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Transcription:

R ECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS Revue Trimestrielle 4 numéros par an. Directrice de la publication : Monique FORMARIER COMITÉ DE RÉDACTION Monique FORMARIER Cholet Marie-Claude LEFORT La Roche s/yon Sylviane FOURTEAU Paris Nicole MAIRESSE Rueil Brigitte GUERRIN Pontoise Geneviève POIRIER COUTANSAIS La Roche s/yon Guy ISAMBART Clermont-de-l Oise Thérèse PSIUK Lille Ljiljana JOVIC Paris Geneviève ROBERTON Roanne Paulin TCHASSOU Paris ABONNEMENTS MALLET CONSEIL : 2, place Antonin Jutard, 69003 Lyon Tél. : 04 78 95 10 11 Fax 04 78 95 39 68 SIÈGE SOCIAL ARSI 31, RUE DU DOCTEUR CHATELLIER 60600 CLERMONT Tél. : 03 44 50 36 03 Fax 03 44 50 57 05 Internet : E-mail : giarsi@club-internet. fr U.R.L. : http :// perso. club-internet. fr/giarsi/ Commission paritaire : 71232 ISSN : 0297-2964 ÉDITION MALLET CONSEIL ABONNEMENTS 2000 Les abonnements passés en cours d année portent sur les 4 numéros de l année en cours. Je m abonne pour 1 an (4 numéros de l année en cours) à la revue «Recherche en soins Infirmiers». NOM FONCTION ADRESSE Prénom Secteur d Activité Téléphone TARIFS 2000 TTC FRAIS DE PORT COMPRIS : 4 N os (1 par trimestre) FRANCE 540 F ÉTRANGER 620 F POUR COMPLÉTER VOS COLLECTIONS : Spécial Méthodologie 94 : 180 F Collection 90 : 200 F Collection 95 : 300 F Collection 87 : 150 F Collection 91 : 200 F Collection 96 : 300 F Collection 88 : 150 F Collection 93 : 200 F Spécial Méthodologie sept. 97 : 140 F Collection 89 : 150 F Collection 94 : 250 F Collection 97 : 310 F Collection 98 : 320 F Collection 99 : 350 F Je verse la somme de repésentant abonnement(s) par chèque à l ordre de MALLET CONSEIL, 2, Place Antonin Jutard, 69003 Lyon.

S N OMMAIRE 60 MARS 2000 RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS ÉDITORIAL... 3 RENCONTRE AVEC : La créativité dans la réalité professionnelle le désir de créer et le plaisir de faire.... 4 Elisabeth DEDIEU MÉTHODOLOGIE Le centre d intérêt de la discipline infirmière : une clarification à l aide des bases ontologiques.... 9 Francine MAJOR RECHERCHE Hardiesse, stratégie de coping et qualité de vie au travail d infirmières de Réanimation.... 17 Philippe DELMAS André DUQUETTE La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés à une cholécystectomie et par les infirmières... 27 Pascale SAINTONGE Effets de la préparation sur l anxiété avant la fibroscopie bronchique... 50 Simone DALBIES Simone DELON Martine FONTES-CARRERE Edgar GONCALVES DE CARVALHO Sylvie LEPAGE VARIATION La gestion des déchets d autosoins : vers une éducation hospitalière?... 67 Annick DELPECH Évaluation de la douleur chez l enfant : prise en charge infirmière... 86 Isabelle DANGLETERRE Marianne DJAMBAY 2

E DITORIAL LE COMITÉ DE RÉDACTION Que les recherches et travaux que nous publions dans cette revue soient élaborés au cours d un cursus scolaire en I.F.S.I. ou en École des Cadres ou encore qu ils soient l œuvre de chercheurs expérimentés ou d équipes soignantes, ils présentent un point commun qui est leur ancrage dans les sciences humaines. Après avoir été longtemps centrés sur les sciences biomédicales, les soins infirmiers englobent, de façon plus systématique, des savoirs venant d autres disciplines. L effort d ouverture, qui répond à des préoccupations pédagogiques, commence à porter ses fruits dans les pratiques courantes des soins actuels. Cette évolution entraîne un autre rapport au savoir qui exige, surtout en ce qui concerne les sciences humaines, une acceptation du pluralisme, une reconnaissance des courants de pensée, un refus de s enfermer dans un seul cadre de référence, une complexité de raisonnement devant la diversité des approches, une modestie dans la détention du savoir; pour résumer, moins de certitude mais un plus grand développement de la recherche. La revue «sciences humaines» dans le 100 ème numéro sur le renouveau «des sciences humaines» souligne fortement cette évolution remarquée dans les soins infirmiers en développant l idée que de nouveaux paradigmes sont en émergence centrés sur les théories de l action et l analyse du sens (François DOSSE). Deux idées majeures sont prises en compte : les sciences humaines doivent «coller» au plus près de la réalité, le paradigme de la complexité (MORIN) ne doit plus être écarté mais développé. Le sens que l individu donne aux événements de sa vie prime sur des généralisations ou des modèles théoriques difficilement adaptables au cas particulier. Cette orientation, qui suscite aussi de la résistance, influence les recherches vers des sujets au plus près des terrains de l action et vers des méthodes qualitatives. Elle devrait aussi avoir un impact sur l enseignement des soins infirmiers car l intérêt n est plus de savoir ce que les infirmières savent au sujet des êtres humains qu elles soignent mais ce qu elles font avec les patients dans une situation donnée, c est-à-dire leur capacité à s adapter à une situation réelle complexe en en comprenant le sens. C est ce grand champ de recherche qui est à défricher pour le siècle futur. 3

R Élisabeth ENCONTRE DEDIEU, formateur manipulatrice radio à IFMEM - Assistance Publique - Hôpitaux de Paris - La Salpêtrière. LA CRÉATIVITÉ DANS LA RÉALITÉ PROFESSIONNELLE... LE DÉSIR DE CRÉER ET LE PLAISIR DE FAIRE. Cet article est réalisé à partir d un mémoire de maîtrise universitaire de Gestion et Animation des Systèmes de Formation, Université de Paris - Dauphine. 1999. RÉSUMÉ SUMMARY LA CRÉATIVITÉ DANS LA RÉALITÉ PROFESSIONNELLE... LE DÉSIR DE CRÉER ET LE PLAISIR DE FAIRE. L être humain transforme les règles en action en renormant le travail. Il transgresse les normes initiales pour les appliquer à la réalité. Dans le métier de la manipulation en radiologie, la créativité est au cœur de l ingéniosité qui constituerait en quelque sorte le ressort même du métier, l intelligence du corps, l intelligence rusée. Expliquer le travail est donc difficile et complexe car les espaces de visibilité sont des espaces informels, mélange de crainte et besoin de donner à voir à autrui. La créativité, liant du puzzle des normes, ajoute de la valeur au savoir et le rend progressivement plus utile. THE DESIRE OF CREATING AND THE PLEASURE OF DOING The human being transforms the rules into actions by using new norms for his work. He transgresses the initial standards to apply them to real life. In the job of radiology manipulation, creativity is in the heart of the ingenuity which would constitute, in a way, the moving force of the profession, the intelligence of the body, the cunning intelligence. Explaining the work is therefore difficult and complex because the visibility spaces are informal spaces, a mixture of fear and of need to show. Creativity, as the binder of the standards jigsaw, adds value to the knowledge and, step by step, makes it more useful. Mots clés : créativité, transgression des normes, implication, reconnaissance. Key words : Creativity, norms transgression, implication, gratitude 4

