La grande manipulation



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Transcription:

Politique Au pays du Tea Party 6 et 7 Canadien Plekanec: la petite histoire d un grand battant 46 et 47 Jeudi 28 octobre 2010 Vol. 1 N o 1 Par la bouche de nos crayons! Le journal des employés en lock-out du Journal de Montréal Avortement La grande manipulation photo olivier jean

2 Nouvelles Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 La confiance trahie Alors qu ils prétendent conseiller les femmes enceintes de façon neutre et éclairée, de nombreux groupes pro-vie dissimulés derrière de faux airs d ouverture inventent des histoires plus alarmantes les unes que les autres pour les dissuader de se faire avorter, révèle une enquête de Rue Frontenac. Gabrielle Duchaine duchaineg@ruefrontenac.com Des fœtus vendus aux compagnies pharmaceutiques pour fabriquer du rouge à lèvres, un risque accru de développer un cancer, des problèmes de fertilité et une vie rongée par le remords: le portrait qu ils dressent de l avortement est mensonger et n a aucune assise scientifique. Il reste assez sombre pour faire changer d idée. Regard sur une insidieuse campagne de manipulation. «Une grossesse, que tu la mènes à terme ou non, ça change complètement la vie. L important, c est que tu prennes une décision éclairée.» La femme au bout du fil est chaleureuse. Dès le début de la conversation, elle expose les trois options qui s offrent à son interlocutrice, une représentante de Rue Frontenac qui se prétend enceinte. «Que ressens-tu face à l idée de devenir parent? De donner en adoption? Et de te faire avorter?» De prime abord, l intervenante de l organisme Options Grossesse Trois-Rivières paraît d une neutralité sans faille. Tout comme le site Web du groupe, qui promet «de l information et un soutien continu, peu importe le choix», et l aide d une conseillère formée qui donnera «des informations précises concernant la grossesse, l avortement, être parent et l adoption». Mais derrière cette image d ouverture se cache un discours pro-vie particulièrement radical. Une fois la confiance établie, les propos que tiennent nos interlocuteurs sur l avortement donnent froid dans le dos. «On entend dire que l avortement, ce n est rien, mais c est un arrêt de processus. Des statistiques montrent que ça peut entraîner la stérilité ou causer des fausses couches à répétition. Et plus t es jeune quand tu avortes, plus t as de risques que ça t arrive, prévient la dame au téléphone. Je veux vraiment te faire comprendre la portée du geste. Ça va régler ton problème vite, mais il y a des risques.» Elle enchaîne avec les cas de cancer du sein, qui seraient plus nombreux chez les femmes ayant interrompu leur grossesse, dit-elle. Sans oublier le stress post-avortement qui amène culpabilité, anxiété et déni. «Tu pourrais avoir des flashbacks et chaque fois que tu entendras un aspirateur, ça va te faire penser à l avortement.» Options Grossesse Trois-Rivières n est pas unique. De nombreux organismes d aide à la grossesse installés un peu partout au Québec et au Canada laissent planer une ambiguïté quant à leur allégeance, que ce soit par leur nom, leur discours public, leur site Web ou les services qu ils disent offrir, avant d effrayer des femmes enceintes d un enfant non désiré. Certains sont si convaincants qu ils sont recommandés par des hôpitaux ou des centres de santé. Les propos qu ils tiennent n ont pourtant aucune assise scientifique. Un vrai fœtus de 11 semaines. Certains centres malhonnêtes laissent entendre aux futures mères qu il «a tout ce qu il faut» et que les médecins «vont devoir le briser en morceaux avant de le sortir». photos olivier Jean Une campagne de peur «Il y a des filles qui se mettent à boire ou qui tombent dans la drogue. D autres font des cauchemars et se voient en train de tuer leur bébé. Il y en a aussi qui se punissent ou qui ne sont plus capables d être avec des enfants plus tard.» Dans les bureaux du Centre Conseils Grossesse, 19 e Avenue à Montréal, Lise Brossard est en pleine séance de désinformation. Assise dans une petite pièce sans fenêtre, décorée de photos de bébés, de magazines pour mamans et de calendriers destinés à calculer la date présumée de l accouchement, elle parle d une voix douce à la jeune femme installée devant elle. «C est ton choix, mais en tant que fille, tu as le droit de connaître les risques. Si jamais il t arrive quelque chose dans cinq ans, disons un cancer de l utérus, je ne peux pas te laisser faire sans t avertir.» Elle enchaîne avec une histoire encore plus horrifiante. «Des fondations pour la protection des animaux donnent des subventions aux laboratoires pour qu ils utilisent des fœtus avortés au lieu des rats, raconte-t-elle. Ils s en servent aussi pour fabriquer des produits de beauté. Les cliniques les vendent, surtout s ils ne sont pas trop maganés.» Quelques minutes plus tôt, pendant qu elle expliquait en détail le déroulement d un avortement, elle a déposé un bébé en plastique d une quinzaine de centimètres de long dans le creux des mains de notre journaliste. «C est à peu près la taille de ton enfant en ce moment. Tu vois, il est déjà tout formé. Il a tout

Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Nouvelles 3 ce qu il faut. Quand tu vas te faire avorter, ils vont devoir le briser en morceaux avant de le sortir.» Même si le Centre Conseils Grossesse prétend aider à prendre une décision éclairée sans porter de jugement, ses liens avec les mouvements religieux et pro-vie sont indéniables. La Fondation des œuvres internationales, un groupe chrétien qui a notamment des missions en Haïti, est un de ses soutiens financiers, alors que l Alliance ressource grossesse, un regroupement de 14 centres d aide à la grossesse de la province dont plusieurs s affichent comme pro-vie, en fait la promotion. Malgré tout, l hôpital Sainte-Justine y réfère des patientes via son site Internet. Un piège bien ficelé «C est traître, ils attirent les femmes avec toutes sortes de stratagèmes. En offrant des tests de grossesse gratuits, par exemple», explique la directrice de l Association canadienne pour la liberté de choix, Patricia La- Rue, qui a mené une étude sur la question. «En attendant les résultats, ils montrent des vidéos sur le fœtus», dit-elle. «Beaucoup de femmes nous ont appelés complètement traumatisées après avoir été conseillées par ces centres qui leur ont raconté des mythes complètement faux. Celles qui nous contactent ont demandé une deuxième opinion, mais beaucoup d autres continuent leur grossesse sous de faux prétextes.» Le groupe pro-choix SOS Grossesse raconte pour sa part avoir reçu des appels de femmes particulièrement surprises par l information tendancieuse que leur ont donnée les intervenantes de Naître ou ne pas naître, un organisme qui admet «avoir une tendance pour la vie» mais dont le nom porte à confusion. «Si vous saviez le nombre de niaiseries qu on entend», rage Anne Marie Messier, directrice du Centre de santé des femmes de Montréal, qui pratique des avortements. Elle se rappelle l histoire d une jeune adolescente qui s est fait dire par un organisme de soutien que sa grossesse passerait toute seule. «Elle s est bien rendu compte que ce n était pas le cas quand elle a commencé à grossir. Elle s est donc fait avorter plus tard, et la procédure a été plus difficile», dit-elle. consultez notre multimédia sur la campagne de peur des groupes pro-vie sur RueFRontenbac.com une loi pour éviter l ambiguïté La fausse représentation des groupes pro-vie préoccupe tellement leurs opposants qu ils ont demandé au gouvernement du Québec d intervenir en imposant une certification aux centres d aide à la grossesse qui œuvrent dans la province. Le Centre de planning des naissances a déposé l été dernier une série d ambitieuses recommandations au ministère de la Santé dans la foulée d une vaste enquête que son équipe a menée sur l accès aux services d avortement et parmi lesquelles il demande un mécanisme de certification qui serait implanté à la grandeur du Québec. Le Ministère étudie la question. Inspiré par un règlement municipal en vigueur à Baltimore, aux États-Unis, l organisme espère aussi convaincre la Ville de Montréal d obliger tous les centres d aide à la grossesse pro-vie à s afficher comme tels sur la devanture de l édifice qu ils occupent. Depuis 2009, les centres de soutien à la grossesse de la métropole du Maryland doivent indiquer sur leur façade qu ils n offrent ni avortement, ni outils de contraception. «Comme ça, les femmes savent à quoi s attendre en entrant», dit Anne Marie Messier. «Le fait qu un centre n offre pas de services d avortement est une bonne façon de voir s il est pro-choix ou non, note la directrice de l Association canadienne pour la liberté de choix, Patricia LaRue. Certains de ceux auxquels s est intéressé Rue Frontenac l indiquent en petits caractères au bas d une page de leur site Web. Pour éviter toute ambiguïté, les prochoix suggèrent aux femmes enceintes qui ont besoin d aide de s adresser à Info-santé pour être dirigées vers des organismes reconnus par le réseau de la santé.

