Le régime fiscal des sociétés en liquidation : principes essentiels et considérations particulières



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Transcription:

Le régime fiscal des sociétés en liquidation : principes essentiels et considérations particulières Pierre-François Coppens Conseil fiscal BDO Juriste Maître de conférences à l Ulg, à l Ucl et aux FUCaM A. Les principes fiscaux essentiels applicables aux sociétés en liquidation L article 183, 1 er, du Code des sociétés énonce que «les sociétés commerciales sont, après leur dissolution, réputées exister pour leur liquidation». Les causes de dissolution qui sont prévues par le droit des sociétés sont la dissolution volontaire (qui résulte d une décision prise par l assemblée générale extraordinaire des actionnaires ou des associés), la dissolution de plein droit (intervenant par l expiration du terme statutaire si la durée de la société n est pas illimitée) ou la dissolution judiciaire (qui est prononcée lorsque l actif net de la société devient inférieur au montant minimum du capital, en cas de non-dépôt persistant des comptes annuels, ou encore pour justes motifs). Une société dissoute ne disparaît pas pour autant. Elle poursuit son existence après sa dissolution, mais avec pour unique finalité de se liquider, c est-à-dire d effectuer toutes les opérations qui tendent à la réalisation des actifs en vue de rembourser les créanciers et, si possible, de restituer un excédent éventuel aux actionnaires ou associés. Le régime fiscal des liquidations est essentiellement réglé par deux dispositions : l article 208 du CIR et l article 209 du CIR. L article 208 du CIR traite du régime fiscal des sociétés en liquidation et énonce que celles-ci restent soumises à l impôt des sociétés selon les dispositions des articles 183 à 207 du CIR, qui déterminent la base imposable de toute société. Quant à l article 209 du CIR, il règle le régime fiscal des répartitions des sommes aux actionnaires ou associés. Il définit tout d abord ce qu il faut entendre par «boni de liquidation» et comment celui-ci doit être traité fiscalement. Le boni de liquidation est l excédent des sommes réparties sur le capital libéré revalorisé. Cet «excédent» est assimilé à un dividende. Depuis la loi du 24 décembre 2002, le boni de liquidation est soumis à un précompte mobilier de 10 %. En revanche, la partie des répartitions qui n excède pas le capital libéré (revalorisé) n est pas imposable, ce qui est logique puisqu il ne s agit que du remboursement de la mise de départ des actionnaires. L article 209 du CIR détermine ensuite l ordre d imputation des répartitions : les sommes réparties sont censées provenir d abord du capital libéré, puis des réserves taxées et enfin, des réserves immunisées. Cela signifie qu il n y a de boni de liquidation, et donc d assimilation à un dividende (et retenue d un précompte mobilier), qu à partir du moment où la répartition dépasse le capital libéré et porte sur les réserves de la société (taxées et immunisées). Il n y aura toutefois d imposition dans le chef de la société en liquida- 11

tion que lorsque la répartition porte sur les réserves immunisées. Car, dans le cas d un prélèvement sur les réserves taxées, la reprise en dividendes est compensée par la disparition de ces réserves taxées et l opération est neutre fiscalement. Pendant de très nombreuses années, l Administration fiscale imposait aux sociétés d établir deux déclarations fiscales pendant l année de leur dissolution : une pour la période qui va du premier jour de la période comptable jusqu au jour de la dissolution, l autre pour la période qui va du jour de la dissolution à la date de clôture de l année comptable ou de la liquidation. Cette exigence, que l on retrouve dans le commentaire de l article 305 du CIR, pouvait se justifier à l époque où les sociétés en liquidation étaient soumises à un régime de taxation différent de celui applicable aux sociétés en activité (c est-à-dire avant 1989!). Cette règle n a plus aucun sens aujourd hui. Les sociétés en liquidation sont et restent en effet soumises aux mêmes règles de l impôt des sociétés que les sociétés en activité. On ne trouve, en tout cas, aucune trace de cette obligation dans l article 305 du CIR. Le texte se limite à dire que la déclaration à remettre chaque année incombe au liquidateur pour les sociétés dissoutes. Or, imposer deux déclarations fiscales peut avoir des conséquences non négligeables pour une société en liquidation. Outre les coûts liés aux obligations comptables supplémentaires, la société risque, par exemple, de se voir exclue du bénéfice du