auclair, Les Ingénieurs et l équipement de la France, Eugène Flachat (1802-1873), Le Creusot, 1999. Pour Jules Petiet, dans l'attente de la biographie que doit lui consacrer J.-P. Williot, maître de conférences á l'université d'artois, voir Ch. Lecomte, Jules-Alexandre Petiet, 1813-1871, La Vie du rail, n 918 (27 octobre 1963), p. 10-13. Pour Onfroy de Bréville, M. de Lagrené, Notice sur M. Onfroy de Bréville, Annales des Ponts et Chaussées, 1890, t. I, p. 258-264 ; enfin, pour Cabanel de Sermet, voir sa notice nécrologique, Annales des Ponts et Chaussées, 1875, t. II, p. 5-7. 16 Voir Chemin de fer, ligne du Nord. A Messieurs les Députés. Mémoire adressé par les 3e, 4e, 5e, 7e et 8e arrondissements au Conseil Général Municipal de la Seine, Paris, Imprimerie de E.B. Delanchy, 1842.

Enjeux urbains Administration de la ville de Paris A l'échelle de la ville, cette étude se heurte à la complexité de l'histoire administrative et technique de la capitale, dont le statut a depuis toujours fait figure d exception. Rappelons rapidement l organisation particulière du département de la Seine et de la ville de Paris instaurée par la loi spéciale du 20 avril 1834 : deux préfets, de la Seine et de la police, et dans la ville, douze arrondissements. Les attributions municipales sont encore précisées par la loi du 18 juillet 1837. Les commentateurs de l époque tels Horace Say soulignent les attributions nombreuses et compliquées du préfet de la Seine, à la fois préfet et maire, ainsi que l absence d une hiérarchie d autorité entre celui-ci et le préfet de police 17. Nous verrons que certains de nos documents suggèrent une tension entre ces deux fonctions lorsqu il s agit de décisions budgétaires concernant les travaux aux abords des gares. Cette interprétation est confortée par les remarques du même Horace Say qui en 1846 appelle de ses vœux une bonne loi sur les attributions municipales en insistant sur les inconvénients de la structure administrative existante : Les attributions [du préfet de Police] touchent en presque tous les points, et surtout sous le rapport financier, aux attributions du préfet de la Seine, aussi y a-t-il de fréquents conflits entre les deux administrations... 18 Comme l'a expliqué Bernard Landau, la spécificité du statut de la voirie parisienne, soumise depuis l'ancien Régime au régime de la grande voirie et entretenue aux frais de l'état, fut renégociée et redéfinie précisément pendant la période que nous étudions par de nouveaux règlements parus en 1821, 1848 et 1856 19. La question du classement des voies aux abords des gares et dans les quartiers qui les entourent sera importante pour notre histoire. Les voies d'accès aux gares sont-elles d'utilité publique, ou desservent-elles plutôt une compagnie particulière? Les deux administrations des Travaux publics et du département de la Seine n'auront pas les mêmes vues sur la question, la Ville de Paris hésitant à faire imputer ces travaux à son budget. Le ministère des Travaux publics insiste à ces occasions sur le caractère temporaire des concessions aux compagnies et souligne le fait que ces équipements redeviendront à terme des biens publics. Qui finance la gestion des abords et des accès? Ce statut de compromis des chemins de fer français, à la fois biens publics et entreprises privées, donne lieu en fait à des échanges entre les diverses branches de l'administration et à des efforts importants pour tenter de définir les responsabilités de chacun dans la gestion des abords des gares. Une question connexe et elle aussi récurrente est celle des frais entraînés par le prolongement d'un percement au-delà de ce qui était nécessaire pour desservir la gare ou pour réaliser un lotissement dans le quartier. Presque systématiquement l'on décide de laisser à la charge de propriétaires riverains, qui devaient par ce moyen valoriser leurs terrains, les frais de prolongement de percées qui permettraient de relier entre elles des opérations isolées et surtout de désenclaver des 17 Horace Say, Etudes sur l'administration de la ville de Paris et du département de la Seine, Paris, 1846. 18 Ibid., p. 10. Mentionnons aussi la discussion de ces problèmes par Michel Fleury, Recherches sur l histoire de l urbanisme à Paris sous la Restauration et la monarchie de Juillet, Ecole pratique des hautes études, IVe section, annuaire 1973-1974, p. 525-530. Ce court texte présente des informations bien utiles sur l histoire de l administration parisienne, mais tend à défendre la nécessité d une autorité centrale forte pour un urbanisme de qualité : Chabrol et Haussmann seraient ainsi bien plus admirables que Rambuteau. Nous tendons pour notre part à trouver que le processus décisionnel plus démocratique de la monarchie de Juillet, même si plus lent et encombrant, est loin d être inintéressant. 19 Bernard Landau, La fabrication des rues de Paris au XIXe siècle, Annales de la recherche urbaine, n 57-58 (juin 1993), p. 24-45.

