Association Rennaise d'etudes Sociologiques (LARES) Auteur : Thierry NOGUES (1) Juillet 2003. (1) thierry.nogues@wanadoo.fr

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Transcription:

Les structures de commandement et de soutien logistique de la gendarmerie lors de son engagement au titre des opérations de police à l'extérieur du territoire national Association Rennaise d'etudes Sociologiques (LARES) Auteur : Thierry NOGUES (1) Juillet 2003 Le contenu de cette synthèse n'engage que son auteur (1) thierry.nogues@wanadoo.fr 1

Introduction objectif de l étude : L'étude consiste à élaborer les structures de commandement et de soutien logistique d une force de gendarmerie projetée dans le cadre d une opération multinationale extérieure. Le cadre de l étude est celui des Forces de police européenne dont le concept a été précisé au fil des réunions du Conseil européen à Helsinki, Saint-Malo, Feira et à Nice. La finalité poursuivie par l Europe est de pouvoir assumer les conflits et crises majeures qui alimentent les tensions au sein du périmètre européen en s appuyant sur les forces militaires et policières des pays membres de l Union européenne. Il s agit aussi de poursuivre la construction de l Europe en désignant des intérêts communs pour établir les conditions réalistes d une autonomie politique et géostratégique vis-à-vis des Etats-Unis. De là, chaque état membre a pu ainsi prendre acte chemin faisant des principes et des moyens à mettre en œuvre pour donner du corps à cette politique. Dans cette perspective, la Conférence d offres d engagements en matière de capacités policières du 19 novembre 2001 est en soi fondamentale. Cette conférence engage formellement la France dans le cadre de sa politique extérieure en matière de sécurité et de défense. Nous reviendrons ainsi au cours du premier chapitre sur les décisions et engagements stipulés par les textes fondateurs de la Politique Européenne de la Sécurité et de la Défense (PESD). Ces réflexions tentent de répondre aux formes de conflits que nous observons depuis plus d une décennie. Cette prise en compte de la prééminence des aspects civils et policiers d une crise structure la position des pays membres de l Union européenne. La doctrine d emploi d une Force de police européenne désigne en soi l outil privilégié de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Au nombre de deux, les principes forts de cette doctrine ont pour particularité d accorder la légitimité de l action à des forces de police capables d assurer de prime abord les missions quotidiennes de police à la place d une institution policière locale ou nationale démantelée en maintenant notamment l ordre public et en faisant respecter les lois à l appui des magistrats désignés à ces fins. Cela s apparente peu ou prou au rôle qu assume tant bien que mal la police internationale sur ses différentes zones de responsabilité. Le second principe est pouvoir renforcer la formation ou le conseil (monitoring) des forces de police autochtones dans l exercice des différents aspects de leurs missions jusqu au retour effectif de l Etat de droit. C est le cas de la mission assumée depuis Janvier 2003 par la police de l Union européenne en Bosnie-Herzégovine au départ de l ONU (IPTF 3 ). Dans ce contexte, les policiers européens ne disposent pas de l autorité exécutive mais exercent une mission de conseil et de contrôle du management des actions policières. Cette mission devrait prendre fin en 2005. 3 International Police Task Force. 2

1/ De la commande à l objet de l étude. Le travail initial revient plus précisément à définir différentes hypothèses organisant, à la fois, les structures de commandement et celles dédiées au soutien logistique de la force dans les scénarios d'emploi où la Gendarmerie aurait à intervenir avec ou sans le soutien direct et immédiat de l'armée de Terre. Parmi les études que nous avons conduites jusqu à présent, celle-ci s apparente à une étude technique ; elle ne recouvre pas en soi les divers aspects d une recherche sociologique. Ceci étant précisé, par conséquent, le diagnostic posé doit déboucher sur des préconisations qui doivent améliorer ou orienter en gendarmerie - l organisation d un déploiement français (composé a priori de gendarmes et de policiers nationaux) intégré à la Force de police européenne. L enquête exploratoire que nous avons menée repose sur des entretiens avec les membres du comité de pilotage. La fonction que nous lui avons donnée renvoie à la construction de l objet dont la définition émane en définitive des divers échanges et attentes partagées par les acteurs. Si l intitulé de la commande que nous avons reformulé ci-dessus paraît explicite, ce qui la sous-tend soulève bien des interrogations chez nos interlocuteurs. La première réaction des acteurs consiste à s étonner de prime abord du fait que la structuration d une chaîne de commandement et d une chaîne de soutien logistique puisse être confiée même de manière prospective à un «civil» extérieur à l institution. La seconde réaction fut de considérer qu en la matière cet objectif de structuration s inspirerait très fortement des structures de l OTAN organisées de J1 à J9 4 partant du principe que ces fonctions répondent globalement au besoin d une force sur un théâtre opérationnel. Rien de nouveau à attendre dans ce domaine. Autrement dit, l intérêt de l objet d étude porte plutôt sur les possibilités de la Gendarmerie (de la France) à embrasser toute la problématique posée par un engagement européen dans deux situations jugées «consommatrices de moyens». De prime abord, cela recouvre le cas d une crise majeure en Europe qui nécessiterait un déploiement rapide d au moins 300 gendarmes. Le second cas met la Gendarmerie face à la contrainte d assumer plusieurs engagements simultanés d une force de police européenne en différents points du globe au sein de laquelle les français seraient représentés. Sans préjuger des capacités de la Gendarmerie, cette première campagne d entretiens nous a permis de réorienter l objet. Nous nous intéresserons ainsi plus spécifiquement aux conditions préalables requises dans la perspective d un déploiement de la France intégrant des gendarmes et des policiers nationaux aux différentes étapes de la gestion civile d une crise. 2/ Les questions centrales de l étude. Quelles sont les questions fondamentales auxquelles l institution doit répondre à court et moyen terme pour que la France honore dans de bonnes conditions ses engagements européens? 4 Les grandes fonctions d un état-major de l OTAN sont les suivantes : J1 : Effectif ; J2 : Renseignements ; J3 : Opérations ; J4 : Soutien des forces ; J5 : Plans ; J6 : Système d information et de communication (SIC) ; J7 : Génie ; J8 : Finances ; J9 : Actions civilo-militaires. 3