taux réduit si elle n octroie pas une rémunération suffisante à l un de ses dirigeants. Et cette exigence peut être difficile à remplir lorsque la période correspondant à l une ou l autre des déclarations fiscales se réduit à quelques mois, voire quelques jours. Cette double déclaration fiscale entraîne aussi des effets pervers en matière de versements anticipés. Les tribunaux de Liège 1 et d Anvers 2 ont fort heureusement réagi face à cette situation et ont condamné cette pratique. Le tribunal de première instance de Liège se prononce en ces termes : «Les sociétés mises en liquidation à partir du 1 er janvier 1990 demeurent, contrairement à l article 217 du CIR 64, soumises aux règles ordinaires de l impôt des sociétés de sorte que les conditions d assujettissement ne cessent d être réunies qu après la clôture de la liquidation. Pour la période au cours de laquelle la société est mise en liquidation, il n y a pas lieu de s écarter des règles générales applicables en ce qui concerne la période imposable en matière d impôt des sociétés et, par voie de conséquence, la société mise en liquidation ne doit pas souscrire une déclaration à l impôt des sociétés exercice d imposition spécial». Après s être ralliée à ces jugements, l Administration a émis une circulaire 3 mettant à jour son commentaire. Cette circulaire impose à tous ses services de taxation de mettre fin à cette exigence de double déclaration fiscale l année de la liquidation. La circulaire précise également que cette mesure est d application immédiate, à tous les stades de la procédure, y compris aux litiges pendants et à venir. Les sociétés en liquidation sont et restent soumises aux mêmes règles de l impôt des sociétés que les sociétés en activité Par exemple, une société qui clôture traditionnellement ses comptes au 31 décembre est dissoute le 15 mars 2008 et la clôture de liquidation a lieu le 27 novembre 2010. La société a dû introduire trois déclarations : deux déclarations ordinaires pour les années 2008 et 2009 et une dernière déclaration dite «spéciale» relative à la période allant du 1 er janvier 2010 jusqu au 27 novembre 2010 (date de la clôture de liquidation). 1 Trib. Liège, 22 octobre 2002, R.G.C.F., 2003/4, pp. 51-55. 2 Trib. Anvers, 11 décembre 2002, Fiscologue, n o 833, 21 mars 2003, p. 6. 3 Circulaire n o Ci. R.H. 81/557.698 AFER 32/2003 du 10 décembre 2003. 12

La société en liquidation a le droit de poursuivre normalement ses amortissements selon les mêmes principes que ceux qui s appliquent aux sociétés commerciales. Comme nous l avons vu plus haut, l article 28 de l AR/C. soc. précise toutefois que les règles d évaluation doivent être adaptées par les sociétés en liquidation. Celles-ci doivent en effet complètement amortir les frais d établissement et comptabiliser, le cas échéant, des amortissements additionnels sur les immobilisations, pour ramener la valeur comptable à la valeur probable de réalisation. De tels amortissements sontils admis fiscalement? En principe, le droit fiscal suit le droit comptable, sauf dérogation expresse, et il faudrait en admettre la déduction. Le ministre des Finances a cependant considéré, en réponse à une question parlementaire 4, que ces amortissements complémentaires ne sont pas des frais professionnels déductibles, sauf s ils sont comptabilisés durant le dernier exercice comptable, c est-à-dire celui de la clôture de liquidation. Cette position nous semble excessive et par trop dérogatoire au prescrit comptable. Dès la liquidation, les réserves antérieurement immunisées (notamment les plus-values de réévaluation) deviennent imposables lorsqu elles font l objet d une distribution aux actionnaires, c est-à-dire lorsque la condition d intangibilité ne peut plus être respectée. Après de nombreuses tergiversations, le ministre des Finances a admis que les plus-values réalisées avant la dissolution de la société et susceptibles de donner lieu au régime de la taxation étalée continueront à bénéficier de ce régime après dissolution, à condition toutefois que les opérations de liquidation se déroulent sur plusieurs années avant la cessation de l activité professionnelle. 5 En revanche, les plus-values réalisées après la dissolution ne peuvent plus profiter du régime de taxation étalée. L article 208, alinéa 2, du CIR inclut parmi les bénéfices imposables d une société en liquidation toutes les plus-values que la société aurait réalisées ou constatées à l occasion du partage de l avoir social. Cette disposition vise les répartitions faites en nature aux actionnaires. Ces plus-values subissent donc l impôt des sociétés, qui diminuera d autant le montant à répartir. Si le partage comprend, par exemple, un immeuble, la plus-value se déterminera sur la base de la valeur vénale de celui-ci. La question s est posée de savoir si les plus-values réalisées par la société en liquidation sur des actions de sociétés tierces que détiendrait cette société en liquidation bénéficient toujours de l exonération prévue par l article 192 du CIR. Le ministre des Finances a répondu à cette question par l affirmative. 