Relaxe d un prévenu du chef d exercice illégal de la profession d intermédiaire immobilier



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Transcription:

Relaxe d un prévenu du chef d exercice illégal de la profession d intermédiaire immobilier L activité de la personne, qui se borne à diffuser sur internet des annonces entre particuliers, moyennant certes rémunération, mais sans intervenir dans les relations entre les auteurs des annonces et les personnes intéressées, ne peut être qualifiée d entremise en matière de ventes immobilières. Elle pourrait, tout au plus, s analyser en une vente de listes ou de fichiers mais le 7 de l article 1 er de la loi du 2 janvier 1970 exclut dans ce domaine les publications par voie de presse auxquelles il convient d assimiler celles effectuées sur internet. Il s ensuit que cette personne, poursuivie du chef d exercice illégal de l activité d entremise immobilière, doit être relaxée. Cour d appel de Dijon, ch.corr., 19 février 2009 Chambre de l'immobilier de Saône et Loire FNAIM et CNAB c/hakkenberg Van Gaasbeek, N 08/00592 Mme Vieillard, prés. Mmes Lathelier Lombard et Delatte, cons. Mme Martin Lécuyer, subs.gén., Mes Buis et Hopgood, av. Mots clés : PROFESSIONS Agent immobilier Entremise Définition Marchand de listes - Site Internet - Annonces immobilières entre particuliers - - Publication - Domiciliation Attendu que les poursuites sont fondées sur l article 14 de la loi du 2 janvier 1970 qui prévoit qu est puni de six mois d emprisonnement et de 7 500 euros d amende le fait de se livrer ou prêter son concours, d une manière habituelle, même à titre accessoire, à des opérations visées à l article 1 er sans être titulaire de la carte instituée par l article 3 ; Que selon l article 1 er de cette même loi, les opérations en cause sont, notamment, l achat, la vente, l échange d immeubles bâtis ou non bâtis ; Qu il importe de définir le champ des activités interdites, dès lors qu il n est pas contesté que Monsieur X n est pas titulaire d une carte d agent immobilier» ; Que se livrer à une opération suppose un engagement direct et déterminant ; que prêter son concours implique une contribution significative ; qu ainsi l article 1 er susvisé s applique aux

personnes exerçant, dans le domaine de la vente immobilière, des activités de négociation ou d entremise ou l une seulement de ces activités ; Qu aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le prévenu se serait livré à une activité de négociation entre acquéreurs et vendeurs de biens immobiliers ; Qu il importe de rechercher si des faits caractérisant une entremise peuvent lui être reprochés ; Attendu que M.X exerce la profession de rédacteur de textes publicitaires ; qu il justifie par les pièces qu il produit aux débats de son activité dans ce domaine ; qu il indique avoir, dans le cadre de celle-ci, créé en 2004 un site internet de petites annones immobilières entre particuliers ; qu il précise, ce que confirme l analyse du dossier, que son activité se limite à traduire l annonce en anglais et en hollandais, à l éditer et à la publier, avec les photos, sur le site immogo ainsi qu à domicilier les réponses des particuliers, c est-à-dire les transmettre à l auteur de l annonce ; que la partie civile lui fait grief de cette dernière prestation en soutenant qu elle caractérise l entremise ; mais que la domiciliation des annonces consiste en un simple service de boîte aux lettres effectivement proposé, comme le relève l appelant, par la plupart des annonceurs ; que M.X n a été chargé d aucun mandat ; qu aucune pièce du dossier ne permet de contredire ses déclarations selon lesquelles le vendeur ou l acheteur éventuel reste libre d entrer en contact avec l auteur de l annonce ; qu il n existe aucune obligation d acquérir ou de vendre et que le détenteur du site n intervient en aucune façon dans les relations qui peuvent s instaurer ou non entre les personnes qui choisissent de passer une annonce ou d y répondre ; Que la rémunération du prévenu, proportionnelle au prix de vente annoncé, ne permet pas davantage de conclure formellement à l existence d une entremise, même si elle offre l inconvénient d évoquer, par son mode de calcul, la commission perçue par l agent immobilier ; Que l appelant indique en effet de façon pertinente que sur internet l espace est illimité et qu une tarification au nombre de mots ou de lignes ne peut être envisagée ; qu en outre le prix est déterminé dès l origine et ne dépend pas de celui auquel le bien sera vendu ultérieurement ; qu enfin le tarif demandé, nettement inférieur à la rémunération d un agent immobilier, correspond au service offert par l annonceur qui consiste à faire profiter son client de la renommée du site ainsi que des prestations matérielles de traduction ou de présentation ; qu il explique encore que ce mode de calcul de sa rémunération consiste en une adaptation du concept de marketing «satisfait ou remboursé» et résulte de la volonté de trouver une formule attractive et originale ; qu il ne revêt en tout cas aucun caractère illégal ; Que l activité de Monsieur X, qui se borne à diffuser sur internet des annonces entre particuliers, moyennant certes rémunération, mais sans intervenir dans les relations entre les auteurs des annonces et les personnes intéressées, ne peut donc être qualifiée d entremise en matière de ventes immobilières» ; que tout au plus elle pourrait s analyser en une vente de listes ou de fichiers mais que le 7 de l article 1 er de la loi du 2 janvier 1970 exclut dans ce domaine les publications par voie de presse auxquelles il convient d assimiler celles effectuées sur internet, en application de la loi du 21 juin 2004 dont le titre II, relatif au commerce électronique, prévoit que l activité consistant à fournir des informations en ligne ou des communications commerciales s exerce librement ; Que l infraction reprochée à M.X n est donc pas constituée ; qu il y a lieu d entrer en voie de relaxe ;