quartiers fort congestionnés. Les riverains étant moins persuadés de leur intérêt à réaliser ces travaux, ils ne les feront pas ; une situation dont a souffert surtout le quartier Poissonnière, et que dénonce pendant plusieurs années Louis Lazare dans sa Revue municipale (voir en annexe les textes choisis par Pauline Prévost-Marcilhacy). Quel quartier de gare? Nous avons mentionné plus haut combien le terme même de quartier s est révélé d un usage délicat pour notre recherche. L ambiguïté du terme est comparable à celui de faubourg, si bien analysé par Pascal Etienne dans son ouvrage sur le Faubourg Poissonnière 20. La même expression - quartier Poissonnière, quartier Saint-Laurent - décrivant tantôt un espace physique, tantôt un espace social, peut recouvrir des zones bien différentes selon qu elle est employée dans son sens administratif ou populaire. Dans les deux cas, ce sens peut évoluer avec le temps. Cette ambiguïté du terme quartier complique l'exploitation de la cartographie historique. Certains plans de Paris élaborés pendant la première moitié du siècle dernier adoptent le découpage administratif de l époque, les douze arrondissements divisés chacun en quatre quartiers à chacun desquels est consacré une planche. C est notamment le cas du plan dit de Perrot de 1834 21. Par contre, tout comme le plan Verniquet de 1791, le plan dit de Jacoubet (1836) 22 - qui a la particularité de faire apparaître les amorces des parcelles de propriétés sur les rues - est divisé en planches selon un système qui semble être plutôt géométrique (un carroyage superposé au le plan de la ville) sans relation apparente avec les divisions administratives. Des indications reportées sur les planches peuvent cependant faire mention de quartiers selon les usages des citadins... C est dire combien l utilisation de ce terme peut varier d un document à un autre. Il est toutefois possible de résumer de façon sommaire l'évolution de ce qu'on appelle volontiers aujourd'hui un quartier des deux gares en rappelant que les deux gares du Nord et de l Est furent construites sur des terrains qui avaient fait partie pendant l Ancien Régime d une seule et importante propriété religieuse, l enclos dit Saint-Lazare. Un historien de l hôpital Lariboisière évoque en 1888 la longue évolution de cette propriété dans Paris, et renvoie au Plan Verniquet : Le Clos est borné au midi par la rue du Paradis et la Caserne Poissonnière ; à l est par la rue du Faubourg-Saint-Denis, à l ouest par celle du Faubourg Poissonnière. Une dépendance s en détache, l enclos Saint-Charles, du côté du Faubourg Saint-Denis, et se prolonge jusqu à la hauteur de l ancienne barrière. Mais déjà depuis longtemps on avait pris sur l enclos les terrains affectés à la foire Saint-Laurent qui figurent de l autre côté de la rue du Faubourg-Saint-Denis [...]. Cette rue depuis 1520 traverse les terrains de l enclos qu elle devait plus tard limiter à l est 23. La gare du Nord sera construite dans le Clos Saint-Charles, la gare de l Est sur l emplacement du marché Saint-Laurent 24, terrains qui pendant l Ancien Régime avaient 20 Le Faubourg Poissonnière, Paris, DAAVdP, 1986. 21 A.M. Perrot, Petit Atlas pittoresque des 48 quartiers de la ville de Paris (1834), par A.M. Perrot, ingénieur. Reproduit en fac-similé et en vraie grandeur avec une nouvelle introduction, des notes, des additions et des corrections par Michel Fleury et Jeanne Pronteau, Paris, 1987. 22 Atlas général de la ville des faubourgs et des monuments de Paris par Th. Jacoubet, architecte [1836]. 23 F. Guerard, L Hôpital de Lariboisière et l enclos Saint-Lazare, Paris, 1888. 