6 L article 208, alinéa 2, du C.I.R. inclut parmi les bénéfices imposables d une société en liquidation toutes les plus-values que la société aurait réalisées ou constatées à l occasion du partage de l avoir social À l instar des sociétés en cours d activité, les sociétés en liquidation peuvent bénéficier du taux réduit si leurs revenus imposables n excèdent pas 322 500 EUR. Il convient toutefois de rappeler que ce taux réduit est exclu lorsque le dividende distribué excède 13 % du capital libéré de la société. Or, au cours de la liquidation, les répartitions sont par priorité imputées sur le capital. Il s ensuit que la société perdra rapidement le bénéfice du taux réduit. 6 Bull. contr., n o 755, pp. 3141-3142. On lira l excellente analyse de 4 Question n o 826 de M. Eerdekens du 6 novembre 2001. 5 Question n o 825 de M. Eerdekens du 6 novembre 2001. S. van Crombrugge, «Plus-values sur actions et sociétés en liquidation», Fiscologue, n o 538, pp. 5-6. 13

La dissolution de la société n entraîne pas l imposition de la réserve d investissement. La dissolution a toutefois pour effet que la réserve d investissement constituée antérieurement et pour laquelle la société n a pas encore satisfait à l obligation d investissement sera imposable, bien que le délai de trois ans ne se soit pas écoulé. On raisonne ici par année civile et non par période imposable. Exemple : une société clôture ses comptes au 31 décembre et constitue en 2009 une réserve d investissement. La mise en liquidation intervient en décembre 2010. Si la société ne peut justifier d aucun investissement, la réserve d investissement sera imposable (en plus des intérêts de retard) pour l exercice comptable clôturé au 31 décembre 2010. L article 209 du CIR prévoit aussi l ordre d imputation des répartitions. Celles-ci sont censées d abord provenir : du capital libéré (réévalué); puis, des réserves taxées ; et enfin, des réserves immunisées. Cet ordre d imputation permet de savoir à partir de quand il y a boni de liquidation et, par conséquent, à quel moment celui-ci doit être soumis à un précompte mobilier. Il arrive souvent que la répartition se produise par fractions successives et sur plusieurs exercices. En ce cas, le texte de loi précise qu il faudra tenir compte des imputations déjà réalisées précédemment pour déterminer si un impôt est dû. On ajoutera que la réserve d investissement devient imposable dès que la condition d intangibilité n est plus respectée et que cette taxation ne pourra être compensée par l un ou l autre élément déductible. B. Le régime fiscal des répartitions dans le chef de la société en cours de liquidation L article 209 du CIR énonce que l excédent que présentent les sommes réparties, en espèces, en titres ou autrement, sur la valeur réévaluée du capital libéré est considéré comme un dividende distribué. Les sommes réparties sont donc divisées en : une partie des sommes attribuées qui ne dépasse pas le montant du capital libéré (éventuellement réévalué si le capital a été libéré avant 1950) : cette partie est non taxable ; une autre partie des sommes attribuées qui dépasse le montant du capital libéré : cette partie est ce qu on appelle le boni de liquidation. Le boni de liquidation n entraîne pas d imposition dans le chef de la société dans la mesure où il correspond à la répartition des réserves taxées. En effet, la taxation du boni de liquidation est compensée par la diminution des réserves taxées correspondantes. En revanche, le boni de liquidation devient imposable lorsqu il entraîne la répartition de réserves immunisées ou bien de revenus perçus durant la période de liquidation (le bénéfice de l exercice de la société ou les plus-values réalisées à l occasion du partage). Il s ensuit que le liquidateur doit tenir compte de la dette d impôt estimée dont est redevable la société sur le bénéfice de l exercice de liquidation ainsi que sur les réserves immunisées, avant de répartir les sommes entre les actionnaires ou associés. Un exemple illustre ces principes : Le bilan de la société A, mise en liquidation, est le suivant : Le boni de liquidation est considéré comme un dividende distribué. Les bonis attribués à partir du 1 er janvier 2002 font l objet d une retenue d un précompte mobilier égal à 10 %. 