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L expérience d une commission spéciale de la Chambre des représentants, par rapport à la crise financière Après la première crise financière de 2008, et suite au sauvetage par le gouvernement belge de différentes institutions bancaires et financières (la banque Fortis, Dexia S.A., KBC, ING, Ethias et la filiale belge de l institution luxembourgeoise de crédit Kaupthing Bank), la Chambre des représentants et le Sénat de Belgique ont décidé de créer une commission spéciale chargée d examiner la crise financière et bancaire. La mission principale de cette commission a consisté à analyser les mécanismes et les responsabilités ayant mené à cette crise, ainsi que le contrôle du secteur, la gestion de la crise par les différents acteurs, les améliorations à apporter à la législation et de formuler des recommandations afin d éviter qu une telle crise ne se reproduise. Cette commission a fait rapport le 27 avril 2009. En octobre 2011, le gouvernement belge a dû intervenir une deuxième fois, cette foisci pour sauver la Dexia S.A. A la demande de plusieurs députés, une nouvelle commission spéciale chargée d'examiner les circonstances qui ont contraint au démantèlement de la Dexia S.A. a été créée le 27 octobre 2011. La Chambre a décidé, après un long débat en plénière, de créer une commission «spéciale» plutôt qu une commission «d enquête», comme le demandaient les membres de l opposition et certains membres de la majorité. Les deux missions principales de cette commission étaient : - d examiner les circonstances qui ont mené à cette deuxième action de sauvetage par l état Belge ; - de préparer des recommandations. J approfondis dans la suite de l exposé ces deux missions. 1. Examiner les circonstances qui ont mené au démantèlement de la Dexia S.A. Les missions principales de la commission étaient d examiner: - les conditions qui ont amené à la création du groupe Dexia, et notamment les stratégies d expansion du groupe (p.ex. lors de la fusion du Crédit Communal Belge et du Crédit local de France, les achats de filiales comme FSA, Denizbank, etc.) ; 1

- les conditions qui avaient amené l Etat Belge à procéder à un premier sauvetage de la Dexia S.A. en 2008. Devait également être analysée, la stratégie poursuivie par Dexia S.A. et par les autorités publiques après ce premier sauvetage, afin de renforcer le groupe et d en assurer sa viabilité ; - les conditions imposées par la Commission européenne au sauvetage de Dexia, la prise en compte de ces obligations et leurs effets sur les activités du groupe ont été examinées ; - la méthode et les résultats des stress test organisés lors de l été 2011 ; - les conditions qui ont contraint au démantèlement d octobre 2011 et à la nouvelle intervention de l Etat belge ; - les opérations des régulateurs belge et européen, depuis 2008, les suites apportées par Dexia à ces opérations, ainsi que la coopération entre les différents régulateurs (belge, français et européen) ; - les informations relatives à la situation du groupe, transmises aux actionnaires. Pour ce faire, la commission a décidé de commencer son analyse à partir de l année 1996. Les membres ont pu proposer des noms de personnes et/ou d institutions qu ils voulaient entendre, et indiquer quels documents ils voulaient consulter. Le choix des personnes à entendre pouvait se révéler délicat politiquement. En effet, plusieurs membres du conseil d administration de Dexia S.A., dont le Président, étaient des personnalités politiques. Pour mener à bien ses travaux, la commission a pu compter sur l appui de deux experts (un expert des matières financières et un réviseur d entreprise). Ceux-ci ont participé aux réunions et analysé les documents mis à disposition de la commission, entre autres, par la Dexia S.A., la Banque Nationale de Belgique (BNB) et de l autorité des Services et marchés financiers (FSMA). Des ministres compétents, des représentants des autorités de contrôle, le management actuel et précédent de la Dexia SA (aussi bien belge que français), des membres du conseil d administration, les syndicats, des actionnaires et des représentants de la Commission européenne ont été entendus par la commission. Les personnes invitées ont généralement répondu à toutes les questions posées par les commissaires. La plupart des personnes que la commission a invitées ont répondu positivement à l invitation. Toutefois, dès lors qu il s agissait d une commission spéciale et non d une commission d enquête, la commission a été confrontée à deux types de problèmes importants : 2