R ENCONTRE LA CRÉATIVITÉ DANS LA RÉALITÉ PROFESSIONNELLE... LE DÉSIR DE CRÉER ET LE PLAISIR DE FAIRE AVANT-PROPOS Toute organisation a pour but de programmer, de coordonner et de standardiser les activités de travail, et sa mise en œuvre consiste donc en une réduction des incertitudes du processus de production. À l inverse, l innovation a pour but de transformer les relations entre les différents éléments du processus de production. Sa réalisation repose sur une capacité de réaction, de créativité. Ces deux logiques sont complémentaires mais elles sont également antagonistes «La variabilité est certes plus ou moins grande suivant les secteurs et les circonstances, mais elle ouvre toujours un écart entre ce qui est prévu et la façon dont les choses se présentent concrètement.» explique G. Jobert (1999). INTRODUCTION Les manipulateurs en électroradiologie médicale, en poste, qui suivent une formation continue sont des adultes à la recherche de savoirs opérationnels pour leurs activités professionnelles. La rationalité dirige leurs démarches et ils souhaitent investir les récents acquis au bénéfice du patient, du service, de l équipe et d euxmêmes. Ils reconnaissent avoir besoin de déclics ou de modèles pour entamer le processus de construction qui aboutira à mettre au jour le système d exploitation adapté aux besoins du service ou à leurs souhaits personnels. La réalité prouve la nécessité de reconnaître et cultiver les talents de chacun. Pour s adapter à la production de soin mouvante dans les services de radiologie, estil donc dynamisant de mobiliser chez le manipulateur le désir de participer, de s intéresser à l organisation professionnelle en prenant en compte ses ressources individuelles telle que la créativité? Le rôle dynamique de l imagination navigue entre le niveau individuel et le processus de création collectif. L objet est d étudier la valeur de la créativité dans la réalité professionnelle d un service de radiologie avec des interrogations tant sur le plan sociologique que pédagogique. I LA CRÉATIVITÉ DANS LA RÉALITÉ PROFESSIONNELLE La créativité un état d esprit ; des méthodes et des techniques ; la capacité d imaginer des solutions ; un moyen de mieux communiquer avec les autres. La radiologie est une production de soin, de savoirs. C est un acte sur une personne en situation de diagnostic ou de thérapie. Si la radiologie est une discipline scientifique médicale bien établie aujourd hui, l acte relève non seulement de cette spécificité reconnue mais également d une variabilité dans le soin prodigué au patient. Ce n est pas une reproduction des gestes qui est nécessaire, c est l invention au quotidien et à chaque malade qui est indispensable à la survie de la profession et des professionnels. La créativité n est pas un non-sens dans ces métiers. C est une valeur d échange entre les membres d un groupe spécialisé, un langage d adaptation à un parc technologique sans cesse renouvelé, une démarche intellectuelle intéressant l évolution de la profession, un attrait individuel et/ou collectif qui correspond à la réalité de l activité du service. Plus encore, c est une implication de tous les instants à la dimension du travail, une hardiesse à la mesure de la tâche, un intéressement aux nouvelles modalités des rapports humains au travail. P. Davezies définit le travail par «ce qui n est pas donné»...par la prescription. C est donc ce qui est apporté par les travailleurs, par l intelligence au travail, par leur créativité. Toute innovation s inscrit nécessairement dans une trame sociale et historique qui lui confère sa signification véritable. En ce sens, la création n est jamais un événement ponctuel, autonome et radical : elle se manifeste toujours par un effet de contexte. La gestion de l innovation se fonde donc sur la création de nouvelles règles d organisation pour introduire la dimension spécifique de l action. La créativité nous entraîne alors souvent vers des choix. Elle approche le spontané et le jeu, elle oblige à faire des tris dans des éparpillements où séjournent le connu, le conventionnel, l artifice, les effets. Parce qu elle n appartient pas au seul domaine artistique et qu elle côtoie la création, elle est une nécessité et préside à l agencement du travail. Aussi les techniques doivent-elles être connues afin de mieux les oublier : l incorporation de la technique permet l aisance dans la pratique. Le travail réel ne correspond pas au travail prescrit, ceci a été démontré tant par l ergonomie que par la théorie des organisations. Ce que l on sait moins c est comment les travailleurs parviennent à gérer ce décalage. 5

II LE TRAVAIL COMME MILIEU DE CONTRAINTES III LA CRÉATIVITÉ : LA TRANSGRESSION DES NORMES ET LA SOUFFRANCE L action est réglée sur des référentiels. Ces règles font état de l art du métier qu elles soient conscientes ou non, ce sont des normes. Or l action ne peut être normée préalablement car les normes sont pour des formes standards et stabilisées. Les situations de travail concrètes sont en général toutes particulières. Les contraintes de travail pour les cadres ou les manipulateurs en service de radiologie appartiennent à deux registres : les contraintes de l acteur et les contraintes du système. Ces deux contextes, acteur et système, empruntés à «L acteur et le Système» de Crozier et Friedberg (Seuil, 1985) relèvent de la théorie qui considère l organisation comme un système politique dans lequel des acteurs évoluent. Elle repose sur quatre principes : l acteur en organisation est un stratège, avec une marge d action; il est rationnel, mais sa rationalité est limitée; le pouvoir est une relation d échange qui se négocie; l interaction entre les individus aboutit à la constitution d un système d action. Les contraintes de l acteur comportent la notion du temps et le facteur humain tandis que les contraintes du système englobent les rubriques techniques, architecturales, administratives et économiques. Les contraintes sont ressenties par le personnel. La fréquence et les niveaux de conscience peuvent différer d un individu à l autre. Il est noté une tendance à trouver un intérêt de la contrainte afin d aspirer à un «confort» au quotidien. Cet intérêt peut être personnel ou collectif et est lié au type d organisation instaurée dans le service de radiologie. Les indicateurs de pouvoir, d innovation, de responsabilité et de persévérance sont des guides pour dégager les niveaux de conscience d action du personnel sur ces contraintes. Aussi des analogies et des comparaisons sont-elles faites, des contradictions et des variations sont entretenues, la créativité se développe, séduit et inévitablement, l exercice comporte un risque : la transgression de la norme. La contrepartie de cette propriété est source de souffrance. Souffrance déterminée par l écart éprouvé par l agent entre la situation réelle de travail et ses attentes et espoirs qu il a construits. Pour répondre à leurs problèmes quotidiens, les agents doivent chercher des solutions adaptées aux cas des patients, à l environnement technique et à l équipe. Ils se trouvent alors confrontés à de véritables cas de conscience pour appliquer des règlements trop durs ou inadaptés aux cas nouveaux. Une élaboration collective et individuelle de solutions conduit les agents à se tourner les uns vers les autres autant que vers leurs chefs immédiats pour fonder ou couvrir leurs pratiques. Le travail est ici intéressant car il faut inventer des formules mais il engendre aussi l inquiétude et l angoisse face à l urgence des situations. L agent découvre ainsi de nouvelles valeurs dans son action quotidienne. Il lui faut constamment s engager dans de multiples rencontres; le travail se charge d une profonde quête éthique de sens sur ce qui est fait, sur les conséquences des choix. La valeur du travail repose sur une capacité à remettre en jeu des ressources humaines, les siennes et celles des proches, face aux pressions de la situation. Cette expérience du travail à risque implique totalement l individu et ses collègues. Face à la contrainte «force extérieure qui va à l encontre de ma volonté» mais qui rassure par ses interdictions, se donner la loi de son action entraîne des bouleversements psychosociologiques en rapport avec une liberté partielle. Ce qui se passe chez soi arrive aussi à d autres. C est un acte collectif entre des personnels diversifiés et multiples. La formation joue donc un rôle important : accepter de se laisser surprendre est le début de l aventure; s ouvrir à l inattendu demande une certaine confiance. C est sans doute aussi tout le charme de la réalité professionnelle d où la nécessité d organiser la créativité systématiquement par la stimulation et l exploitation du potentiel créatif de chacun. IV LA CRÉATIVITÉ : LE POUVOIR CRÉATEUR ET LA SANTÉ MENTALE La créativité est à considérer comme ayant la capacité de produire du savoir nouveau et de trouver des réponses originales à des problèmes inédits qu il faut résoudre localement. Ce qui apparaît comme plus per- 6

LA CRÉATIVITÉ DANS LA RÉALITÉ PROFESSIONNELLE... LE DÉSIR DE CRÉER ET LE PLAISIR DE FAIRE tinent encore c est la capacité à aider d autres personnes à produire de la connaissance à partir de leur expérience. C est-à-dire à mobiliser l énorme gisement de savoir contenu dans les pratiques pour comprendre ce que les acteurs vivent dans leurs situations de travail. Non seulement comprendre les logiques d action des acteurs réels par l échange affectif et intellectuel qui devient possible mais aussi par la formalisation du savoir-faire. Avec la créativité il est question de pouvoir créateur, de santé mentale, de valeur à donner à la «quotidienneté», entre réalité et rêve avec des marges d action du personnel. Ainsi la création est une transposition d une part de soi inconsciente et un dépassement du contexte particularisant de l expérience. La créativité est de cette nature qui pousse l initié aux extrêmes de soi. C est l activité créatrice qui permet au sujet de se saisir de lui-même, de s appréhender comme acteur de sa vie, comme agent de sa destinée. En ce sens, il transforme lui-même le monde qu il rencontre. Dans cette mouvance se révèle l énigme de soi et celle de l identité de l homme. Une relation humaine a sans cesse besoin, pour enrichir sa force de liaison, de cette imagination créatrice et de cette vigilance accueillante qu exige l œuvre créatrice. On peut dire que l attitude créatrice de l homme à l égard de son innovation n est qu une forme particulière d une adaptation sociale plus générale. Les enjeux apportés par la créativité dans la réalité professionnelle existent. Le sens donné au travail dynamise l individu et le collectif par la coopération et la reconnaissance de l action. En découle une valorisation du savoir et des ressources humaines de l équipe soignante. Il s ensuit alors une démonstration bénéfique tant pour l acteur que pour le système d un épanouissement d expression créative, d une souplesse de management pour jongler avec les éléments à disposition et trouver le juste équilibre. La puissance de la créativité s accroît exponentiellement avec la diversité et la divergence de ces utilisateurs. Configuration du processus d aménagement de la créativité Innovation Confiance ACTEUR SYSTEME Aliénation Production de soin Métier Ressources Implication Formation Socialisation Tolérance Malaise Individu Idées Travail prescrit Contraintes Collectif Normes Hétéronomie Décision Apprentissage Risque Imagination Action Animation Travail réel Compréhension Pensée Connaissance Adaptation Responsabilité Soufrance Appropriation du sens de l'action Intelligence rusée Sens du travail Réseau Mobilisation Engagement Pouvoir Effort Conflit Protocoles Reconnaissance Silence Incertitude Conceptualisation Valeur du savoir Santé mentale Echange Experience Persévérance Elargissement du champ conscienciel Optimisation de soi Art de vivre Trtansformation Action de changement Coopération Réference symbolique Autonomie 7