7 Immeubles Stock Machines A 8 000 2 000 7 000 P Capital Réserve légale Réserves disponibles Réserves immunisées Dettes 4 000 1 000 5 000 3 000 4 000 TOTAL 17 000 TOTAL 17 000 7 La loi du 24 décembre 2002, qui prévoit la taxation d un précompte mobilier de 10 %, a entraîné la modification de trois articles du CIR : l article 18 du CIR (qui ajoute à la liste des dividendes les bonis), l article 21 du CIR (sur les revenus mobiliers non imposables, au rang desquels ne figurent plus les bonis de liquidation (sauf l exception des sociétés d investissement)) et l article 269 du CIR (qui crée un nouveau taux de précompte mobilier de 10 %). 14

Au cours du premier exercice comptable de sa période de liquidation, la société réalise une partie des actifs pour un montant de 10 000 et dégage à cette occasion une plus-value de 3 000, qui, après déduction de l I.Soc (33,99 % (arrondi à 34 % pour simplifier) sur 3 000, soit 1 020), est affectée au bénéfice reporté. Grâce aux sommes obtenues à la suite de cette réalisation, la société décide de procéder à une première répartition de 9 000. Cette répartition doit être imputée selon la fiction légale par priorité sur le capital libéré, puis sur les réserves disponibles. Solution Les conséquences fiscales de cette première répartition sont les suivantes : 1. une réduction de capital libéré de 4 000 (qui disparaît) ; 2. une distribution d un boni de liquidation égale à la différence entre 9 000 (sommes distribuées) et 4 000 (capital libéré), soit 5 000. Ce boni de liquidation doit être repris en dividende dans la déclaration fiscale (et fait l objet d une retenue de précompte mobilier de 10 %); 3. une diminution des réserves taxées (disponibles) de 5 000 ; 4. une DNA impôt de 34 % sur 3 000, soit 1 020, correspondant à la dette fiscale estimée sur les plus-values réalisées au cours de l exercice. On constate que la distribution d un boni de liquidation n entraîne aucune imposition dans le chef de la société tant que celui-ci s impute sur les réserves taxées. En effet, la taxation en dividendes est «neutralisée» par la diminution des réserves taxées. Il faut toutefois tenir compte du précompte mobilier qui doit être retenu sur le dividende. Dans notre exemple, le boni de liquidation ne s impute pas sur les réserves immunisées et la société échappe donc à l I.Soc (à part, bien sûr, l I.Soc. sur le résultat de l exercice). La déclaration fiscale sera donc celle-ci : IV. Cadre I, A Réserve légale Situation au 01/01 1 000 Situation au 31/12 1 000 Réserve disponible Résultat reporté 5000 0 0 1980 (3000 1 020) TOTAL 6000 2980 Diminution des réserves taxées 3020 Cadre II (DNA): 1 020 (dette fiscale estimée) Cadre III (Dividendes) : 5 000 (boni de liquidation) Le résultat fiscal est donc de 3 000 ( 3 020 + 1 020 + 5 000). Ce résultat imposable équivaut très logiquement au résultat de l exercice (plus-values réalisées au cours de l exercice). Si l on suppose que lors de l exercice comptable suivant, une seconde répartition entraîne une imputation sur les réserves immunisées, le boni de liquidation deviendrait soumis à l I.Soc. Depuis la loi du 24 décembre 2002, le boni de liquidation est désormais soumis à un précompte mobilier de 10 %. C est donc à la société en liquidation de retenir ce précompte. Lorsque le bénéficiaire est une société, ce précompte mobilier est imputable sur l impôt des sociétés et, lorsque le bénéficiaire est une personne physique, il constitue un impôt définitif. La loi du 24 décembre 2002 a ici un effet rétroactif : le précompte mobilier sur le boni est applicable aux revenus attribués ou mis en paiement à partir du 1 er janvier 2002, pour autant que la liquidation ne soit pas clôturée avant le 25 mars 2002. Cette rétroactivité a toutefois été sanctionnée par la Cour constitutionnelle. 8 8 C.Const., 23 juin 2004, n 110/2004. 15

