La thyroïde. passer le test! Jennifer Ahlan et Jean-Marie Boutin. 30 pmol/l. Quel bilan complémentaire demandez-vous?



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Transcription:

La thyroïde La thyroïde passer le test! Jennifer Ahlan et Jean-Marie Boutin 1 O M me Basedow vous consulte parce que son taux de TSH est de 0,01 mui/l et celui de T 4 libre est de 30 pmol/l. Quel bilan complémentaire demandez-vous? O M me Schmidt veut savoir si elle doit prendre la lévothyroxine à jeun ou au repas. Que lui dites-vous? O Chez M me De Quervain, le taux de TSH passe de 3 mui à 6 mui, mais celui de la T 4 libre demeure à 15 pmol/l. Quel test est le plus fiable? O M. Hashimoto a des anticorps antithyroperoxydases. Doit-on faire un autre dosage au moment du suivi? Comment évalue-t-on la fonction thyroïdienne? La TSH, hormone provenant de l hypophyse, régit la sécrétion de T 4 et de T 3 par la glande thyroïde. Elle est elle-même sous le contrôle de la TRH hypothalamique et des hormones thyroïdiennes qui jouent un rôle de rétroaction négative. Quand on évalue une maladie thyroïdienne, le dosage de la TSH suffit dans la grande majorité des cas et est beaucoup plus fiable que celui de la T 4 libre, car la TSH est mesurée par une méthode immunométrique La D re Jennifer Ahlan, était résidente en endocrinologie au moment de la rédaction et est maintenant endocrinologue à la Cité de la Santé, à Laval. Le D r Jean-Marie Boutin, endocrinologue, est chef adjoint du Ser vice d endocrinologie de l Hôtel-Dieu du Centre hospitalier de l Uni versité de Montréal (CHUM), codirecteur du laboratoire d endocrinologie diagnostique du CHUM et professeur agrégé de clinique au Département de médecine de l Université de Montréal. de très haute sensibilité (variabilité de ± 0,01 mui/l) de troisième génération 1. Beaucoup de progrès ont été faits depuis les premiers dosages des années 1970 (première génération) où le résultat pouvait varier de ± 2 mui/l! Il existe cependant un débat concernant les valeurs normales de la TSH, en particulier en ce qui a trait à la limite supérieure que certaines études jugent surévaluée. Les valeurs normales varieraient en fonction de certains facteurs, tels que l âge et la génétique. Lorsqu on décide de traiter un patient dont le taux de TSH est légèrement hors normes, on doit consi dérer d autres facteurs (voir l article de la D re Geneviève Rondeau intitulé : «Dys thy roïdies subcliniques : quand un peu devient assez», dans le présent numéro). Ce pendant, une fois le traitement commencé, il semble raisonnable de viser un taux cible de TSH entre 1 mui/l et 3 mui/l 2. Le dosage de la T 4 libre est beaucoup moins fiable que celui de la TSH, car il s effectue à l aide d une technique immunologique qui donne une estimation de la vraie valeur de la T 4 libre plutôt qu une mesure directe comme pour la TSH. La fraction libre représente Quand on évalue une maladie thyroïdienne, le dosage de la TSH est suffisant dans la grande majorité des cas et est beaucoup plus fiable que celui de la T 4 libre. Le Médecin du Québec, volume 47, numéro 2, février 2012 27