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE La pédagogie de la créativité n existe que dans le moment où cette pédagogie se constitue. La créativité ne se dépose pas dans une série de recettes et de conseils pratiques. C est une pédagogie du risque et de l incertitude. C est une pédagogie qui s invente. Longtemps cantonnées dans quelques bureaux d études spécialisés, cette fonction créatrice et cette valeur d anticipation tendent à se généraliser avec l expansion des organisations par projet et les dynamiques expérimentales de changement. Une telle valeur du travail inventif suppose alors que chacun, manipulateur ou cadre, puisse se sentir participer à une nouvelle conception de l acteur. Il y a là une dimension fondamentale, celle d une constante préoccupation de ce qui rend le travail source de valeur pour l acteur et donc d implications collectives : la créativité, le désir de créer et le plaisir de faire. Le schéma précédent tente de représenter la créativité dans la réalité socioprofessionnelle. Sont reprises des étapes comme «travail prescrit, travail réel, sens du travail, valeur du savoir». Le fil conducteur pourrait se traduire par : l imagination travaille à la fois dans le passé, le présent et le futur, pour prendre en compte le présent, tirer parti du passé et se tendre vers le futur, qui à son tour devient présent et puis passé. C est un empilement de savoirs qui sans cesse s appuie sur des connaissances renouvelées, remises à jour entre l acteur et le système. C est un perpétuel recommencement. La créativité n est jamais établie puisque tout peut être remis plus constructivement en cause; c est un agencement inédit d éléments. La créativité est une caractéristique de comportement : un individu créatif a besoin d une certaine marge d autonomie pour pouvoir réaliser ses capacités, a besoin d un certain détachement pour être original. Collectif Sciences Humaines Paris IX-Dauphine (Jacob Annie, Juan Salvador, Labounoux Gérard, Million Marie-Madeleine), Organisation et management en question(s), Logiques Sociales L Harmattan, 1993, 230 pages. Crozier Michel, La société bloquée, Seuil, 1970, 226 pages. Dejours Christophe, Le facteur humain, Que sais-je n 2996, PUF, 1995, 127 pages. Dejours Christophe., Souffrance en France, Seuil, janvier 1998, 197 pages. Dejours Christophe et Dessors Dominique, article pour une formation sur la mobilisation de la personnalité et de l intelligence au travail, Les formations de l APHP, 1994, 46 pages. Dodier Nicolas, Ce que provoquent les infractions, La transgression des règles au travail sous la direction de J. Girin et M. Grosjean, L Harmattan, 1996, 141 pages. Jobert Guy, L intelligence au travail, à paraître dans Traité des sciences et méthodes de la formation, Nathan, 1999. Kao John, Organiser la créativité, Village mondial, 1998, 192 pages. Molinier Pascale, article pour un colloque sur les conditions subjectives et sociales de l ingéniosité au travail, Les formations de l APHP, 1994, 46 pages. Thuderoz Christian, Transgressions et objets ou quelques réflexions à propos de l objet et du sujet, La transgression des règles au travail sous la direction de J. Girin et M. Grosjean, L Harmattan, 1996, 141 pages. Turcotte Pierre R., Qualité de vie au travail : anti-stress et créativité, Les éditions d organisation, Québec 1983, 184 pages. 8

ÉTHODOLOGIE MFrancine Major, inf., M. Sc. Étudiante au doctorat en sciences infirmières (Université de Montréal, Québec, Canada), Professeure au Département des sciences infirmières (Université du Québec à Hull, Québec, Canada) LE CENTRE D INTÉRÊT DE LA DISCIPLINE INFIRMIÈRE : UNE CLARIFICATION À L AIDE DES BASES ONTOLOGIQUES RÉSUMÉ ABSTRACT Le centre d intérêt de la discipline infirmière : une clarification à l aide des bases ontologiques. The focus of the discipline of nursing : a clarification with the ontological basis. La discipline infirmière s est enrichie des contributions d infirmières théoriciennes, chercheuses et praticiennes dans la création de modes favorisant le développement de la connaissance infirmière. L apport de l ontologie permet de clarifier la nature de la réalité à la base des visions sur les phénomènes à l étude. En sciences infirmières, ces visions sont enracinées dans deux paradigmes différents qui influencent tout autant la nature du centre d intérêt de la discipline. Des propositions de centre d intérêt sont analysées et des règles sont proposées pour permettre de choisir un mode heuristique cohérent avec le paradigme d appartenance. La coexistence des paradigmes mérite le respect de visions différentes et l engagement à évaluer les théories de la discipline en relation avec les valeurs à la base de notre service à la société. The discipline of nursing is enhanced by the contributions of theoricians, researchers and practitioners in nursing who created ways that promote the knowledge development of nursing. The contribution of ontology allows for the clarification of the nature of reality from which stem the visions about phenomena to be studied. In nursing sciences, these visions are embedded in two different paradigms that influence the nature of the focus of the discipline as well. Some statements about the focus of the discipline are analysed and rules allowing for the choice of a coherent heuristic mode are set forth according to the chosen paradigm. The coexistence of paradigms deserves the respect of the different visions and the engagement to evaluate the theories of the discipline in relation with the values grounding our service to the society. Mots-clés : Centre d intérêt, Discipline, Ontologie, Paradigmes Key words : Focus, Discipline, Ontology, Paradigms 9