Quelles sont les conditions de faisabilité que la Gendarmerie (la France) doit réunir préalablement pour organiser au titre de la nation-cadre le déploiement des forces de police françaises et accomplir les missions au fil des scénarios prévus par les textes fondamentaux de la défense et de la sécurité européennes? Quel retour sur investissement du point de vue de la sécurité intérieure la France estelle en droit d attendre de ces missions de police à l extérieur du territoire national? La suite de l enquête par entretiens a ainsi privilégié tout d abord la discussion de ces questions, ensuite celle des incertitudes et précautions qu elles suscitent. Ces différents questionnements vont constituer le fil conducteur de ce rapport. 3/ Plan du rapport. La première partie de l étude rappelle les tenants de la problématique puis se consacre au rappel des textes fondamentaux de la sécurité et de la défense qui fixent le cadre et les principes d action de la Force de police européenne. Elle revient également sur les différents scénarios d emploi de cette force dont la première mission a été inaugurée en Janvier 2003 en Bosnie-Herzégovine afin d assurer la relève l International Police Task Force (IPTF). La deuxième partie fait l inventaire des questions qui doivent être examinées au regard de l objet précisé précédemment et dresse un état des remarques formulées par nos différents interlocuteurs. Enfin, la troisième part des enseignements majeurs de l étude, et énonce des préconisations en mesure d améliorer la démarche engagée par la France et, à son niveau, par la Gendarmerie nationale. 4/ Les thèmes abordés. La deuxième partie aborde les questions centrales de l étude en faisant ainsi émerger un diagnostic des différentes dimensions du problème posé. Pour concevoir le diagnostic, nous avons procédé en deux temps :! dans un premier temps, l enquête exploratoire nous a permis de lister les différents thèmes de débat soulevés lors des entretiens par nos interlocuteurs à propos de l organisation d une projection de gendarmes dans les trois scénarios d emploi de la Force de police européenne (cités page 13 à 15). Ces thèmes de débat constituent autant d axes d interrogation qui nourrissent la problématique d un futur déploiement. Ce diagnostic s articule autour des cinq axes suivants : 4

