La vie rurale en Flandre - Ghyvelde Texte de Mme Slove Transcrit et mis en page par Jean-Marie Muyls



Documents pareils
Les contes de la forêt derrière l école.

Donnez la valeur d un temps, c est dire pourquoi on l emploie.

ACTIVITÉS SUPPLÉMENTAIRES UNE JOURNÉE QUOTIDIENNE

Comment utiliser les graines de soja à la cuisine

que dois-tu savoir sur le diabète?

Compréhension de lecture

Les jours de la semaine

Leçon 10. Je quitte la maison - par où commencer? Matériel : Niveaux : Buts : Vocabulaire : Temps requis :

Le conditionnel présent

C ÉTAIT IL Y A TRÈS LONGTEMPS QUAND LE COCHON D INDE N AVAIT PAS ENCORE SES POILS.

Je me présente, je suis guide à la forge-menuiserie Cauchon. J ai appris que tu allais venir nous visiter bientôt.

Économisons l énergie! 11

Compte rendu de la réunion du 13 novembre 2014 Restauration scolaire et hygiène buccodentaire.

Formulaire Inscription Jeunes

Et avant, c était comment?

RÈGLES D'HYGIÈNE EN CUISINE

CONTENU MISE EN PLACE. 1. Placez le plateau de jeu au centre de la table.

L enfant est là - La famille se réorganise

Bourgeois et ouvriers au 19ème siècle. 4ème Slovaquie

EPREUVE ECRITE D ADMISSIBILITE

Savoir-faire. Décompte Champs Pâturages. -1 point 1 point 2. 2 points. 3 points. 4 points Céréales * Légumes *

Tous au marché! LES MS/GS DECOUVRENT LE MARCHE DE TARTAS

French 2 Quiz lecons 17, 18, 19 Mme. Perrichon

Présentation : Ces quelques informations vous aideront à mieux comprendre son fonctionnement.

Unité 6. Qu est ce que tu prends au petit au petit déjeuner?

Alice s'est fait cambrioler

GUIDE D INSTALLATION. La première enveloppe pare air et perméable à la vapeur d eau AVANTAGES

EOI ARUCAS DEPARTAMENTO DE FRANCÉS DOSSIER PASSÉ RÉCENT FUTUR PROCHE PRÉSENT PROGRESSIF

EOI ARUCAS DEPARTAMENTO DE FRANCÉS DOSSIER: PASSÉ COMPOSÉ AVEC ÊTRE EXERCICES

PRÉPARATION AU TEST! CULTURE INTERNATIONAL CLUB

Organisez dès maintenant les vacances d'été de vos enfants!

Compte rendu : Bourse Explora Sup

Nos Offres Séminaires

C est dur d être un vampire

& Que choisir. favoriser le bien-être

Les métiers de la ville 1. Joffrey 5 3 HISTOIRE-GÉOGRAPHIE, ANNÉE LES MÉTIERS DE LA VILLE AU MOYEN-ÂGE

Ling Tsui dans son bureau de Paris avec le ministre Sun Jiadong

VSLU VEREIN SCHWEIZERISCHER LEITSCHRANKENUNTERNEHMUNGEN ASSOCIATION SUISSE DES ENTREPRISES DE GLISSIERES DE SECURITE PRIX INDICATIFS DE REGIE 2014

Auriol : le service public de la Restauration scolaire

COMPTE RENDU CONTRÔLE HYGIENOSCOPIE

L'outil de transport des professionnels. CargoMaster: le partenaire fidèle pour l'artisanat, le commerce et l'industrie

Préface CAVEAU. Vous allez découvrir des plats gourmands préparés avec des produits de. la région, pour la plupart. Salade verte

Le rapport de fin de séjour : Vienne (Autriche)

Les Jardins Butchart Promenade et Découvertes (6-7e Annee)

LIVRET de la RESTAURATION SCOLAIRE

Hôtel du Petit Moulin

Fins, réguliers, diam ext 31mm Épais, grossiers, diam 36 mm

«J aime la musique de la pluie qui goutte sur mon parapluie rouge.

Entreprises Artisanales de Boulangerie Patisserie

MESURES PRÉVENTIVES Pour les travailleurs qui peuvent entrer en contact avec des punaises de lit.