M ÉTHODOLOGIE LE CENTRE D INTÉRÊT DE LA DISCIPLINE INFIRMIÈRE : UNE CLARIFICATION À L AIDE DES BASES ONTOLOGIQUES Les trois dernières décennies ont vu l ensemble des disciplines débattre de la nature de la science et de l activité scientifique. En sciences infirmières, le débat ontologique sur les visions de la réalité, présentes au sein de la discipline a remplacé le débat épistémologique sur les méthodes de recherche (Silva, Sorrell, & Sorrell, 1995). Le centre d intérêt de la discipline infirmière ou substance infirmière est l objet spécifique qui oriente le développement des connaissances. Le présent essai résulte d une revue synthèse des écrits portant sur la discipline et son développement. Il vise à clarifier le centre d intérêt de la discipline infirmière à l aide des bases ontologiques sur lesquelles il s appuie en : 1) analysant brièvement les propositions de centre d intérêt de la discipline à la lumière des bases ontologiques, 2) énonçant un centre d intérêt de la discipline cohérent avec l ontologie dont se réclame la présente auteure, 3) proposant des règles pour le choix des modes heuristiques favorisant le développement de la connaissance sur la substance infirmière, 4) invitant toute infirmière, théoricienne, chercheuse ou praticienne à relever le défi de la cohérence ontologique, épistémologique et méthodologique. Le présent essai s appuie sur les deux premices suivantes : toute personne est partie prenante de la réalité dans un monde fait de sens, de culture et d histoire, et le langage choisi pour exprimer une vision du monde reflète la nature de la réalité ou ontologie (Parse, 1998); l ontologie de la présente auteure est liée au paradigme de la simultanéité (Parse, 1987) qui sera décrit ci-après. Les bases ontologiques Une base ontologique est une conception ou vision de la nature essentielle de la réalité. L existence de conceptions différentes de la réalité est reconnue en philosophie (Le Shan & Margeneau, 1982; Rawnsley, 1998). Les réalités objectives, perçues, construites ou créées s expriment dans des systèmes de croyances ou visions du monde offrant des perspectives sur les phénomènes. Ces systèmes de croyances sont aussi désignés sous le vocable de paradigmes; ces derniers influencent le domaine de la santé au même titre que toutes les autres sphères de la société (Capra, 1983; Cull-Wilby & Pepin, 1987 ; Ferguson, 1981). En sciences infirmières, deux bases ontologiques différentes sont reconnues dans les écrits (Mitchell & Cody, 1992; Silva, Sorrell, & Sorrell, 1995). Ces bases ontologiques se reflètent dans les postulats de chacun des deux paradigmes de la totalité et de la simultanéité (Parse, 1987). Selon Parse (1987), dans le paradigme de la totalité (voir le Tableau I), la réalité est statique et objective; l être humain est un organisme fermé ayant des composantes délimitées et reliées entre elles, biologiques, psychologiques, sociologiques, spirituelles et culturelles; l environnement peut être manipulé pour maintenir ou promouvoir un équilibre; en interaction avec l environnement, l être humain s adapte aux situations changeantes et il a besoin d aide pour composer avec les exigences d auto-soins; la santé est un état dynamique de bien-être avec un niveau optimal désirable. Comme l être humain répond aux facteurs environnementaux dans des patterns de causalité, les situations de vie peuvent être prédites et vérifiées; lorsque les relations causales sont déterminées, le contrôle des facteurs est possible (Nagle & Mitchell, 1991). Les méthodes de recherche cohérentes avec ce paradigme sont de nature quantitative; empruntées aux sciences de la nature, elles ont pour but de décrire, expliquer, prédire et contrôler les facteurs influençant les situations (Nagle & Mitchell, 1991; Parse, 1987). Selon Parse (1987), pour être adéquates au développement de la science infirmière, les méthodes de recherche de type quantitatif bénéficieraient d un développement issu directement des théories de la discipline avec une base ontologique cohérente avec ces dernières. Dans le paradigme de la simultanéité (voir le Tableau I), la réalité est une co-création dynamique de la relation personne-univers; l être humain est un être ouvert, qui est libre de choisir une signification aux situations; il porte la responsabilité de ses choix dans un processus être humain-univers-santé qui est en devenir, c està-dire en co-création continue et simultanée; ce processus en devenir est associé à une série de valeurs mises en priorité; la santé est la façon dont une personne fait l expérience personnelle de vivre un devenir en processus mutuel avec l univers (Parse, 1987; 1998). Les méthodes de recherche cohérentes avec ce paradigme sont de nature qualitative et issues de la science humaine (Parse, 1987; Mitchell & Cody, 1992). Certaines de ces méthodes de recherche sont développées à partir d une perspective infirmière (Barrett, 1998; Parse, 1996). De nature qualitative, ces méthodes tentent de saisir les patterns de signification qui reflètent l expérience d être humain et visent la compréhension d expériences humaines et l élaboration de théorie (Nagle & Mitchell, 1991). Les visions différentes de la réalité influencent la façon de concevoir non seulement la nature de la substance infirmière mais aussi la façon de relier les concepts retenus entre eux et même de les définir. Des visions non seulement différentes mais divergentes sont devenues évidentes lorsque les auteurs ont regroupé les concepts sous forme d énoncé ou défini les concepts des centres d intérêt proposés (Cody, 1996; Malinski, 1996). 10

LE CENTRE D INTÉRÊT DE LA DISCIPLINE INFIRMIÈRE : UNE CLARIFICATION À L AIDE DES BASES ONTOLOGIQUES Paradigme de la totalité Paradigme de la simultanéité Réalité Statique et objective Co-créée et dynamique dans la relation personneenvironnement Être humain Organisme fermé, avec des Être ouvert, entier (indivisible) et libre de choisir composantes délimitées et reliées une signification aux situations entre elles Environnement En interaction avec l'être humain En co-création continue, mutuelle et simultanée Univers qui s'adapte et a besoin d'aide; être humain-univers-santé peut être manipulé pour le maintien d'un équilibre Santé État dynamique de bien-être avec un Expérience personnelle de vivre un devenir en niveau optimal désirable processus mutuel avec l'univers; processus en devenir selon les priorités de valeur Recherche : Patterns de causalité Patterns de signification méthodes Type quantitatif Type qualitatif origine Sciences de la nature Sciences humaines buts Décrire, expliquer, prédire et contrôler les Comprendre les expériences humaines et élaborer facteurs influençant les situations des théories Tableau 1: Les Postulats des paradigmes de la totalité et de la simultanéité Les propositions de centre d intérêt et leurs bases ontologiques Un centre d intérêt d une discipline ou substance est le point de départ d une discipline qui lui donne un caractère unique (Barrett, 1992 ; Parse, 1995). La substance et les modes d investigation qui en découlent servent à la reconnaissance d une discipline (Donaldson & Crowley, 1978). Le centre d intérêt détermine la sorte de connaissance à développer autant que la façon d organiser, vérifier et appliquer la connaissance (Carper, 1978). Selon Ellis, la détermination de la substance de la discipline infirmière est une priorité (Algase & Whall, 1993). Newman, Sime et Corcoran- Perry (1991) affirment que la substance est au-delà des visions du monde ou paradigmes, qu elle est libre de toute valeur. En opposition avec ces auteurs, nous croyons qu une conception particulière de la nature de la personne et de la santé, de la nature des méthodes scientifiques d investigation et de la nature du soin infirmier sont empreintes de valeurs qui sont reflétées dans une vision du monde ou paradigme. En accord avec Barrett (1992), nous affirmons qu il est préférable de reconnaître le paradigme dont on se réclame et sa base ontologique avant d énoncer un centre d intérêt car les façons particulières de définir les éléments d un phénomène, de le conceptualiser et de l étudier varient et reflètent les différentes conceptions de la nature de la réalité. La reconnaissance de l appartenance à une base ontologique différente est implicitement reconnue par Donaldson et Crowley (1978) dans leur exemple de la santé. Les auteurs font remarquer l importance de clarifier, dans le contexte d une théorie ou d une méthode de recherche, si la santé est considérée comme un état spécifique ou telle que définie par chaque individu. Chaque paradigme est imprégné d une base ontologique différente qui se reflète dans le choix des mots définissant la substance. Par exemple, les mots «transaction» et «présence authentique», ont une sémantique différente et ne peuvent être substitués l un pour l autre parce qu ils sont étayés par une base ontologique différente (Parse, in Takahashi, 1992). Plusieurs auteurs ont tenté de définir le centre d intérêt de la discipline sans toutefois s inscrire explicitement dans un paradigme. Les constatations suivantes visent à jeter un éclairage nouveau en rendant explicite le paradigme à la base des énoncés de quelques centres d intérêt. La présente auteure reconnaît l inestimable contribution des auteurs à l évolution de la discipline dans un contexte où, parfois, la notion de paradigme était absente ou embryonnaire. En 1959, Johnson affirme que les sciences infirmières ont besoin d avoir une connaissance des gens et de leurs patterns prévisibles de réponse au stress. Cette formulation correspond au paradigme de la totalité où la connaissance vise la prédiction de la réaction de l individu à un environnement extérieur à lui et considéré comme menaçant. En 1978, Donaldson et Crowley précisent que les sciences infirmières étudient l entièreté (wholeness) et la santé des êtres humains, en reconnaissant que les êtres humains sont en interaction continuelle avec leur environnement. Le but du soin est d optimiser les environnements humains pour la santé. Malgré un mouvement vers une conception 11

