La soutenabilité de la dette publique/enjeux du financement des États par le marché financier



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COMMISSION DE SURVEILLACE DU MARCHE FINANCIER DE L AFRIQUE CENTRALE Atelier régional sur «les marchés obligataires et les émissions de titres publics» Libreville, Gabon : les 18 et 19 février 2008 La soutenabilité de la dette publique/enjeux du financement des États par le marché financier Georges Diffo Nigtiopop Responsable du PôleDette 1

PLAN DE LA PRESENTATION I. INTRODUCTION II. PERSPECTIVES DE SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC III. EMISSION DE TITRES PUBLICS ET SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC IV. ENJEUX DU DEVELOPPEMENT DU MARCHE OBLIGATAIRE DANS LA ZONE FRANC 2

I INTRODUCTION La dette publique a pour objectif de pourvoir aux besoins de financement de l État et de ses obligations de paiement futures au moindre coût possible à long terme, en maintenant les risques à un niveau satisfaisant, tout en réalisant les autres objectifs des Autorités, tels que le développement des marchés financiers par exemple, D une manière générale, il a été empiriquement démontré que la dette publique a un impact positif sur l investissement et la croissance tant qu elle reste en deçà d un seuil optimum. Au delà de ce seuil, la dette devient insoutenable c està dire que l État débiteur n est plus en mesure d en assurer régulièrement le service et sera contraint pour cela soit, de recourir à des financements exceptionnels (accumulations d arriérés, restructuration ou allègement de la dette, etc), soit de procéder à un ajustement drastique de ses finances publiques ou de son compte extérieur courant. Pour les pays de la Zone Franc, les principaux critères permettant d apprécier la soutenabilité de la dette publique sont ceux de l initiative PPTE (voir tableau ciaprès) ou le critère de convergence relatif au taux d endettement public qui ne doit pas dépasser 70 %. 3

I INTRODUCTION (suite) Tableau 1 : Seuils indicatifs de viabilité de la dette extérieure et performances des politiques et des institutions (en pourcentage) Indicateurs de viabilité de la dette extérieure Évaluation de la solidité des institutions et de la qualité des politiques Faible CPIA< 3,25 Moyenne 3,25<CPIA< 3,75 Forte CPIA> 3,75 Service de la dette / Exportations 15 20 25 Service de la dette / Recettes budgétaires 25 30 35 VAN / PIB 30 40 50 VAN / Exportations 100 150 200 VAN / Recettes budgétaires 200 250 300 Source : Banque Mondiale Pour renforcer la gestion préventive de l endettement public dans les pays de la Zone Franc, il a été retenu, dans le cadre des travaux conduits par le PôleDette, que le critère de convergence relatif au taux d endettement sera complété par deux critères de liquidité, à savoir le ratio Service de la dette publique totale/ recettes budgétaires qui ne devrait pas dépasser 15 % et le ratio Service de la dette intérieure/ recettes budgétaires qui devrait rester inférieur à 5 %. Audelà de ces deux seuils, la dette publique devrait être considérée comme insoutenable. 4

II PERSPECTIVES DE SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC A ce jour, sur les 15 pays de la Zone Franc, 2 pays sont à revenu intermédiaire (Gabon et Guinée Équatoriale), 6 pays ont atteint le point d achèvement de l IPPTE et bénéficié de l IADM ainsi que des mécanismes bilatéraux tels que le C2D (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Mali, Niger et Sénégal), 4 pays sont dans la période intérimaire de l IPPTE (Congo, Guinée Bissau, RCA et Tchad) tandis que les 3 autres n ont pas encore été déclarés éligibles à l IPPTE (Comores, Côte d Ivoire et Togo). D une manière générale, les perspectives de soutenabilité de la dette extérieure sont bonnes dans la Zone Franc, tant pour la soutenabilité à long terme (stock de la dette) que pour la soutenabilité à court terme (service de la dette). Toutefois, des risques subsistent dans un certain nombre de pays, soit du fait de la faiblesse de leurs exportations qui restent insuffisantes pour leur permettre de servir durablement leurs engagements extérieurs, soit parce qu ils n ont pas progressé dans l initiative PPTE. Les allègements de la dette extérieure obtenus dans le cadre des diverses initiatives internationales ont considérablement accru les possibilités de réendettement des pays de la Zone Franc, tant à l extérieur que sur le front de la dette intérieure. En effet, dans plusieurs pays, les taux d endettement public ont été ramenés à moins de 30 %, très en deçà de la norme de 70 %. 5