Il faut encore souligner que l introduction d un précompte mobilier sur les bonis ne fait pas obstacle aux possibilités de renonciation prévues par le droit commun. Ainsi, il n y aura aucune retenue de précompte mobilier sur les bonis attribués aux sociétés mères belges ou étrangères qui détiennent une participation minimale de 25 % pendant une période ininterrompue d au moins un an dans le capital de la filiale (article 106, 5 et 6, de l AR/CIR). Dans notre exemple, nous avons considéré une réalisation des éléments d actifs suivie d une répartition en espèce. La répartition aux actionnaires peut toutefois être réalisée directement en nature. Quelles en sont les incidences fiscales? Si l attribution porte sur des actions que la société en liquidation détient en portefeuille, les plus-values réalisées bénéficieront de l exonération pour autant que les exigences de l article 192 du CIR soient satisfaites. Ce point de vue a d ailleurs été confirmé par le ministre des Finances à deux reprises. 9 En qui concerne l attribution d un immeuble, le régime d imposition des plus-values étant conforme aux principes généraux, c est sur le plan des droits d enregistrement que se situent les particularités essentielles. Si la société en liquidation est une SA, le transfert donnera lieu à la perception d un droit de 12,5 % (10 %) sur la valeur actuelle de l immeuble (article 130 du Code des droits d enregistrement). En revanche, en cas d acquisition par un associé d une SPRL, SNC ou SCS, seul le droit de partage (1 %) sera dû par l associé (même si l actionnaire principal est l associé unique lors de la liquidation), à condition (article 129 du Code des droits d enregistrement) que : 1. l immeuble ait été acquis par la société avec paiement du droit de vente de 12,5 % ; 2. l associé qui devient propriétaire de l immeuble faisait partie de la société au jour de l acquisition par celle-ci (preuve facile à fournir si la constitution et l acquisition ont eu lieu le même jour). C. Le traitement fiscal des répartitions dans le chef des actionnaires de la société en liquidation (actionnaires sociétés ou personnes physiques) C.1. L actionnaire est une société (résidente) Lors de la liquidation, la société actionnaire réalisera éventuellement une plus-value sur ses actions. La plus-value est égale à la différence entre les sommes réparties et la valeur d investissement ou de revient des actions. 10 Il convient d insister sur le fait que la plus-value réalisée par la société actionnaire, qui se détermine au départ de la valeur comptable des actions, ne doit pas être confondue avec le boni de liquidation, qui, quant à lui, se détermine par comparaison avec le capital libéré. Pour les actions qui avaient été émises lors de la constitution de la société, ces notions sont bien entendu identiques, puisque la valeur d investissement correspond à la contre-valeur du capital libéré. La plus-value obtenue par la société actionnaire est considérée comme un revenu définitivement taxé et est donc en principe déductible aux conditions et dans les limites de ce régime. Il faut toutefois tenir compte d une règle particulière introduite par le législateur et applicable, depuis le 12 janvier 2010, aux bonis de liquidation qui peuvent naître de ce qu on appelle une «fusion mère-filiale», dans laquelle une société est reprise de manière fiscalement neutre et où, avant la reprise, la société repreneuse détenait déjà des actions dans la société reprise. Pour de tels bonis de liquidation, il ne doit pas être satisfait aux conditions de participation relatives à la déduction RDT telles qu elles sont visées à l article 202, 2, du CIR (participation minimale, etc.). En outre, la déduction des RDT est accordée à 100 % au lieu du taux normal de 95 % (article 202, 2, et article 204, alinéa 2, du CIR). Lorsqu une société dissoute remet à ses actionnaires, lors du partage de son avoir social, des actions de sociétés tierces en sa possession, la plus-value ainsi constatée dans le chef de la société dissoute peut être considérée comme une plusvalue réalisée, pour l application de l article 192 du CIR (article 57 de la loi portant des dispositions fiscales et diverses 9 Question n o 1040 du 21 avril 1994 et Question n o 69 du 9 août 1995, Bull. contr., n 755, p. 3141. 10 Éventuellement augmentée des plus-values y afférentes antérieurement exprimées et non exonérées. 16

du 22 décembre 2009, M.B., 31 décembre 2009). Au cas où la condition de taxation est remplie, ces plus-values peuvent donc être immunisées par l adaptation de la majoration de la situation du début des réserves. Par le passé, le ministre des Finances avait confirmé cette règle en réponse à une question parlementaire. 11 leurs pertes comptables. 14 La loi instaure en quelque sorte une «renaissance» du bon capital. Exemple (moins-value) Soit le tableau des mouvements du capital de la société A : Le texte légal est aujourd hui explicitement modifié en ce sens : l immunisation des plus-values réalisées (telles qu elles sont visées à l article 192, 1 er, alinéa 1 er, du CIR 1992) vaut aussi à l égard des plus-values qui sont «constatées à l occasion du partage de l avoir social d une société dissoute». Année comptable Opérations 1997 Constitution Capital libéré 200 000 (20 000 actions à 10 EUR) Cette adaptation du texte légal est entrée en vigueur le 10 janvier 2010. 