PARITE DU POUVOIR D ACHAT, COUT UNITAIRE EN NIVEAU ET TAUX DE CHANGE REEL



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Transcription:

PARITE DU POUVOIR D ACHAT, COUT UNITAIRE EN NIVEAU ET TAUX DE CHANGE REEL Convention d étude n 25/1995 avec le Commissariat général du Plan Jacques MAZIER Cécile COUHARDE avec la participation de Marilia DOS SANTOS et Karine HERVE Décembre 1997

SOMMAIRE INTRODUCTION P. 4 Partie 1 : COMPETITIVITE, AVANTAGES-COUTS ET HORS-COUTS P. 8 Chapitre 1 : COUTS DE PRODUCTION : LE CADRE METHODOLOGIQUE - p. 9 1 - L ELABORATION DES TAUX DE PPA - p. 9 1.1. Une recension des principales mesures des taux de PPA. 1.2. Présentation dela méthodologie retenue. 2 - COUTS UNITAIRES ET PRODUCTIVITES EN NIVEAU DANS L INDUSTRIEMANUFACTURIERE- p. 20 2.1. Lecalculdes coûts unitaires deproduction. 2.2. Niveaux de productivité apparente du travail dans l industrie manufacturière. Chapitre 2 : AVANTAGES-COUTS, AVANTAGES HORS- COUTS ET PERFORMANCES EXTERIEURES - p. 27 1 - LES COUTS UNITAIRES DE PRODUCTION DANS L INDUSTRIE - p. 27 1.1. Lescoûts salariaux unitaires. 1.2. Les déterminants du coût salarial unitaire relatif : salaire partête et productivitédu travail. 1.3. Comparaison avec d autres estimations de coûts salariaux unitaires. 1.4. Les coûts totaux par unité produite dans l industrie. 2 - PERFORMANCES EXTERIEURES, AVANTAGES-COUTS ET HORS-COUTS - p. 45 2.1. Les taux de couverture industriels, indicateurs synthétiques des performances extérieures. 2.2. Avantages-coûts etavantages hors-coûts. 2.3. Lesfondements des avantages hors-coûts.

Partie 2 : LES DETERMINANTS STRUCTURELS DU TAUX DE CHANGE D EQUILIBRE : UNE APPROCHE SIMPLIFIEE P. 65 Chapitre 3 : LE CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE p. 66 1 - LE TAUX DE CHANGE D EQUILIBRE DE J. WILLIAMSON - p. 66 1.1. Letaux de change d équilibre est défini comme le taux de change compatible avec l équilibre macroéconomique de moyen terme. 1.2. Les propriétés du taux dechange d équilibre. 2 - L ESTIMATION DU TAUX DE CHANGE D EQUILIBRE : LA METHODE RETENUE - p. 69 2.1. Un cadre théorique simplifié. 2.2. La méthode decalcul adoptée. Chapitre 4 : LES ESTIMATIONS DE TAUX DE CHANGE D EQUILIBRE - p. 81 1 - TAUX DE CHANGE D EQUILIBRE ET FORME REDUITE DE L EQUILIBRE EXTERNE - p. 81 1.1. Le chiffrement de la forme réduite de l équilibre externe. 1.2. Les objectifs en matière de croissance de plein emploi etde balancedes opérationscourantes. 1.3. Lescalculs de taux dechange d équilibre. 2 - TAUX DE CHANGE D EQUILIBRE ET BLOC DU COMMERCE EXTERIEURDE NIGEM- p. 103 2.1. Les élasticités de long terme du commerce extérieur de Nigem. 2.2. Les objectifs de PIB potentiel et desolde courant. 2.3. Les parités nominales d équilibre du franc et du mark vis-à-vis du dollar. 3 - UNE COMPARAISON DES ESTIMATIONS DE TAUX DE CHANGE D EQUILIBRE - p. 108 CONCLUSION ET PERSPECTIVES P. 114 BIBLIOGRAPHIE P. 119 TABLES P. 123 ANNEXES P. 126

INTRODUCTION

1. Objet de l étude Depuis l abandon du système de Bretton-Woods, les principaux pays industrialisés ont enregistré de fortes variations prix, de coûts et de taux de change. Ces évolutions ont été toutefois très diverses. Ainsi, les taux d inflation, qui ont fortement augmenté après les premier et second chocs pétroliers, ont eu des effets durables dans certains pays mais beaucoup plus brefs dans d autres. Les coûts unitaires de production ont également subi de fortes variations mais avec des profils différents selon les pays. Enfin, le dollar américain a fortement varié par rapport aux autres monnaies alors que les fluctuations des principales monnaies du SME ont été d une moins grande ampleur. Ces évolutions nominales très importantes et très diverses ont engendré des coûts considérables, en provoquant des variations de taux de change réels. Les perturbations de prix relatifs entre productions nationales ont pesé sur le niveau et la structure de l activité productive des économies, en entraînant des modifications sensibles dans les positions compétitives relatives des pays industrialisés. Plus récemment les crises sur les marchés des changes européens intervenues en Septembre 1992 et en Août 1993, qui ont provoqué l éclatement du SME, ont révélé à nouveau la possible déconnexion des taux de change par rapport aux fondamentaux des économies. C est dans ce contexte que peut être resitué le regain d intérêt accordé à la problématique des taux de change d équilibre. Les dissymétries entre pays et les tensions sur les marchés des changes sont autant d évènements qui ont conduit à s interroger sur les niveaux souhaitables que devaient atteindre les taux de change. La parité des pouvoirs d achat, développée par G. Cassel dans les années 20, constitue dans ce domaine la théorie la plus connue. Selon cette conception, le taux de change d équilibre évolue comme le rapport des pouvoirs d achat des monnaies et est déterminé par les différentiels d inflation entre pays. Or, les recherches les plus récentes, faisant appel à l économétrie des séries temporelles, mettent en évidence l absence d une relation de coïntégration entre taux de change, prix nationaux et prix étrangers, confirmant ainsi la faible portée de la théorie de la parité des pouvoirs d achat 1. Plus généralement, on peut objecter à cette théorie de reposer sur un concept d équilibre non pertinent du point de vue de l ajustement des économies, sauf peut-être dans le long terme. C est en partie pour pallier aux insuffisances de la parité des pouvoirs d achat que se sont développées, à partir du milieu des années 80, des approches alternatives de détermination des taux de change d équilibre. Selon ces nouvelles conceptions, le taux de change d équilibre correspond au taux de change effectif réel compatible avec la réalisation à moyen terme de l équilibre macro-économique des