Tableau I Critères de dépistage d un trouble de la thyroïde 5,6 Antécédents O Autre maladie auto-immune (diabète de type 1, anémie pernicieuse, insuffisance surrénalienne, etc.) O Goitre O Antécédents d irradiation de la zone cervicale O Prise d un médicament qui atteint la fonction thyroïdienne (ex. : amiodarone, sunitinib, lithium, interféron, etc.) O Apnée du sommeil O Dépression O Démence O Leucotrichie (apparition prématurée de cheveux gris) O Antécédents personnels ou familiaux de dysthyroïdie Bilan anormal O Anémie O Taux de CK ou de LDH élevés sans raison connue O Dyslipidémie (augmentation du cholestérol LDL et total ou hypertriglycéridémie) O Hyponatrémie O Hyperprolactinémie O Augmentation inexpliquée du taux d enzymes hépatiques 28 environ 0,03 % de la concentration totale. La relation entre la TSH et la T 4 libre suit une courbe logarithmique. Par conséquent, une petite modification du taux de T 4 libre produira un changement notable dans la valeur de la TSH, ce qui explique pourquoi cette dernière est plus sensible et doit être mesurée avant tout 3. De plus, les valeurs de référence pour la T 4 libre sont très étendues. Ainsi, pour un patient donné, une maladie fruste de la thyroïde ne donnera pas nécessairement une T 4 libre hors normes alors que la TSH dépassera le cadre de référence 4. En contrepartie, la T 4 libre sera utile pour évaluer la gravité du trouble thyroïdien lorsque la TSH sera manifestement élevée ( 10 mui/l) ou supprimée ( 0,05 mui/l). La première étape consiste donc à mesurer la concentration de la TSH, mais durant une période de stabilité de quatre à six semaines, soit après et non pendant les premières semaines de traitement d une hypothyroïdie ou d une hyperthyroïdie. On doit bien sûr doser la TSH chez les patients ayant des symptômes cliniques d hyper- ou d hypothyroïdie. Toutefois, un dépistage peut aussi être nécessaire dans d autres contextes cliniques. Ainsi, on doit mesurer la TSH chez les patients sans symptômes atteints d une maladie auto-immune (ex. : diabète de type 1), de dyslipidémie ou d hypertension artérielle ou traités par des médicaments susceptibles d entraîner un dérèglement de la thyroïde (tableau I) 5,6. À noter que l American Thyroid Asso cia tion suggère de mesurer la TSH tous les cinq ans à partir de 35 ans La thyroïde : passer le test! tandis que l American College of Physicians recommande plutôt de le faire chez les femmes de plus de 50 ans. Quand a-t-on besoin de plus que la TSH? Dans le cas de certaines maladies, la mesure de la TSH seule peut être trompeuse. Dans l hypothyroïdie centrale ou hypophysaire, on préfère donc se fier au dosage de la T 4 libre pour ajuster le traitement médicamenteux. On vise alors le milieu de l étendue de la normale. Dans le suivi d une hyperthyroïdie, le dosage de la T 4 libre est utile au début du traitement, car la production de TSH peut être supprimée durant quelques semaines le temps que l hypophyse se rajuste 7. Les autres cas où on doit utiliser la T 4 libre comprennent la résistance aux hormones thyroïdiennes et les adénomes hypophysaires sécrétant la TSH. Ces cas sont toutefois extrêmement rares. On peut mesurer la T 4 libre lorsque la TSH est anormale, car le résultat obtenu peut nous aider à décider s il faut traiter ou non un patient (voir l article de la D re Geneviève Rondeau intitulé : «Dysthyroïdies subcliniques : quand un peu devient assez»). Le dosage de la T 3 libre ajoute peu à celui de la T 4 libre. La T 3 s élève parfois plus que la T 4 dans certains cas d hyperthyroïdie, comme la maladie de Graves et les nodules autonomes. Elle peut aussi servir à détecter les cas de syndrome de basse T 3, car elle sera alors le premier paramètre à diminuer.