globale de l être humain, le fait de considérer l environnement comme multiple, séparé de l être humain et sujet à manipulation pour le rendre optimal, témoigne du paradigme de la totalité. Les trois thèmes d investigation proposés par Donaldson et Crowley (1978) sont encore plus révélateurs du paradigme de la totalité en parlant de «lois et de principes qui gouvernent les processus de vie, le bien-être et le fonctionnement optimal des êtres humains, malades ou en santé», de «patterns de comportement humain en interaction avec l environnement dans les situations critiques de vie» et «des processus qui entraînent des changements positifs dans l état de santé»(traduction libre, p.113). En 1984, Fawcett propose un métaparadigme infirmier composé de la personne, de l environnement, de la santé, du soin, et des thèmes d investigation de Donaldson et Crowley (1978). Selon Fawcett, le métaparadigme constitue la substance infirmière et il correspond aux phénomènes d intérêt de la discipline. En 1996, Fawcett définit quatre conditions requises pour un métaparadigme : il doit identifier un domaine distinct de ceux des autres disciplines, englober tous les phénomènes d intérêt à la discipline d une manière concise, être neutre de toute perspective et être d envergure internationale. Dans le cadre du présent essai, la troisième condition, «être neutre de toute perspective», retient notre attention. Fawcett (1996) affirme que les concepts du métaparadigme et les propositions de Donaldson et Crowley (1978) sont libres de toute perspective contrairement aux propositions d autres auteurs. Les définitions de Fawcett témoignent pourtant d une base ontologique du paradigme de la totalité, excluant du fait même la perspective du paradigme de la simultanéité. Fawcett (1996) définit la personne comme le bénéficiaire du soin infirmier et non comme un cocréateur de sa santé, l environnement comme extérieur à la personne et non intrinsèque à la personne, la santé comme un état de bien-être s étendant sur un continuum et non comme un devenir. Enfin, Fawcett définit le soin comme les actions prises par les infirmières au nom de ou en conjonction avec la personne, et comme les buts et résultats des actions de soin qui sont un processus systématique de collecte de données, de diagnostic, de planification, d intervention et d évaluation, ce qui reflète une conception du paradigme de la totalité. Cody (1996), Malinski (1996) et Rawnsley (1996) en font une analyse détaillée pour conclure que Fawcett ne respecte aucune des conditions requises par elle-même pour établir un métaparadigme. En 1991, Meleis introduit des notions de mouvement et de changement dans un énoncé où l infirmière est au centre de la situation de santé dans une interaction avec un être humain. Celui-ci est conçu comme une entité intégrée dans son contexte : il se trouve dans une transition ou il l anticipe. Le rôle de l infirmière est de faciliter les transitions et de transiger avec les gens qui subissent des transitions (Meleis & Trangestein, 1994). Cet énoncé révèle que le changement est délimité dans le temps et qu une transition peut succéder à une autre. De plus, selon cet énoncé, les personnes réagissent de façon dépendante à leur environnement quand elles souffrent, endurent les transitions en étant l objet sur lequel s exerce un pouvoir non voulu. Cette conception est cohérente avec le paradigme de la totalité où l être humain est considéré comme un objet qui n est pas libre de ses choix dans les situations vécues et où les situations de transition peuvent être isolées les unes des autres. Plusieurs auteurs ont tenté d intégrer des concepts nouveaux dans le but de traduire un centre d intérêt qui rende justice au caractère unique de la discipline. En plus de celui de Meleis (1991), les énoncés de substance de Newman et al. (1991), «le caring(1) dans les expériences humaines de santé», et de Kérouac, Pepin, Ducharme, Duquette et Major (1994), «le soin à la personne, qui en interaction continue avec son environnement, vit des expériences de santé», ont illustré la difficulté de la cohérence avec la base ontologique qui soustend toute expression du langage parlé et gestuel. Par exemple, Newman et al. (1991), au contraire de Kérouac et al. (1994), ont réussi à intégrer l environnement et la santé au concept de l être humain sans pour autant faire de celui-ci le centre d attention de l énoncé. Le plus grand changement issu de cet effort d intégration est sans doute l attention principale qui s est déplacée de la personne vers le soin et parfois vers le rôle de l infirmière. Avec un énoncé mettant en relief le soin, le risque est grand de déplacer le centre d intérêt pour la recherche sur ce que font les infirmières en relation avec les êtres humains plutôt que sur ce que les infirmières savent au sujet des êtres humains (Barrett, 1992). Or, une discipline ne se définit pas par les actions ou les activités qui font partie de sa pratique mais bien par son savoir, son corps de connaissances sur une substance qui est l objet de son investigation. La présente auteure remet en question la pertinence d inclure le soin dans le centre d intérêt pour le développement d un corps de connaissance disciplinaire. Tout en imprégnant les éléments du centre d intérêt, le soin est considéré comme un contexte dans lequel une théorie de la discipline est actualisée dans la pratique infirmière. (1) Le mot caring peut être traduit par soin mais il perd sa connotation expressive propre à la langue anglaise et ne permet pas de le distinguer du mot care qui est aussi traduit par soin. 12

LE CENTRE D INTÉRÊT DE LA DISCIPLINE INFIRMIÈRE : UNE CLARIFICATION À L AIDE DES BASES ONTOLOGIQUES Vers un centre d intérêt de la discipline cohérent avec le choix d une base ontologique Il existerait donc deux bases ontologiques dans la discipline. Malinski (1996) suggère alors qu il y ait deux métaparadigmes, celui proposé par Fawcett (1984; 1996) et regroupant des théories comme celles d Orem, de Roy ou de Neuman et enfin celui représentant les travaux de Rogers, de Parse et de Newman et comportant des thèmes identifiés par Sarter (1988). Ces thèmes concernent le processus, le changement comme croissance humaine, la santé comme une évolution, l auto-transcendance, l ouverture, le pattern, l espace et le temps comme non-linéaires, fluides et relatifs (Malinski, 1996). Les deux métaparadigmes correspondent aux paradigmes de la totalité et de la simultanéité. Comme ils procèdent de conceptions divergentes de la réalité, il serait inefficace de tenter de les unir dans un métaparadigme qui impose une conception particulière (Brodie, 1984) sans tenir compte de celle de l autre (Cody, 1996). Dans un effort de synthèse, Parse (1998) propose que la discipline infirmière s intéresse au processus être humain-univers-santé. Le caractère indissociable des concepts est suggéré par les tirets entre chacun d eux. Dans cette optique, les cadres de référence et les théories de la science infirmière constitue la substance du corps de connaissance de la discipline infirmière (Parse, 1995). Chaque théorie révèle le système de croyances du paradigme à sa base. Par exemple, la perspective ontologique de la théorie de Parse situe la réalité dans la co-création avec l univers et les autres tout en étant expérimentée de façon unique par la personne (Parse, 1998). La réalité n est pas comparée à une réalité objective mais est respectée comme une voie choisie pour devenir. Cette conception de la réalité est cohérente avec celle de la présente auteure qui énonce un centre d intérêt de la discipline dans l être humain en devenir, c est-à-dire dans les expériences humaines de santé qui sont intrinsèquement liées au devenir de l être humain. La connaissance des expériences humaines de santé est donc essentielle au développement du corps de connaissances de la discipline. Cette conception du centre d intérêt se rapproche de la pratique d infirmières pour qui le devenir des personnes englobe le passé, le présent et l avenir qui forment les limites et les possibilités à l origine des choix de santé de chaque personne. Des règles servant à choisir un mode heuristique pertinent au développement de la connaissance Le mot heuristique est à la fois un adjectif et un nom. Comme adjectif, il signifie «qui sert à la découverte» et il a un sens plus large que le nom qui signifie «la partie de la science qui a pour objet la découverte des faits» (Petit Robert, 1993). Dans le cadre du présent essai, le mot heuristique est considéré comme un adjectif. Le mode le plus heuristique pour favoriser le développement de la substance fait référence aux méthodologies issues des façons de connaître et dont les résultats visent le développement de la connaissance sur le contenu de la substance infirmière. Le présent essai s inscrit dans les limites de cette interprétation. Les modes heuristiques peuvent inclure les méthodologies de la recherche et d autres méthodes de développement de la connaissance en émergence. Le développement de la connaissance a surtout tenu compte d une façon de connaître parmi les quatre identifiées par Carper (1978), soit au moyen de la connaissance empirique, la science infirmière. Mais selon Carper, les façons de connaître ne sont pas mutuellement exclusives ni définitives. Reliées entre elles, les façons de connaître sont des dimensions de la globalité de l action reliée à la connaissance dans la discipline et elles ne peuvent être utilisées séparément de cette globalité (Chinn & Kramer, 1991). Il est donc possible de remettre en question la façon actuelle de développer des approches isolées les unes des autres pour favoriser le développement de la connaissance (Newman, 1997). La reconnaissance de la simultanéité des façons de connaître crée une ouverture pour des méthodes intégrant des approches globales et innovatrices au développement de la connaissance (Jacobs-Kramer & Chinn, 1988; Schultz & Meleis, 1988). Le développement et l utilisation de formes alternatives de connaissance est consistant avec les buts et les méthodes d une science humaine (Jacobs-Kramer & Chinn, 1988) et les sciences infirmières sont une science humaine (Bishop & Scudder, 1990; Mitchell & Cody, 1992). La nature globale ou unitaire de la science infirmière fait appel à un corps de connaissances qui est flexible et ouvert au changement et donc à la création de méthodes spécifiques propres à la discipline (Phillips, 1996). Plusieurs auteurs dans la discipline infirmière, depuis Johnson (1959) à Donaldson et Crowley (1978), à Fawcett (1984) et à Parse (1987; 1996) ont insisté sur le fait qu une perspective théorique issue de la discipline est essentielle au développement de la connaissance dans la discipline. Selon Mitchell (1994), l intérêt particulier de la discipline infirmière dans la relation réciproque être humain-santé exige des modes d investigation uniques et guidés par des théories de la discipline. Si la perspective théorique est dans la discipline, alors les méthodes quantitatives et qualitatives contribuent au corps de connaissance en étendant la 13