pays. Ces développements récents permettent ainsi de porter un jugement sur la sous-évaluation et/ou la surévaluation des monnaies, en prenant en compte les caractéristiques structurelles ou fondamentaux des économies. L objet de cette étude est précisément de chercher à appréhender les distorsions apparues au niveau des coûts unitaires de production et des taux de change réels des principaux pays industrialisés sur la période 1970-1996. 2. Options théoriques et méthodologiques L appréhension des écarts des taux de change à leurs valeurs d équilibre repose sur deux approches complémentaires qui composent les deux parties de cette étude :. La première méthode d évaluation de la sur ou sous-évaluation des monnaies repose sur une analyse de la compétitivité-coût et hors-coût des économies. Elle consiste à confronter une mesure indirecte des avantages hors-coûts à des déterminants structurels de la compétitivité hors-coûts. La méthodologie présentée ici reprend, pour l essentiel, les travaux de J. Mathis, J. Mazier & D. Rivaud-Danset (1988) portant sur la compétitivité industrielle. Ces travaux ont le mérite de donner une vision plus juste de la compétitivité-coût en introduisant une double rupture dans le calcul des coûts unitaires de production : Les indicateurs de coûts priviligiés permettent, en premier lieu, des comparaisons internationales en niveau. En règle générale, les analyses se réduisent au calcul des coûts de production en évolution, le coût de production étant rapporté au volume de la production. Ainsi défini, cet indicateur n autorise pas la comparaison internationale car les volumes sont évalués selon une structure des prix qui est propre à chaque pays. Le recours à un taux de change qui assure l égalité des pouvoirs d achat remédie à cette insuffisance. La seconde rupture consiste à prendre en compte l ensemble des coûts de production, en ne se limitant donc pas aux seuls coûts salariaux. L introduction d un indicateur de coût plus exhaustif permet alors de donner une vision plus juste, car plus complète, de la compétitivité-coût. La confrontation entre ces indicateurs de coûts unitaires de production et les performances extérieures des pays permettent de mettre en évidence, par différence, l importance des avantages ou désavantages hors-coûts dans la compétitivité de chacune des économies. Ces résultats, comparés à certains paramètres structurels de la compétitivité hors-coûts (comme l effort en matière d investissement ou de recherche et développement et la nature de la spécialisation internationale), autorisent une première appréciation de nature qualitative sur la sur (ou sous)- évaluation des monnaies (1ère partie).

. La seconde approche complète ces premiers résultats, en présentant des estimations de la sous-évaluation et/ou de la surévaluation des monnaies des principaux pays industrialisés. La méthode s inspire de la démarche développée par J. Williamson dans ses travaux portant sur le taux de change d équilibre fondamental (J. Williamson, 1994). Elle s appuie sur deux méthodes de calcul : la première se limite à une maquette très simplifiée des échanges extérieurs qui, sous sa forme réduite, permet d expliciter les déterminants structurels du taux de change (différentiel de prix, performances extérieures, différentiel de croissance, caractéristiques structurelles de la spécialisation résumées à travers les élasticitésvolume et prix). Pour un objectif donné de croissance de plein emploi et de taux de couverture compatible avec un niveau soutenable de la balance des opérations courantes, le taux de change réel d équilibre peut être calculé en écart par rapport au taux de change observé. la deuxième méthode repose sur l élaboration d une maquette de statique comparative par pays tirée du bloc commerce extérieur du modèle multinational Nigem du NIESR (Nationale Institute of Economic and Social Research). Par rapport au cas précédent, cette maquette modélise les échanges de services mais continue à traiter d une manière exogène les revenus des facteurs. La méthode de calcul du taux de change d équilibre, bien que plus lourde, est inchangée dans son principe (deuxième partie). Au total, les estimations concernant la sous-évaluation et/ou la surévaluation réelle des monnaies des principaux pays industrialisés convergent vers les grandes tendances mises en évidence dans la première partie et permettent d illustrer les déséquilibres entre pays survenus dans les années 80 et 90 ainsi que leur résorption partielle en 1995-96.

Partie 1 : COMPETITIVITE, AVANTAGES-COUTS ET HORS-COUTS

Chapitre 1 - COUTS DE PRODUCTION EN NIVEAU : LE CADRE METHODOLOGIQUE Le problème essentiel posé par les comparaisons internationales de productivités et de coûts unitaires en niveau réside dans la conversion de ces indicateurs en une unité commune. L utilisation du taux de change courant apparaît inappropriée puisque ce dernier ne reflète pas de manière adéquate les différences de prix entre pays. Seul le calcul d un taux de conversion assurant la parité des pouvoirs d achat permet de résoudre cette difficulté et autorise, de ce fait, des comparaisons internationales adéquates en matière de compétitivité. Le présent chapitre a pour objet de faire le point sur les difficultés de mesure des taux de PPA et de présenter les indicateurs retenus pour le calcul de la compétitivité-coût. La première section aborde les problèmes soulevés par le calcul des taux de PPA, en évaluant un certain nombre de méthodologies habituellement utilisées. La deuxième section décrit de manière détaillée la méthodologie utilisée pour le calcul des coûts unitaires de production et présente une comparaison des différentes estimations de la productivité dans l industrie manufacturière. 1. L ELABORATION DES TAUX DE PPA La comparaison internationale des niveaux de productivité et de coût de production nécessite le calcul d un taux de change assurant la parité des pouvoirs d achat. Ce taux de conversion rend, en effet, possible des comparaisons internationales de prix et de quantités. Le calcul des taux de PPA à la production s appuie, ici, sur la méthodologie établie par J. Mazier, J. Mathis & D. Rivaud-Danset (1988) dans leurs travaux consacrés à la compétitivité internationale. Cette méthodologie a, en effet, le mérite de fournir une mesure intermédiaire des taux de conversion s appliquant à la production industrielle par rapport aux principales approches existantes dans le domaine. C est pourquoi, il semble tout d abord opportun de rappeler les principales mesures des taux de PPA présentes dans la littérature en en soulignant leurs avantages et inconvénients. Cette discussion permet d éclairer la présentation ultérieure de la méthodologie retenue ici. 1.1. Une recension des principales mesures des taux de PPA Deux approches sont généralement distinguées dans le calcul des taux de PPA : une approche reposant sur les prix des dépenses finales et la méthode "industry-of-origin" qui conduit à un calcul de ratio de valeur unitaire.