II PERSPECTIVES DE SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC (suite 1) S agissant en particulier des pays de la CEMAC, les perspectives de soutenabilité de la dette publique se présentent comme suit : Le Gabon et la Guinée Équatoriale, pays pétroliers à faible revenu, enregistrent d importants surplus de leurs comptes budgétaires et courants. La Guinée Équatoriale a un taux d endettement public de moins de 1 % tandis que le Gabon devrait voir son taux d endettement public se réduire autour de 10 % à la suite de son désengagement visàvis des créanciers du Club de Paris. Outre le fait que la dette publique totale du Cameroun est viable, avec notamment un taux d endettement public de près de 10 % après l IPPTE, le pays devrait enregistrer des surplus budgétaires jusqu aux environs de 2016. Le Congo présente également de bonnes perspectives financières grâce à l amélioration de ses recettes pétrolières. En dépit des problèmes auxquels il est confronté avec les créanciers vautours (problèmes qui sont du reste en voie de résolution), la viabilité de sa dette devrait se renforcer dans l avenir grâce à la récente restructuration, en des termes favorables, de sa dette à l égard du Club de Londres, à l atteinte du point d achèvement de l IPPTE ainsi que de l arrivée à échéance des emprunts à moyen terme contractés dans les années 90, lorsque le pays était confronté à des tensions sociopolitiques 6

II PERSPECTIVES DE SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC (suite 2) Seuls la RCA et le Tchad présentent pour l instant des risques majeurs dans la gestion de leur dette publique. Ces risques résultent des difficultés macroéconomiques pour la RCA et, pour le Tchad, de la pression que la situation sociopolitique exerce sur la gestion économique et financière. En définitive, en dépit des différences de leurs situations individuelles, les pays de la CEMAC dégagent dans l ensemble de bonnes perspectives financières et offrent un réel potentiel de développement des marchés de capitaux dans la sous région. 7

III EMISSION DE TITRES PUBLICS ET SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC L objectif de cette section est de répondre à la question de savoir si le développement de la dette intérieure, par l intensification des émissions publiques obligataires, est susceptible de compromettre à court ou à moyen terme la soutenabilité de la dette publique des pays de la Zone Franc. Pour répondre à cette question, il y a lieu de considérer les expériences très différentes des zones UEMOA et CEMAC. 8

III EMISSION DE TITRES PUBLICS ET SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC (suite 1) Dans la Zone UEMOA.: Le marché de la dette intérieure est en progression aussi bien en volume que dans la diversification des instruments (gammes de maturités) Tableau 2 : Évolution des émissions de titres publics dans la Zone Franc Instruments 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Bons du Trésor Bons du Trésor à 3 Mois 26 600 16 300 15 700 38 100 38 025 39 915 Bons du Trésor à 6 Mois 23 250 79 325 107 800 232 440 161 005 157 235 Bons du Trésor à 9 Mois 22 227 Bons du Trésor à 12 Mois 30 726 Bons du Trésor à 4 Mois 133 457 Sous total bons du Trésor 49 850 95 625 123 500 270 440 254 983 330 607 Obligations du Trésor Emprunts obligataires à 3 ans 63 978 40 403 86 133 84 200 51 700 Emprunts obligataires à 4 ans 25 000 Emprunts obligataires à 5 ans 53 060 36 300 111 304 Emprunts obligataires à 10 ans 53 060 36 300 161 931 Sous total obligations du Trésor Total Général 63 978 113 828 65 403 161 028 0 123 500 139 193 409 733 120 500 375 483 324 935 655 542 9