4 Nouvelles Le mouvement pro-vie se cache dans l ombre Même s ils ne sont pas subventionnés par le gouvernement, les organismes d aide à la grossesse qui propagent de faux renseignements sur l avortement ont les moyens de leurs ambitions. Dans leur ombre se cache une longue liste de bienfaiteurs et de partenaires religieux ou issus du mouvement pro-vie, a constaté Rue Frontenac. Gabrielle Duchaine duchaineg@ruefrontenac.com Nombre d entre eux sont sous la tutelle de l Alliance Ressources Grossesse, un discret regroupement de 14 centres d aide aux femmes enceintes. L Alliance n accorde pas d entrevues. Son dirigeant les considère comme une perte de temps, nous a-t-il dit. Il refuse même de s identifier comme pro-vie. Selon son site Web, le mandat de l Alliance est de réunir les responsables des divers centres, dont le Centre Conseils Grossesse, le centre Naître ou ne pas naître et Options Grossesse Trois-Rivières, pour «obtenir un effet synergétique entre eux, comblant les besoins de la jeune femme enceinte en difficulté». Il organise des congrès, visite les différents centres pour «encourager et fortifier les directeurs et leur personnel» et fait circuler de l information jugée pertinente. On ne précise pas si cette information est la même que les mensonges véhiculés par les centres d aide à la grossesse ciblés par Rue Frontenac. Le groupe a des liens avec une association ouvertement pro-vie qui publie sur son portail Internet un document sur l avortement reprenant les propos trompeurs entendus durant notre enquête: Respect de la Vie- Mouvement d Éducation. Faussetés On peut y lire que l interruption volontaire de grossesse entraînerait la stérilité dans 2 à 5% des cas, augmenterait le risque de souffrir d un cancer du sein de 30%, accroîtrait par quatre fois les cas de cancer du col utérin, hausserait les risques de suicide de 2 à 7 fois, engendrerait 8 fois plus de grossesses ectopiques qu en temps normal et augmenterait de 7 à 15 fois les risques de subir une césarienne ou de donner naissance à un enfant handicapé ou mal formé. Tout cela est faux. RVME fait aussi la promotion de plusieurs centres qui ne sont pas membres de l Alliance Ressources Grossesse et auxquels s est intéressé Rue Frontenac. C est le cas de La Roselière et du Centre Options Grossesse, tous deux dans la région de Québec, et du Centre d aide en crise de grossesse de Châteauguay, en Montérégie. Ce dernier, avec Options Grossesse, est affilié à l Association canadienne des services et du soutien pendant la grossesse (CAPSS), une organisation chrétienne qui compte 71 membres au pays et qui défend la dignité de l humain dès la conception. Bienfaiteurs chrétiens Le Centre Conseils Grossesse de Montréal compte aussi sur des bienfaiteurs chrétiens. La Fondation des œuvres internationales, qui a notamment des missions en Haïti, en fait état comme l un de ses principaux projets. Contacté par Rue Frontenac, l organisme a dit ne pas avoir beaucoup d information sur les activités de Centre Conseils Grossesse et préférer la publication de notre dossier avant de commenter. L entreprise et son alter ego Options Grossesse sont également inscrits au Registre des organismes de charité chrétiens, un outil de promotion payant offert uniquement aux clients du Conseil québécois des organismes chrétiens. Ni l une ni l autre ne s en vante sur son site Internet ou lors de ses consultations. La majorité des organismes d aide à la grossesse mentionnés ci-dessus n ont pas Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 photo olivier Jean répondu à nos demandes d entrevue. Une employée d Options Grossesse Trois-Rivières nous a pour sa part affirmé que l information véhiculée par son organisme, notamment que l avortement augmente les risques de cancer et d infertilité, est vraie, même si les autorités de santé publique disent le contraire. «Au Québec, il n y a pas assez de recherche sur la question. Mais ça commence», a dit Danielle Houle. Elle nous a notamment référée aux travaux d un médecin de Québec, Michel Robillard, qui n est nul autre que le fondateur de Chasteté- Québec. À Lire aussi sur RueFrontenac.com Le billet de Valérie Dufour: La vie à tout prix

Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Nouvelles 5 Un premier numéro historique Ce premier numéro du nouvel hebdomadaire Rue Frontenac revêt un caractère bien particulier. Sortant près de deux semaines après le rejet massif des premières offres patronales dans un conflit qui perdure depuis plus de 21 mois, vous remarquerez qu il est salué par l ensemble du mouvement syndical québécois, pour qui l attitude de Quebecor est inacceptable. Pour les lock-outés du Journal de Montréal eux-mêmes, il coïncide avec une relance de leur lutte pour un règlement équitable la conservation d emplois dans des conditions acceptables et un futur honorable pour ceux qui ne retrouveront pas le leur, un objectif que le temps n a pas amoindri. Mais si l existence de RueFrontenac. com et la parution de Rue Frontenac papier permettent à ce conflit de ne pas tomber dans l oubli, pour les travailleurs qui leur donnent vie tous les jours, il s agit de médias où la Un premier numéro à conserver. rigueur journalistique prime avant tout et de l exercice stimulant d une presse libre par de vrais professionnels de l information. Certes, nous traiterons de problèmes sociaux et nous nous intéresserons aux autres conflits de travail, mais jamais nous ne le ferons avec complaisance ou engagement envers qui que ce soit. Après nous être bâti une crédibilité sur le Web depuis 21 mois, nous expérimentons une nouvelle voie en offrant une information générale sur papier sur une base hebdomadaire. Vous retrouverez dans Rue Frontenac du journalisme inédit, le meilleur de nos enquêtes, reportages, analyses et entrevues ainsi que le point de vue pertinent de nos principaux chroniqueurs, tout en continuant à pouvoir lire nos nouvelles quotidiennes sur Internet. Bonne lecture. Richard Bousquet Coordonnateur général de Rue Frontenac Sommaire STM Un centre nerveux préhistorique...8 École alternative Des parents prêts à tout...11 AFFAIRES Matrox sur la corde raide... 18 Manoir Richelieu Des plaies pas encore cicatrisées... 20 CULTURE Guy A. Lepage Le courage de ses convictions... 24 GAMIQ ou ADISQ: la guerre des clans Ça change pas le monde... 26 DÉTENTE Plaisirs de la table...34 Les jeux alphabétiques... 35 SPORTS Le football québécois en explosion... 36 Débranchée, la voiture tout électrique...40 Tomas Plekanec, le perfectionniste... 46 Pour atteindre 100 ans de journalisme indépendant, il faudra toujours un premier numéro. Bon succès! Le Syndicat de la rédaction du quotidien LE DEVOIR