compréhension des phénomènes d intérêt de la discipline (Parse, 1987; 1996). Cette compréhension est cependant différente parce que les conceptions ontologiques, épistémologiques et méthodologiques sont différentes selon les théories et les méthodes (Parse, 1996). En analysant leur cohérence, Parse (1996) décrit les méthodes qualitatives de recherche issues de la discipline, l ethnonursing de Leininger, la méthode de recherche de Newman et la méthode de recherche de Parse. Sans analyser leur cohérence, Barrett (1998) décrit trois méthodes inspirées de la théorie de Rogers. Parse (1996) considère que les méthodes qualitatives empruntées à d autres disciplines peuvent développer le corps de connaissances de la discipline infirmière à la condition que la méthode de recherche provenant d une autre discipline ait une cohérence ontologique, épistémologique et méthodologique avec le paradigme de la simultanéité et permette l utilisation d une théorie d une autre discipline, par exemple, une théorie de la science infirmière. Dans la plupart des méthodes de recherche issues de la discipline, le processus de la recherche implique que le chercheur et le participant en arrivent à une sorte de dialogue au sujet de la signification d un phénomène (Mitchell, 1994). Les résultats de ce dialogue représentent la compréhension du chercheur qui est rendue explicite à la lumière de la théorie de la discipline infirmière choisie pour l étude. En science infirmière, les différentes théories décrivent les différentes réalités au sujet des relations réciproques être humain-univers-santé (Mitchell, 1994). Il devient donc essentiel de respecter les différents systèmes de croyance ou paradigmes au sein de la discipline infirmière. Mais il subsiste un obstacle majeur. Le plus souvent, il est très difficile, pour une personne qui s inscrit dans la vision d un paradigme, de comprendre la vision d un autre paradigme (Winch, in Phillips, 1987). Les praticiennes, théoriciennes et chercheuses sont appelées à passer de la rivalité à la relativité des conceptions, de la primauté d une conception à la reconnaissance mutuelle, des tentatives d unification artificielle à la reconnaissance de la différence. C est dans un esprit non seulement de coexistence (Cull-Wilby & Pepin, 1987) mais aussi de cohérence (Dzurec, 1991) que nous proposons des règles permettant un choix éclairé pour un mode heuristique approprié au développement de la connaissance sur la substance infirmière. Ces règles sont inspirées de Winch (in Phillips, 1987) et de Bunkers, Petardi, Pilkington et Walls (1996). 1. Connaître les différentes ontologies et épistémologies dans le but de comprendre la base des théories, méthodologies et processus de la pratique infirmière; 2. Comprendre la base ontologique à laquelle on s identifie et situer le paradigme qui guide la théorie, la recherche et la pratique. Pour ce faire, il est nécessaire de clarifier particulièrement les concepts de l être humain et de la santé; 3. Reconnaître l existence de la différence de base ontologique, par exemple dans les approches quantitatives et qualitatives à la recherche et l existence de critères d évaluation différents; 4. Être ouvert à des façons de connaître variées, interdépendantes et globales pour comprendre l expérience humaine; 5. Être ouvert à des méthodes de recherche innovatrices qui englobent plusieurs façons de connaître; 6. Utiliser les théories de la science infirmière et, si possible, des méthodes de recherche propres à la discipline, et qui respectent la base ontologique de chaque paradigme. Une invitation à relever le défi de la cohérence La discipline infirmière imprègne toutes ses activités de principes associés par certains à des valeurs (Nagle & Mitchell, 1991) et par d autres à des traditions (Cody, 1996). Quoi qu il en soit, ces principes, valeurs, traditions, traduisent le caractère unique de la discipline infirmière. Il s agit premièrement du respect pour la dignité humaine et pour le caractère unique de chaque personne, et deuxièmement de la pratique infirmière dans une présence attentive soutenue des personnes (Cody, 1996; Nagle & Mitchell, 1991). Le défi est grand parce que la reconnaissance des contributions significatives mais différentes au corps de connaissance de la discipline infirmière au moyen de méthodologies différentes ne signifie pas pour autant qu un même chercheur puisse se réclamer de bases ontologiques divergentes (Nagle & Mitchell, 1991). Par exemple, il peut être difficile d articuler un programme de recherche cohérent en croyant que l être humain est à la fois libre de choisir dans sa situation et également déterminé par sa situation donc objet de manipulation et de contrôle. Chaque infirmière est donc invitée à relever le défi non seulement de la coexistence des paradigmes mais aussi de la cohérence ontologique, épistémologique et méthodologique. L ouverture à une conception du monde autre que la sienne nécessite pour les infirmières de puiser dans les principes qui caractérisent la discipline infirmière. Le défi implique aussi de mettre à l épreuve les théories de la discipline au moyen de différents modes heuristiques pour favoriser le développement d un corps de connaissances unique qui pour- 14

LE CENTRE D INTÉRÊT DE LA DISCIPLINE INFIRMIÈRE : UNE CLARIFICATION À L AIDE DES BASES ONTOLOGIQUES ra ensuite être partagé avec et utilisé par d autres disciplines. Selon Reed (1995), le test d une théorie est un critère important de correspondance entre la pratique et la théorie qui elle-même doit avoir des implications utiles. La validité des différentes conceptions de la substance reste à justifier en terme de capacité à fournir une cohérence avec les valeurs à la base du service infirmier (Barrett, 1992). Des critères d évaluation reliés à ces valeurs de respect pour la dignité humaine et pour le caractère unique de chaque personne, et d une pratique infirmière dans une présence attentive et soutenue des personnes pourraient être formulés en terme de changements selon le point de vue des personnes dans les soins de santé et d efficacité des soins de santé quand une théorie spécifique de la discipline guide la pratique infirmière (Parse, 1998). En d autres mots, la discipline infirmière s est enrichie des contributions d infirmières théoriciennes, chercheuses et praticiennes dans la création de modes heuristiques favorisant le développement de la connaissance infirmière. L apport de l ontologie et de l épistémologie deux branches de la philosophie a permis de clarifier la nature de la réalité à la base de visions différentes sur les phénomènes d investigation et de visions différentes sur la nature de la relation entre le chercheur et la réalité à connaître. En sciences infirmières, ces visions sont enracinées dans deux paradigmes différents qui influencent la théorie, la recherche et la pratique. Des règles sont proposées pour permettre de choisir un mode heuristique cohérent avec le paradigme d appartenance. La coexistence des paradigmes mérite certainement le respect de visions différentes et l engagement à évaluer les théories de la discipline. Les infirmières ont maintenant la responsabilité de clarifier non seulement leur base ontologique et épistémologique mais aussi de la mettre en relation avec les valeurs fondamentales du service à la société telles que mises en priorité par elles-mêmes. RÉFÉRENCES Algase, D. L., & Whall, A. F. (1993). Rosemary Ellis views on the substantive structure of nursing. Image - Journal of Nursing Scholarship, 25, 69-72. Barrett, E. A. M. (1998). Unique nursing research methods : The diversity chant of pioneers. Nursing Science Quarterly, 11, 94-95. Barrett, E. A. M. (1992). Disciplinary perspective : Unified or diverse? Commentary and response. Response : Diversity reigns. Nursing Science Quarterly, 5, 155-57. Bishop, A. H., & Scudder, J. R., Jr. (1990). The sense of nursing : Applied science or practical human science? Dans Auteurs, The practical, moral, and personal sense of nursing. À phenomenological philosophy of practice (pp. 45-63). Albany, NY : State University of New York Press. Brodie, J. N. (1984). À response to Dr. J. Fawcett s paper : «The metaparadigm of nursing : Present status and future refinements». Image - Journal of Nursing Scholarship, 16, 87-89. Bunkers, S. S., Petardi, L. A., Pilkington, F. B., & Walls, P. A. (1996). Challenging the myths surrounding qualitative research in nursing. Nursing Science Quarterly, 9, 33-37. Capra, F. (1983). Le temps du changement. Monaco : Éditions Du Rocher. Traduit par Paul Couturiau. Carper, B. A. (1978). Fundamental patterns of knowing in nursing. Advances in Nursing Science, 1,13-23. Chinn, P. L., & Kramer, M. K. (1991). Nursing s patterns of knowing. Dans P. L. Chinn, & M. K. Kramer, Theory and nursing : A systematic approach (3e éd.) (pp. 1-17). St. Louis : Mosby. Cody, W. K. (1996). Occult reductionism in the discourse of theory development. Nursing Science Quarterly, 9, 140-142. Cull-Wilby, B. L., & Pepin, J. I. (1987). Towards a coexistence of paradigms in nursing knowledge development. Journal of Advanced Nursing, 12, 515-521. Donaldson, S. K., & Crowley, D. M. (1978). The discipline of nursing. Nursing Outlook, 26, 113-120. Dzurec, L. C. (1991). Prefacing knowledge development in nursing : Telling stories. The Canadian Journal of Nursing Research, 23 (4), 35-42. Fawcett, J. (1996). On the requirements for a metaparadigm : An invitation to dialogue. Nursing Science Quarterly, 9, 94-97. Fawcett, J. (1984). The metaparadigm of nursing : Present status and future refinements. Image -Journal of Nursing Scholarship, 16, 84-87. Ferguson, M. (1981). Les enfants du Verseau : Pour un nouveau paradigme. Paris : Calmann-Lévy. Jacobs-Kramer, M. K., & Chinn, P. L. (1988). Perspectives on knowing : A model of nursing knowledge. Scholarly Inquiry for Nursing Practice : An International Journal, 2, 129-139. 15