AGRICULTURE; SYLVICULTURE; ÉLEVAGE; CHASSE; PIÉGEAGE; PÊCHE

FORMULAIRE D AUTO-EVALUATION POUR PATIENTS SLA

Détail des cultures de l'exploitation en 2007

La plateforme de micro-dons du CCFD-Terre solidaire

NOS HORAIRES D OUVERTURE. Lundi, mardi et jeudi 9h 12h et 13h 18h Le mercredi 9h 17h Le vendredi 9h 12h. Bureau Information Jeunesse Municipal

Par. Sophianne Pierre-Louis. Cassandra Sauvé. Sabrina Turmel

Quelle journée! Pêle-mêle. Qu est-ce que c est? DOSSIER Écoutez les phrases. Écrivez les mots de la page Pêle-mêle que vous entendez.

LE SECRET DE GRAND-PERE Michael Morpurgo / Michael Foreman. Résumé (extrait de «Les chemins de la littérature au cycle 3»CRDP de Créteil) :

RECONNAÎTRE UN NOM. Tu vas apprendre à reconnaître un nom!!!!!!

Pot & Cie c est l histoire d une reconversion PAROLES D EXPERTE. Un tout-en-un précis et performant, pour une cuisine goûteuse et authentique

Épreuve de Compréhension orale

Mon journal du monde. NON à la violence! Chaque enfant doit être protégé contre la violence. Protection contre la violence

CE1 et CE2. Le journal des. Une nouvelle maîtresse. Actualité. Loisirs. Culture

Gestion de la crise sanitaire grippe A

LES RÉSEAUX SOCIAUX ET L ENTREPRISE

Préparation Physique CPLM Gabriel Currat 1/7

MAQUETTE DE MAISON EN BOIS ET EN BRIQUES

Location de tracteur avec chargeur :

NOUVEAU TEST DE PLACEMENT. Niveau A1

Consommez moins de sodium pour réduire votre pression artérielle. Information sur le sodium alimentaire.

Si c était une machine, ce serait un ordinateur génial pour voyager dans le temps et vers les autres continents.

Fiche technique n 1 : le logement construction des boxes.

Les produits solidaires, 100 jours pour convaincre!

Descripteur global Interaction orale générale

Mots à apprendre et dictées hebdomadaires

Demande de prestation de compensation du handicap. Évaluation de mes besoins Par Philaminte

Distinction entre le pronom leur et le déterminant leur

Bienvenue. à la salle polyvalente. Gustave Beignon à Thorigny!

Animations pédagogiques TANINGES. - Ecoles primaires - Cycles 2 et 3. Arcade MAISON du PATRIMOINE

Entourée d un beau parc arboré, avec piscine, en campagne avec vue dégagée, à 10 minutes d Eymet

LE TOUT COMMENCE PAR UNE GRAINE. le programme d action communautaire en alimentation

Règlement Intérieur. Restauration scolaire Centres de loisirs et d accueil périscolaire

LE BABY SITTING. Direction Jeunesse de la ville de Villepinte

DU CÔTÉ DE CHEZ ANNE. Dossier de presse

REGLEMENT INTERIEUR DE LA RESTAURATION SCOLAIRE ( ET PERISCOLAIRE EN ANNEXE)

Le jour et ses divisions

La reconnaissez- vous?

BUT DU JEU Etre le seul joueur qui n ait pas fait faillite.

La reine des gourmandes et Natsu

Quelle image avez-vous de la Belgique?

LIVRET JEUNE PUBLIC (3-12 ans)

CHANSONS ET COMPTINES

Fabrication de farines à base de maïs

GUIDE D INSTRUCTION. Montage Entretien

1001-B Semoir de précision pour jardin EarthWay Assemblage et fonctionnement

Phrase du jour. Semaine 3 Indiquer la forme d'une phrase : forme affirmative ou forme négative. Je n'aime pas aller chez le dentiste.