- le secret professionnel des personnes auditionnées, et - l accès aux documents confidentiels par les parlementaires eux-mêmes. Plusieurs membres ont eu l impression de ne pas avoir pu investiguer comme ils l entendaient, en raison du fait que certains des invités, et spécialement les responsables de la Banque Nationale Belge (BNB) et de l autorité des Services et marchés financiers (FSMA), se retranchaient derrière le secret professionnel. Ce problème ne se serait pas posé dans le cas d une commission d enquête, puisque les témoins devant une telle commission ne peuvent pas être poursuivi pénalement du fait d avoir violé le secret professionnel. Certaines institutions (comme la BNB, la FSMA et la Dexia S.A.) n ont pas donné accès aux parlementaires à tous les documents demandés. Ce problème devait être résolu car il s agissait de sources essentielles à la compréhension de la situation. Il a donc été proposé, comme solution, que les experts, après la signature d une déclaration de confidentialité, puissent consulter tous les documents sollicités par les commissaires. Les experts pouvaient alors transmettre le contenu de ces informations aux membres, dans la mesure où le travail de la commission le nécessitait. Cette solution n a cependant pas convenu à tous les membres : certains ont ainsi estimé qu ils n étaient pas en mesure de se forger une opinion en pleine connaissance de cause, n ayant pas reçu la possibilité de consulter eux-mêmes tous les documents. Ce point a également intéressé la presse, qui y a accordé une grande attention. L analyse de l ensemble des documents nécessitait une grande expertise dans le domaine bancaire et financier, expertise dont (presque) seuls les experts disposaient. Leur participation a donc été indispensable pour comprendre tous les enjeux. 2. Préparer des recommandations La commission a estimé que, pour la préparation de recommandations, il ne convenait pas de se limiter à la situation de la Dexia S.A. Une approche plus globale s imposait. De plus, les recommandations devaient compléter celles de la commission spéciale chargée d examiner la crise financière et bancaire, après 2008. Tous les groupes politiques ont pu proposer des recommandations. Cependant, dans le rapport final de la commission, seules les recommandations ayant obtenu une majorité des voix ont été retenues. Le mandat de la commission portait notamment sur le fonctionnement de la supervision. Dans la mesure où la commission spéciale sur la crise financière et bancaire, en 2009, avait également recommandé une réforme du modèle de 3

supervision, ce qui a mené à l instauration du modèle Twin Peaks (loi du 10 juillet 2010), la commission a examiné si ce nouveau modèle a bien fonctionné ou si des modifications s imposaient. En outre, des mesures additionnelles en matière de supervision ont été recommandées, par exemple concernant : l exercice du contrôle : le contrôle ex ante devrait être renforcé : pour la FSMA, ce qui pourra permettre la généralisation d agreements pour le lancement des nouveaux produits et la possibilité d interdire ou de suspendre la vente de certains produits destinés au grand public ; pour la BNB, en lui donnant la possibilité de superviser les holding financiers qui contrôlent les banques systémiques, aussi quant à la légalité de certaines actions ; Le renforcement du contrôle au niveau européen. La commission a pu constater que Dexia S.A. a traversé des difficultés de liquidités, ce qui a pu contribuer au démantèlement. Dès lors, un ensemble de recommandations ont été formulées quant à la structure des institutions, afin d améliorer leur solvabilité, de suivre la situation des liquidités et les modes de financement, et pour protéger les dépôts. La crise financière et bancaire a également montré que la gouvernance dans ce secteur nécessite des réformes. Dans ce cadre, des mesures devront être prises afin de renforcer la gestion et l administration des institutions financières. La gestion du risque devrait être organisée de façon plus coordonnée entre les différents niveaux à l intérieur d une filiale (gestion et direction) mais aussi à l intérieur du groupe. La commission a accordé beaucoup d attention au fonctionnement des agences de notation et à leur incidence sur une institution financière. La commission a souligné l importance de la création d une ou de plusieurs agences de notation européennes. La fonction d avis et de notation à l intérieur des agences devrait être scindée. - Conclusion La commission spéciale ne s est pas déroulée sans heurts. Il s agissait d analyser une situation d une grande actualité, l analyse elle-même pouvant avoir un effet sur celleci. Il fallait dès lors trouver un équilibre entre, d une part, la nécessité d investiguer et, d autre part, l amplification éventuelle des difficultés de la banque. Les enjeux politique étaient multiples. 4

Pour mener à bien un travail d analyse de cet ordre, il faut du temps et de l expertise suffisants. Le fonctionnement d une commission spéciale fait naître des oppositions. Celles-ci ont parfois été à l origine d incidents tels que des fuites sur le contenu de réunions à huis clos, des dissensions sur l accès aux documents ou des tensions lorsque des personnes invitées ont invoqué le secret professionnel. Une des personnes invitées à témoigner a indiqué qu il eut préféré être auditionné par une commission d enquête afin de ne faire naître aucun soupçon. 5