. 1.1.1. Les taux de PPA de dépenses finales Les enquêtes de prix effectuées par les organismes internationaux autorisent aujourd hui le calcul d un taux de change assurant la Parité des Pouvoirs d Achat 2. L O.C.D.E. en collaboration avec EUROSTAT calcule notamment, pour un panier commun de 55 catégories de produits et pour différentes années de base (parmi les plus récentes :1985 (O.C.D.E., 1987), 1990 (O.C.D.E., 1992, 1993), 1993 (O.C.D.E., 1996) un taux de PPA des différentes monnaies (des pays de l O.C.D.E.) vis-à-vis du dollar dans le but d effectuer des comparaisons internationales de dépenses finales imputées au PIB. A titre d exemple, les comparaisons deprix effectuées pour l année 1990 ont couvert environ 2500 biens et services pour chaque pays, ce qui a permis des comparaisons internationales détaillées sur environ 220 produits. Ces comparaisons de prix se basent sur des descriptions précises de produits et tiennent ainsi compte de leur degré de différenciation. Les dépenses imputées au PIB converties en une unité commune en utilisant les PPA sont de ce fait exprimées en fonction d une même structure de prix internationaux si bien que les écarts entre pays reflètent uniquement les différences de quantités de biens et services achetées. En principe, ces comparaisons de prix peuvent être regroupées dans une classification propre à l industrie manufacturière. Mais, même circonscrite à l industrie, l utilisation de ces taux de conversion soulève des difficultés méthodologiques qu il convient de rappeler :. Les PPA de dépenses finales se basent sur des prix de détail (biens de consommation) et des prix de gros (biens d équipement). Or, ces prix incluent les marges commerciales, les coûts de transport ainsi que les taxes indirectes (comme la TVA) qui, pris en compte, altèrent la mesure des niveaux de prix de production.. La partie de la production exportée n est pas prise en compte dans les comparaisons de prix de dépenses finales. Les produits importés sont, quant à eux, inclus dans les comparaisons alors qu ils devraient enêtre exclus. Compte tenu de ces problèmes, des corrections ont été apportées aux taux de PPA reposantsur les dépenses finales. Ainsi, comme le souligne D. Pilat (1996), une amélioration généralement effectuée consiste à prendre en compte, à partir des tableaux d entrées et sorties, les marges commerciales, les taxes indirectes et les subventions s appliquant aux produits. En reprenant les notations de D. Pilat (1996) et en définissant le taux de PPA de dépenses finales (EPPP ij ) entre un pays j et les Etats Unis pour une branche i de la manière suivante : la correction par rapport aux marges commerciales (δ) s écrit :

(S) : Un ajustement similaire peut être effectué pour les taxes (T) et les subventions La correction par rapport aux prix du commerce international s avère plus délicate puisqu elle nécessite des informations concernant les niveaux de prix des exportations, des importations et de la production domestique. On doit à P. Hooper & E. Vrankovitch (1995) 3 d avoir pris en compte un tel ajustement : les résultats auxquels ils aboutissent sont présentés dans le tableau 1.1. En définitif, les estimations portant sur les taux de PPA de dépenses finales nécessitent un certain nombre d ajustements qui peuvent s avérer être des sources importantes d erreurs. Un des apports récents en matière de calcul des taux de conversion est d avoir résolu ce problème en tenant compte directement des prix de production. C est précisément à la lumière de ce type d approche que certains économistes de l Université de Groningen (D. Pilat, B. Van Ark &D.Pilat, 1993) ont proposé une mesure alternative des taux de PPA reposant sur le calcul de ratios de valeur unitaire. Cependant, cette approche dite méthode "industry-of-origin" utilisée également par le C.E.P.I.I. (M. Freudenberg. & D. Unal-Kesenci, 1994) se heurte, elle aussi à un certain nombre de limites.. 1.1.2. La méthode industry-of origin Cette méthode consiste à calculer, pour chaque produit, une valeur unitaire qui rapporte la production en valeur sortie-usine à la quantité vendue. Pour des produits similaires, un ratio de valeur unitaire peut être calculé en divisant les valeurs unitaires d un pays par celles d un autre pays. Ces ratios font alors l objet d une triple agrégation : des produits à l industrie, des industries à la branche, des branches à l industrie manufacturière. Le ratio moyen de valeur unitaire pour une industrie est ainsi obtenu en pondérant les valeurs unitaires par les quantités correspondantes d un des deux pays. Soient pour le pays X :

Quand les produits similaires représentent moins de 25% de la production d une l industrie, la méthode consiste à supposer que le ratio moyen de valeur unitaire de l industrie en question est égal au ratio calculé au niveau de la branche. L agrégation au niveau de la branche k (UVR k ) est effectuée en pondérant les ratios moyens de valeur unitaire obtenus au niveau des industries (UVR j ) par la valeur ajoutée (VA). Soient pour le pays X : Ces ratios de valeur unitaire sont alors pondérés par la valeur ajoutée de chaque branche et agrégés afin d obtenir un ratio de valeur unitaire pour l ensemble de l industrie manufacturière.