2002 Remboursement du capital libéré (20 000) La dissolution de la société n entraîne pas l imposition de la réserve d investissement Les moins-values sur actions ou parts ne sont en principe pas déductibles. Toutefois, ces moins-values de liquidation sont déductibles jusqu à concurrence de la perte du capital libéré de la société liquidée. 12 Cela signifie que la partie de la moins-value sur les actions qui représente une perte en capital libéré sera déductible pour l actionnaire. La loi du 22 décembre 1998 va même plus loin puisqu elle considère comme du capital libéré la partie de celui-ci qui a été réduite en vue d apurer les pertes comptables ou pour la constitution d une réserve destinée à couvrir une perte prévisible et utilisée. 13 Cet ajout dans la loi se justifie pour éviter toute discrimination entre les sociétés qui, respectueuses du droit comptable, ont apuré de cette manière leurs pertes comptables et les autres sociétés, qui ne se sont jamais souciées de 2009 Apurement des pertes comptables (30 000) 150 000 La société B a acheté, en 2001, 2 000 actions de la société A pour un prix de 25 000. Lors du partage total de l avoir social de A, qui a lieu le 31 décembre 2009, la société B reçoit une somme de 12 000 EUR pour solde de tout compte. La quote-part du capital libéré représenté par les actions A détenues par B (sachant que depuis la loi du 22 décembre 1998, il ne faut pas tenir compte de la réduction de capital libéré pour apurer les pertes comptables) est de 180 000 x (2 000 / 20 000) = 18 000. La moins-value de 13 000 (25 000 12 000) se décompose de la manière suivante : 14 On ajoutera, pour être complet, que, sur la base de la jurisprudence 11 Question n 49 de M. Dupré du 9 août 1995, Q.R., Ch. repr., sess. ord. 1995-1996, n 5, 2 octobre 1995, p. 309. 12 Article 198, alinéa 1, 7, du CIR. 13 Article 198, alinéa 2, du CIR. de la cour d appel de Bruxelles (arrêt du 19 février 1999, Cour. fisc., 1999, p. 344), les moins-values sur actions d une société faillie sont aussi déductibles. En effet, l article 198, 7, du CIR exige seulement un partage total de l avoir social et non la disparition d une société par suite de dissolution. Dès lors, à l occasion d une faillite, lorsque tous les actifs sont réalisés et qu il ne reste plus rien à partager, la condition de «partage total» est remplie et les éventuelles moins-values sur actions sont déductibles. 17

la partie du prix d acquisition qui excède la quote-part du capital libéré représenté par les actions détenues par B, soit 25 000 18 000 = 7 000, constitue une DNA ; la différence entre cette même quote-part du capital libéré et la somme obtenue lors du partage total, soit 18 000 12 000 = 6 000, constitue une charge professionnelle déductible. La plus-value est égale à la différence entre les sommes réparties et la valeur d investissement ou de revient des actions Lorsqu une société avait comptabilisé antérieurement une réduction de valeur (rejetée en DNA) sur ses actions, cette réduction avait pour conséquence logique de diminuer la valeur résiduelle des actions et donc aussi la moins-value éventuelle de liquidation. Pour ne pas léser ces sociétés qui respectent strictement la loi comptable, le commentaire administratif admet aussi que la société pourra déduire la moins-value de liquidation comme si aucune réduction de valeur n avait été comptabilisée. Sur le plan de la technique de la déclaration fiscale, les réductions de valeur qui correspondent à une perte de capital libéré seront ajoutées à la situation de début des réserves. 15 Le précompte mobilier de 10 % qui a été retenu par la société en liquidation lors de la distribution du boni de liquidation sera imputé sur l impôt des sociétés de la société actionnaire. On observera que les conventions préventives de la double imposition prévoient des règles de dévolution d imposition différentes pour les plus-values et les dividendes. La question se pose donc de savoir quelle qualification les conventions donnent aux revenus distribués à l occasion d une liquidation (ou encore d un rachat d actions). S agit-il de dividendes ou bien de plus-values? La réponse à cette question ne figure pas dans la convention modèle de l OCDE elle-même, mais dans le commentaire de cette convention modèle (version abrégée, avril 2000) : le point 31 du commentaire de l article 13 de la convention modèle énonce en effet que «si des actions sont vendues par un actionnaire à la société qui les a émises lors de la liquidation de cette société ou de la réduction du capital libéré, la différence