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R Philippe ECHERCHE DELMAS Infirmier Anesthésiste C.H. de CAHORS Doctorant-Faculté des Sciences Infirmières Université de MONTRÉAL André DUQUETTE Professeur titulaire Faculté des Sciences Infirmières Université de MONTRÉAL HARDIESSE, STRATÉGIE DE COPING ET QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL D INFIRMIÈRES DE RÉANIMATION RÉSUMÉ ABSTRACT HARDIESSE, STRATÉGIE DE COPING ET QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL D INFIRMIÈRES DE RÉANIMATION HARDINESS SCOPING STRATEGY, QUALITY OF WORKLIFE IN THE INTENSIVE CARE UNITS Cette recherche visait, d une part, à examiner les relations entre la hardiesse, les stratégies de coping et la qualité de vie au travail d infirmières françaises œuvrant en réanimation, et d autre part, à examiner l effet médiateur des stratégies de coping entre les dimensions de la hardiesse et la qualité de vie au travail. Les données ont été recueillies à l aide d un questionnaire auto-administré et anonyme auprès d un échantillon formé de 137 infirmières, soit un taux de participation de 60 %. La théorie de Maddi et Kobasa (1984) a servi d assise théorique à la présente recherche et le modèle statistique de Baron et Kenny (1986) a permis de déterminer l effet médiateur des stratégies de coping. Les diverses analyses de régression ont montré que les stratégies de réévaluation positive/résolution de problème exercent un effet médiateur entre le sens de l engagement, le sens de la maîtrise et la qualité de vie au travail. Diverses propositions sont faites en regard de ces résultats afin d améliorer la qualité de vie au travail des infirmières. The goals of the study are twofolds : on the one hand, to examine the relations between hardiness, coping strategies and quality of life at work of french nurses working in the intensive care units; on the other hand, to examine the mediating effect of coping strategies between hardiness and quality of life at work. Data was collected using a self-administered questionnaire, anonymously filled by 137 nurses which represented 60 % participation from the initial sample population. Maddi & Kobasa s theory (1984) of Hardiness is the foundation for the present study and Baron & Kenny s statistical model (1986) was used to determine the mediating effect of the coping strategies. Regression analysis demonstrated that positive reevaluation/problem solving strategies had a mediating effect between a sense of commitment, a sense of mastery and quality of life at work. These results prompted various propositions in order to improve nurses quality of life at work. Mots clés : hardiesse, stratégies de coping, qualité de vie au travail, effet médiateur Keys words. Hardiness, Coping strategies, Quality of worklife, Mediator effet 17

R ECHERCHE HARDIESSE, STRATÉGIE DE COPING ET QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL D INFIRMIÈRES DE RÉANIMATION Le travail occupe chez les infirmières une place prépondérante en raison du temps investi, de l énergie déployée et des ressources personnelles et sociales consacrées au soin des personnes qui vivent des expériences de santé ou des épisodes de maladie. Il est licite de penser que le travail infirmier, même s il est fort exigeant, puisse permettre la promotion de la santé de l infirmière. En effet, le travail de celle-ci représente bien plus qu un gagne-pain et peut être considéré comme une composante importante de sa santé. Le travail infirmier est un lieu privilégié de sociabilité, d appartenance à un groupe et de relations humaines. Il est aussi une importante source d identité et d utilité sociale. Prendre soin des personnes peut contribuer à l estime de soi, à la croissance et au développement de l infirmière. Quels sont donc les facteurs qui contribuent à maintenir et à promouvoir la qualité de vie au travail et la santé de l infirmière? Depuis trente ans, la qualité de vie au travail a fait l objet de multiples investigations par les sociologues, les psychologues et les managers (Kierman et Marrone, 1995) sans pour cela permettre de dégager une unanimité dans la définition du concept. En outre, au niveau de la discipline infirmière, la qualité de vie au travail a souvent été assimilée à la satisfaction au travail (Blegen, 1993) mettant ainsi l insistance sur les aspects sociaux de la qualité de l environnement de travail. Par contre, il semble exister un consensus sur le fait que la qualité de vie au travail ne peut se réduire à un seul aspect, comme la satisfaction au travail, mais apparaît plutôt comme un phénomène multidimensionnel. Dans cet ordre d idée, Elizur et Shye (1990), à partir de l approche du système action appliqué à l être humain, définissent la qualité de vie au travail comme étant un haut niveau d efficacité de la personne dans ses dimensions physique, psychologique, sociale et culturelle, et ce à travers les différentes formes d interactions qu elle a avec son environnement de travail. La qualité de vie au travail concerne donc les interactions avec l environnement de travail qui permettent de maintenir, d harmoniser, d actualiser et de développer les potentiels de la personne au plan biopsychosocial et culturel. Cette définition multidimensionnelle du concept rejoint plusieurs aspects de la santé. De ce fait, la qualité de vie au travail apparaît comme étant un bon indicateur de la santé au travail. La revue des écrits montre que la plupart des chercheurs (Cash, 1988; Delmas et coll, 1997; Duquette et coll, 1994; Morissette, 1993; Rodary, 1993) ont mis l accent sur l étude des aspects délétères du travail infirmier; ces chercheurs ont examiné les facteurs personnels et contextuels qui contribuent à l épuisement professionnel ou à la détresse émotionnelle chez les infirmières. Quelques chercheurs (Harrisson, 1995; Savignac, 1993) par ailleurs se sont intéressés aux facteurs associés au bien-être psychologique des infirmières, mais il ne semble pas exister d étude sur la qualité de vie au travail des infirmières. Ces recherches tendent à montrer que parmi les ressources sociales et individuelles qui permettent de faire face aux multiples stresseurs liés au travail, la hardiesse est la principale ressource de l infirmière qui demeure en santé, malgré un contexte de travail fort exigeant. La hardiesse (Maddi et Kobasa, 1984) se caractérise par trois dimensions : le sens de l engagement, de la maîtrise et du défi. Le sens de l engagement fait appel à la tendance de la personne à s impliquer pleinement dans les diverses activités ou situations rencontrées. Le sens de la maîtrise fait référence aux croyances que la personne peut influencer les événements qui se présentent à elle. Le sens du défi se rapporte à des croyances que le changement plutôt que la stabilité est normal. Maddi et Kobasa (1984) montrent que la hardiesse est l une des plus puissantes ressources de la personne à faire face aux stresseurs dans le milieu de travail. La personne hardie, par l intermédiaire de l utilisation de stratégies de coping actives, appréhende les situations problématiques de telle façon que le stress ressenti est moindre que chez la personne moins hardie. La hardiesse pourrait être une ressource de coping, ce qui implique que l expression de la hardiesse se fait à travers les stratégies de coping utilisées par la personne. Il semble que les stratégies de coping pourraient jouer un rôle médiateur entre les dimensions de la hardiesse et la santé de la personne. Lazarus et Folkman (1984) définissent le coping comme l ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences externes qui menacent ou dépassent les ressources d un individu. Le coping s exprime à travers les stratégies utilisées par la personne. Ces stratégies sont généralement centrées sur le problème ou centrées sur les émotions. Des chercheurs se sont intéressés aux relations entre les stratégies de coping et l épuisement professionnel chez les infirmières (Boyle et al, 1991; Ceslowitz, 1989; Duquette et coll, 1995; Rich, 1991). Les résultats de ces recherches montrent que les stratégies d évitement et celles centrées sur l émotion sont positivement associées à l épuisement professionnel. Bref, l état actuel de la recherche ne permet pas de déceler clairement les stratégies de coping qui sont associées aux aspects positifs de la santé de l infirmière au travail. C est dans ce contexte qu il apparaît intéressant, dans une perspective de promotion de la santé des infirmières, d étudier les facteurs qui peuvent influencer la qualité de vie au travail, soit de 18