1. L obtention du statut de nation-cadre et ses implications pour la France et la Gendarmerie : l organisation d état-major projetable ; le soutien logistique de la Force de police européenne ; 2. La pluralité des polices qui composent la Force de police européenne : quid du clivage entre polices à statut civil et polices à statut militaire? ; 3. Les ressources humaines de la Gendarmerie dévolues à l international face aux contraintes nationales de sécurité intérieure : la question du vivier international, de sa disponibilité et de son renouvellement dans la perspective d une multiplication des missions de la Force de police européenne ; 4. La faible reconnaissance sociale et institutionnelle des personnels déployés dans le cadre de missions internationales La quête d une légitimité au profit des carrières à dominante ; 5. L absence de retours d expériences organisés.! dans un second temps, ces axes ont fait l objet d une discussion avec les autres personnels rencontrés afin de construire un point de vue transversal sur chacune des questions et énoncer les positions dominantes. 5/ Des enseignements majeurs aux préconisations. Le diagnostic posé, le rapport se poursuit par une première analyse de préconisations qui doivent orienter et améliorer à terme les conditions d efficacité opérationnelle d une force de gendarmerie ayant obtenu la conduite d une opération de police internationale. 1/ Le respect des engagements européens et internationaux. Compte tenu des missions présagées (Kosovo, Macédoine, Côtes d Ivoire, ), un choix devra certainement être fait entre la police européenne ou la police internationale de l ONU, d autant plus si le nombre de gendarmes à l extérieur du territoire national reste contenu à 350 gendarmes. Dans tous les cas de figure, pour les trouver, il faudra que l institution réfléchisse aussi aux priorités de politique extérieure qu elle / que l Etat se/lui donne face aux contraintes internes et externes qui en gène le développement. Les décideurs doivent être convaincus de l idée que l action extérieure des polices françaises peut renforcer la politique de sécurité intérieure ; il n existe pas ici d antagonismes. 2/ Le statut de nation-cadre : un concept à revisiter? Il y a un enjeu important pour la France et la Gendarmerie à maintenir ses positions en Europe. Il est urgent de préparer et de mieux anticiper la projection avant même qu une mission et un besoin surviennent. Il faut pour cela identifier certes des structures mais surtout identifier des officiers supérieurs qui puissent être à même d assumer une responsabilité internationale. Le vivier est restreint, il y a le risque d envoyer les mêmes. Il faut donc élargir ce vivier international en formant des personnels à la gestion non militaire des crises. Ce vivier doit être suffisamment important en quantité et en qualité pour assurer les relèves de personnel tous les ans. L élaboration des carrières à dominante devrait permettre d aller en ce sens. Il semble important d initier, dès la formation initiale, les futurs cadres officiers et sous- 5

officiers des développements de la Politique européenne de sécurité et de défense et des missions vers ils pourraient s engager. 1. Le leadership. Dans l état de la ressource «officier», il est plus difficile de mobiliser des personnels notamment des officiers supérieurs en nombre suffisant pour remplir de telles fonctions. Cela étant, au cours d une mission européenne, le leadership d une nation ne repose pas uniquement sur le nombre d affectations individuelles mais bien d avantage sur les fonctions «clés» tenues en son sein. Encore faut-il déterminer de manière stratégique la valeur réelle des fonctions. «Les fonctions clés ne sont pas toujours celles que l on croit». (Unité de police de l Union européenne) 2. Le soutien logistique. S agissant du soutien logistique, il semble pragmatique de prendre acte des déficits en la matière considérant que ce dernier a toujours été assuré à l extérieur du territoire national par les armées déjà présentes sur les théâtres d opérations. Ce déficit tient au manque de moyens et de pratiques des gendarmes en la matière et ce, malgré les efforts consentis récemment. Partant de là, deux éléments doivent, semble-t-il, être appréciés à leur juste valeur. Tout d abord, il semble préférable d anticiper dans la mesure de ce qui est prévisible - les besoins organiques et individuels des unités selon le scénario d emploi de la Force de police européenne. Ensuite, si l on se place dans la perspective d y répondre, il s agit plutôt de répertorier parmi les différents corps des nations représentées les pôles d excellence logistiques militaires et civils principaux. Il est alors indéniable qu une préparation «amont» s impose pour identifier les acteurs ressources pertinents et disponibles et structurer les relations en entretenant la perspective d une coopération multinationale efficace et pragmatique. Une coopération plus soutenue avec l Etat-Major Militaire de l Union européenne ouvrirait un champ d initiatives et d économies considérable. Les charges inhérentes au soutien logistique qui pourrait être demandé ou imposé aux armées françaises pourraient être ainsi mieux réparties. Cette préparation «amont» est fondamentale car elle détermine une partie importante du succès de la mission. Elle doit aussi anticiper autant que faire se peut les enjeux industriels non négligeables lorsqu il s agit de définir le type de véhicules qui va alimenter le parc automobile de la force ou bien d implémenter un système d information et de communication. Or, nul n ignore que le traitement de ces questions et ces choix technologiques, économiques et politiques ne peuvent s affranchir de négociations de haute volée. Les délais sont d autant plus importants que cette démarche s accompagne de procédures administratives et financières contraignantes dans le cas d une projection. En effet, bien qu absolument nécessaire, la procédure des marchés publics reste caractérisée par la relative lenteur qu impose le respect des règles en la matière. Peut-être faudrait-il réfléchir à l élaboration d une procédure d urgence adaptée aux besoins opérationnels. Dans la perspective d une crise majeure qui demanderait la projection immédiate d un état-major, ces contraintes invalident peu ou prou les ambitions de la France vis-à-vis de la définition que confèrent actuellement à ce terme les textes ratifiés au Conseil européen. L enjeu pour la France au risque d abandonner l idée du leadership tient plus aujourd hui 6