III EMISSION DE TITRES PUBLICS ET SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC (suite 2) Malgré sa progression, le niveau de la dette intérieure est encore faible en comparaison avec celui de la dette extérieure soulignant ainsi que les possibilités d endettement intérieur des États de la sous région sont importantes Tableau 3 : Poids de la dette intérieure dans les pays de l UEMOA (en % du PIB) Pays émetteurs 2005 2006 2007 Bénin 1,0 0,2 3,2 Burkina Faso Côte d Ivoire Guinée Bissau Mali Niger Sénégal Togo Moyenne UEMOA 1,2 1,7 3,7 1,0 0,9 1,8 0,0 1,4 1,6 1,5 5,0 0,9 1,2 1,0 3,1 1,3 2,6 2,0 0,4 1,6 1,6 3,5 1,6 2,3 10

III EMISSION DE TITRES PUBLICS ET SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC (suite 3) Le développement du marché des titres publics est cependant entravé par les facteurs suivants : Obstacles structurels liés au contexte du marché : étroitesse de la base d investisseurs, concentration des marchés financiers autour des banques commerciales qui sont les principaux détenteurs des titres publics Faible liquidité des titres, résultant principalement de l absence d un marché secondaire. Cette situation est ellemême imputable à la faiblesse de la demande de crédits provenant du secteur productif qui contraint les banques à détenir les titres publics jusqu à maturité Faible développement du secteur financier non bancaire : elle limite les possibilités d élargissement de la gamme des maturités (élargissement de l offre de titres publics) à travers notamment l émission de produits de placement à long terme Surliquidité des banques : elle est un frein supplémentaire au développement du marché secondaire en raison principalement du fait que les banques ne sont plus tenues d opérer des transactions sur le marché secondaire dans le cadre de la gestion de leur liquidité Le manque de profondeur des systèmes bancaires et financiers et la survenance de risques systémiques : les systèmes bancaires de certains pays sont encore fragiles. Le potentiel de développement du marché des titres publics dépend de la profondeur du marché financier. Le marché est profond lorsque le ratio Masse Monétaire sur PIB est d au moins 50 %. Or dans la Zone UEMOA, il est en moyenne de 25 % 11

III EMISSION DE TITRES PUBLICS ET SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC (suite 4) Insuffisances dans la gestion de la dette intérieure : elle résulte de l absence de système efficient de prévision et de gestion de la trésorerie publique et de réelles stratégies d émission. Ceci se traduit par la non systématisation des calendriers annuels d émission et des politiques de refinancement difficilement lisibles. Les lacunes des dispositifs de gestion de la dette intérieure s enracinent dans les faiblesses institutionnelles plus générales des systèmes de gestion de la dette publique dans la Zone Franc. Cellesci se caractérisent notamment par la dilution des responsabilités en matière d émission de dette et l absence de coordination des émissions de titres publics avec l ensemble de la politique d endettement public ainsi qu avec les politiques macroéconomiques nationales. D une manière générale, les émissions de titres publics sont préparées et exécutées par les services des Trésors publics mais pas dans tous les pays (cas d émissions pilotées par les services du Premier Ministre). Néanmoins, dans la plupart des pays, les opérations sur les titres publics échappent presque totalement au contrôle des structures de coordination de la dette publique avec les politiques macroéconomiques (Comités Nationaux de Dette Publique). Cette situation favorise la fragmentation de la politique d endettement public et est porteuse de nouvelles crises de dette publiques provenant notamment du fait que le profil des émissions obligataires ne tiendrait pas compte des contraintes de liquidité budgétaires futures 12

III EMISSION DE TITRES PUBLICS ET SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC (suite 5) Comme on peut le constater, les risques liés au développement des émissions de titres publics dans la Zone UEMOA sont réels et résultent en grande partie de la réapparition d un certain nombre de mauvaises pratiques de gestion de la dette publique. Ces pratiques ont été encouragées, d une part, par la surliquidité des banques qui a alimenté la forte demande de titres publics, et d autre part, par la rapide disponibilité des fonds mobilisés sur le marché régional, ce qui a émoussé la prudence des gestionnaires de la dette et accru les interférences politiques dans la gestion des émissions publiques. Avec le resserrement de la liquidité bancaire, qui a résulté en partie de l intensification des émissions obligataires, le risque d une insoutenabilité de la dette publique se renforce dans la Zone UEMOA, à travers la pression que le service des nouveaux engagements pourraient faire peser sur la liquidité budgétaire. 13