24 Cf. Henri Doisy, Les Débuts d une grande paroisse. Saint-Vincent-de-Paul Montholon. Essai d histoire locale d après des documents pour la plupart inédits, Rouen, 1942. Cet auteur évoque le culte du saint qui meurt en 1660 au prieuré de Saint-Lazare. L église ou chapelle de l ancien couvent devient église paroissiale après le Concordat mais est démolie en 1823, ce qui donnera lieu à la construction de la nouvelle église de Saint-Vincent-de-Paul par les architectes Lepère et Hittorff, chantier qui dure jusqu en 1844. La Maison Saint-Charles, à l emplacement du numéro 203 de la rue du Faubourg-Saint-Denis, avait reçu quant à elle les prêtres malades de la congrégation qui venaient y achever leur convalescence. René Clozier explique pour sa part dans son La Gare du Nord (thèse pour le doctorat, présentée à la Faculté des Lettres de Paris, Paris, 1940) que l enclos Saint-Lazare avec le Clos Saint-Charles furent nationalisés en 1790, et qu'après

fait partie donc d une seule propriété. Cependant, comme le signale notre auteur plus haut, on constate à partir du Plan Verniquet de 1791 que la rue du Faubourg-Saint-Denis constitue maintenant la limite orientale du Clos Saint-Lazare ; les terrains de la Foire Saint- Laurent, site d implantation de la gare de l Est, ne seront pas concernés par les opérations foncières qui marqueront les débuts de la gare du Nord. Par ailleurs, d un point de vue administratif, la rue du Faubourg-Saint-Denis servira pendant toute la première moitié du XIXe siècle de limite de démarcation entre les 3e et 5e arrondissements qui accueillent chacun l'une de nos deux gares. Les zones d'implantation de ces deux gares ont connu donc des transformations radicales dans les manières dont elles furent comprises et représentées au cours du dernier siècle. Sur le Petit Atlas de Perrot où la ville de Paris est représentée sur une série de planches quartier par quartier et arrondissement par arrondissement, les quartiers Poissonnière et Saint-Laurent se présentent au lecteur séparés par de nombreuses planches, comme deux parties bien distinctes de la ville. Ce ne sera qu avec la réorganisation haussmannienne des arrondissements parisiens suite à l'annexion des communes limitrophes en 1859-1860, que ces deux quartiers seront rejoints dans un même 10e arrondissement. Quant à l usage populaire de l expression quartier des deux gares, des recherches plus approfondies seront nécessaires afin de déterminer la période de ses premières apparitions, et le temps qu a demandé sa consécration. Aménagement urbano-ferroviaire Au carrefour des problématiques urbaines et ferroviaires se trouvent les enjeux qui sont au cœur de notre recherche : l articulation du réseau ferré avec la ville. La réflexion des ingénieurs - publics ou privés - du siècle dernier sur ces questions d aménagement ferroviaire, territorial et urbain, telle qu elle s exprime à travers leurs rapports et études, est particulièrement riche en enseignements à cet égard. Par exemple, il est intéressant d'étudier, à travers les rapports d Onfroy de Bréville et de Cabanel de Sermet concernant la circulation aux abords des gares, leur manière de comprendre la voirie urbaine comme la prolongation d'un réseau national et de considérer la circulation comme une source de développement et de richesse autant à l'échelle territoriale qu'urbaine. Certaines de leurs idées évoquent le saint-simonisme, et même si nous n avons rien trouvé qui puisse suggérer une appartenance de l un ou de l autre à ce mouvement, il serait intéressant d analyser de manière plus détaillée son influence indirecte éventuelle sur leur pensée 25. Comme l a bien démontré N. Papayanis, l idée que la fluidité de la circulation était indispensable à la santé économique d une ville apparaît bien avant le XIXe siècle 26. Mais ce furent les saint-simoniens qui placèrent ce concept au cœur de leur projet de développement industriel et économique par le chemin de fer, en l étendant à l échelle internationale 27. Dans quelle mesure ces idées ont-elles marqué les décisions sur l aménagement territorial et urbain par les chemins de fer mises en œuvre pendant la avoir été donnée en location puis vendue, la plus grande partie des terres et biens agricoles fut rétrocédée à la ville de Paris en 1811. 