HARDIESSE, STRATÉGIE DE COPING ET QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL D INFIRMIÈRES DE RÉANIMATION façon plus spécifique, les relations entre la hardiesse, les stratégies de coping et la qualité de vie au travail d infirmières françaises. En outre, il n existe pas d écrit ayant examiné l effet médiateur des stratégies de coping entre les dimensions de la hardiesse et la qualité de vie au travail. Ce constat justifie aussi le but de cette recherche. LE BUT DE LA RECHERCHE Le but de cette étude est, d une part, d examiner les relations entre la hardiesse, les stratégies de coping et la qualité de vie au travail d infirmières françaises œuvrant en service de réanimation, et d autre part, d examiner l effet médiateur des stratégies de coping entre les dimensions de la hardiesse et la qualité de vie au travail. LE MODÈLE THÉORIQUE Le cadre de référence de la présente recherche prend appui sur le modèle théorique de Maddi et Kobasa (1984). Selon cette théorie, l accumulation d événements stressants entraînent une monté en tension qui peut se manifester chez les individus par des réactions comme l hypersudation, l irritabilité et l anxiété. Ces réactions reflètent un état d alerte de l organisme. La persistance de cet état peut entraîner l apparition de symptômes de maladies d ordre physique ou mental. Ces trois variables, événements stressants, tension et symptômes de maladies constituent la trame principale à partir de laquelle les auteurs décrivent des variables modératrices ou inductrices (prédispositions à la maladie). Parmi les variables modératrices, Maddi et Kobasa (1984) décrivent une caractéristique de la personnalité, la hardiesse, qui apparaît comme une des plus puissantes ressources de l individu à faire face aux stresseurs. En effet, la hardiesse permet de diminuer le potentiel délétère des stresseurs de produire une tension chez l individu, et ce en modifiant sa perception grâce à une évaluation positive de la situation. Par conséquent, la personne hardie utilise de façon préférentielle des stratégies de coping actives tout en recherchant le soutien des personnes utilisant ce type de stratégies lors de confrontations à des situations problématiques. Ainsi selon cette théorie, les stratégies de coping actives exerceraient un rôle médiateur entre la hardiesse et la santé de la personne. De ce fait, la personne hardie réduit la tension générée par les stresseurs et demeure en santé malgré un univers de travail fort exigeant. Le cadre théorique de Maddi et Kobasa s appuie sur la philosophie existentielle où la personne est à la recherche de sens à travers les différentes situations qui se présentent à elle. De plus, la structure théorique a été élaborée à partir de plusieurs études empiriques réalisées entre 1979 et 1984 auprès de populations de gestionnaires confrontés à un univers de travail potentiellement stressant. Ouellette-Kobasa (1993) souligne que la discipline infirmière a contribué pour une bonne part à l étude de ce concept, 50 mémoires de maîtrise et 20 thèses de doctorat en sciences infirmières ont porté sur la hardiesse. Il est donc licite de penser que cette perspective théorique peut s appliquer à un groupe d infirmières françaises, d autant plus qu elle a déjà fait l objet d étude auprès d une population d infirmières françaises de soins intensifs (Delmas et coll, 1997). HYPOTHÈSES DE RECHERCHE En regard de la théorie de Maddi et Kobasa (1984), il est raisonnable de penser que les infirmières hardies auront une meilleure perception de leur qualité de vie au travail et ceci par l adoption de stratégies de coping actives. Les hypothèses de recherche émises sont au nombre de quatre : H1 : il existe une relation statistiquement significative et positive entre les dimensions de la hardiesse et les stratégies de coping actives; H2 : il existe une relation statistiquement significative et positive entre les stratégies de coping actives et la qualité de vie au travail; H3 : il existe une relation statistiquement significative et positive entre les dimensions de la hardiesse et la qualité de vie au travail; H4 : les stratégies de coping actives agissent comme médiateur de la relation entre la hardiesse et la qualité de vie au travail. 19

La collecte des données LA MÉTHODE La population de l étude regroupe l ensemble des infirmières œuvrant dans les services de réanimation de classe 1 du centre hospitalier universitaire de Toulouse (n = 229). Un questionnaire auto-administré regroupant trois échelles de mesure ainsi qu un questionnaire sociodémographique ont été acheminés de façon confidentielle à chacune des infirmières concernées par l étude. L anonymat des répondantes ainsi que la liberté de participation à l étude ont été assurés. La durée de la collecte des données a été fixée à un mois. Une lettre de rappel a été affichée dans chaque service de réanimation une semaine avant la date limite de réponse. Le taux d exploitation des questionnaires a été de 60 % (n = 137) Les sujets Les caractéristiques sociodémographiques des répondantes montre que la quasi-majorité sont des femmes (86.9 %) âgées en moyenne de 33 ans. Près des trois quarts vivent avec un conjoint. De plus, une infirmière sur deux n a pas d enfant, tandis que l autre moitié a le plus souvent un à deux enfants (43.8 %). Au niveau professionnel, ces infirmières travaillent en très grande majorité à temps plein (87 %) selon un planning de rotation (92 %). Elles ont en moyenne une expérience totale en soins infirmiers de 9.67 années, dont 6.8 en réanimation. Les instruments de mesure La hardiesse. La hardiesse a été mesurée à l aide de l Échelle des Points de Vue Personnels qui est une traduction française par Kérouac et Duquette (1992) de l échelle Personal View Survey (Maddi, 1990). Cette échelle de la troisième génération de mesure de la hardiesse comprend 50 items qui capturent les trois dimensions de la hardiesse, soit le sens de l engagement (16 items), le sens de la maîtrise (17 items) et le sens du défi (17 items). Ce questionnaire auto-administré offre un choix de quatre types de réponse selon une échelle de type Likert en relation avec un ordre variant de «pas vrai du tout» à «complètement vrai». Un score pour chaque dimension peut être obtenu selon les calculs proposés par Kobasa (1990). La version en langue anglaise obtient un coefficient d alpha de Cronbach pour l ensemble de l échelle de 0.90 et de 0.70 pour les trois dimensions (Kobasa, 1990). La stabilité de l échelle a été vérifiée par Kobasa (1990) et attestée par un coefficient de 0.60 lors d un test-retest à intervalle de deux semaines. La version en langue française démontre aussi de bons résultats psychométriques. En effet, Duquette et coll (1997) trouvent un coefficient alpha de Cronbach pour l ensemble de l échelle à 0.84. Dans la présente étude, un coefficient d alpha de Cronbach de 0.72 pour l ensemble de l échelle a été trouvé, les coefficients pour les dimensions sont de 0.64 pour le sens du défi, de 0.55 pour le sens de l engagement et de 0.47 pour le sens de la maîtrise. Les stratégies de coping. Les stratégies de coping ont été mesurées par une version abrégée proposée par Bouchard et coll. (1995) à partir de la traduction française effectuée par Mishara (1987) du Ways of Coping Questionnaire (WCQ) élaboré par Lazarus et Folkman (1984). Cette échelle tridimensionnelle comprend 21 items répartis selon trois types de stratégies de coping : la recherche du soutien social (6 items), la réévaluation positive/résolution de problème (9 items) et la distanciation/évitement (6 items). Il s agit de stratégies mixtes incluant à la fois le coping centré sur les émotions et sur la résolution de problèmes. Les répondantes ont quatre choix de réponse à ce questionnaire auto-administré suivant une échelle de type Likert variant de «pas utilisées» à «beaucoup utilisées». Les auteurs n effectuent pas de moyenne totale mais des moyennes pour chaque dimension. La traduction française de ce questionnaire a été mise au point par Mishara (1987) à l aide d une procédure de traduction inversée. Les coefficients d alpha de Cronbach retrouvés sont de 0.59 pour la confrontation, 0.67 pour la distanciation, 0.60 pour l auto-contrôle, 0.86 pour la recherche du soutien social, 0.58 pour l acceptation des responsabilités, 0.70 pour l évitement, 0.68 pour la résolution de problème et enfin 0.78 pour la réévaluation positive. Bouchard et coll. (1995) au niveau de la version abrégée obtiennent des coefficients alpha de cronbach de 0.85 pour la recherche du soutien social, 0.76 pour la distanciation/évitement, 0.80 pour la réévaluation positive/résolution de problème. Dans la présente étude, le chercheur a trouvé lors d analyses psychométriques, un coefficient alpha de Cronbach de 0.76 pour la recherche de soutien social, de 0.63 pour la distanciation/évitement et de 0.85 pour la réévaluation positive/résolution de problème. La qualité de vie au travail. La qualité de vie au travail a été mesurée à l aide de l Échelle de la qualité de vie 20