III EMISSION DE TITRES PUBLICS ET SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC (suite 6) Dans la Zone CEMAC.: Le marché de la dette intérieure est en construction, avec une demande potentielle de titres publics très importante, compte tenu du niveau élevé de la liquidité bancaire et surtout de l approfondissement attendu du marché financier 2005 2006 2007 Est 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Ratios en pourcentage du PIB Réserves des banques 6,4 7,0 8,9 9,0 8,9 8,9 8,9 8,9 8,9 Masse Monétaire 24,3 26,8 29,1 29,6 30,4 30,6 30,8 31,0 31,1 Source : BEAC programmation monétaire Néanmoins, des contraintes importantes pèsent sur le développement de l offre des titres publics, en raison principalement de l importance des excédents budgétaires des États pétroliers (Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad et, dans une moindre mesure le Cameroun). Ces excédents budgétaires réduisent les besoins de financement des États de la CEMAC, à l exception de la RCA et ne devraient pas en principe les inciter à émettre de nouveaux instruments de dette, principalement pour des motifs de financement. De la sorte, les émissions de titres publics, ne comporteraient pas de risques immédiats sur la soutenabilité de la dette publique dans cette sous région. 14

III EMISSION DE TITRES PUBLICS ET SOUTENABILITE DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA ZONE FRANC (suite 7) Tableau 5 : soldes budgétaires^prévisionnels dans la CEMAC 2007 Est 2008 2009 2010 2011 2012 Ratios en pourcentage du PIB Solde budgétaire, base engagements (hors dons) 9,6 12,1 11,8 10,1 9,6 8,7 Cameroun 4,8 3,4 2,9 2,4 2,0 1,7 RCA 2,7 3,7 2,5 1,5 0,7 0,1 Congo 13,6 23,8 26,6 23,6 23,3 23,4 Gabon 11,0 12,7 12,4 12,0 11,5 11,0 Guinée Équatoriale 22,4 24,2 23,3 20,1 19,2 16,0 Tchad 0,2 4,7 1,7 0,4 0,6 1,4 Dépôts et encaisses des États auprès de la BEAC (CEMAC) 16,3 28,2 38,9 46,9 53,9 59,2 Source : BEAC programmation monétaire 15

IV ENJEUX DU DEVELOPPEMENT DU MARCHE OBLIGATAIRE DANS LA ZONE FRANC En tenant compte des perspectives financières des États de l UEMOA et de la CEMAC, quel intérêt ces pays auraientils à développer leurs marchés de titres publics? Tout d abord comme instruments de gestion de la trésorerie publique dans les deux sous régions, dans la perspective de la suppression des avances directes des banques centrales aux trésors nationaux. Pour les États de la zone UEMOA, les émissions obligataires devraient constituer une source alternative de financement, sous réserve qu elles appuient les projets à forte rentabilité (compte tenu de leur coût) et qu elles restent en deçà des seuils de soutenabilité de la dette publique. Pour les États de la Zone CEMAC, le développement du marché obligataire (à l exception de la RCA) ne pourrait se justifier que par une volonté de promouvoir le marché des capitaux privés. En effet, l un des avantages du marché de la dette publique est qu il constitue un préalable à celui de la dette privé étant donné que le rendement des titres publics, qui sont généralement les actifs financiers les moins risqués, sert de référence pour les obligations et autres titres de créances des entreprises publiques ou privées. Il y a donc lieu que dans la CEMAC, une réelle réflexion soit engagée pour décider de la charge financière que les États sont prêts à assumer (coût des émissions obligataires) pour promouvoir les marchés de capitaux privés ainsi que l intermédiation financière dans la sous région. Une telle décision est éminemment politique. Dans tous les cas, les États devraient de réapproprier les standards internationaux pour une gestion efficace de leur dette publique 16

MERCI DE VOTRE AIMABLE ATTENTION 17