6 Nouvelles Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Des Américains en colère Rue Frontenac vous emmène à une assemblée du Tea Party en Floride LAKE WORTH, Floride Ils étaient rassemblés dans la salle paroissiale d une banlieue cossue, un dimanche soir, au fond d un stationnement bordé de palmiers. Une soixantaine de citoyens venaient assister à la fondation d un chapitre local du Tea Party, ce mouvement politique qui fait dérailler la présidence de Barack Obama. Marco Fortier fortierm@ruefrontenac.com Nous sommes entrés sans nous annoncer, ma collègue Annik de Carufel et moi. Impossible de passer inaperçus: elle brandissait son appareil photo muni d une lentille digne d un safari en Tanzanie. Elle a commencé à faire le tour de la salle pour shooter la faune politique qui discutait d hôpitaux, d écoles et de crise économique. Je noircissais mon calepin de notes. Une petite madame d une cinquantaine d années s est approchée: qui êtes-vous? On est journaliste et photographe de Rue Frontenac, un quotidien de Montréal, au Canada. Vous êtes venus du Canada pour nous rencontrer? Waow, bienvenue parmi nous! Ce soir-là, dans la petite ville de Lake Worth, dans le sud de la Floride, on a vu de nos propres yeux ce qu est le Tea Party: un regroupement spontané de citoyens fâchés en criss, même contre les gouvernements. Contre tous les niveaux de gouvernement. Contre tous les partis. Contre ce qu ils appellent «l establishment» et «l élite politique». Contre le «socialisme» Plutôt que de rester chez eux à chialer, les militants du Tea Party se regroupent, s informent, se mobilisent et font bouger les choses. Des centaines de groupuscules du Tea Party, comme celui de Lake Worth, naissent partout aux États-Unis et sont en train de changer le visage de la politique au pays de Barack Obama. «Je sens un niveau de colère jamais vu dans la population», dit Robert Charles McDonald, président-fondateur du chapitre de Lake Worth du Tea Party, à la soixantaine de citoyens rassemblés dans la salle. Cet ancien officier de la police et de l armée américaine se fait appeler par ses initiales: R. C. Prononcer «Arsie». Queue de cheval, moustache, jeans et bottes de cow-boy. Il a l air d un dur, il est très fâché, mais il reste poli. Jamais un mot plus haut que l autre. Ce retraité de 54 ans et père de quatre enfants n avait jamais fait de politique de sa vie, mais l arrivée d Obama à la Maison-Blanche lui a donné un électrochoc. Arsie ne digère pas la réforme de la santé lancée par Obama. Pour Arsie, forcer les contribuables à payer pour l assurance-maladie des 47 millions d Américains qui n avaient aucun filet de sécurité, c est du «socialisme». Ça lui déplaît. Et il ne parle pas à travers son chapeau: Arsie affirme avoir fouillé le projet de loi durant cinq semaines avant de se prononcer. «La réforme d Obama réduit la compétition entre les compagnies d assurances. Les primes vont augmenter», dit-il. C est le plan de relance de l économie de près de 800 milliards de dollars qui l a incité à former un chapitre local du Tea Party. «Notre dette se compte en trillions de dollars! Les républicains de Bush n étaient pas mieux que les démocrates, ils dépensaient trop, eux aussi. Tout le monde me décourage en politique fédérale», dit-il. Crise de confiance Ce soir-là, trois candidats aux élections du 2 novembre sont venus répondre aux questions du Tea Party. Deux républicains, une démocrate. Ils ont tous servi le même message: on n est pas des politiciens de carrière, on fait partie du peuple. On va prendre soin de vos taxes. On va couper dans le gras. «Le gouvernement ne fait pas partie de la solution: la crise, c est le gouvernement», a lancé Sherry Lee, une agente d immeubles qui cherche à se recycler comme commissaire du comté de Palm Beach (l équivalent d un préfet de MRC au Québec). Les temps sont durs dans l immobilier. Les maisons de Palm Beach ont perdu la moitié de leur valeur en deux ans, explique la dynamique blonde. «J ai regardé mon compte de taxes: je paye des comptes de dépenses aux fonctionnaires de 17 niveaux de gouvernement», a ajouté Sherry Lee. Tonnerre d applaudissements dans la salle paroissiale. Le budget de la commission scolaire a triplé en 10 ans, note-t-elle. «Où va l argent des commissions scolaires? Dans les frais de déplacement des commissaires.» Tiens tiens... J ai tout à coup l impression de me trouver à Québec et non dans le sud de la Floride. Bill Graham, candidat au poste de commissaire scolaire, me ramène toutefois de façon brutale aux États-Unis. Pour lui, il faudrait abolir non pas les commissions scolaires, mais le... ministère de l Éducation, une «bureaucratie» dont les Américains pourraient se passer, plaide-t-il. «Je crois à la gestion locale et souveraine de nos écoles. Pas besoin de fonctionnaires à Washington pour nous dire comment enseigner à nos enfants.» À lire Aussi sur RueFrontenac.com L heure de gloire du «monde ordinaire» L APPQ tient à saluer le courage et la détermination des professionnels de l information de Rue Frontenac. L ASSOCIATION DES POLICIÈRES ET POLICIERS PROVINCIAUX DU QUÉBEC (APPQ)

Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Nouvelles 7 Arsie a l air d un dur, il est très fâché, mais il reste poli. L arrivée d Obama à la Maison-Blanche lui a donné un électrochoc. photo Annik mh de carufel Dr Marie-Renée Godbout Dentiste généraliste Chirurgie 514 251-0101 drgodbout.com Esthétique & implantologie Dr Marie-Renée Godbout Avant Avant Après Après Facettes lumineers Illuminez votre sourire! Sans anesthésie Sans douleur

8 Nouvelles Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 La facture du centre de contrôle qui gère le trafic du métro sera plus salée que prévu. photo Chantal poirier Un centre nerveux préhistorique Les mises à jour informatiques doivent être effectuées à la main à la STM Même si elle a investi des millions pour se doter d un centre de contrôle à la fine pointe de la technologie, la STM fonctionne toujours avec un système digne de «l âge de pierre» en raison d un litige avec un fournisseur. Une situation à ce point «sérieuse» que l opposition officielle exige une enquête du vérificateur général. Marilou Séguin seguinm@ruefrontenac.com Selon ce qu a appris Rue Frontenac, l ouverture du centre de contrôle, qui devait Tous mes vœux de succès aux artisans-nes d un journal qui savent se tenir debout et qui nous démontrent au quotidien leur amour du métier et leur sens de la dignité. Solidairement Amir Khadir Député de Mercier être prêt en 2008-2009, a été retardée aux environs de 2012. Des défis technologiques rencontrés sur le terrain ont fait en sorte que l échéancier du projet accuse des délais majeurs et que la facture, initialement estimée à environ 50M$, sera plus salée que prévue. Des solutions auraient été trouvées, mais la STM ne veut pas donner de détails sur le litige ou sur le coût du projet tant que le dossier n est pas définitivement réglé avec le fournisseur. Informée de la situation, l Opposition officielle a affirmé qu elle demandera au vérificateur général d ouvrir une enquête pour faire toute la lumière sur la situation. «C est assez sérieux pour qu on demande à voir toutes les informations», dit Elsie Lefebvre, porte-parole de Vision Montréal en matière de transport en commun. Centre nerveux Le nouveau centre de contrôle, où sera effectuée toute la gestion du trafic et de l exploitation du métro, remplacera le centre actuel en activité depuis 1966. Véritable centre nerveux, le centre de contrôle reçoit toutes les informations sur les activités du réseau. On y gère autant la circulation des trains en temps réel, grâce à un système informatique, que les communications et la distribution de l énergie électrique. Le système d ordinateurs actuel, qui date du milieu des années 1980, est toutefois désuet et doit être modernisé. «C est un projet hautement technologique, d une très grande envergure», dit Odile Paradis, porte-parole de la STM. Le remplacement des équipements d exploitation du métro, qui se fait graduellement au fil des ans, représente cependant un réel défi pour la Société. «Les nouveaux systèmes des années 2000 doivent souvent parler avec de la vieille technologie des années 1960, indique Donald Desaulniers, directeur du programme Réno-Systèmes. Le complexité est très élevée.» Comme à l âge de pierre En attendant que le nouveau centre de contrôle soit complètement opérationnel, l équipe d exploitation, composée d employés spécialisés, doit travailler avec des équipements parfois très vieux. «On est à l âge de pierre, mais ça fonctionne», dit Mme Paradis, soulignant que les employés font de petits miracles pour entretenir le système. Par exemple, dans l ancien centre de contrôle, un mur entier est couvert de fils téléphoniques et les mises à jour informatiques doivent être effectuées à la main parce qu elles ne se font pas automatiquement. La gestion des trains est actuellement encore effectuée avec les vieux ordinateurs, sauf à Laval. Mais malgré son âge, le centre de contrôle act uel est encore fiable, assure M. Desaulniers.

Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Nouvelles 9 Entrevue exclusive avec le nouveau chef de la police de Montréal Pas de coupes au SPVM Le nouveau chef de la police de Montréal, Marc Parent, prévoit sauver tous les policiers temporaires et ne couper aucun poste au sein du SPVM en 2011, selon des scénarios budgétaires qu il a déposés cette semaine à la Ville de Montréal. Daniel Renaud renaudd@ruefrontenac.com «Dans les scénarios que je propose, il n y a pas de coupes de postes. Au contraire, on garde tout le monde», a déclaré Marc Parent dans une entrevue exclusive accordée à Rue- Frontenac.com la semaine dernière, juste avant de s envoler pour Haïti où il a passé quelques jours pour rencontrer ses troupes en mission dans ce pays. En raison des compressions de 35M$ imposées par la Ville de Montréal à la police depuis deux ans, 145 policiers temporaires risquaient de perdre leur emploi ce mois-ci. À la suite d une entente avec la Fraternité des policiers de Montréal, M. Parent a annoncé dernièrement qu il était parvenu à prolonger leur mandat jusqu à la fin décembre. Or, de tous les scénarios budgétaires que son service a soumis à la Ville cette semaine, aucun ne prévoit des mises à pied chez les temporaires en 2011. Même que Marc Parent est confiant de pouvoir «régulariser» la situation des policiers temporaires qui termineront leur troisième mandat le 31 décembre, en leur accordant leur permanence. Normalement, un policier temporaire doit effectuer au maximum deux mandats de 300 jours avant de devenir policier permanent. Mais pour éviter de mettre à pied les plus anciens d entre eux menacés par les compressions, la direction de la police et le syndicat s étaient entendus pour qu ils effectuent un troisième mandat en 2010. Ces policiers temporaires sont des intervenants de première ligne et sont très importants pour plusieurs postes de quartier qui peuvent en compter dans leurs effectifs jusqu à une dizaine à la fois. «De façon globale en 2011, dans les différents scénarios budgétaires que je dépose, tous les policiers temporaires sont intégrés. Tous ceux qui sont éligibles à la permanence, on entend régulariser leur situation», a confié Marc Parent à RueFrontenac.com. «Pour y parvenir, je jongle beaucoup avec mes ressources. Tout est une question de choix», explique le nouveau chef, selon qui le fait d avoir réduit le nombre de directions au SPVM, de trois à une, permet en partie ce tour de force. La police a déposé ses scénarios budgétaires 2011 devant la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal la semaine dernière. Le Comité exécutif de la Ville en a pris connaissance cette semaine et le scénario choisi pourrait être connu autour du 5 novembre. «La réception de la Ville est bonne. Ils ont la préoccupation que l on puisse offrir un bon service aux citoyens. Ils ont également le souci d avoir les effectifs policiers nécessaires», dit-il. Par ailleurs, l arbitre Jean Barrette vient à peine de trancher, en juin dernier, les conditions salariales pour les années 2007 à 2010, que déjà les négociations pour le renouvellement de la convention collective débuteront dans quelques semaines. Patrons et syndicats sont déjà en train de préparer un calendrier de rencontres qui devraient sûrement débuter avant Noël, annonce M. Parent. Les augmentations de 8,25% sur quatre ans accordées par l arbitre Barrette après deux longues années de délibérations ont déçu autant la Fraternité, qui demandait des hausses totales de 13%, que la Ville, qui n en offrait que 6%. M. Parent est confiant d éviter l arbitrage cette fois-ci. Quelque 2000 policiers ont manifesté à Montréal le 20 octobre, mettant la table pour les prochaines négociations qui débuteront dans quelques semaines..ca Le spécialiste Apple au Québec QUARTIER DIX30 En face du cinéma CENTRE EATON Entrée maisonneuve PARC 6615 ave Parc SHERBROOKE Centre Les Tourelles 514.270.4477

10 Nouvelles Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 L identité de MaChouette Jamais Leblanc n aurait trahi Daniel Leblanc, ce journaliste du Globe and Mail qui a levé le voile sur le scandale des commandites, n aurait jamais, même si la Cour suprême le lui avait ordonné le 22 octobre, dévoilé l identité de la fameuse source anonyme qui l a mis sur le coup, MaChouette. David Santerre santerred@ruefrontenac.com Pendant les deux années au cours desquelles se sont étirées les procédures, il n en a jamais démordu. Même si une telle bravade aurait pu lui valoir une accusation d outrage au tribunal, ce qui peut valoir à son auteur jusqu à un an de prison. Il n aurait jamais pu se résoudre à trahir la promesse d anonymat faite à MaChouette. «Si un jour elle veut se faire connaître, écrire un livre, c est à elle de décider de le faire, et à personne d autre», opine-t-il. Sans entrer dans les détails, il dit avoir parlé avec MaChouette pendant cette période. Elle a craint de voir son identité révélée et de subir des représailles. «Elle a dû se poser des questions. Elle a agi de bonne foi et devait se demander pourquoi elle aurait dû se dévoiler», confie-t-il. Même s il ne s étend pas sur les états d âme par lesquels il est passé pendant ces deux années, il ne cache pas qu elles ont été pénibles. «C était long et frustrant. Surtout quand les tribunaux rendaient des décisions à mon encontre ou que la Cour d appel a refusé de nous entendre. Je n acceptais pas ces décisions. Je sentais que j étais victime d une injustice», se souvient-il. L importance des sources anonymes Mais c est au contraire une grande victoire pour lui, mais aussi pour toute la profession journalistique. Car le juge Louis Lebel, qui rédige ce jugement unanime, est clair. C est un plaidoyer en faveur du journalisme d enquête et des méthodes que les reporters doivent parfois utiliser, comme l usage de sources anonymes non autorisées. «Force est de constater que, pour mettre au jour des nouvelles d une grande importance pour le public, les sources désireuses de révéler ces informations doivent souvent violer des obligations juridiques. Les exemples abondent dans l histoire. À mon sens, le travail et les activités des médias seraient par ailleurs dramatiquement perturbés si on obligeait un journaliste ( ) à s assurer que sa source ne viole aucune obligation juridique en lui fournissant des renseignements», ajoute-t-il. Cette cause a pris naissance à l automne 2008 avec le litige opposant le gouvernement fédéral au Groupe Polygone, une des agences de publicité qui ont bénéficié des largesses du programme des commandites. Daniel Leblanc a dû témoigner devant la Cour supérieure du Québec et le juge Jean- François de Grandpré lui avait ordonné de répondre aux questions des avocats de Polygone qui cherchaient à connaître l identité de MaChouette. Leblanc s est objecté au nom du privilège de protection des sources généralement reconnu par les tribunaux. Mais le juge a rendu sa décision «vite, vite, vite», selon ses propres mots, sans même entendre les arguments du clan Leblanc. Cette absence de débat devant le juge de Grandpré fait que le juge Lebel se dit malheureusement privé d information qui lui aurait permis de trancher le litige sur le fond. Il envoie donc l affaire devant la Cour supérieure à qui il demande de revoir l affaire à la lumière du test de Wigmore, qui définit la divulgation de l identité d une source comme moyen de «dernier recours». Depuis plus de 80 ans, notre quartier a accueilli plusieurs médias d envergure. Le dernier en lice: L équipe des élus du Plateau-Mont-Royal de Projet Montréal, fière d appuyer la venue au monde de l édition papier de Rue Frontenac Pour que la tradition se poursuive!

Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Nouvelles 11 Dénicher une place dans une école alternative Des parents prêts à tout Passer la nuit dehors à faire la file pour inscrire leur enfant à l école primaire, voilà jusqu où certains parents sont prêts à aller pour que leur rejeton puisse fréquenter l une des rares écoles alternatives de Montréal. Jessica Nadeau nadeauj@ruefrontenac.com Il est six heures du matin. Il fait encore noir. Devant l école alternative Rose-des- Vents, rue Beaubien, dans Rosemont, une quinzaine de parents grelottent sous la pluie froide du mois d octobre. Certains sont là depuis quelques heures. D autres ont carrément couché là. C est le cas de Fernando, père de jumeaux, Sofia et Nicholas, âgés de 5 ans. Fernando s est présenté sur les lieux à 20 h dimanche, soit 12 heures avant le début de l inscription. Il voulait être le premier. Car c est premier arrivé, premier servi pour le dépôt des candidatures. Il tient absolument à ce que ses jumeaux puissent fréquenter une école alternative, une institution qui mise sur le développement de l enfant par le biais de projets plutôt que par l enseignement traditionnel des matières. Mais il n y a que de 20 à 40 nouvelles places chaque année dans les 6 écoles alternatives de la Commission scolaire de Montréal (CSDM). Alors, il fait la file. Fernando a tout organisé. Il a fait venir une gardienne pour alterner avec sa conjointe. Il a emprunté la voiture de son voisin pour qu ils aient chacun un véhicule. Il a fait du repérage la veille. Il a pris congé pour l occasion. Et il s est habillé : trois pantalons, deux paires de gants, une tuque, un manteau d hiver. Sur une chaise de camping, emmitouflé dans son sac de couchage, Fernando déplore ce mode de recrutement. «C est complètement fou, ce n est pas un bon système, je sais bien que c est une bonne école et c est pour cela que je suis ici. C est un bon sacrifice, mais ce n est pas normal de faire coucher du monde dehors pour inscrire son enfant à la maternelle!» Déception À côté de lui, Marie tousse. Elle tente de se remettre d un vilain rhume. Elle est arrivée à trois heures du matin pour inscrire son petit Victor. Elle est quatrième sur la liste. Fernando lui a prêté son deuxième sac de couchage pour la tenir au chaud. «C est sûr que ce n est pas évident, mais ça en vaut la peine. Et c est quand même moins pire que les CPE où on vous met sur une liste d attente pendant quatre ans sans jamais vous rappeler. Ici au moins, ça se règle en quelques heures.» Manon est déçue. Elle est arrivée à cinq heures du matin. Elle pensait être la première. Mais non. Il y avait déjà une dizaine de personnes lorsqu elle s est présentée lundi matin. Elle est loin d être assurée d avoir une place pour son petit Ludvic. Isabelle, elle, s est levée en pleine nuit, à trois heures du matin. Elle se trouvait un peu folle. Mais elle s est vite rendu compte qu elle n était pas la seule. «Nous sommes la preuve qu il y a de la demande pour ce type de pédagogie qui respecte mieux les particularités de chaque enfant», explique à son tour Jean-François Joly. La CSDM s en mêle À la CSDM, on soutient ne pas favoriser ce type de procédure et préférer le tirage au sort. «Ce n est pas la meilleure idée en ville de laisser des parents sur le trottoir toute la nuit, il y a d autres façons de faire», affirme Alain Perron, porte-parole de la CSDM, qui ajoute que des recommandations seront faites afin que cesse ce mode de recrutement. L école Rose-des-Vents avait, jusqu à l an dernier, une liste d attente, explique-t-il. C est le comité d admission de l école, qui regroupe des parents et des gens de l école, qui a choisi de procéder avec la formule premier arrivé, premier servi. CENTRE EURêKA inc. Au service des 40 Ans et plus en recherche d emploi www.centreeureka.org blogue.centreeureka.org tél.: 514 937-8998 Un emploi en poche! 40 ans c est le moment idéal pour faire le point sur votre emploi et donner une orientation nouvelle à votre carrière. Le Centre Eurêka vous aide à faire un bilan, clarifier vos objectifs d emploi, découvrir les emplois cachés, sortir gagnant des entrevues. 4377, rue Notre Dame Ouest, Montréal (Québec) H4C 1R9 téléc.: 514 937-7529 Fernando et Luis ont passé la nuit dehors pour inscrire leur enfant à l école alternative Rose-des-Vents. photo Luc LaFoRce services gratuits en collaboration avec : Membres des réseaux :

