PHARMACOLOGIE GENERALE BLG 121 La chimiothérapie: des traitements dits «classiques» aux traitements ciblés Cours du 18 Décembre 2010 Dr O. Hennebert CNAM, PARIS olivier.hennebert@cnam.fr
Le cancer : mot latin signifiant crabe. Il vient du mot grec carcinos. La traduction du mot grec carcinos en cancer fut l œuvre de Celsus (28 av. J.-C. - 50 ap. J.-C). Le cancer existe depuis que la vie existe, aussi bien chez les plantes que chez les animaux : - TOUS LES ANIMAUX - de l'insecte à l'homme. 1 000 000 d années avant l'ère chrétienne : on a trouvé des tumeurs osseuses sur les squelettes d'animaux préhistoriques. 10 000 ans avant J.C. : un cancer osseux de l'humérus a été mis en évidence sur un guerrier de l âge du fer (Munsigen en Suisse)
Papyrus de l Egypte ancienne (papyrus d Ebers) : 1550 av J.C. Contient 877 paragraphes décrivant de nombreuses maladies (ophtalmologie, gastro-entérologie, gynécologie...) et les prescriptions correspondantes. Seul traitement disponible : la cautérisation. Les Egyptiens étaient cependant capables de faire la différence entre une tumeur bénigne et une tumeur maligne.
Hippocrate : 460-377 av J.C. - encyclopédie (72 volumes). Les écrits hippocratiques devinrent la base de l enseignement dogmatique de Platon, Aristote et Théophraste. Le «carcinome» est une tumeur envahissante conduisant à une mort inéluctable. A l époque d Hippocrate on croyait que le corps humain était composé de quatre humeurs: le sang, le flegme, la bile noire et la bile jaune. Hérodote : 484-425 av J.C. - description de la tumeur du sein d'atossa, fille de Cyrus et femme de Darius.
Ambroise Paré : 1585 - son traité des "tumeurs contre nature" décrit la tumeur du sein d'une dame d'honneur de la Reine CATHERINE DE MÉDICIS. En 1666, LA REINE ANNE D'AUTRICHE (mère de Louis XIV) meurt d'un cancer du sein. Houpeville : 1693 - traité sur "la guérison du cancer du sein". La théorie infectieuse qu'il défend fait croire à la contagiosité du cancer. Pott : 1775 - met en évidence le premier cancer professionnel ; le cancer des bourses des ramoneurs, ce cancer était provoqué par le frottement sur le scrotum de la corde imprégnée de suie qui servait aux "petits ramoneurs" à descendre dans les conduits de cheminée. Xavier Bichat, puis Laennec, sont à l'origine de la théorie cellulaire moderne du cancer.
Les causes du cancer dans les écrits antiques le cancer était l œuvre des dieux 1 ère autopsie, pratiquée par Harvey en 1628: permet de mieux comprendre le corps humain et ses fonctions. Néanmoins on a du attendre 1761 pour voir la première autopsie en vue de déterminer la cause d'un décès. Ces nouveaux outils allaient permettre une meilleure compréhension du cancer.
La découverte du système lymphatique au 17eme siècle allait donner une nouvelle orientation à la recherche sur le cancer. Cela sonna aussi la fin de la théorie des quatre humeurs d Hippocrate. fin du 19 ème siècle : les cancers trouvent leur origine dans la modification des cellules du corps. Pendant tout ce temps on a aussi avancé d autres causes du cancer, et certaines nous paraissent plutôt fantaisistes.. traumatisme bactéries prix Nobel à Johannes Andreas Grib Fibiger pour la découverte d un ver causant le cancer de l estomac.
16 prix Nobel non «fantaisistes». De la découverte de la double hélice, cycle cellulaire (CDK), oncogène (viraux ou pas) Le nom de chimiothérapie est de Paul ERHLICH pour désigner les agents anti-infectieux. Il emploiera dès 1903 des modèles animaux pour tester de nombreuses substances pour finalement identifier à la 606 ème expérience le Salvarsan actif sur le trypanosome et la syphilis du lapin.