Si les taux de PPA reposant sur des ratios de valeur unitaire ont pour principal intérêt de reposer sur les prix de production, leurs estimations butent sur les limites mêmes de la démarche adoptée. En effet, d un point de vue méthodologique, il est important de souligner que la méthode "industry-of-origin" s articule autour de l égalisation de produits similaires. Une conséquence immédiate de ceci est que les ratios de valeur unitaire ne s appliquent finalement qu à un nombre restreint de produits. Aussi, quand il s agit d estimer les ratios de valeur unitaire pour des produits différenciés ou pour des produits où l information sur les quantités et les prix n est pas disponible, les limites d une telle méthode apparaissent vite. Comme on l a vu précédemment, la solution consiste à appliquer, pour ces produits, le ratio moyen de valeur unitaire calculé au niveau de leurs branches respectives d appartenance. Cette première critique rejoint celles conduisant à s interroger sur le domaine de validité des comparaisons internationales effectuées à partir de cette méthode. Tout d abord, on ne dispose pas d un taux de conversion applicable à l ensemble des produits intermédiaires puisque celui-ci fait l objet de la même approximation dans le cas de produits intermédiaires hétérogènes, au même titre que les autres produits industriels. Aussi, les estimations effectuées butent sur les mêmes limites que celles reposant sur les taux de PPA de dépenses finales. Enfin, cette méthode ne prend pas véritablement en compte les différences de qualité dans les biens produits entre les différents pays et n est donc valable que pour des biens homogènes, critique qui peut être également faite à la méthode reposant sur les taux de PPA de dépenses finales. Finalement, les développements précédents font ressortir certaines des limites que rencontre la mesure des taux de conversion, quelle que soit la méthode adoptée. Dans les deux cas, en effet, les quantifications apparaissent fragiles en raison des approximations effectuées sur le calcul des ratios de valeur unitaire pour les biens différenciés et des corrections qui doivent être apportées aux taux de conversion reposant sur les dépenses finales.. 1.1.3. L approche mixte C est donc à juste titre que D. Pilat (1996) propose de combiner les deux méthodes. L idée de cette approche dite mixte est de retenir : - pour les produits homogènes et les industries où les comparaisons de prix sont détaillées, les taux de conversion issus de la méthode "industry-oforigin" - et pour les biens différenciés, les taux de PPA de dépenses finales corrigés des marges commerciales et des taxes indirectes. Les résultats de cette troisième méthode sont présentés, à titre de comparaison, dans le tableau 1.1.

1.2. Présentation de la méthodologie retenue Comme il a été précisé dès l introduction, la mesure des taux de PPA de la production industrielle s appuie ici sur la méthodologie développée par J. Mazier, J. Mathis & D. Rivaud-Danset (1987), reprise par A. Asensio & J. Mazier (1991) et C. Couharde (1995). Nousen rappelons ici les principaux pointsforts. Les taux de PPA de production industrielle mesurés dérivent des taux de conversion issus des comparaisons internationales de prix de dépenses finales. Comme il a été souligné auparavant, l intérêt d une telle méthode est de s appuyer sur des descriptions précises de produits et de tenir ainsi compte de leur degré de différenciation. En outre, ces taux de conversion sont disponibles pour l ensemble des pays de l O.C.D.E., ce qui n est pas le cas des ratios de valeur unitaires. Toutefois, conscients que les taux de PPA de demande finale conduisent à une vision très parcellaire des niveaux de prix relatifs de production, nous avons procédé à une double correction : (i) Les taux de PPA de dépenses finales assurant l égalité des prix de demande finale, nous avons tenu compte des marges commerciales et des taxes indirectes dans l élaboration des taux de conversion s appliquant aux prix de production. (ii) Les biens intermédiaires, exclus de l approche par les dépenses finales, ont fait l objet d un calcul du taux de PPA spécifique. Ce calcul repose sur l hypothèse qu en moyenne et sur une longue période, la PPA est vérifiée pour les produits intermédiaires.. 1.2.1. Calcul des taux de PPA à la production pour les biens finals La conversion du taux de PPA de demande finale (e DF ) en taux de PPA à la production (e) nécessite la prise en compte des taux de marges commerciales et des taux de T.V.A.. En effet, le prix de demande finale (P DF ) s obtient à partir du prix de production majoré de ces deux taux. Soit : Le taux de PPA à la production (e) assure l égalité des prix à la production : e = P P /P* P (avec 1 unité de monnaie étrangère = e unités de monnaie nationale), ce qui aboutit d après [1] à :

Or, P DF /P* DF n est autre que le taux de PPA assurant l égalité des prix de demande finale (e DF ), de sorte que le taux de PPA de la production ( e ) peut s écrire de la manière suivante : Une telle conversion nécessite que les taux de marge et les taux de TVA soient calculés pour chaque produit. Les taux de marge et les taux de TVA sont disponibles dans les tableaux entrées-sorties (TES) publiés par Eurostat 4. Ces TES sont harmonisés tous les cinq ans (1970, 1975, 1980, 1985) 5 selon le Système européen de comptes économiques intégrés (SEC). Les TES sont évalués suivant le système de prix traditionnels, c est-à-dire aux prix départ-usine/départ-douane sans déduction des taxes sur les produits. Ce système de prix comporte donc un biais puisque les flux ne sont pas évalués pour un même produit de manière homogène entre les différents pays. Toutefois, pour les pays qui ont fourni les tableaux des taxes sur les produits, un T.E.S. aux prix à la production peut facilement être calculé. Pour les pays qui n ont pas adhéré à ce programme communautaire, les T.E.S. proviennent de publications nationales (Autriche, Finlande, Portugal, Suède) et des Comptes nationaux de l O.C.D.E. (Belgique, Pays-Bas, Etats-Unis, Japon) 6. Le calcul des taux de marge : Les taux de marge ne peuvent être individualisés par produits compte tenu de l information disponible dans les TES. Par contre, ils peuvent être différenciés selon qu ils portent sur la consommation finale ou sur la formation brute de capital fixe. Le taux de marge va être calculé pour chacune de ces deux catégories d emplois comme le rapport de la demande en produits de la branche commerce à la demande tous produits à laquelle est retranchée la demande en produits de la branche commerce. Soient : TM CF : TM FBCF : taux de marge portant sur la consommation finale taux de marge portant sur la formation brute de capital fixe.

Les taux de marge individualisés par produit sont calculés en faisant la somme pondérée des taux de marge portant sur les deux catégories d emploi final (consommation finale et FBCF), la pondération tenant compte de la structure de la demande finale de chaque produit (poids de la consommation finale et de la FBCF dans la demande finale). Finalement, le taux de marge défini pour un produit i peut s écrire : Le calcul des taux de TVA : Les montants de TVA sont disponibles - quand il y a lieu - dans le tableau des entrées primaires et ressources. Le taux de TVA est calculé pour chaque produit en rapportant le montant de la TVA à la somme de la consommation finale et de la FBCF. Ce taux de TVA calculé sur la demande doit être converti en un taux de TVA portant sur la production. D après la définition du prix de demande (P D ) et du prix à la production (P P ) : Le taux de TVA portant sur la production se déduit du taux de TVA calculé par rapport à la demande : Une fois les taux de marge et les taux de TVA calculés, il est alors possible de calculer des taux de PPA à la production pour l ensemble des branches produisant des biens finals.