entre le prix de vente et la valeur nominale des actions peut être traitée dans l État dont la société est un résident comme une distribution de bénéfices mis en réserve et non comme un gain en capital». Il s ensuit que les attributions faites aux actionnaires dans le cadre d une liquidation sont considérées comme des dividendes si le droit interne de l État de résidence de la société les traite comme tels. Ce droit interne peut toutefois traiter de telles distributions comme des plus-values. C est donc la qualification donnée par la législation de l État de résidence de la société distributrice qui déterminera l imposition dans l État de la source (l État d où proviennent les attributions). C.2. L actionnaire est une personne physique Pour les actionnaires personnes physiques, le précompte mobilier de 10 % a un caractère libératoire. 16 Cette taxation de 10 % s applique aussi dans le cas où le boni de liquidation n a pas fait l objet d une retenue parce qu il a 15 Com.IR 92, n 195/73. 16 Article 171, alinéa 2, f), du CIR. 18

été encaissé directement à l étranger, lorsqu il est repris directement à l étranger ou lorsqu il est repris directement dans la déclaration à l impôt des personnes physiques. 17 La moins-value subie par l actionnaire personne physique n est pas déductible. 18 Sur la base de ces éléments, la CNC recommande deux approches : soit porter le montant de l avance consentie à l actif. Cette comptabilisation n aura pas d impact sur les fonds propres ; soit porter le montant de l avance au passif en déduction globale, mais explicite, des fonds propres. Cette seconde méthode reçoit la préférence de la CNC, car il faut bien constater que les sommes attribuées à titre d avance sur la répartition de l actif ne forment pas un réel actif (donnant lieu à un flux de ressources favorables à la société). D. Quelques considérations comptables et fiscales à propos des avances de répartition S agissant du traitement comptable qu il convient de réserver aux attributions aux associés d une société en liquidation, sous la forme d une avance sur l actif net qui leur reviendra à la clôture de liquidation, la Commission des normes comptables, dans son avis n 170/2 du mois de février 1999, rappelle que de telles attributions se distinguent de celles décidées au cours de la vie de la société en ce que : d une part, il ne peut s agir que d avances sur l actif net qui sera à répartir, les attributions à titre définitif ne pouvant se faire qu après paiement des dettes et consignation des sommes nécessaires à cet effet ; d autre part, l approbation des comptes de la liquidation et la décharge au liquidateur n interviennent qu à cette même clôture de liquidation. La seconde approche permet, en outre, lorsque la liquidation est terminée, de solder le compte «Avances aux associés sur la répartition de l actif net» par le débit des divers comptes de fonds propres, ce qui offre une plus grande conformité à la réalité comptable. Un exemple permet d illustrer le mécanisme. Le bilan de la société à liquider se présente comme suit : Bilan A Actifs corporels 1900 Capital 500 Disponible 100 Réserves 500 Dettes 1000 TOTAL 2000 2000 La CNC recommande dès lors de comptabiliser ces avances sur répartition dans un compte distinct de la classe 1 (exemple : «Avances aux associés»), sans toutefois qu il y ait lieu de ventiler ces avances selon qu elles concernent le capital, les primes d émission ou les réserves. Les valeurs comptables, fiscales et de marché des actifs de la société A sont les suivantes : Valeur comptable Valeur fiscale Valeur de marché Actif 2000 2400 3000 Passif (1 000) (1 000) (1000) Actif net 1000 1400 2000 17 Si les actions ont été affectées à l exercice de l activité professionnelle cas rarissime, la plus-value sera soumise au taux de 16,5 % ou imposée globalement selon que les actions sont détenues pendant plus ou moins de cinq ans. 18 Sauf pour le cas exceptionnel où les actions ont été affectées à l exercice de l activité professionnelle. 19