Quels anticorps doit-on doser et dans quel contexte? Il y a trois types principaux d anticorps qu on peut doser : les antithyroperoxydases (antitpo), les antithyroglobulines (antitg) et les antirécepteurs à TSH (connus comme TSH receptor antibody ou TRaB). Les antithyroperoxydases, anciennement appelés anticorps antimicrosomiaux, sont présents dans plus de 95 % des cas de thyroïdite de Hashimoto et dans de 50 % à 80 % des cas de maladie de Graves. On les trouve aussi chez 13 % de la population euthyroïdienne 8. Les anticorps antithyroglobulines sont dirigés contre la thyroglobuline, protéine stockée dans la thyroïde et qui sert à la synthèse des hormones thyroïdiennes. Ils sont présents chez de 50 % à 70 % des patients atteints de la maladie de Graves, de 80 % à 90 % des patients ayant une thyroïdite de Hashimoto et de 3 % à 11,5 % des personnes euthyroïdiennes 8. Leur utilité dans le diagnostic de la maladie de Hashimoto est limitée, car la plupart des patients vont aussi avoir des antithyroperoxydases. Par contre, le dosage des antithyroglobulines est très utile dans le suivi du cancer de la thyroïde, car la thyroglobuline sert de marqueur néoplasique. Ainsi, si ces anticorps sont présents chez un patient traité pour un cancer de la thyroïde, la valeur de la thyroglobuline risque d être sous-estimée. Enfin, les antirécepteurs à TSH sont présents dans de 10 % à 20 % des cas de thyroïdite de Hashimoto et dans de 80 % à 95 % des cas de maladie de Graves. Comme leur nom l indique, ils peuvent se lier au récepteur de la TSH, soit pour stimuler ou pour bloquer la production d hormones thyroïdiennes, ce qui déterminera l évolution clinique. Les antirécepteurs de la TSH sont des immunoglobulines de type IgG et peuvent donc traverser le placenta. En général, le dosage de ces anticorps est peu utile. Le dosage des antithyroperoxydases peut nous aider quand on hésite à traiter un patient (voir l article de la D re Geneviève Rondeau intitulé : «Dysthyroïdies subcliniques : quand un peu devient assez»). Par ailleurs, si on décide de traiter un patient en raison de ses symptômes ou de la valeur de sa TSH, la présence d anticorps antithyroperoxydases viendra confirmer que l hypothyroïdie est attribuable à une thyroïdite de Hashimoto, la cause de plus de 90 % des cas. Par contre, une fois le diagnostic posé et le patient traité, il ne sert plus à rien de doser les antithyroperoxydases. De plus, ces anticorps peuvent diminuer, voire disparaître avec le temps. Les antirécepteurs à TSH doivent toutefois être mesurés chez toutes les femmes enceintes ayant des antécédents de maladie de Graves, car ils peuvent entraîner une hyperthyroïdie néonatale en traversant le placenta. La présence de ces anticorps aide à différencier la maladie de Graves d une thyroïdite silencieuse, particulièrement si la scintigraphie est contreindiquée. Toutefois, il faut se rappeler que ces anticorps sont absents chez près de 20 % des patients atteints de la maladie de Graves et que les résultats ne sont généralement pas disponibles rapidement. Quel examen d imagerie pour la thyroïde? La scintigraphie est l outil diagnostique le plus important en cas d hyperthyroïdie (voir l article des D res Émilie Daoust et Hortensia Mircescu intitulé : «Quand la thyroïde s emballe», dans le présent numéro), mais est peu utile pour l évaluation des nodules où l échographie est de loin préférable. Trois agents radio phar ma ceu ti ques sont utilisés pour la scintigraphie : l iode 123, l iode 131 et le pertechnétate de technétium 99m (Tc-99m). L iode 123, plus coûteux, n est pas offert partout, car il nécessite un cyclotron et a une demi-vie très courte. Beaucoup de centres ont donc recours à l iode 131, qui est moins cher, mais émet plus de rayonnements. On l utilise aussi dans un but thérapeutique. Les valeurs normales de captation se situeront entre 15 % et 30 % après 24 heures. La thyroïde du fœtus ayant la capacité de capter l iode dès la 11 e semaine, l iode 131 pourrait la détruire et est donc contre-indiqué chez la femme enceinte ou qui allaite. En outre, il doit être utilisé avec prudence chez les jeunes enfants. Le Tc-99m est souvent utilisé en premier lieu pour évaluer la morphologie de la thyroïde. L examen est complété à l aide d iode 131, car on ne peut obtenir un Formation continue La scintigraphie est l outil diagnostique le plus important en cas d hyperthyroïdie. Le Médecin du Québec, volume 47, numéro 2, février 2012 29