.1.2.2. Calcul des taux de PPA de la production pour les biens intermédiaires Les taux de PPA de la demande finale calculés par l O.C.D.E. excluent les biens intermédiaires. L hypothèse avancée ici consiste à supposer qu en moyenne sur une longuepériode (1970-1990), la PPA est vérifiée. Les prix ne sont cependant pas des variables observables. Seuls des indices de prix sont fournis par les différents systèmes de Comptabilité Nationale. Ces indices p t et p* t rapportent pour une année t les prix de l année P t et P* t aux prix d une année de base (dans le cas présent 1990) P 90t et P* 90t. L utilisation d indices et non plus de niveaux de prix ne fait pas disparaître la possibilité de calculer un taux de PPA à la production. En effet, d après les définitions des indices de prix : et en supposant qu en moyenne, sur longue période, la PPA est vérifiée : Or, P* 90 /P 90 n est autre que l inverse du taux de change de PPA (e). Ainsi : Sous cette hypothèse, le taux de PPA à la production pour les biens intermédiaires est égal à la moyenne arithmétique du produit de l indice des prix relatifs en monnaie nationale par le taux de change nominal. Un tel calcul suppose que les indices de prix à la production soient disponibles non seulement pour chaque pays mais également au niveau de chaque branche. Le manque d informations sur les productions en volume dans le cas de certains pays nous a conduit à faire l hypothèse que la production en volume évoluait comme la valeur ajoutée en volume, ce qui revient à supposer, en raisonnant en volume, l existence de coefficients techniques constants. Cette méthode comporte donc des insuffisances liées à la non prise en compte des économies ou des déséconomies de consommations intermédiaires en volume réalisées aux différents niveaux nationaux pour certaines branches.

Le détail des calculs des différents taux de PPA étant désormais effectué, il est alors possible de présenter l agrégation de ces différents taux qui va conduire à l élaboration du taux de PPA de l ensemble de l industrie. Cette agrégation consiste à pondérer le taux de PPA de chaque produit par le poids de la production du produit dans la production industrielle totale. Les taux de PPA étant calculés à partir de l année de base 1990, le calcul des pondérations s effectue sur la même année. Le tableau 1.1. retrace les taux de PPA 1990 s appliquant à l industrie manufacturière que nous avons obtenus. A titre de comparaison, les valeurs des taux de conversion issues des méthodologies analysées précédemment sont également présentées. Plusieurs enseignements peuvent être tirés de la lecture de ce tableau : La comparaison des différentes méthodologies débouche sur des écarts non négligeables au niveau des taux de PPA de la production industrielle. Ce premier résultat confirme une forte sensibilité des taux de conversion aux méthodes de calculs utilisées.

Néanmoins, quelle que soit la méthode retenue, les estimations font apparaître, pour l année 1990, un taux de PPA de production supérieur au taux de change. Ce second résultat indique un niveau des prix industriels américains inférieur aux prix industriels prévalant dans les autres pays. Autrement dit, sur la base des prix relatifs de 1990, les Etats-Unis bénéficiaient d une plus forte compétitivité-prix de son industrie par rapport à ses principaux partenaires. Les écarts les plus importants entre les différentes estimations de taux de PPA concernent le Japon (entre nos estimations et la méthode "industry of origin") et l Italie (entre nos estimations et l approche par les dépenses finales). Pour les autres pays, les écarts sont d une moindre importance. La prise en compte des marges commerciales et des taxes conduit, pour les pays européens, à des taux de conversion de dépenses finales supérieurs à ceux obtenus sans correction (excepté la Suède). Cette dernière observation pourrait révéler des marges et des taxes plus faibles et/ou des prix de biens intermédiaires plus élevés dans les pays européens par rapport aux Etats-Unis. Ce dernier point est confirmé par des ratios de valeur unitaire (qui prennent en compte de manière plus précise les prix des biens intermédiaires) supérieurs à nos propres estimations. Le Japon semble, quant à lui, connaître une situation inverse à celle mise en évidence pour les pays européens. A l instar de l approche mixte, nos estimations débouchent sur des taux de conversion compris entre les valeurs obtenues par chacune des deux méthodes précédemment identifiées (approche par les dépenses finales et méthode "industryof-origin"), à l exception du Royaume-Uni. Dès lors, on peut penser que la méthodologie retenue ici constitue un bon compromis entre les deux approches "polaires" en fournissant des estimations intermédiaires. Une fois les taux de PPA calculés, il est alors possible de comparer les niveaux de productivité et de coûts unitaires entre pays.

2. COUTS UNITAIRES ET PRODUCTIVITES EN NIVEAU DANS L INDUSTRIE MANUFACTURIERE Comme nous l avons vu précédemment, il existe plusieurs mesures des taux de conversion assurant la parité des pouvoirs d achat. C est pourquoi pour un même indicateur de compétitivité, plusieurs mesures peuvent être données en fonction du choix effectué en matière de taux de conversion. Nous allons, dans cette section, rappelé le cadre méthodologique utilisé pour le calcul des coûts unitaires de production et apprécier l influence des taux de conversion sur la mesure de cet indicateur. Une comparaison d un certain nombre de travaux portant sur les niveaux de productivité du travail sera effectuée. 2.1. Le calcul des coûts unitaires de production 7 En partant d une définition courante, le coût unitaire de production en monnaie nationale (CU MNt ) est mesuré par le rapport du coût de production (C t )auvolume de la production (Q 90t ). Dans la mesure où le volume de production Q t dépend de l année de base choisie, ce premier indicateur donne une mesure de l évolution du coût unitaire de production. Afin d effectuer des comparaisons internationales, le coût unitaire de production est exprimé en dollar (CU $t ), en rapportant le coût de production converti en dollar (C t /e t ) à la production exprimée aux prix américains de l année 1990 (Q 90t /e 90 ) :