Que les demandes formées par la partie civile seront en conséquence intégralement rejetées ; Par ces motifs La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Réforme le jugement rendu le 17 mars 2008 par le tribunal correctionnel de Chalon-sur- Saône, Statuant à nouveau, Relaxe M.X des fins de la poursuite, Rejette l intégralité des demandes formées par la Chambre de l Immobilier de Saône et Loire Observations Aux termes de l article 1 er, 7, de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970, «les dispositions de la loi s'appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à: à l'exclusion des publications par voie de presse, la vente de listes ou de fichiers relatifs à l'achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis». Sachant que, selon l'article 3, 3, de ladite loi, cette activité particulière ne peut, sous peine des sanctions pénales prévues à l article 14 du texte (six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende), être exercée que par les personnes titulaires d'une carte professionnelle délivrée par le préfet et portant la mention exclusive «Marchand de listes» (article 1 er du décret du 20 juillet 1972). Voilà, pour l essentiel, les dispositions qui étaient et restent au cœur d une affaire ayant abouti à un arrêt récemment rendu, le 19 février 2009, par la chambre correctionnelle de la cour d appel de Dijon. Ayant créé un site internet intitulé «Immogo» à partir duquel il servait d intermédiaire entre vendeurs et acquéreurs d immeubles moyennant une commission de 1% du prix publié en cas de réalisation de l opération (de nombreux biens immobiliers à vendre figurant sur le site considéré avec les modalités de leur acquisition), M.X, immatriculé auprès des services de l URSSAF pour une activité indépendante de création de textes publicitaires, avait été, à la suite d une plainte déposée par la Chambre de l Immobilier de Saône et Loire et d une enquête effectuée à la demande du Parquet, condamné par le tribunal correctionnel de Chalonsur-Saône pour exercice illégal de la profession d intermédiaire immobilier et, précisément, pour exercice habituel de l activité d entremise sans être titulaire de la carte professionnelle légalement requise.