taux de captation à l aide du technétium, ce dernier n étant pas organifié. Comme l iode radioactif est capté par les cellules thyroïdiennes, ces dernières doivent être avides d iode. Les apports accrus en iode, y compris par les médicaments (amiodarone), les produits naturels (algues) et les agents de contraste iodés, satureront la thyroïde et abaisseront faussement le degré de captation. Cet effet peut persister de quelques semaines (suppléments et agents de contraste) à quelques mois (amiodarone) 9. De la même façon, l utilisation d antithyroïdiens de synthèse empêche l iode radioactif de s oxyder et d être organifié, ce qui abaissera aussi faussement la captation. Il faudra donc cesser tous ces produits de quatre à cinq jours avant l utilisation de l iode radioactif à des fins diagnostiques ou thérapeutiques. La lévothyroxine devra être interrompue de quatre à six semaines avant l examen et la liothyronine, deux semaines plus tôt afin d éviter de réduire la captation et de rendre le traitement ablatif inefficace. Ce phénomène est dû à l effet rétroactif négatif de la lévothyroxine sur la TSH qui est nécessaire à la captation d iode. Inversement, les patients présentant une carence en iode, ce qui est rare en Occident, auront une captation augmentée, sans souffrir pour autant d hyperthyroïdie (TSH normale). La scintigraphie est d utilité limitée dans l évaluation d un nodule thyroïdien. On pourra y avoir recours si la biopsie révèle une lésion folliculaire, qui peut représenter un nodule chaud à faible risque de malignité. L échographie constitue le meilleur examen d imagerie dans l évaluation d un nodule thyroïdien. Elle permet de caractériser le nodule afin de déterminer s il présente des critères de malignité et peut aussi nous indiquer ses dimensions avec précision. Lors qu on veut évaluer l étendue d un goitre plongeant en vue rétrosternale, on doit parfois recourir à la tomographie axiale afin d en évaluer l effet sur la trachée. Comment effectuer le remplacement en cas d hypothyroïdie? L ajustement de la lévothyroxine se fait de quatre à six semaines après le début du traitement ou le changement de dose dans le but d équilibrer la TSH. Pour vérifier si la dose est la bonne, on se fie à la TSH seule, car cette mesure est beaucoup plus sensible que celle de la T 4 libre, comme nous l avons mentionné plus tôt. Lorsque la T 4 libre est dosée dans les quatre heures de l ingestion de lévothyroxine, le résultat peut être faussement élevé, jusqu à 25 % de plus 10. Que le médicament soit pris le matin ou le soir influe peu sur la tolérance du patient. Par contre, selon une étude à répartition aléatoire, l absorption est possiblement meilleure au coucher. La plupart des participants de l étude n avaient toutefois pas mangé depuis quel - ques heures lorsqu ils ont ingéré le médicament au moment de se coucher 11, ce qui n est pas nécessairement le cas de tous les patients. La clé est de prendre le comprimé de lévothyroxine de façon régulière (que ce soit le matin ou le soir) et de préférence l estomac vide, car de petites études ont révélé que l absorption est sous-optimale avec la prise de nourriture 12. L ab sorp tion de la lévothyroxine se fait dans le jéjunum et l iléon dans les trois heures suivant l ingestion et est facilitée par l acidité de l estomac et entravée par plusieurs éléments (tableau II) 13. Il faut notamment porter une attention particulière aux suppléments de calcium qui peuvent diminuer l absorption de la lévothyroxine de 30 % s ils sont pris en même temps 14. Le soya peut aussi entraîner une malabsorption de la lévothyroxine. Par ailleurs, cette molécule est moins bien absorbée par les personnes souffrant de la maladie cœliaque ou d une maladie inflammatoire de l intestin ou ayant subi une chirurgie bariatrique (résection intestinale ou gastrique). Les besoins en lévothyroxine sont plus importants dans certains contextes cliniques, tels que l hyper - œstrogénie (grossesse, contraceptifs oraux), car les œstrogènes augmentent la production hépatique de TBG (protéines liant les hormones thyroïdiennes). Par conséquent, la concentration de T 4 totale s accroît pour permettre l atteinte d un taux normal de l hormone libre. L utilisation de la liothyronine (Cytomel) est controversée 15, ses bienfaits n étant pas clairement établis par rapport à la lévothyroxine. Sa courte demi-vie né- 30 L échographie constitue l examen d imagerie le plus important dans l évaluation d un nodule thyroïdien. La thyroïde : passer le test!