Ce dernier indicateur dépend là encore de l année de base choisie ; il n a donc de sens que sous forme relative, c est-à-dire rapporté ici aux coûts unitaires des concurrents sur les marchés extérieurs. Le coût unitaire relatif d un pays i (CUR i ) s écrit alors, en omettant désormais l indice t : Les coefficients de pondération β j sont calculés de manière à tenir compte du poids des n concurrents j sur les marchés d exportation CEE et hors CEE du pays i considéré : L expression du coût unitaire relatif de production permet d illustrer l intérêt de l utilisation des taux de PPA dans la mesure des coûts unitaires relatifs de production. Ils autorisent, en effet, la comparaison des volumes de production, en convertissant les quantités en une même unité physique de production. Néanmoins, le taux de PPA exerce également un impact substantiel sur les niveaux de coûts unitaires mesurés. Toutes choses égales par ailleurs, la surestimation du taux de PPA pour un pays particulier tendra à exagérer la valeur de son coût unitaire relatif et donc à sous-estimer sa compétitivité-coût. Ces problèmes de mesure s appliquent tout particulièrement au Japon. Ce pays se caractérise, en effet, comme il l a été souligné précédemment, par de fort écarts dans la mesure des taux de conversion selon l approche considérée. Aussi, notre choix a été de retenir deux mesures différentes du taux de conversion de l industrie manufacturière pour éviter ce premier écueil. Les taux de PPA considérés ici correspondent aux taux issus de nos propres calculs et à ceux calculés par D. Pilat (1996) à partir de l approche mixte 8. La sensibilité de la compétitivité au choix du taux de conversion que nous venons de rappeler peut être illustrée par les divergences plus ou moins importantes qui apparaissent dans la mesure des niveaux de productivité par tête.

2.2. Niveaux de productivité apparente du travail dans l industrie manufacturière. La productivité du travail représente un déterminant important du niveau de revenu et de la compétitivité d un pays. C est donc à juste titre qu elle fait l objet d un nombre important de comparaisons internationales. Néanmoins, ces comparaisons portent le plus souvent sur des évolutions. Le développement récent de mesures permettant le calcul de taux de PPA autorise aujourd hui des comparaisons internationales sur les niveaux de productivité. L objet de ce paragraphe est précisément de fournir des estimations de productivités par tête en niveau, en les confrontant aux résultats issus d autres travaux.. 2.2.1. La mesure des niveaux de productivité La productivité de la main d oeuvre (PPT i ) a été calculée comme étant la production exprimée en dollars au taux de la PPA de l année 1990 (Q i90 /e i90 ) divisée par le nombre de personnes occupées (emploi total, N i ). L utilisation des taux de PPA permet de s assurer que les volumes de production des différents pays sont bien comparables entre eux. L indicateur de productivité reflète le volume de production par tête. Soit, en terme absolu, pour un pays i : et en termes relatifs, qui, seuls, ont un sens en niveau :

Les données sous-jacentes utilisées pour construire l indicateur de productivité ont un effet important sur l indicateur lui-même et son interprétation. Tout d abord, comme pour les coûts unitaires en niveau, le choix des taux de PPA exerce un impact important sur les niveaux de productivité mesurés. Toutes choses égales par ailleurs, la surestimation du taux de conversion pour un pays particulier tendra à sous-estimer le niveau de productivité du pays en question. Enfin, la production, rentrant dans le calcul de la productivité, peut être mesurée soit par le produit brut (production) soit par la valeur ajoutée, chacune de ces deux mesures ayant ses avantages et inconvénients. A un niveau relativement agrégé comme celui de l industrie, la valeur ajoutée fournit une meilleure mesure de la productivité car elle permet d éviter la double comptabilisation des biens intermédiaires. On comprend alors que cette mesure soit la plus couramment utilisée dans les travaux portant sur cette question. Néanmoins, la prise en compte d une valeur ajoutée combinée avec des taux de conversion reposant sur la production n est pas sans poser également des problèmes. C est pourquoi, nous avons calculé, ici, deux niveaux de productivité, l un reposant sur la production et l autre basé sur la valeur ajoutée, pour pouvoir effectuer des comparaisons avec d autres études.. 2.2.2. Les estimations Les graphiques 1.1. retracent les niveaux moyens de productivité par tête dans l industrie manufacturière sur la période, 1970-1995, pour les quinze pays de l Union Européenne (Grèce exclue) ainsi que pour les Etats-Unis et le Japon. Les Etats-Unis, qui se caractérisent par le niveau de productivité le plus élevé sur l ensemble de la période, sont considérés, de fait comme pays de référence (Etats- Unis=100). Ce choix de présentation facilite, en outre, les comparaisons avec d autres études. Graphique 1.1. Niveaux de productivité par tête dans l industrie, Etats-Unis=100 La productivité de la main d oeuvre dans le secteur manufacturier a augmenté pour la plupart des pays au cours des années 70 et 80, mais le processus n a pas été régulier ou uniforme mais assez différent selon les pays et selon les périodes. Ainsi, à partir des années 1990, le processus de rattrapage qui s observe par rapport aux Etats-Unis se stabilise ou s inverse pour la majorité des pays. Au cours des vingt-cinq dernières années, ce sont le Japon, la Finlande, les Pays-Bas, la Belgique et l Irlande qui ont enregistré la plus forte augmentation de la productivité. L Italie, la France, le Royaume-Uni, l Espagne et l Autriche ont également connu une hausse, avec toutefois des performances inférieures.

Les pays qui partent avec un handicap de productivité au début des années 70 connaissent un processus de rattrapage qui s échelonne sur toute la période (Italie, Finlande) ou qui s arrête, pour certains, au début des années 90 (Japon, Belgique, Royaume-Uni, Espagne). Seule exception, le Danemark, dont l augmentation de la productivité au cours des années 70 est suivie d une diminution dès le début des années 80. Par contre, les économies qui présentent de meilleures performances au début des années 70, enregistrent une augmentation relative de leur productivité au cours de la décennie, mais ce rattrapage se stabilise (France, Pays-Bas)ou s inverse (Allemagne) à partir des années 80. Deux pays se caractérisent par une stabilité de leur niveaux de productivité par rapport au niveau américain. Il s agit de la Suède et du Portugal, dont les productivités par tête se maintiennent, sur l ensemble de la période, respectivement à un niveau inférieur de 75% et de 40% au niveau américain. A contrario, l Irlande connaît une augmentation exceptionnelle de sa productivité dès le début des années 80, mouvement qui s observe jusqu en fin de période. Au total, les niveaux de productivité par tête font apparaître une hiérarchie entre les pays qui a évolué sur l ensemble de la période, les Etats-Unis affichant, toutefois, le niveau de productivité le plus élevé de l ensemble des pays considérés, et ce sur l ensemble de la période. Ces évolutions et ces niveaux de productivité apparaissent, par ailleurs, conformes aux résultats issus d autres études (O.C.D.E., 1996) (cf. tableau 1.2).