En effet, les juges chalonnais ont, conformément aux conclusions de la partie civile et aux réquisitions du ministère public, jugé le prévenu coupable de l infraction prévue par l article 14 de la loi du 2 janvier 1970. Et ce, au motif que l activité litigieuse, nullement limitée à une simple publication par voie de presse (activité expressément exclue du domaine du statut par l article 1 er, 7, de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970), consistait en réalité en une activité d entremise immobilière soumise à la loi n 70-9 du 2 janvier 1970 eu égard au fait, d une part, que le prévenu fournissait aux personnes intéressées les coordonnées des vendeurs et, d autre part, que sa rémunération, uniquement due en cas de «publicité effective ou efficace», était fixée d après une méthode qui serait «propre à l activité des agents immobiliers» (pourcentage calculé sur le prix de vente du bien tel qu affiché dans l annonce). Mais, persistant à contester la réalité de l infraction qui lui était reprochée, M.X.interjeta appel (appel principal suivi quelques jours plus tard de l appel incident du ministère public) de la décision du tribunal correctionnel en faisant de nouveau valoir, notamment, qu il s était borné à publier et domicilier sur son site internet des petites annonces immobilières entre particuliers (après les avoir traduites en anglais et en hollandais) et que, en conséquence, il n avait exercé aucune activité d entremise ou de négociation relevant du domaine d application de la loi Hoguet. Ainsi saisie de l affaire et dès lors amenée à la réexaminer, la cour d appel de Dijon va, par l arrêt rapporté, réformer le jugement querellé et, par là même, relaxer purement et simplement le prévenu. Il s agit là d une décision dont l intérêt est, entre autres, de contribuer à l œuvre jurisprudentielle de délimitation du domaine d application ratione materiae de la loi du 2 janvier 1970 puisque la chambre correctionnelle y suggère une interprétation stricte des expressions «se livrer» et «prêter son concours» qui sont employées, de façon plutôt sibylline, par le législateur pour déterminer l activité et les opérations soumises au statut : «attendu que se livrer à une opération suppose un engagement direct et déterminant ; que prêter son concours implique une contribution significative ; qu ainsi l article 1 er s applique aux personnes exerçant, dans le domaine de la vente immobilière, des activités de négociation ou d entremise ou l une seulement de ces activités». Et le champ d application du statut ainsi balisé, la cour d appel en conclut, après analyse des faits de l espèce, que l infraction reprochée au prévenu n est pas constituée au regard, notamment, des données suivantes dont les juges admettent qu elles ont été exposées «de façon pertinente» par l appelant : M.X exerce la profession de rédacteur de textes publicitaires ; il n a été chargé d aucun mandat ; il n intervenait en aucune façon dans les relations pouvant s instaurer ou non entre les annonceurs et leurs éventuels clients ; la rémunération du prévenu, proportionnelle au prix de vente annoncé, ne permet pas de conclure formellement à l existence d une entremise, «même si elle offre l inconvénient d évoquer, par son mode de calcul, la commission perçue par l agent immobilier», sachant que ce mode de calcul «ne revêt en tout cas aucun caractère illégal» (notons que cette technique de détermination est, effectivement, tout à fait licite et librement utilisable pour la fixation de la rémunération d activités autres que celle des agents immobiliers auxquels elle n est absolument pas réservée).

Il est pertinent, en effet, de considérer que ces éléments semblent exclusifs de toute forme d entremise au sens de la loi Hoguet dès l instant que cette qualification complexe et délicate suppose, selon une doctrine et une jurisprudence (civile et pénale) traditionnelles, que la personne considérée ait recherché un contractant pour un mandant déterminé ou ait, tout au moins, effectivement rapproché les deux parties (en les mettant en présence) sans s être bornée à la simple diffusion de noms et/ou d adresses (Cass.crim., 2 nov.1978, Bull.crim., n 292 ; CA Paris, 20 avr.1989, RD imm.1990, p.381, obs.tomasin ; Cass.1re civ., 25 avr.1990, Bull.civ.I, n 81; Cass.crim., 22 janv.2002, n 01-80490, Juris-Data n 2002-013031; Cass.1 re civ., 28 oct.2003, Bull.civ.I, n 210 ; CA Caen, ch.corr., 26 avril 2004, Juris-Data n 2004-256173; Cass.com., 7 juillet 2004, D.2004, AJ, p.2230, obs.rouquet ; AJDI 2005, p.236, obs.thioye; CA Paris, ch.2, sec.b, 9 juin 2005, Juris-Data, n 2005-275072). Ainsi, en l absence d un tel dynamisme dont la cour d appel de Dijon s est fait l écho en exigeant un «engagement direct et déterminant» ou une «contribution significative», l activité consistant seulement à faire effectuer des publications légales ou à publier des petites annonces immobilières par voie de presse (quel qu en soit le support : papier, télématique, électronique ), sans mettre effectivement en relation les annonceurs avec les contractants potentiels, doit échapper aux rigueurs de la loi Hoguet (il est d ailleurs intéressant de rappeler, à ce propos, que l activité de marchand de listes était initialement exclue du champ d application du statut et que, même si ce principe d exclusion a été levé par la loi n 94-624 du 21 juillet 1994, les opérations considérées demeurent libres dès lors qu elles sont limitées à des «publications par voie de presse»). Or, en l espèce, il est avéré, selon la juridiction d appel, qu «aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le prévenu se serait livré à une activité de négociation entre acquéreurs et vendeurs de biens immobiliers» et que, en outre, «l activité de Monsieur X, qui se borne à diffuser sur internet des annonces entre particuliers, moyennant certes rémunération, mais sans intervenir dans les relations entre les auteurs des annonces et les personnes intéressées, ne peut donc être qualifiée d entremise en matière de ventes immobilières» et «que tout au plus elle pourrait s analyser en une vente de listes ou de fichiers mais que le 7 de l article 1 er de la loi du 2 janvier 1970 exclut dans ce domaine les publications par voie de presse auxquelles il convient d assimiler celles effectuées sur internet, en application de la loi du 21 juin 2004 dont le titre II, relatif au commerce électronique, prévoit que l activité consistant à fournir des informations en ligne ou des communications commerciales s exerce librement». Quoique malheureuse tant pour le ministère public que pour la Chambre de l immobilier de Saône et Loire dont les demandes ont été intégralement rejetées, l appréciation ainsi faite par la cour d appel nous semble pouvoir et même devoir être approuvée. En effet, force est de reconnaître que, au-delà de l incontestable effort de pédagogie dont ont fait preuve les juges dijonnais et de leur fidélité à une jurisprudence antérieure plutôt bien établie, les arguments avancés par le Parquet et par la partie civile au soutien de leur grief d exercice illégal de l activité d intermédiaire immobilier (voir supra) semblaient plutôt minces face à l arsenal défensif de l appelant Minces au point de confiner à une pétition de principe puisque le seul fait de fournir des coordonnées (en publiant et en domiciliant sur un site internet des petites annonces immobilières) et, encore moins, le seul fait de fixer la rémunération du prestataire selon un système de prix proportionnel ou «commission» (dont il faut rappeler que le pourcentage est, en principe,