25 Soulignons la difficulté afférente à l identification précise de l influence du saint-simonisme sur les acteurs du développement économique du siècle dernier. Voir notamment Barrie Ratcliffe, The economic influence of the Saint-Simonians: myth or reality? dans Proceedings of the Annual Meeting of the Western Society for French History, 1977, vol. 5, p. 252-262, qui insiste sur la nécessité de ne pas confondre les diverses chapelles du mouvement. 26 Horse-drawn cabs and omnibuses in Paris. The idea of circulation and the business of public transit, Louisiana State University Press, 1996. 27 Michel Chevalier, Exposition du système de la Méditerranée, Le Globe, 5 et 12 février 1832 ; pour ces questions voir surtout l'important article de Georges Ribeill, Des saint-simoniens à Léon Lalanne. Projets, thèses et controverses à propos de l'organisation des réseaux ferroviaires, dans le concept de réseau dans l univers ferroviaire, actes de la 1 re journée scientifique de l AHICF, Revue d'histoire des chemins de fer, n 2 (printemps 1990), p. 47-80.

monarchie de Juillet? Pour répondre à cette question, il serait intéressant de comparer les écrits d'ingénieurs tels Léon Lalanne sur les premiers réseaux ferroviaires et ceux du saintsimonien Jean Reynaud sur la ville, avec les analyses qui sous-tendent les décisions que nous étudions ici 28. Par exemple, les projets élaborés par Cabanel de Sermet pour le premier tronçon de la ligne de Strasbourg entre Paris et Meaux ont peut-être été, comme nous l'avons vu plus haut, fortement marqués par les études réalisés par les saint-simoniens Stéphane Mony (Flachat) et Eugène Flachat avec Jules Petiet en 1839 pour un chemin de fer entre Paris et Meaux [Doc. Est/1-4] ; c est du moins ce que ces derniers prétendront dans les réclamations déjà mentionnées qu'ils adressent à l'administration en 1844 [Doc. Est/5]. L analyse en termes d économie politique des besoins des régions traversées par la ligne - analyse essentielle à l argument de Cabanel en faveur du tracé adopté - est très proche de celle exposée par les Flachat et Petiet dans leur projet non réalisé pour la ligne Paris-Meaux. En particulier, les deux analyses se fondent sur une même hypothèse : que l utilité du chemin de fer s étendrait de chaque côté de son axe à tous les points pour lesquels la distance à parcourir sur la voie ferrée serait le double de la distance à parcourir pour s y rendre 29. C est cette hypothèse qui sert à établir le tracé de la ligne pour l un et l autre projet, en fonction de sa proximité des villages desservis. Echelles d'analyse : de la gare aux abords, des abords au quartier, du quartier à la ville, de la ville au territoire... Les débats sur les sites d implantation des gares de l Est et du Nord concernent des questions de développement et d évolution économique des quartiers parisiens aussi bien que des régions desservies par ces deux grandes lignes. Le rapport de Cabanel de Sermet mentionné plus haut présente une analyse des économies locales des quartiers est et nord de la ville, pressentis pour recevoir la tête de la ligne de Strasbourg. Nous verrons combien ses arguments en faveur d'un emplacement de la gare dans les quartiers nord, ainsi que du tracé adopté entre Paris et Meaux, reposent sur une perception de la nécessité de soutenir les industries de transit nourries par le canal de l Ourcq et localisées à La Villette et dans le quartier Saint-Laurent. A l intérieur même de la ville, les projets d aménagement aux abords des gares semblent découler d'analyses menées tantôt à l'échelle des environs immédiats des gares, tantôt à celle de la ville entière. Il reste à se demander si cette variété dans les échelles d analyse et les types de projet qui en résultent évolue ou non en fonction des régimes politiques. Pendant la monarchie de Juillet, ce