Synthèse de l ADN antimétabolites Agents alkylants Inhibiteurs des topoisomérases Transcription de l ADN duplication de l ADN Agents intercalants Mitose Poisons du fuseau
Les antimétabolites Inhibent la synthèse des acides nucléiques, première étape nécessaire à toute multiplication cellulaire. Deux sous-classes : les inhibiteurs d'enzymes indispensables les médicaments leurres. Vitamine B9
Les antifoliques Méthotréxate Dihydrofolate réductase FH4 FH2 Thymidilate synthétase dump dtmp
Le Méthotrexate (MTX) est le 2 ème antifolate développé après l'aminoptérine avec laquelle FARBER, en 1948, avait observé des réponses transitoires dans la leucémie aigüe de l'enfant (LAL). Il est inclus dans les 1érs essais randomisés de la LAL. LI rapporte en 1956 des cas de guérison de choriocarcinome par le MTX de patientes traitées. Principales indications Doses habituelles Chorio-carcinomes Adénocarcinomes mammaire et ovarien : traitement adjuvant ou initial, Epithélioma de la tête et du cou, Carcinome bronchique à petites cellules, Leucémies aiguës lymphoblastiques : traitement d'entretien A hautes doses essentiellement Leucémies aiguës lymphoblastiques de l'enfant traitement de consolidation, prophylaxie de l'atteinte su Système Nerveux Central Lymphomes malins non-hodgkiniens, Ostéosarcome. LI M. et al. Effect of Methotrexate upon choriocarcinoma. Proc. Soc. Exp. Biol. Med.,93:361-366,1956.
Les antipurines et pyrimidines Ce sont des pièges enzymatiques : ils bloquent l'activité enzymatique, étant des analogues structuraux des bases puriques et pyrimidiques. Ce sont des inhibiteurs de la synthèse de l ADN
Les antipurines Analogue de l'hypoxanthine : Cis Mercaptopurine (Purinethol ) présente en très petites quantités dans les anticodons d ARNt Cis Thioguanine (analogue de la guanine) utilisés dans le traitement des leucémies (Lanvis ) Méthylation pendant la réplication Fludarabine (analogue fluoré de l'adenine) Vora A, Mitchell CD, Lennard L, et al. (October 2006). «Toxicity and efficacy of 6-thioguanine versus 6- mercaptopurine in childhood lymphoblastic leukemia : a randomised trial». Lancet 368 (9544): 1339 48.
Les antipyrimidines 5-FluoroUracile : analogue fluoré de l'uracile qui est un précurseur de la thymine via la thymidilate synthétase. Dihydrofolate réductase FH4 FH2 5-FdUMP Thymidilate synthétase dump dtmp 5-FdUTP HEIDELBERG C. et al. Fluoronated pyrimidines, a new class of tumor-inhibitory compounds. Nature (Lond), 179:663-666, 1957.
Les antipyrimidines 5-FluoroUracile : analogue fluoré de l'uracile qui est un précurseur de la thymine via la thymidilate synthétase. 5-FdUTP HEIDELBERG C. et al. Fluoronated pyrimidines, a new class of tumor-inhibitory compounds. Nature (Lond), 179:663-666, 1957.
Les antipyrimidines Cytosine Arabinoside (arac): cytarabine arac arac-mp arac-dp arac-tp déoxycytidine kinase pyrimidine nucléotide monophosphate kinase nucléotide diphosphate kinase Inhibition de l ADN polymérase 2,2 fluorodéoxycytidine (Gemcitabine), analogue de la cytidine, utilisé dans le cancer du poumon, de la vessie et du pancréas
Les agents alkylants Remplacement d un proton par un radical alkyl (alcoyl) RCH 2 -X + H-R RCH 2 -R + HX SH, OH, COOH, NH2, NH Dans la guanine, c'est l'azote N7 et, à moindre degré, l'oxygène O6 qui sont les plus réactifs et établissent des liaisons covalentes avec les agents alkylants. délétion modification chimique des bases ponts inter/intrabrins rupture de la liaison aux phosphates
Les agents alkylants les alkylants inhibent la transcription et la réplication de l'adn entraînant des lésions cellulaires létales libèrent des radicaux libres entrainant des cassures de la chaine d ADN Les 1 er agents alkylants : MOUTARDES A L AZOTE (oxazophorines) chlorméthine Caryolysine 1949 cyclophosphamide Endoxan 1960 ifosfamide Holoxan 1975 melphalan Alkéran 1966 chlorambucil Chloraminophène 1956 GOODMAN L. et al. Nitrogen mustard therapy. The use of Methyl-bis amine hydrochloride for Hodgkin's disease, lymphosarcoma, leukemia and certain allied and miscellaneous disorders. J. Am. Med. Assoc.,132:126-132, 1946.