Les niveaux de productivité du travail dans la zone de l OCDE tels qu ils sont calculés par l O.C.D.E. se caractérisent, en effet, par les grandes tendances de moyen terme mises en évidence précédemment : Le processus de convergence des niveaux de productivité, observé au début des années 70, se ralentit dans les années 80 et connaît même un renversement dans les années les plus récentes. Cette évolution est d autant plus frappante qu elle intervient, paradoxalement, dans un environnement de mondialisation croissante des économies. Elle s explique, dans une large mesure, par l opposition entre la stagnation qui prévaut en Europe et au Japon et la reprise de la croissance aux Etats-Unis. Ensuite, parmi les pays étudiés, les gains de productivité les plus remarquables depuis les années 70 ont été enregistrés par le Japon, la Finlande, la Belgique, les Pays-Bas. L augmentation a été plus modérée dans le cas de la France, de l Italie, du Royaume-Uni et de l Espagne. En revanche, la productivité de la main d oeuvre a stagné au Portugal, en Suède et a diminué en Allemagne. Enfin, la hiérarchie, qui s observe entre les pays dans les niveaux de productivité, oppose, d un côté, les Etats-Unis, le Japon, la Belgique et les Pays-Bas enregistrant les performances les plus élevées, et de l autre, l Espagne et le Portugal caractérisés par les productivités par tête les plus faibles de l ensemble des pays considérés. Même si les mesures qui viennent d être présentées présentent des similitudes dans les niveaux et les évolutions des productivités du travail au sein des pays de l O.C.D.E., elles présentent des différences dues au cadre méthodologique adopté et plus particulièrement au taux de conversion utilisé dans le calcul des niveaux de productivités. Pour évaluer l importance des biais introduits par le choix du taux de PPA, nous effectuons une comparaison entre trois mesures de niveaux de productivité par tête pour un certain nombre de pays industrialisés et pour les années 1973, 1985 et 1995. Ces différentes mesures retracées dans les graphiques 1.2. proviennent des méthodologies suivantes :. Une première série d estimations provient de nos propres calculs et est représentée par les histogrammes gris foncé. Elle s appuie sur les statistiques issues de la Stan Base de l O.C.D.E. et sur des taux de conversion mesurés à partir de la méthodologie développée par J. Mazier, J. Mathis & D. Rivaud-Danset (1988) (cf. section précédente) ;. Une seconde série combine nos calculs de productivité par tête avec les taux de conversion dérivant de l approche mixte 9 ;. Enfin, la dernière série d estimations indique les niveaux de productivité par tête calculés par l O.C.D.E. (D. Pilat, 1996) et est décrite par les histogrammes gris clairs. Les taux de conversion dérivent de l approche mixte. Les séries relatives à la valeur ajoutée et à l emploi sont extraites de la base de données Stan Base de l O.C.D.E. pour les années 1973, 1985,

1987 et extrapolées pour l année 1993 sur la base de l évolution des volumes de la valeur ajoutée et des effectifs. Graphiques 1.2. Niveaux de productivité par tête, Etats-Unis = 100. Une comparaison avec O.C.D.E. (1996) Deux enseignements principaux peuvent être tirés de la comparaison de ces différentes estimations : Comme il a été déjà mentionné, la difficulté concernant l utilisation des taux de conversion provient du fait qu ils peuvent présenter des écarts liés à des différences de définition, notamment pour les divers produits entrant dans leur composition. Ainsi, les taux de PPA que nous avons calculés débouchent sur des valeurs supérieures à celles dérivant de l approche mixte pour l Allemagne et le Japon et des valeurs inférieures pour la France. Ces écarts permettent d expliquer la faiblesse des niveaux de productivité par tête allemands et japonais par rapport à ceux calculés par l O.C.D.E. Le phénomène inverse s observe pour la France. La conséquence réside dans un constat inverse sur la hiérarchie des niveaux de productivité. Ainsi, nous aboutissons à un niveau de productivité français par tête supérieur au niveau allemand en 1973 et en 1985 ainsi qu au niveau japonais en 1985 et 1995, alors que les estimations de l O.C.D.E. débouchent sur des résultats inverses. Un dernier élément important concerne la sensibilité des résultats aux séries utilisées. La plupart des études utilisent pour leurs calculs des séries publiées par des organismes internationaux tels que l O.C.D.E.. Toutefois, ces séries étant remises à jour régulièrement, nous avons pu constater des modifications d une publication à l autre dans les valeurs des séries intervenant dans le calcul des productivités par tête et plus généralement des coûts unitaires de production. Ces modifications pouvant être substantielles, il apparaît légitime de trouver des niveaux d indicateurs dépendant fortement des séries utilisées ; ce dernier point apporte une justification aux écarts constatés à partir de la comparaison des deux dernières séries. Les problèmes méthodologiques relatifs au calcul des coûts unitaires en niveau ont été abordés dans ce premier chapitre. Nous nous sommes, en particulier, attachés à montrer que les mesures pour un même concept de compétitivité retenu étaient susceptibles de varier d une étude à l autre. En particulier, l élaboration d indicateurs de coûts en niveau dépend de manière cruciale du taux de PPA utilisé. Ainsi, différentes mesures concernant ces taux de conversion ont été identifiées ainsi que leurs méthodologies respectives. Malgré les difficultés sérieuses que pose leur construction, les taux de PPA constituent des outils d analyse d un grand intérêt puisqu ils permettent le calcul de niveaux de coûts de production ; ils autorisent, de ce fait, des comparaisons adéquates en matière de compétitivité-coût.