à modifier les termes de cette définition en sollicitant la valeur ajoutée apportée potentiellement par chaque nation contributive dans le domaine logistique, sauf à mettre en place dans les meilleurs délais des dispositifs adéquats et prépositionnés à ces fins initiales. Enfin, il est fondamental de souligner que les relations entre les Etats et les polices de chaque pays ne se décrètent pas, la démarche entreprise marque le début de la Politique européenne de sécurité et de défense. 3/ Les facteurs endogènes d amélioration de la ressource humaine. 1. La formation initiale et continue à l international des cadres est fondamentale. La formation à l international doit initier une acculturation aux diverses responsabilités couvertes par une mission de police multinationale. Elle s appuie sur la mise à niveau des capacités linguistiques des cadres et la vérification de savoir-faire tant oraux qu écrits. L oralité présente un atout fondamental lorsqu il s agit d animer et de piloter une réunion avec des policiers d autres nations. Aussi faudrait-il insister sur cette compétence. Il faut convenir du fait que les missions internationales des gendarmes ne sont plus exceptionnelles. Elles entrent progressivement dans le cadre «normal» des missions de la Gendarmerie. 2. Organiser, coordonner et rationaliser une démarche de retour d expériences. La formation à l international repose essentiellement sur des témoignages, mais elle devrait se nourrir des retours d expériences si nécessaires à la préparation des missions et à l adaptation des personnels. La faible capitalisation des expériences internationales marque un déficit préjudiciable. Pour ce faire, il serait important d organiser une section «Retour d expériences» qui aurait pour fonction de tirer les enseignements majeurs des engagements extérieurs des gendarmes. Le but est de rendre compte des savoir-faire et des attitudes qui sont générés au sein des organisations européennes et internationales. Ces retours d expériences ont pour finalité d améliorer la formation des futurs cadres internationaux, ce qui permettrait aussi de favoriser l acculturation des futurs officiers chargés de prendre en compte des fonctions importantes au sein d un état-major multinational. 3. Harmoniser la conduite des opérations extérieures et la doctrine d emploi en concevant une véritable planification opérationnelle et prospective. Pouvoir mutualiser les enseignements majeurs des opérations extérieures revient à développer aussi à moyen et long terme une fonction de «planification opérationnelle et prospective» chargée d anticiper, à la fois, les besoins et les différents paramètres des prochaines missions. Cela revient à établir une structure interministérielle française (intégrant les gendarmes et les policiers nationaux) étroitement liée à l Unité de police de l Union européenne située à Bruxelles qui joue actuellement ce rôle. 4. Organiser une structure dévolue à la gestion des opérations extérieures à la hauteur des besoins européens. A terme, il paraît évident que l Etat et la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale devront réfléchir à l organisation d une structure qui prenne vraiment en charge la gestion des ressources humaines et les besoins logistiques propres aux engagements 7

extérieurs, notamment européens. Il faut pouvoir anticiper le besoin de déployer, dans les délais que nous avons évoqués, plusieurs centaines de personnel (300 en moins de 30 jours, 300 autres dans les 90 jours qui suivent). Actuellement, la Direction des opérations extérieures souffre d un réel déficit de moyens, ce qui nuit à la prise en charge de missions d analyse et de prospective (par exemple, le retour d expériences et leçons pour l avenir). La restructuration des sous-directions dévolues aux missions extérieures va dans le sens d une meilleure coordination de la doctrine d emploi et de la conduite opérationnelle. A ce jour, le GOPEX reste largement sous-dimensionné, le développer en affectant de manière réaliste sur une durée de 3 ans un nombre de personnels suffisants immédiatement projetables serait judicieux. Le vivier national ne pourra convenablement se renouveler sans une volonté d agir sur les contraintes organisationnelles que pose le retrait de personnels des unités où ils sont affectés. 5. Asseoir la légitimité interne et externe des missions de police internationale. Conquérir une légitimité institutionnelle. Pour l heure, les engagements extérieurs connaissent un déficit de légitimité interne qui nuit au renouvellement qualitatif du vivier, notamment officier. Il faut alors organiser une campagne de communication interne pour inverser la représentation sociale d après laquelle, les opérations extérieures sont dévolues à ceux dont la carrière ne pourra pas évoluer en France. Face à un besoin urgent, il y a le risque de voir lever le principe du volontariat sur lequel les personnels sont aujourd hui recrutés (hors unité de police intégrée). Etendre le principe d une carrière à dominante pour les missions internationales devrait assurer une meilleure reconnaissance institutionnelle des personnels déployés et, par ricochet, une augmentation des candidatures au départ. Convaincre le décideur politique et informer l opinion publique des dividendes d une base avancée à l étranger pour lutter contre les formes de violence transnationales. Il faut veiller à une couverture médiatique circonstanciée des actions de la Force de police européenne qui soit en mesure de présenter aux opinions publiques nationales (France, pays membres) le profit qu elles en tirent en matière de Sécurité intérieure. 8