LE CONSEIL GÉNÉRAL DU BAS-RHIN AU DE VOS VIES LIVRET DE RECETTES POUR LES ENFANTS DE 18 MOIS À 4 ANS BON POUR MON ENFANT, BON POUR MON BUDGET

Cartographie de la demande et de l utilisation des services financiers par les populations à bas revenus

Le compost. Un petit écosystème au jardin

TALENSIA. Pertes d exploitation Grêle sur récoltes. Dispositions spécifiques

Transcription:

La vie rurale en Flandre - Ghyvelde Texte de Mme Slove Transcrit et mis en page par Jean-Marie Muyls La vie à la campagne Mon père est né en septembre 1876, ma mère en Juillet 1879, et je suis née en Janvier 1908. Je me souviens très bien de ce que me racontaient mes parents, concernant leur jeunesse. Mon père avait débuté sa vie professionnelle comme valet de ferme ; il était passionné par son métier et particulièrement par l'élevage des chevaux et dès l'âge de 18 ans il fut étalonnier à la ferme X... de Ghyvelde. Etre étalonnier cela signifie que dès le début de l'année, vers le mois de mars, lorsque les pouliches avaient mis "bas" l'étalonnier allait présenter l'étalon, de ferme en ferme. (Je me souviens personnellement de cela, car cela existait encore après la guerre de 1914/18). Chevaux boulonnais Dessins de Ghys Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1

Mon père était très fier de sa bête, l'étalon bien brossé, la crinière et la queue étaient tressées et enrubannées. Cette campagne durait assez longtemps et le propriétaire de l'animal n'était payé que lorsque la pouliche était en état de gestation. Cheval boulonnais Mon père était fils de belge, mais de mère française et comme fils d'étranger il devait faire son service militaire, 2 ans après les français de souche, il avait donc 23 ans et était déjà marié lors du départ au service. Ma mère travaillait chez une tricoteuse, où elle gagnait 1 Fr par jour. Ma mère quitta cet emploi pour se placer dans une ferme où elle fut payée, 16 Frs par mois, elle devait apprendre à traire les dix huit vaches. Comme elle était courageuse et propre, elle fut rapidement augmentée de 1 Fr par mois. Elle était logée, nourrie et "blanchie" (lessive faite...). Brasserie Rubben Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 2

Ma mère a encore travaillé dans les mêmes conditions pour un salaire de 18 Frs, lorsque mon père partit au service militaire. La fermière qui était bonne ménagère et bonne cuisinière lui apprit beaucoup de choses, c'est ainsi que l'on se formait à l'époque. Mon père était militaire, avec un fils de brasseur qui disposait de beaucoup d'argent (ses parents étaient fortunés), ils étaient "tringlots" (cavalerie) donc ils avaient des chevaux, et le camarade de mon père, lui donnait de l'argent, en rétribution des soins donnés au matériel et aux chevaux dont il était responsable ; ceci permettait au jeune militaire de se promener et à mon père d'envoyer de l'argent à sa jeune femme qui avait déjà un bébé, soigné par la grand'mère. La Place de Ghyvelde Au retour du régiment, mes parents ont racheté la maison de mes grands-parents, c'était une vieille maison construite en torchis, avec un toit de chaume, aussi mes parents pensèrent très vite à l'abattre pour en construire une en briques. A cette époque le coût d'une construction s'évaluait au nombre de briques nécessaires, le maçon et le menuisier se mettaient d'accord pour l'estimation et donnaient le prix. Des amis de mes parents, fermiers, leur conseillèrent de la construire à un carrefour (c'est-à-dire à l'angle du terrain où ils habitent et qui leur appartient) et d'y faire un estaminet. Mes parents ne disposaient pas de suffisamment d'argent pour ce projet, aussi le fermier leur en prêta. Le café "Au Rendez-vous des Fermiers" (Cette maison existe toujours à la limite des Moëres et de Ghyvelde) fut donc construite et habitée par mes parents et leur famille. Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 3