sont surtout des discussions à propos de la réalisation de petites percées ou de prolongations autour des gares qu'évoque notre documentation ; pendant le Second Empire les projets sont évidemment bien plus ambitieux, à l'échelle des transformations dites haussmanniennes. Par exemple, un projet du jeune architecte Brouty 30 publié par Louis Lazare en 1857 pour un Boulevard reliant les gares du Nord et de l'ouest [Montparnasse] exprime on ne peut plus clairement une vision à l'échelle de la ville toute entière. Selon cette conception, les grandes artères urbaines seraient des prolongations de voies ferrées : une 28 Jean Reynaud, Villes, Encyclopédie nouvelle, t. VIII, p. 676-687. Voir l'analyse de cette article dans B. Lepetit, Les Villes dans la France moderne (1740-1840), Paris, 1988, p. 396-397 ; cf. aussi Antoine Picon Apprendre à concevoir les gares : l'enseignement de Léonce Reynaud à l'ecole des Ponts et Chaussées, dans Les chemins de fer dans la ville, actes de la 2e journée scientifique de l AHICF, Paris, Musée d Orsay, 1991, Revue d'histoire des chemins de fer n 5-6 (automne 1991-printemps 1992), p. 61. Pour le milieu intellectuel saint-simonien et l'encyclopédie nouvelle, voir Barry Bergdoll, Léon Vaudoyer, Historicism in the age of Industry, New York, 1994, p. 109-140. 29 Voir Chemin de fer de Paris à Meaux. Projet de MM. Mony, Flachat et Petiet, Mémoire général, 1839, AN F14/9100 ; Cabanel de Sermet, Doc. EST/6 (1845) ; ainsi que Louis-Maurice Jouffroy, La Ligne de Paris à la frontière d Allemagne, 3 vol., Paris, J. Barreau, 1932, t. II., p. 209. 30 Sur Brouty, voir plus bas chapitre IV par Pierre Pinon.

approche qui rappelle des idées saint-simoniennes des précédentes décennies mais qui jusqu'alors n'avait pas trouvé une expression aussi concrète. Notons au passage que ce projet semble avoir évolué à partir d une idée antérieure plus modeste du même architecte et publiée elle aussi dans la Revue municipale de Louis Lazare, pour la Création d'un Boulevart partant [du nouvel embarcadère du Nord] et aboutissant au Boulevart de Bonne- Nouvelle. Ce dernier projet, primé lors de sa présentation à l Exposition Universelle de 1855, semble par ailleurs avoir suscité des réactions favorables au sein de la Compagnie du Nord, puisqu il est très similaire à un projet retrouvé dans les archives de la gare, où sont représentés deux tracés possibles pour un Boulevard Impérial [Fig. 15 ; 16 ; 17 ; 18 ]. Au cœur de ces préoccupations que l on pourrait caractériser comme urbanoferroviaires se trouve donc le problème de l articulation des échelles d analyse et d intervention. De projets concernant les abords et les accès de la gare on passe à de grandes percées urbaines ; d'une réflexion sur la politique de développement économique d un quartier on passe à des considérations sur les transports et échanges régionaux, nationaux, enfin internationaux. En particulier, notre témoignage documentaire nous paraît démontrer que, contrairement à ce qui a pu être dit par le passé, les débats sur les sites d implantation des gares étaient en effet indissociables de ceux concernant les tracés des lignes 31. Les documents que nous présentons ici sont les traces de l'activité des ingénieurs et administrateurs de l'époque lorsqu'ils se colletaient, à travers cette question de l insertion urbaine des grandes gares terminus, avec ce défi fondamental de l aménagement urbain et territorial. 31 Par exemple, Louis-Maurice Jouffroy réduit quelque peu la complexité de la situation, nous semble-t-il, lorsqu il dit que le tracé du chemin de fer la long de la vallée de la Marne dépendait du choix de la position de son terminus, de son "embarcadère", dans Paris (op. cit., t. II, p. 207). Notre impression est qu'au contraire les débats sur le tracé influèrent fortement sur le choix du site d implantation de la gare parisienne ; qu'on ne pouvait dissocier les deux questions.