librement déterminé par les parties depuis l entrée en vigueur de l ordonnance du 1 er décembre 1986) ne devraient certainement pas suffire à caractériser une entremise au sens de la loi Hoguet. Et c est en cela que cette espèce-là devrait, sans doute, être distinguée d autres affaires antérieures où la qualification d entremise avait été judiciairement retenue contre des diffuseurs d annonces immobilières qui, ayant dépassé le stade d une stricte activité de diffusion, s étaient montrés plus dynamiques et plus actifs en organisant des visites et/ou en mettant effectivement en relation les annonceurs avec les clients potentiels (Cass.crim., 2 nov.1978, préc.: activité de l'expert immobilier qui recherche par voie d'annonce dans la presse des acquéreurs éventuels à des propriétés mises en vente par des tiers et qui les fait visiter ; CA Caen, ch.corr., 26 avril 2004, préc.: fait de proposer sur un site internet l'accès, pour des clients britanniques, à un programme de recherche de logements en étroite collaboration avec les agents immobiliers et les notaires de la région normande; CA Paris, ch.2, sec.b, 9 juin 2005, préc.: activité du prestataire de services mandaté pour diffuser sur un site internet des offres de vente immobilière et mettre en relation les vendeurs avec les acheteurs potentiels). Sans prédire la décision qui sera celle de la chambre criminelle de la Cour de cassation (puisque, semble-t-il, un pourvoi en cassation a été formé), il nous semble permis de penser que celle-ci ne manquera pas de raisonner, en tout état de cause, à l aune de la règle fondamentale selon laquelle la loi du 2 janvier 1970 doit, en tant que dispositif assorti de sanctions pénales, faire l objet d une interprétation stricte et que, partant, la réglementation rigoureuse y édictée doit être épargnée aux personnes dont les prestations ne sont pas formellement assimilables aux activités ou opérations limitativement visées dans le texte (Cass.crim., 20 févr.1989, Bull.crim., n 80 : l'expertcomptable qui fait effectuer dans un journal d'annonces légales des publications légales de locations-gérances de fonds de commerce, sans s'entremettre entre les parties, échappe à la loi du 2 janvier 1970; CA Rennes, ch.1 B, 1er juillet 2005, Juris-Data, n 2005-285420: échappe aux dispositions de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970 l'acte d'entremise exécuté par un tiers entre le vendeur d'un immeuble et les acheteurs potentiels lorsque cet acte a uniquement consisté en une publication d'une offre de vente par voie de presse ou de supports télématiques). Moussa THIOYE Maître de conférences à l université Toulouse, chargé de cours à l IEJUC La rédaction remercie Maître Gilles Buis pour lui avoir communiqué cette décision.