Tableau II Causes de malabsorption de la lévothyroxine 13 Problèmes gastro-intestinaux O Maladie cœliaque O Résection jéjunale ou iléale O Résection gastrique O Maladie inflammatoire de l intestin O Gastrite atrophique O Gastrite à Helicobacter pylori Médicaments O Carbonate de calcium O Sulfate ferreux O Cholestyramine O Sucralfate O Antiacides contenant de l aluminium O Chélateurs du phosphore (sévélamer) O Inhibiteurs de la pompe à protons (sujet controversé) O Raloxifène Aliments O Café (surtout expresso) O Fibres alimentaires O Repas en général Formation continue Adapté de : Liwanpo L, Hershman JM. Conditions and drugs interfering with thyroxine absorption. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2009 ; 23 (6) : 781-92. Reproduction autorisée. cessite l administration de plusieurs doses par jour, et son effet cardiovasculaire est plus marqué. Son association avec la lévothyroxine ne semble pas apporter d avantages additionnels. Retour sur les cas Après avoir exclu une grossesse chez M me Basedow, vous demandez une scintigraphie de la thyroïde afin de déterminer s il s agit d une maladie de Graves, d un adénome toxique ou d une thyroïdite. Le dosage des antirécepteurs à TSH peut aussi vous guider. Vous répondez à M me Schmidt qu il est préférable de prendre la lévothyroxine à jeun, car la nourriture peut en diminuer l absorption. Comme les études ont été menées avec des aliments, l effet des boissons sur l absorption est moins certain. Le dosage de la TSH étant beaucoup plus fiable que celui de la T 4 libre, c est cette valeur que vous utiliserez pour M me De Quervain. À la lumière des résultats obtenus, une hypothyroïdie pourrait être en train de se développer, et cette patiente devra donc faire l objet d un suivi. Le dosage des anticorps antithyroperoxydases a permis que M. Hashimoto porte bien son nom. Main te - nant que le traitement est amorcé, le dosage n a pas à être répété. 9 Date de réception : le 26 juillet 2011 Date d acceptation : le 22 août 2011 La D re Jennifer Ahlan n a déclaré aucun intérêt conflictuel. Le D r Jean- Marie Boutin a été conférencier pour Eli Lilly et Novo Nordisk en 2010 et 2011. Bibliographie 1. Lepage R, Albert C. L évolution du laboratoire d endocrinologie au cours des cinquante dernières années. Ann Biol Clin Qué 2008 ; 45 (1) : 2-20. 2. Surks MI, Boucai L. Age- and race-based serum thyrotropin reference limits. J Clin Endocrinol Metab 2010 ; 95 (2) : 496-502. 3. Spencer CA, Lopresti JS, Patel A et coll. Applications of a new chemiluminometric thyrotropin assay to subnormal measurement. J Clin Endocrinol Metab 1990 ; 70 (2) : 453-60. 4. Nicoloff JT, Spencer CA. The use and misuse of the sensitive thyrotropin assays. J Clin Endocrinol Metab 1990 ; 71 (3) : 553-8. 5. Ladenson PW, Singer PA, Ain KB et coll. American Thyroid As so - ciation guidelines for detection of thyroid dysfunction. Arch Intern Med 2000 ; 160 (11) : 1573-5. 6. Helfand M, Redfern CC. Screening for thy roid disease: an update. Ann Intern Med 1998 ; 129 (2) : 144-58. 7. Roti E, Gardini E, Magotti MG et coll. Are thyroid function tests too frequently and inappropriately requested? J Endocrinol Invest 1999 ; 22 (3) : 184-90. 8. Hollowell JH, Staehling NW, Flanders WD et coll. Serum TSH, T(4), and thyroid Antibodies in the United States population (1988 to L ajustement de la lévothyroxine se fait de quatre à six semaines après le début du traitement ou le changement de dose dans le but d équilibrer la TSH. Le Médecin du Québec, volume 47, numéro 2, février 2012 31

Summary Thyroid: take the test! Thyroid function is best evaluated by measuring the serum TSH. Its assay is far more precise and sensitive than measuring free T 4 (thyroxine), which is usually quantified by estimate rather than measure. Free T 4 is useful when following an acute case of hyperthyroidism, as well as central or pituitary hypo thyroidism. When substituting patients with levothyroxine, many factors should be considered in the interpretation of TSH levels. Of prime importance is the timing of TSH measurement relative to the beginning of treatment. Also many supplements, foods and clinical conditions can decrease levothyroxine absorption and therefore modify TSH values. Three main antibodies can also be measured to help establish a diagnosis, but when their results are positive, there is no need for rerun. In the evaluation of hyper thyroidism, thyroid scintigraphy is the most useful diagnostic imaging test, and it allows differentiating between the various causes. However, thyroid sonography is not as helpful but proves to be the best test in the evaluation of thyroid nodules. Inversely, scintigraphy should not be used to diagnose nodules in euthyroid subjects. 32 La thyroïde : passer le test!