Chapitre 2 - AVANTAGES COUTS, AVANTAGES HORS-COUTS ET PERFORMANCES EXTERIEURES Les coûts unitaires de production en niveau des principaux pays industrialisés sont d abord étudiés en se limitant aux coûts salariaux. Bien que ces derniers ne représentent qu environ 30% des coûts totaux, ce sont, le plus souvent, les seuls à être pris en compte dans les travaux sur la compétitivité-coût. Cette limitation n est pas gênante quand on ne s intéresse qu aux grandeurs en évolution car la croissance des coûts salariaux unitaires est un bon indicateur de la croissance des coûts totaux. Les coûts non salariaux sont en effet principalement composés de consommations intermédiaires qui, en dehors des produits importés, sont, elles-mêmes, constituées, directement et indirectement, de coûts salariaux. Une telle approximation n est plus acceptable lorsque l on étudie les coûts de production en niveau. On calculera donc des coûts totaux de production unitaires, somme des coûts salariaux et des consommations intermédiaires, qui donnent une image plus exacte et sensiblement différente de la compétitivité-coût des différents pays. Cette mesure de la compétitivité-coût en niveau sera dans unedeuxième partie rapprochée d indicateurs de performances extérieures. La confrontation entre les deux séries d indicateurs servira de fondement à l établissement d une typologie par pays entre avantagescoûts et avantages hors-coûts. 1. LES COUTS UNITAIRES DE PRODUCTION DANS L INDUSTRIE 1.1. Les coûts salariaux unitaires Les coûts salariaux unitaires sont calculés en rapportant l ensemble des charges salariales, évaluées en dollars courants, à la production en volume mesurée aux prix internationaux de 1990 (c est à dire aux prix de 1990 convertis en dollars au taux de la PPA de 1990). Les charges salariales sont entendues au sens large et comprennent les cotisations sociales et une rémunération fictive des non-salariés égale au salaire moyen par tête. Plusieurs variantes ont été calculées, à la fois pour tenir compte des incertitudes concernant la mesure du taux de la PPA et pour faciliter les comparaisons avec d autres estimations. Deux mesures du taux de la PPA pour la production manufacturière en 1990 ont été utilisées, celle provenant de nos propres estimations et celle, dite de l approche mixte, proposée par D. Pilat (1996), qui présente l avantage de combiner l approche par les dépenses finales et l approche par les valeurs unitaires (méthode "industry of origin"). Deux notions de production ont par ailleurs été retenues:. d une part la production industrielle au sens précis du terme, telle qu elle ressort des statistiques de la Stan base de l OCDE utilisées dans cette étude, mais qui présente l inconvénient d inclure l ensemble des consommations intermédiaires, y compris les intra-consommations ;

. d autre part la valeur ajoutée industrielle, qui est une notion plus restrictive puisqu elle exclut les consommations intermédiaires intra-industrielles, mais qui ne pose pas de problème d agrégation et qui est, en général, utilisée dans les études portant sur des comparaisons internationales de productivités ou de coûts salariaux. Les graphiques 2.1. (utilisant la production) et 2.2. (utilisant la valeur ajoutée) retracent, pour chacun des pays industrialisés, les niveaux des coûts salariaux

unitaires relatifs, c est à dire rapportés à la moyenne pondérée des coûts des pays partenaires de chaque pays étudié. Pour une année et un pays donnés, une valeur de 1.20 de cet indicateur signifie que les coûts salariaux par unité produite sont, en niveau, supérieurs de 20% à ceux de la moyenne des pays partenaires. Les courbes ne peuvent donc faire l objet d une comparaison entre elles puisque chacune représente la position relative d un pays. Premier constat bien connu, la théorie de la parité des pouvoirs d achat appliquée aux coûts salariaux unitaires n est vérifiée que d une manière très approximative, même sur moyenne période. Le taux de change réel, défini ici comme le rapport des coûts salariaux unitaires, diffère durablement de l unité dans la plupart des pays avec des fluctuations de forte ampleur. La dispersion est plus marquée lorsque les coûts unitaires sont calculés à partir de la notion de production qu à partir de celle de valeur ajoutée. Graphique 2.1. Coûts salariaux unitaires relatifs dans l industrie (production en volume) Graphique 2.2. Coûts salariaux unitaires relatifs dans l industrie (valeur ajoutée en volume) Malgré certains écarts non négligeables, notamment dans le cas du Japon, les différentes estimations fournissent des résultats assez convergents. Sans surprise, c est aux Etats-Unis que les fluctuations ont été les plus prononcées en raison des grandes variations du dollar. La forte dépréciation de celui-ci de 1971 à 1980 a fait chuter les coûts salariaux unitaires américains. Supérieurs de 40 à 60% à la moyenne de leurs partenaires en 1970, ils sont tombés 20% en dessous de cette moyenne en 1980. Avec l appréciation du dollar de 1981 à 1985 un renversement complet est intervenu, les coûts unitaires américains redevenant supérieurs de 30 à 40% à ceux de leurs concurrents. Un retournement encore plus brutal s est produit après les accords du Plazza, ramenant dès 1987 les coûts américains à des niveaux inférieurs de près de 30% à ceux de la moyenne de leurs partenaires. Depuis lors cet écart s est maintenu et a même légèrement progressé pour atteindre 40% au milieu des années 1990. Au Japon la tendance générale a été à la réduction de l avantage considérable en matière de coûts salariaux unitaires dont bénéficiait l industrie de ce pays au début des années 1970. L appréciation quasi continue du yen sur la période a joué un rôle majeur, surtout à partir de la deuxième moitié des années 1980. La stagnation de la productivité industrielle durant la crise de la première moitié des années 1990 a amplifié le mouvement, faisant passer les coûts salariaux japonais au dessus de ceux de la moyenne de leurs concurrents. Au delà de cette première caractérisation, c est au Japon que les divergences les plus notables apparaissent entre les différentes estimations, à la fois en raison des écarts importants qui existent au niveau de la PPA entre nos propres évaluations et celles de l approche mixte (D. Pilat, 1996) et en raison des différences au niveau de la productivité selon que l on raisonne en termes de valeur ajoutée ou de production. Ainsi en 1970 l avantage en termes de coûts salariaux du Japon s inscrivait dans une fourchette comprise entre