12 L échangeur Frontenac Québec doit-il encore subventionner le cancer? Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Les propriétaires de la mine Jeffrey d Asbestos ont besoin que le gouvernement du Québec garantisse un emprunt de 58 M$ pour en continuer l exploitation souterraine. Au cours des années 1970, l amiante était la propriété de compagnies américaines. Les syndicats des travailleurs de l amiante à Montréal, à Asbestos et à Thetford Mines clamaient que l amiantose et les mésothéliomes tuaient les travailleurs qui maniaient cette fibre. Ils étaient sans doute conscients du danger lorsque certains d entre eux m ont jeté un sac de fibres sur la tête en face de l Assemblée nationale lorsque j étais ministre du Travail. Le gouvernement dont je faisais partie était sur le point d adopter un amendement à la loi des accidents de travail pour faire assumer par les compagnies minières américaines les coûts reliés à ces maladies au lieu de les faire assumer par l ensemble des Québécois par le truchement de l aide sociale aux personnes handicapées. L industrie s est alors assagie et a mis en place ce qu il fallait pour ne pas avoir à subir les conséquences de sa négligence à assurer le maximum de sécurité à ses employés. Depuis, l amiante a été interdite en Amérique du Nord et en Europe parce qu elle est dangereuse. Les exportations d amiante vers les États- Unis sont passées de 550 000 tonnes en 1979 à 50 000 tonnes en 1992. Nouveaux cas En 2004, 613 nouveaux cas de maladie reliés à l amiante sont apparus au Québec. Selon l Organisation mondiale de la santé, environ 125 millions de personnes dans le monde sont exposées à l amiante et en 2004 seulement, 107 000 personnes sont décédées de maladies associées à ces fibres. Le 29 janvier 2010, plus de 100 scientifiques de 28 pays ont remis une lettre à Jean Charest qui assistait au World Economic Forum de Davos; ils y affirmaient que son gouvernement «dépense des millions de dollars pour retirer l amiante chrysotile et autres formes d amiante des écoles, hôpitaux et autres édifices alors qu au même moment il exporte ces matériaux dans les pays en voie de développement et affirme qu ils sont sécuritaires»; ils rappellent qu une quinzaine d expertises publiées par l Institut de santé publique du Québec affirment qu il est prouvé qu il est impossible de manipuler l amiante chrysotile de façon sécuritaire au Québec. Le 13 mai 2010, l Organisation mondiale de la santé-oms revient à la charge et émet un document qui propose d arrêter l utilisation de l amiante parce que «tous les types d amiante causent le cancer des poumons, le mésothéliome, le cancer du larynx et des ovaires et l amiantose». Le 29 juin 2010, la Société canadienne du cancer, la Canadian Public Health Association et la Canadian Medical Association indiquent que la reprise éventuelle des activités d extraction et d exportation de la mine contribuerait à augmenter le nombre de cas de cancer causé par l amiante qui fait déjà 90 000 morts chaque année dans le monde. Un homicide S il est compréhensible que les Québécois qui vivent à Asbestos veuillent rouvrir la mine Jeffrey, ça l est beaucoup moins lorsque les Québécois qui vivent au Québec sont appelés à financer indirectement ce qui serait considéré ici comme un homicide. S il est normal que les propriétaires de la mine Jeffrey d Asbestos veuillent rentabiliser leur investissement, est-ce bien au gouvernement du Québec de garantir un emprunt de 58 M$ pour lui permettre de damer le pion à ses concurrents qui veulent vendre le meurtrier matériau aux entrepreneurs inconscients de l Inde? Je ne suis pas un ennemi de l industrie de l amiante. Ma conscience d être humain me fait penser qu il est immoral de subventionner l exportation d un produit que mon gouvernement ne veut pas utiliser chez nous parce qu il est dangereux pour notre santé. Elle me dit que contribuer à vendre des fibres québécoises à des entrepreneurs inconnus, c est contribuer à répandre des maladies incurables chez des plus démunis obligés de gagner leur pain au bénéfice de modernes pachas indiens sans conscience. Elle me crie: Ti-Jean, dans le doute abstiens-toi. Jean Cournoyer, commentateur, analyste et ancien ministre libéral du Travail MARC BeAudet beaudetm@ruefrontenac.com C est vous qui le dites Le féminisme toujours pertinent! Ces dernières semaines, des personnes bien en vue ont accusé la Fédération des femmes du Québec de perpétuer la «guerre des sexes» et d être trop à gauche. Est-ce une critique juste? Vouloir faire la guerre aux inégalités ne veut pas dire faire la guerre aux hommes. Nous sommes plutôt portées à combattre les structures, valeurs, lois et pratiques qui défavorisent les femmes et nous pensons que les hommes sont partenaires dans la création d un monde plus égalitaire. Serions-nous trop à gauche? Bon nombre de femmes ont réussi à faire leur place intéressante dans l économie actuelle et c est tant mieux. Elles sont toutefois minoritaires à gravir les échelons du pouvoir économique ou politique. Plusieurs d entre elles sont confrontées au plafond de verre, signe que notre lutte pour l égalité est encore pertinente et que les «boys clubs» ne sont pas chose du passé. Les femmes occupent encore la majorité des emplois à bas salaire, précaires ou à temps partiel, gagnant à peine 70 % du salaire des hommes. Dans le secteur public, la sous-traitance fait en sorte que les femmes, qui y avaient trouvé des emplois intéressants, les perdent au profit d entreprises payant des salaires moindres avec peu ou pas de protection sociale. La privatisation des services publics fait pression sur les prochesaidants, en majorité des femmes, qui doivent quitter le marché du travail pour assumer gratuitement les responsabilités délaissées par l État. La droite cherche à rendre les gens plus responsables individuellement de leur évolution. Ainsi, on veut réduire les protections sociales et faire payer pour les services publics comme pour tout autre bien de consommation. Cette position va à l encontre de l intérêt de la vaste majorité des femmes. La FFQ affiche fièrement ses positions féministes et critiques de la droite, qu elle soit au pouvoir, dans les religions ou chez les ténors d une économie individualiste. Alexa Conradi, Présidente, Fédération des femmes du Québec

L INJUSTICE, EN VENTE PARTOUT. S N O T T BOYCO R N A L L E JO UNTRÉAL O M E D ACHETER LE JOURNAL DE MONTRÉAL, C EST ENDOSSER L INJUSTICE. POUR QUE L ABUS CESSE, INSCRIVEZ VOTRE NOM : WWW.CSN.QC.CA/BOYCOTTONS-LE-JOURNAL

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Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Sciences Nouvelles 15 Gros bedon, gros cerveau Selon une étude américaine, la grossesse rendrait plus intelligente La maternité fait grossir le cerveau. Une récente étude américaine révèle en effet que des zones cérébrales associées à la motivation et au comportement parental gagneraient en volume sous l effet de la maternité. Louis Mathieu Gagné gagnelm@ruefrontenac.com Plus étonnant encore, ce phénomène serait davantage marqué chez les femmes qui se plaisent à encenser à tout vent la beauté, l unicité et l intelligence de leur nouveau-né. La neuroscientifique Pilyoung Kim et ses collègues de la Yale University School of Medicine ont fait cette découverte en analysant à l aide d imagerie à résonance magnétique le cerveau de 19 nouvelles mamans. En comparant les images prises entre la deuxième et la quatrième semaine suivant un accouchement à celles captées trois à quatre mois plus tard, les chercheurs ont observé que la matière grise s était accrue dans certaines parties du cerveau. Les chercheurs ont observé un accroissement léger mais significatif au niveau de l hypothalamus, une région associée à la motivation. Cette même observation a été faite dans les aires du mésencéphale liées au plaisir et à la récompense, la région du cortex préfrontal associée au jugement et au raisonnement de même que celle du lobe pariétal liée à l intégration des informations perçues par les sens. Plus marqué chez les enthousiastes De plus, ces changements étaient plus importants chez les mères les plus enthousiastes quant à l apparence, l intelligence et la singularité de leur poupon. «Cet accroissement pourrait aider les mères à ressentir plus de gratification dans leurs actions et à percevoir de façon plus positive leur enfant et la maternité», affirme en entrevue l auteure principale de l étude, Pilyoung Kim, aujourd hui au service de la National Institute of Mental Health. «Le cerveau serait ainsi modelé de façon à répondre de manière plus efficace aux besoins de leur enfant, ajoute-t-elle. Cela pourrait aussi permettre aux mères de développer un attachement émotionnel profond, ce qui est essentiel au rôle parental.» Instinct maternel Fait à noter, en temps normal, la matière grise du cerveau ne s accroît pas en l espace de quelques mois seulement chez une adulte, à moins d une maladie, d une blessure ou d un important changement environnemental. Selon les auteurs de cette étude publiée dans le dernier numéro de la revue Behavioral Neuroscience, les changements hormonaux qui surviennent en cours de grossesse, tels que la hausse d œstrogène, de prolactine et d ocytocine, amèneraient le cerveau des mères à se restructurer en réponse aux interactions avec leur enfant afin d assurer des soins de qualité. «L instinct maternel est basé sur les changements hormonaux qui s opèrent dans le cerveau durant la grossesse et la période post-partum, période au cours de laquelle les interactions avec l enfant jouent aussi un rôle important. Les changements que nous avons observés pourraient donc aider les mères à manifester leur instinct maternel en adoptant des comportements adéquats pour répondre aux besoins de leur enfant et à se sentir heureuses et accomplies dans la maternité et la parentalité», explique la neuroscientifique. À la lumière de ces résultats, peut-on conclure que les nouvelles mamans deviennent plus intelligentes? La présente étude ne peut l affirmer puisqu elle s est uniquement attardée au volume du cerveau et non à ses fonctions cognitives. Mais cela pourrait bien être le cas, du moins en matière d intelligence parentale, car ces deux aspects vont normalement de pair et un ajout de matière grise au niveau du cortex préfrontal a été observé, selon M me Kim. LIBERTÉ D EXPRESSION LIBERTÉ DE PRESSE AVEC VOUS DEPUIS LE DÉBUT sepb:225-dv