Les agents alkylants Cyclophosphamide (prodrogue) Cytochrome P450 hépatiques 4-hydroxycyclophosphamide Réactions enzymatiques Réactions non enzymatiques Aldéhyde déshydrogénases aldophosphamide Métabolites inactifs Moutarde phosphoramide cytotoxique Acroléine Effets indésirables
Les agents non alkylants mais exerçant le même effet les nitroso-urées Carmustine Bicnu 1981 fotémustine Muphoran 1989 streptozotocine Zanosar 1985 les sels de platine fonctionne comme un alkylant peut se lier à l ADN, à l ARN, aux protéines se comporte comme un agent bifonctionnel (création de ponts intra ou interbrins). CIS dichlorodiamino platinum
Les agents non alkylants mais exerçant le même effet Les dérivés du platine Les apparentés carboplatine Paraplatine 1989 cisplatine Cisplatine, Cisplatyl 1979 oxaliplatine Eloxatine 1996 procarbazine Natulan 1965 dacarbazine Déticène 1975 La mitomycine C Amétycine 1974 Streptomyces caespitosus
Les agents intercalants Molécules caractérisées par plusieurs noyaux aromatiques condensés, de dimension et structure telles qu'elles provoquent une détorsion de la molécule d'adn un empêchement de la progression des ARN et ADN polymérases une inhibition de la réplication et de la transcription Mais ces molécules induisent également la génération de radicaux libres une liaison non dissociable aux ADN topoisomérases II et donc des cassures mono et bicaténaires
Les agents intercalants Anthracyclines et anthraquinones Structure coplanaire : intercalation au sein de la double hélice déformation, blocage transcription et réplication Formation d anions superoxyde capables d interagir avec l ADN Activation des sphingomyélinases : formation de céramides qui déclenchent les processus apoptotiques daunorubicine Cérubidine, Daunoxome 1967 doxorubicine=adriamycine Adriblastine, Caelyx 1991 épirubicine Farmorubicine 1990 idarubicine Zavedos 1991 pirarubicine Théprubicine 1990 mitoxantrone Novantrone 1985
Les agents scindants La bléomycine (1970) peptide non ribosomal produit par la bactérie Streptomyces verticillus se comporte comme une endonucléase, réalisant de multiples cassures de la molécule d ADN
Les inhibiteurs d ADN topoisomérases La topo I agit en monomère (sur un seul brin) dans le sens d une relaxation de la chromatine sans besoin d ATP. La topo II est dimérique et catalyse la coupure puis l échange des structures double-brin au cours de divers processus (réplication, condensation, transcription), en générant des coupures double-brin transitoires et avec hydrolyse simultanée d ATP. Les deux enzymes coopèrent avec l hélicase WRN, alors qu une autre hélicase, BLM s associe plutôt à la topo III.
Les inhibiteurs d ADN topoisomérases Ils stabilisent le complexe topoisomérase-adn et ainsi inhibent la religation. Ils interfèrent non seulement dans l'élaboration de la molécule de ADN mais encore avec la tubuline TOPO 1 irinotécan Campto 1995 topotécan Hycamtin 1996 TOPO 2 VP 16 (Vepeside) = Etoposide Celltop, Etopophos, Vépéside 1975 VM 26 (Vehem) = Tenoposide
Les poisons du fuseau La tubuline
Les poisons du fuseau En métaphase, la polymérisation des dimères de tubuline entraîne la formation et la croissance des microtubules Lors de l anaphase, les chromosomes se séparent. Les microtubules raccourcissent par dépolymérisation. X inhibition par les alcaloïdes de la pervenche X inhibition par les taxanes
Les poisons du fuseau Alcaloïdes de la pervenche vincristine vinblastine Velbé 1974 vincristine Oncovin 1983 vindésine Eldisine 1982 vinorelbine Navelbine 1989 Les taxanes paclitaxel Taxol 1993 docétaxel Taxotère 1996 paclitaxel
Hormonothérapie Deux grandes pathologies : Cancer de la prostate Cancer du sein Quelques autres : Cancer de l endomètre Cancer de l ovaire Sarcome, mélanome
Cancer de la prostate Utilisation d antiandrogènes Préviennent l'interaction de la DHT avec les récepteurs aux androgènes - non stéroïdiens flutamide Eulexine 1986 nilutamide Anandron 1986 bicalutamide Casodex 1995 - stéroïdien acétate de cyprotérone Androcur 1980
Cancer de la prostate Castration (analogues GnRH) Peptides de synthèse - triptoréline Décapeptyl 1986 - leuproréline Enantone 1988 - goséréline Zoladex 1987 - buséréline Bigonist 1993
Cancer du sein Suppressive Castration chirurgicale : ovariectomie Radiothérapique Chimique : analogues LH-RH Additive Anti-oestrogènes : Tamoxifène Nolvadex, Tamofène 1976 Anti-aromatases : Anastrozole, Létrozole, Exémestane Progestatifs