A partir de ce moment mon père s'est mis à faire des travaux très lourds. C'est ainsi qu'avec quelques autres hommes du village (vers 1900) il partait tous les jours à pied, en passant par Uxem, pour aller chez Lesieur à Coudekerque-Branche, pour décharger des péniches de pistaches, (cacahuètes). Ensuite un fermier du village ayant acheté une machine à battre le blé, mon père devint "bandier", le bandier était l'homme qui embauchait le personnel nécessaire aux travaux des champs, et aussi au service de la batteuse. Il fallait que le bandier vérifie l'ensachage, le comptage et la mise en place (au grenier) des sacs de grains et le rangement des ballots de paille. Pour une machine à battre il fallait : un chauffeur, pour la locomotive à vapeur, un mousse appelé en flamand "Kafmoll", le mousse retirait la paillette de dessous la batteuse avec un grand rateau de bois, il devait aussi approvisionner la batteuse en eau. Ensuite il y avait deux femmes sur la meule, elles approchaient les gerbes de l'ouvrier qui les jetait sur la machine, une femme qui coupait les liens, un homme mettait les gerbes dans la batteuse, ensuite venait la presse, là un homme mettait la paille dans la presse de chaque côté, une femme attachait les ballots, les marquait, les ajustait, ils devaient tous avoir la même dimension, deux hommes portaient les ballots et deux hommes portaient les sacs de grains au grenier. Il y avait donc en tout : 8 hommes, 1 mousse, 5 femmes et le bandier. Ce personnel venait de Bray-Dunes ou de Ghyvelde, tout le monde à pied. A cette époque également les pommes de terre étaient plantées à la main, les semailles se faisaient aussi manuellement, il fallait sarcler, démarier les betteraves, il y avait donc toujours du travail. Les céréales étaient coupées à la mains, il fallait des femmes pour les mettre en bottes, et mettre les bottes droites en dizots (10 bottes). A la bande, il y avait des enfants qui travaillaient dès l'âge de 10 ans, ils étaient payés demi tarif et au tarif plein dès la troisième année de travail s'ils travaillaient bien. Lorsque la bande travaillait dans une ferme, la fermière devait faire la soupe et le bandier désignait deux personnes pour aller la chercher. Les ouvriers mangeaient sur le champ, des tartines avec de la graisse (smout), pas question de viande... Le matin ils commençaient à 7 heures, à 8h30 casse-croûte jusque 9h00, de midi à 13h00 repas et repos, à 4h30 nouveau casse-croûte: mais souvent les ouvriers et les femmes mangeaient en cueillant de l'herbe pour leurs lapins qu'ils transportaient au retour avec une hotte sur le dos. Lorsque le lieu du travail était fort éloigné le fermier allait chercher le personnel avec un chariot et le temps de transport comptait comme temps de travail. Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 4

Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 5

Scène de moisson L'arrachage des betteraves se faisait avec une bêche arrondie qui prenait un peu la forme de la betterave, les enfants qui travaillaient avaient aussi un couteau spécial (Kaper) pour dégager les collets, ils faisaient également les tas qui étaient ramassés avec des beignots ou chariots avec deux grandes roues sur les côtés et une petite roue mobile à l'avant, ensuite les betteraves étaient chargées sur un autre chariot avec deux grandes roues à l'arrière et deux petites à l'avant. Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 6

Arrachage des betteraves Le bandier au travail Les betteraves étaient transportées à la distillerie des Moëres. Lorsque le lieu d'arrachage était trop éloigné des Moëres, les betteraves étaient transportées par barques (Schutten) jusqu'à la distillerie. Après la guerre de 1914, la culture de la chicorée (racines dont on fait la chicorée à café) a beaucoup évolué, une "sécherie de chicorée" fut construite à Ghyvelde, à la limite des Moëres, par une association composée de trois cultivateurs, un forgeron et un "bandier" ; une autre sècherie se trouvait à Ghyvelde, près du Pont, elle était la propriété de la famille Schoonberg. Ce travail de sècherie, très pénible, était exécuté par des ouvriers belges (5environ). De grands fours à sécher étaient chauffés par du coke. Le travail était continu, 24h/24. Les ouvriers dormaient à tour de rôle, durant les heures creuses, et cela tous les jours de la semaine, y compris le dimanche! Durant la saison d'hiver, certains hommes étaient occupés à la taille des haies ou des arbres, les branches servant à la confection de fagots de bois, combustible pour les fours à pain. D'autres ouvriers battaient le seigle au fléau ;la paille du seigle était utilisée pour la réparation des toits de chaume ; elle servait également aux briquetiers pour la protection des briques. Le personnel féminin nettoyait le bord des fossés, en en enlevant le chiendent qui se propageait très rapidement, lorsque le temps les en empêchait ; elles dégermaient les pommes de terre. Ainsi vivait-on à la campagne en ce temps là. Madame Slove 1984 Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 7

La cuisson du pain aux fagots Collection privée Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 8