La société est en liquidation et choisit de réaliser ses actifs corporels. Par la suite, elle distribue une avance sur l actif net disponible à la clôture de liquidation. La société réalisera une plus-value fiscale de 600 (2 000 1 400). L impôt sur la plus-value sera donc de 204 EUR (34 % x 600). Après constitution d une provision pour l impôt de liquidation, la société aura un montant net à distribuer de 1 796 (1 000 + 1 000 204). Les écritures comptables, lors de l attribution de l avance, seront les suivantes : a) Réalisation de l actif et apurement des dettes 55. Établissements de crédit 2 000 23. Actifs corporels 2 000 43. Autres dettes 1 000 76. Plus-values sur réalisation d actifs immobilisés 1 000 b) Attribution, règlement des avances et constitution de la provision pour impôt de liquidation 19. Avances aux associés sur la répartition de l actif net 1 796 48. Dettes associés 1 796 48. Dettes associés 1 796 19. Établissements de crédit 1 796 67xx Impôts dus 204 45. Dettes fiscales 204 Les écritures comptables, lors de la liquidation de la société, seront les suivantes : 45. Dettes fiscales 204 55. Établissements de crédit 204 100. Capital 500 13. Réserves 500 14. Bénéfice reporté 796 19. Avances aux associés sur la répartition de l actif net 1 796 E. Qu est-ce qu une «plus-value constatée» quand il s agit de déterminer la base imposable d une société en liquidation (notion de valeur réelle au moment du partage)? L article 208, alinéa 2, du CIR prévoit que les bénéfices des sociétés en liquidation comprennent aussi les plus-values réalisées ou constatées à l occasion du partage de leur avoir social. Il peut en être ainsi lorsque le liquidateur attribue des actifs autres que des sommes d argent aux actionnaires. Selon le fisc, les actifs transférés à l occasion d une telle attribution doivent être évalués à leur valeur réelle au moment de leur partage pour la détermination du bénéfice imposable (Com.IR 92, n 209/11). Mais que faut-il entendre au juste par valeur réelle? Cette notion est à l origine de bien des litiges et questionnements en tout genre. 20

Pour les immeubles, l Administration considère souvent que la valeur vénale des biens attribués au moment de leur transfert doit servir de référence. Les cours et tribunaux font parfois référence à des points de comparaison objectifs (par exemple, si une transaction similaire est intervenue quelque temps avant la dissolution, cette transaction peut donner une indication de prix 19 ). L évaluation réalisée par le receveur ne constitue pas un fait connu permettant de déterminer la base imposable sur la base de présomptions de l homme De leur côté, les fonctionnaires de l Administration des contributions directes font souvent appel à leurs collègues d autres administrations fiscales (par exemple, les services du cadastre, le receveur de l enregistrement) pour obtenir une évaluation. Mais cette méthode ne recueille pas toujours l assentiment de la jurisprudence. Nous illustrons le rejet de la position administrative dans les deux arrêts suivants. Gand a considéré comme arbitraire le renvoi à une évaluation communiquée par l Administration du cadastre. 20 Dans cet autre cas, soumis à la cour d appel de Bruxelles 21, le juge a suivi la thèse de la société, qui considérait que l évaluation des actifs effectuée par le receveur de l enregistrement ne pouvait pas être utilisée sans plus pour la détermination de la base imposable. La cour constate que l évaluation réalisée par le receveur n est nullement motivée et ne contient, par exemple, aucun point de comparaison. Les faits de l espèce concernent une société immobilière (SPRL) dont la liquidation est clôturée à peine quelques jours après l acte de dissolution. L acte notarié établi à l occasion de la clôture de liquidation prévoit que les biens immeubles que la société a acquis par le passé sont attribués aux associés. La valeur de ces immeubles est fixée dans l acte notarié à 140 000 EUR (la valeur des immeubles attribués est égale à leur prix d achat augmenté des frais de rénovation qui ont été supportés par la société). La valeur des immeubles qui ont été attribués est sensiblement supérieure à celle mentionnée dans l acte de clôture de liquidation. L Administration des contributions directes fait état d une évaluation réalisée par le receveur de l enregistrement (255 000 EUR). La cour d appel juge toutefois que l évaluation réalisée par le receveur ne constitue pas un fait connu permettant de déterminer la base imposable sur la base de présomptions de l homme. La cour d appel de Gand a notamment déjà décidé que si le fisc s appuie uniquement sur une évaluation communiquée sans autre précision par une autre administration fiscale, cette information ne peut pas être considérée comme un fait connu pouvant être utilisé dans le cadre d une preuve par présomptions de l homme. La cour d appel de On notera que la cour a, dans ce dernier dossier, décidé finalement de désigner un expert et lui a donné pour mission de déterminer la valeur réelle des immeubles à la date de la clôture de liquidation. 20 Gand, 30 janvier 2002, non publié. 19 Anvers, 12 novembre 1996, F.J.F., n 96/264. 21 Bruxelles, 4 octobre 2007, disponible sur www.fiscalnetfr.be. 21