Les Entretiens de ROV.N Les Entretiens de Royan succèdent aux Entretiens de Saintes 1 er colloque Le juge d'instruction: échec et mat? Samedi 19 septembre 2009 Palais des congrès - Royan Invité d'honneur: Christian Charrière-Bournazel, bâtonnier en exercice du barreau de Paris Organisation PRESAJE JUSTICE & ECONOMIE
Modérateur Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de la cour d'appel de Paris Animateur Jean-Yves Le Borgne, avocat au barreau de Paris, ancien président de l'association des avocats pénalistes, vice-bâtonnier désigné Le point de vue historique Didier Rebut, professeur à l'université Panthéon-Assas (Paris II) Le point de vue du juge d'instruction Catherine Giudicelli, présidente de l 'association française des magistrats instructeurs Le point de vue du procureur de la République Michel Desplan, procureur de la République de Versailles Le point de vue dujuge de la formation de jugement Jean-Yves Monfort, conseiller à la chambre criminelle de la Cour de cassation Le point de vue du «juge des juges» Vincent Berger,jurisconsulte à la Cour européenne des droits de l'homme Le point de vue de l'avocat Il. Benoît Ducos-Ader, avocat au barreau debordeaux Le point de vue du spécialiste de procédure pénale Jacques Buisson, président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, coauteur d'un ouvrage de procéduré pénale Le point de vue. du légistateur André Vallini et Philippe Houillon, députés, respectivement président et rapporteur général de la commission dite «Outreau» Le point de vue de droit comparé Giovanni Bana, avocat au barreau de Milan Le point de vue de l'opinion Mathieu Delahousse,journaliste au «Figaro» Conclusion Jean-René Farthouat, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris
Vincent NIORÉ Avocat au barreau de Paris, membre du Conseil de l'ordre, secrétaire de la commission pénale de l'ordre Je souhaiterais rappeler ici la position de l'ordre des avocats de Paris et de son bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, qui est le premier à avoir exigé, dans l'hypothèse d'une réforme telle que souhaitée par le comité Léger, que l'avocat soit présent dès la première minute de la garde à vue et de l'enquête. Ceci vaut à la fois dans le cas où l'avocat est du côté de la victime et dans le cas où il est du côté du mis en cause. On observe d'ailleurs, dans le rapport Léger, les prémisses d'une uniformisation du statut de l'un et de l'autre, puisque l'on envisage de les réunir sous le même vocable de parties. A titre personnel, je rejoins la posltlon du vice-bâtonnier de Paris, Jean-Yves Le Borgne, et j'estime qu'on pourrait parfaitement supprimer le juge d'instruction. Je reconnais même qu'il m'arrive de souhaiter cette suppression compte tenu des mauvaises expériences que j'ai vécues avec certains magistrats instructeurs. Mesdames et messieurs les juges d'instruction, vous vous présentez aujourd'hui comme les gardiens des libertés individuelles, par opposition au parquet, qu'il vous plaît de diaboliser. Monsieur LARCIER
Conséquences de la suppression du juge d'instruction 123 Daieff, vous avez dit tour à l'heure que la vérité, en matière pénale, ne pouvait pas être la «chose» des parties. Mais la vérité ne doit pas être non plus la «chose» du juge! Les juges d'instruction ont effectivement pour but de rechercher la vérité, mais au nom de la vérité, que font-ils, bien souvent? Ils piétinent, ou tentent de piétiner nos règles, et en particulier celle du secret professionnel: je pense notamment aux perquisitions dans les cabinets d'avocats. Madame, vous avez décrié le JLD, que vous nous avez présenté comme une sorte de juge fantôme ou potiche, mais vous êtes probablement très satisfaite lorsque le JLD vous restitue des documents que nous estimons couverts par le secret professionnel. Il vous arrive donc de trouver des avantages substantiels à cette faiblesse du JLD, que vous fustigiez tour à l'heure. Non seulement je crois qu'on peut parfaitement supprimer le juge d'instruction, mais j'estime qu'on peut le faire sans réformer le statut du parquet. Que le parquet soit dépendant ou indépendant est un faux débat. Ce qui m'intéresse, c'est que les avocats soient présents dès le début de l'enquête et qu'ils aient accès au dossier en permanence, dans le cadre à la fois du régime simple et du régime renforcé. Je ne suis pas d'accord avec certaines conclusions du rapport Léger, mais je ne crois pas que le sort qui sera réservé par le JEL à nos demandes d'actes sera différent de celui qui leur est réservé aujourd'hui par les magistrats instructeurs et par le président de la chambre de l'instruction. Le rapport Léger préconise la suppression du filtre du président de la chambre de l'instruction, et c'est une excellente chose, car trop souvent, ce filtre sert de prétexte à des abus de pouvoir. On peut imaginer un JEL qui soit un juge puissant: il suffit de lui en donner les moyens. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, que LARCIER
124 tes Entretiens de Royan le JEL dispose d'un pouvoir d'astreinte à l'endroit du parquet, et que le parquet soit le chef de la poursuite et de l'enquête, mais sous le contrôle du JEL? On aurait alors un jug~ fort. Cela dit, un juge fort, qu'il soit JEL ou JLD, n'est-ce pas, pour commencer, un juge doté d'une forte peisonnalité? Les audiences du JLD sur le secret professionnel se transforment souvent en audiences sur la culpabilité de l'avocat, soupçonné de participer à la commission d'une infraction, ce que l'examen des pièces couvertes par le secret professionnel est censé révéler. Il faut réellement se battre pour obtenir que le JLD accepte de ne pas remettre au magistrat instructeur èes pièces placées sous scellés fermés. J'ai représenté le bâtonnier de Paris au cours d'une quinzaine de perquisitions depuis le 1 er janvier 2008. Il m'est arrivé d'obtenir satisfaction de la part de deux JLD, l'un à Paris, l'autre à Nanterre, qui ont su résister non seulement au juge d'instruction, mais également au parquet. La priorité, dans le cadre de cette réforme de la procédure pénale, me semble être le regard porté sur le rôle des avocats non seulement par le juge d'instruction et le ministère public, mais par l'ensemble,,qes acteurs de cette procédure. Sur ce point, le rapport Léger est particulièrement, incomplet, comme l'a souligné M. Jean-Yves Monfort. Dans le pré-rapport, on trouve en page 18 une phrase assassine contre les avocats, présentés comme des obstacles au bon déroulement de l'enquête. Le comité, à la majorité de ses membres, a refusé la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, au mépris de l'arrêt de la CEDH (Salduz cl Turquie) que M. Vincent Berger vient d'évoquer, ce dont je le remercie. Pourtant, ce comité comprend trois avocats du barreau LARCIER
Conséquences de la suppression du juge d'instruction 125 de Paris, et un avocat du barreau de Clermont-Ferrand. C'est scandaleuxl Au visa de l'article 434-7-2 du code pénal, on nous présente comme des délinquants potentiels. Or, il n'existe pas un seul dossier disciplinaire, à Paris, qui vise une faute de ce type. Le seul exemple connu remonte à une affaire qui s'était produite à Orléans, il y a quelques années, et qui avait d'ailleurs été surmédiatisée. Il est vraiment temps de changer le regard porté sur l'avocat et sur son rôle au cours de l'enquête. En l'état, il est inacceptable.