16 Nouvelles Jeux vidéo Le créateur d Assassin s Creed fait le grand saut Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 jean-françois Codère coderejf@ruefrontenac.com Il est à l origine de l un des produits culturels québécois les plus célèbres à l échelle internationale et pourtant, personne ne le connaît. C est en partie pour changer cela que Patrice Désilets, créateur des jeux vidéo Assassin s Creed, a abandonné son bébé pour se joindre à un nouveau studio montréalais, THQ. Ensemble, les deux premiers exemplaires de la série se sont écoulés à plus de 19 millions d exemplaires partout dans le monde, faisant d Assassin s Creed l une des marques les plus puissantes de l industrie du jeu et le pilier de tout Ubisoft. L oeuvre imaginée par Patrice Désilets, un ancien étudiant en cinéma, a vraisemblablement généré 100 fois plus de revenus que le plus populaire des films québécois de l histoire. Pourtant, comme il le dit lui-même, «je ne roule pas en Maserati». Son salaire, c était «plus qu une infirmière, mais ce n était pas Hollywood», dit-il. À quelques exceptions près, les grands créateurs de l industrie du jeu vidéo sont considérés comme des employés comme les autres, témoigne-t-il. Ils ne jouissent pas non plus d autant de contrôle sur leur oeuvre que leurs équivalents dans d autres formes d art. «Dans d autres médias, les réalisateurs ou Patrice Désilets a choisi la liberté. les metteurs en scène par exemple dégagent l impression qu ils font ce qu ils veulent de leur projet. Dans le jeu, ce sont des logos de compagnies qui mènent le bal. On oublie que ce sont des gens qui les font, les jeux. Ce qui fait la qualité d une oeuvre, c est toujours la touche personnelle.» C est en partie pourquoi il a annoncé, en mai dernier, son départ d Ubisoft Montréal, là où il avait oeuvré pendant 13 ans, soit depuis les débuts du studio. La semaine dernière, l entreprise américaine THQ a fièrement dévoilé que Désilets serait la pierre d assise du nouveau studio montréalais photo olivier Jean qu elle inaugurait. Là-bas, Désilets s est assuré d obtenir une liberté totale. «Je n ai jamais eu le final cut sur mes jeux, regrette-t-il. Ce n est pas grave, dans le sens que si Ubisoft veut travailler comme cela, c est OK. Mais moi je voulais faire autre chose. Et vous pouvez être sûrs que je me suis arrangé pour avoir le final cut chez THQ.» Qui plus est, les jeux qu il produira seront signés conjointement par THQ et par sa propre étiquette, dont il n a pas encore choisi le nom. «Je jongle avec deux ou trois idées, mais il n y a rien d officiel encore.» En Amérique du Nord, Désilets sera l un des premiers créateurs à bénéficier de ce traitement, un peu plus répandu au Japon. Il espère créer un précédent qui changera la culture de cette industrie. «Si mon départ change quelque chose, c est qu il y a un gars d en bas qui se ramasse en haut», image-t-il. Plus à l aise Il insiste sur le fait qu il n est pas là pour critiquer son ancien employeur. «Je suis seulement allé me chercher une liberté que je n avais plus chez Ubisoft. Ce n est pas une question de «Moi le bon» contre «Eux les méchants». Je n étais simplement plus à l aise dans cette merveilleuse boîte qui m a donné ma première chance.» Comme Altaïr et Ezio, héros des deux premiers épisodes d Assassin s Creed, Désilets a fait un grand saut dans le vide en quittant Ubisoft et sa franchise chérie. Rien ne garantit que sa prochaine création connaîtra autant de succès. À Lire samedi sur RueFrontenac.com À quoi ressemblera son prochain jeu? Le Conseil central du Montréal métropolitain CSN appuie la lutte des 253 membres du Syndicat des travailleurs de l information du Journal de Montréal- CSN pour le respect et la dignité. Longue vie au

18 Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Affaires La société Matrox sur la corde raide Les deux propriétaires à parts égales ne se parlent plus depuis sept ans Considérée au tournant des années 2000 comme un fleuron des hautes technologies canadiennes, la société Matrox, de l arrondissement Dorval, est maintenant sur la corde raide en raison de la guerre ouverte que se livrent depuis sept ans ses deux seuls actionnaires à parts égales, soutient l un d eux, Branislav Matic. Alain Bisson bissona@ruefrontenac.com D après des informations inédites colligées par Rue Frontenac, la Chambre commerciale de la Cour supérieure de Montréal examine actuellement une série de requêtes pour décider de l avenir de Matrox, dont une déposée par M. Matic demandant la mise aux enchères forcée du contrôle de l entreprise entre lui et son associé, Lorne Trottier. Branislav Matic avance que Matrox n est plus l ombre d elle-même depuis le début de la chicane d actionnaires, en 2003. Au sommet de sa gloire, il y a une dizaine d années, la société que les deux hommes ont fondée en 1976 employait 1800 personnes de par le monde et enregistrait un chiffre d affaires de 600 à 700 M$ US. Selon M. Matic, les affaires du fabricant de matériel informatique graphique ont réduit comme peau de chagrin à compter de 2003. Il soutient que Matrox a eu peine à atteindre des revenus de 100 M$ US en 2009 et qu elle n emploie plus que 850 personnes. Impasse corporative Il explique dans sa requête que la crise des technologies et sa querelle avec M. Trottier sont responsables de cette décroissance. «Les effets débilitants de l impasse corporative de Groupe Matrox rendent impossible pour ce dernier de répondre avec une stratégie d affaires claire au déclin de sa performance, laquelle menace de façon imminente sa viabilité», écrit M. Matic par la plume de ses avocats. Dans sa contestation de 913 paragraphes que Rue Frontenac a également consultée, Lorne Trottier s oppose à la demande de M. Matic et propose plutôt comme première solution que la cour force son rival à lui vendre ses parts. M. Trottier concède que Matrox a connu de meilleurs jours. Il avance cependant que l essentiel de la décélération une perte de quelque 500 M$ US de chiffre d affaires est survenue entre 1997 et 2003 pour cause d éclatement de la bulle des technos, soit avant le début du pugilat corporatif avec M. Matic. M. Trottier soutient que la société a engrangé des revenus de 154 M$ US et un profit net avant impôt de 30 M$ US en 2009. Il assure que Matrox n est pas du tout au bord de la banqueroute. «Heureusement, en dépit du comportement contreproductif de M. Matic, Matrox continue d être une compagnie extrêmement rentable», dit-il. Des dividendes de 55 M$ en deux ans M. Trottier en donne pour preuve les 30 M$ US de dividende que lui et M. Matic se sont partagés en 2009, et les 20 M$ US à 25 M$ US qu ils empocheront à eux deux, cette année. Un homme très discret malgré ses dons médiatisés de 22 M$ à son alma mater, l Université McGill, en 2000 et 2006, et de 2 M$ à l École polytechnique, en 2005, M. Trottier regrette dans les premières lignes de sa défense que les affaires de Matrox, une entreprise jalousement privée, soient exposées au grand jour. Évidemment, le litige ne tire pas son origine des mêmes faits, selon qu on se réfère à l un ou à l autre. D après M. Matic, Lorne Trottier lui a fait un coup fourré en 2003 en lançant une nouvelle entreprise, Encentrus, à partir d une technologie développée avec les ressources et le personnel de Matrox. Pour en avoir le cœur net, il a espionné Matrox, un fleuron des hautes technologies canadiennes est en difficulté, selon un actionnaire. photo MaRtin BouFFaRd les courriels de M. Trottier. Lorsque ce dernier en a eu vent, il a déposé contre M. Matic une requête en injonction assortie d une réclamation en dommages de 350 000$, en décembre 2004. Ce fut le début de la fin. De son côté, Lorne Trottier soutient que la cassure entre les deux anciens complices remonte au début de l année 2000 et qu elle est attribuable à la mauvaise foi de son associé et à sa volonté de lui arracher le contrôle de Matrox. Le traitement du silence Bien qu ils président tous les deux aux destinées de l entreprise sur une base quotidienne, les deux hommes ne s adressent plus la parole depuis près de sept ans. Ils rencontrent le comité de direction à tour de rôle et ne communiquent que par courriel ou par la bouche de leurs avocats. Cependant, Lorne Trottier assure que la situation n a pas atteint un point de nonretour comme le prétend M. Matic Paradoxalement, la requête de M. Trottier expose dans le détail les impacts de l imbroglio: les résultats financiers de Matrox n ont pas été vérifiés depuis 2005 parce que les deux hommes ne s entendent pas sur l étendue du mandat à confier au vérificateur et ils se disputent au sujet de leurs dividendes, du salaire des employés, de la mise en application des décisions, du choix de la firme externe d avocats ou des mesures à prendre pour faire face à la récente crise financière. Et ils s accusent mutuellement d être responsables de la perte d employés clés et de tenir des propos diffamatoires. La juge Chantal Corriveau pilote le dossier et aucune date n a encore été fixée pour l audition sur le fond.

Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Affaires 19 Guerre de contrôle Lorne Trottier refuse une offre de 45 M$ pour ses actions Quarante-cinq millions de dollars (45 M$). C est le montant que Branislav Matic a proposé à Lorne Trottier pour devenir le propriétaire unique de Matrox, en décembre 2008, indique la contestation de M. Trottier. Alain Bisson bissona@ruefrontenac.com Sa réponse? Jamais. «Trottier a rejeté cette offre non seulement parce qu elle était extraordinairement basse, mais de façon plus importante, parce que la totalité de ses actions, comme le sait Matic, ne sont pas à vendre», écrit-il. Avant cela, en 2006 et 2007, les deux hommes avaient lancé un processus afin de recruter un acquéreur intéressé à acheter une petite partie des actions de chacun. La réception de huit offres préliminaires, dont celle du fonds d investissement québécois Novacap, en juin 2007, n a pas permis de dénouer l impasse. MM. Matic et Trottier s accusent mutuellement d être le responsable de cet échec. Vente aux enchères? Branislav Matic n entrevoit qu une seule solution à la dispute : une vente aux enchères, supervisée par le tribunal, entre les deux actionnaires pour le 50 % des actions qu ils ne détiennent pas déjà, afin d octroyer à l un ou à l autre le contrôle total de la société. Lui et M. Trottier feraient une première proposition par écrit et le plus Lorne Trottier dit même être disposé à accepter le statu quo plutôt que de perdre «l œuvre de sa vie» bas soumissionnaire aurait 30 minutes pour relancer son associé avec une hausse minimale de 10 % de l offre la plus élevée, et ainsi de suite, jusqu à ce que l un d eux abandonne la partie. De son côté, même s il demande dans un premier temps au tribunal d obliger M. Matic à lui céder ses actions parce que ce dernier a cherché et attisé la dispute - «Matic n arrive pas devant le tribunal avec les mains propres» -, M. Trottier se dit ouvert à d autres options. Dans sa requête, il relance notamment l idée d intégrer un partenaire minoritaire dans l actionnariat de Matrox, propose qu un comité des directeurs de Matrox arbitre leur différend et avance même l hypothèse d un premier appel à l épargne publique (entrée en bourse). M. Trottier dit même être disposé à accepter le statu quo plutôt que de perdre «l oeuvre de sa vie». PubFondaction.Frontenac.nov10:Layout 1 22/10/10 14:44 Page 1 40%de crédits d impôt + REER Mieux se préparer pour la retraite grâce aux crédits d impôt de 40 %, en plus de la déduction REER, et permettre des investissements dans les entreprises d ici. C est le choix qu ont fait les 100 000 actionnaires de Fondaction. Les salariés-es de la Fédération nationale des communications-csn saluent votre grande détermination! www.fondaction.com Adhérez en ligne! I 1 800 253-6665 Ce placement est effectué au moyen d'un prospectus. Le prospectus contient une information détaillée importante au sujet des titres offerts. On peut se procurer un exemplaire du prospectus aux bureaux de Fondaction ou dans son site Internet. Il est recommandé aux investisseurs de lire le prospectus avant de prendre une décision d'investissement.

20 Affaires Rue Frontenac Jeudi 28 octobre 2010 Après l achat du Manoir Richelieu, Raymond Malenfant a jeté 307 employés à la rue en 1986. photos yvan tremblay Des plaies pas encore cicatrisées «Nous n avons jamais réussi à oublier ce triste épisode», confie la mairesse de La Malbaie Colère. Frustration. Désillusion. Trois mots qui traduisent, encore aujourd hui, le sentiment des employés et des ex-employés du Manoir Richelieu qui ont vécu un très douloureux conflit de travail face à l homme d affaires Raymond Malenfant, au milieu des années 1980. Yvon Laprade lapradey@ruefrontenac.com Rappel des faits: le 16 avril 1986, le gouvernement du Québec vend le Manoir Richelieu à Malenfant sans exiger du nouveau propriétaire qu il reconnaisse l existence du syndicat. Des «employés de remplacement» sont embauchés. Les 307 employés syndiqués à la CSN se retrouvent à la rue. La marmite est sur le point d éclater. «Nous n avons jamais réussi à oublier ce triste épisode qui a marqué notre région à tout jamais», confie en entrevue à Rue Frontenac la mairesse de La Malbaie, Lise Lapointe. Elle n a pas travaillé au Manoir mais sa sœur, elle, était à l emploi du Manoir quand la grève a éclaté à Pointe-au-Pic. Elle y travaille toujours, près d un quart de siècle après ce conflit de travail qui avait fait un mort, le 25 octobre 1986, et détruit des vies. Lors d une manifestation qui avait nécessité l intervention de policiers de la Sûreté du Québec, le conjoint d une employée sur le trottoir (Gaston Harvey) avait perdu la vie. Le président de la CSN, Gérald Larose, avait critiqué le travail de la police lors de cette manifestation. Job de bras Lise Lapointe reconnaît qu elle ne peut réécrire l histoire. Elle croit toutefois que «ce conflit-là aurait pu être évité». «Tout d abord, il aurait été préférable que le gouvernement du Québec ne vende pas à Raymond Malenfant, surtout au montant qu il lui a vendu le Manoir (555 555,55$). À ce prix-là, il aurait sans doute pu trouver un autre acheteur», analyse-t-elle après coup. Elle déplore que le gouvernement n ait pas réagi avec vigueur pour mettre un terme à l affrontement «qu avait provoqué le nouveau propriétaire en fermant la porte à ses employés». «Je persiste à dire que Québec pouvait faire quelque chose pour mettre fin au conflit et qu il aurait pu agir. Mais il ne l a pas fait, comme c est encore le cas aujourd hui dans des conflits qui s éternisent». Elle se souvient que l homme d affaires, qui était également propriétaire des motels Universel, voulait «faire une job de bras» au syndicat, tout en sachant pertinemment que «les patrons le regardaient aller». Indifférence «Nous avons vite réalisé que ce conflit-là se déroulait dans une relative indifférence. On voyait bien qu à l extérieur de la région, ils étaient nombreux à ne pas connaître les enjeux. À Québec et à Montréal, les gens avaient tendance à se ranger derrière Raymond Malenfant. C était décourageant», précise la mairesse de La Malbaie. Les employés en grève ont mangé leur pain noir durant et après le conflit. Ceux et celles qui ont milité activement ont été mis sur une liste noire. Des aubergistes de la région ont refusé d embaucher les grévistes, en guise de solidarité avec l homme d affaires. «Il ne s agit pas d un épisode particulièrement glorieux dans l histoire de notre région», concède Lise Lapointe. Elle ajoute que ce conflit a laissé des cicatrices profondes, même si la paix est revenue au Manoir après la faillite de Raymond Malenfant, en 1993, et la vente de l hôtel à des investisseurs privés. L hôtel de renom a été repris par la chaîne hôtelière Fairmount. Lise Lapointe est catégorique: des affrontements de la sorte qui prennent des allures de batailles de ruelle «sont malsains» et risquent de miner le climat des relations de travail au Québec pour les années à venir. «On ne devrait jamais renier la contribution de travailleurs qui ont consacré une partie de leur vie à faire prospérer une entreprise. C était vrai en 1986 lors du conflit au Manoir Richelieu. Ce l est tout autant en 2010 quand des conflits pourrissent et qu on ne lève pas le petit doigt pour les régler.» À lire aussi sur RueFrontenac.com Gérald Larose se souvient