La gare du Nord par Karen Bowie Les documents que nous présentons ici permettent de mieux éclairer plusieurs aspects de l'histoire de l'implantation urbaine de cette gare. Nous évoquerons d'abord les débats qui ont accompagné le choix de son site pendant les années 1830 et jusqu'en 1842. Nous aborderons ensuite l'histoire du site choisi, dans le Clos Saint-Lazare, avant l'arrivée de la gare, événement que nous examinerons, entre autres, à travers les textes et documents traitant de l'expropriation des terrains nécessaires à la construction du nouvel équipement. Il s'agit là des activités du Chemin de fer du Nord, construit et géré par l'administration des travaux publics à travers son corps des Ponts et Chaussées ; ce n'est qu'à partir de 1845 que l'exploitation du chemin de fer est concédée à la Compagnie du chemin de fer du Nord dirigée par James de Rothschild. Nous conclurons ce chapitre avec un examen de l'évolution de l'insertion de la gare dans le tissu urbain de son quartier et de la ville. 1) Débats et études préalables au choix du site Plusieurs documents et études existants nous renseignent sur les divers emplacements envisagés pour l'implantation de la gare du Nord. Mais les raisons exactes qui ont mené au choix du site définitif restent encore obscures. L'ouvrage de l'ingénieur L.L.Vallée, Exposé général des études faites pour le tracé des chemins de fer de Paris en Belgique (1837), présente des analyses et des propositions dont certaines seront mises en œuvre bien plus tard dans des conditions impossibles à prévoir par l'auteur. Sept emplacements pour des stations d'arrivée dans Paris sont décrits ; le 4e, la Station de la Foire Saint-Laurent, dans la rue Neuve-Chabrol, est celui-là même qui sera adopté pour la tête non pas de la ligne du Nord mais du chemin de Strasbourg 32. Notons cependant que les emplacements décrits par Vallée étaient desservis par un tracé entrant dans la ville près de la Porte de La Villette et du chemin traditionnel reliant Paris aux régions de l'est ; les stations proposées devaient être raccordées, parfois par embranchement, à un tronc principal menant jusqu'à l'hôtel de Ville. La ville plaque tournante Le système décrit par Vallée, au-delà de la question de l'emplacement des gares dans Paris, nous intéresse aussi pour ce qu'il exprime de la réflexion de l'époque sur la relation entre le réseau ferré et la capitale. Il prévoit des voies traversant la ville : dans les quartiers centraux, elles seraient passé en tranchée en dessous de rues portées, elles, par des viaducs ; dans les quartiers périphériques, le chemin de fer aurait été surélevé et soutenu par des arcades. La ligne aurait été pourvue de plusieurs stations intermédiaires à l'intérieur de la limite du mur des fermiers généraux, annonçant ainsi les projets des années 1840 et 1850 pour ce que Nicholas Papayanis a appelé des chemins de fer urbains et qui constituent selon cet historien les fondements du système parisien de métropolitain souterrain créé à la fin du siècle. Les projets décrits par Vallée partagent plusieurs aspects 32 L'auteur souligne que le tracé menant à cet emplacement ne traverse que des terrains vagues et un établissement peu important ; comme leur acquisition n'exigerait qu'une dépense modérée, cette station est une des plus importantes qui puissent être proposées pour les Chemins de fer qui pénétreront dans Paris. Ces analyses ont-elles influencé l'ingénieur Cabanel de Sermet lorsqu'il propose en 1845 ce même emplacement pour la tête de la ligne de Strasbourg? Quoi qu'il en soit, comme nous le verrons, le moment venu de procéder aux acquisitions de ces terrains pour le Chemin de Strasbourg, l'administration rencontrera une opposition bien plus importante de la part des riverains qu'elle ne l'avait fait dans le Clos Saint-Lazare lors de l'établissement de la gare du Nord. S'agit-il d'une erreur d'appréciation de la part de l'ingénieur, ou plutôt des effets de la rapidité de l'urbanisation et de l'évolution de cette partie de la ville?

de ces projets plus tardifs et, notamment, un souci de l'arrivée et du stockage des marchandises, en particulier des denrées périssables, dans le centre ville. Le système de Vallée prévoit par exemple une voie ferrée flanquée de bâtiments latéraux servant de magasins, d'hôtels, d entrepôts, etc. qui devaient permettre aux marchandises arrivant par ce chemin de se caser immédiatement tout en soulageant les rues de Paris étroites et encombrées. Cette vision intégrée de la circulation des hommes et des biens, de voyageurs et de marchandises, sous-tendra aussi les projets de chemins de fer devant relier la petite ceinture aux halles centrales, notamment le célèbre projet de chemin souterrain élaboré par Flachat et Brame, publié en 1854 et étudié jusqu'au début des années 1870 33. Un autre aspect de cette vision intégrée de Vallée concerne le fait même du passage des voies à travers la ville : l'ingénieur souligne que son projet permettrait de lier un jour, au moyen d'une traverse exécutée dans Paris, les chemins du Nord avec ceux du Midi, en prolongeant le chemin de fer depuis l'hôtel de Ville par les quais de l'île Notre- Dame jusqu'à la plaine d'ivry. Il s'agit bien là d'une vision de la ville en tant que plaque tournante dans un système de circulation nationale et internationale, la circulation urbaine par voie ferrée devant permettre de relier les grandes gares entre elles. Ces préoccupations seront au cœur, nous semble-t-il, des objectifs de la transformation de Paris effectuée pendant le Second Empire sous la direction du Baron Haussmann, même si ces objectifs seront atteints par la réalisation de grands axes en surface et non pas par un réseau ferré urbain. La volonté de créer une circulation urbaine qui permette de relier les têtes des lignes d'un réseau ferré territorial est clairement présente : même avant l'arrivée du célèbre préfet, Napoléon III avait identifié sept priorités pour l'embellissement de Paris, la première étant bien que toutes les grandes artères aboutissent aux chemins de fer 34. L'expérience des travaux et réalisations qui séparent les projets décrits par Vallée en 1837 de la mise en place du chemin de fer souterrain à la fin du siècle mène surtout à une volonté de réserver le réseau de transports urbains ferré uniquement à la circulation de voyageurs 35. Les gares de marchandises, équipements de transit, resteront refoulées derrière les bâtiments de voyageurs et n'auront pas droit de cité en centre ville 36. La vision de Vallée n'apparaît pas moins comme caractéristique d'une approche des questions de circulation territoriale et urbaine qui sera fondamentale pour tout le XIXe 33 Voir Nicholas Papayanis, Urbanisme du Paris souterrain : premiers projets de chemin de fer urbain et naissance de l'urbanisme des cités modernes, Histoire, économie et société, 17e année, n 4 (oct.-déc. 1998), p. 745-770. N. Papayanis présente une série d'études élaborées pendant les années 1840 et 1850 en vue de la construction des nouvelles Halles centrales, notamment celles de Hector Horeau ; de Fl. de Kérizouet (Projet d'établissement d'un chemin de fer dans l'intérieur de Paris, 1845, et Rues de fer, ou locomotion dans les grandes villes, 1847) ; de Louis Le Hir (Entreprise générale du transport des personnes et des choses dans Paris par un réseau de chemin de fer souterrain desservant tous les quartiers principaux et les mettant en communication avec les gares de chemins de fer..., 1855) ; et bien entendu d'edouard Brame et Eugène Flachat (Chemin de fer de jonction des Halles centrales avec les chemin de ceinture..., 1854). Voir aussi l'ouvrage fondamental de Bertrand Lemoine, Les Halles de Paris, 1980. 34 Voir l étude de Pierre Casselle, Les travaux de la commission des embellissements de Paris en 1853. Pouvait-on transformer la capitale avant Haussmann?, Bibliothèque de l'ecole des chartes, t.155, 1997, p. 645-689. (Je remercie A.-M. Châtelet de m'avoir signalé cette étude importante.) 35 N. Papayanis, art. cit. 36 Il nous semble par ailleurs que le recouvrement du canal Saint-Martin par le boulevard Richard-Lenoir pendant le Second Empire exprime une évolution comparable dans la manière de comprendre la circulation urbaine : on se rend compte du fait que le grand ouvrage d'interconnexion au cœur du réseau national napoléonien de transports fluviaux entravait la circulation parisienne plus qu'il ne la stimulait, que la circulation des hommes devait prévaloir en centre ville sur celle des biens à grande échelle.