Financement de l agriculture : Quelle contribution de la microfinance Le cas du Vietnam



Documents pareils
Typologie à dire d expert des systèmes de production agricole du district de Cho Don, province de Bac Kan

CONGRES REGIONAL CTA/ ATPS DE LA JEUNESSE EN AFRIQUE

Agricultures paysannes, mondialisation et développement agricole durable

THEME 5: CONDITIONS DE VIABILITE FINANCIERE DE LA MICROFINANCE AGRICOLE

Comment développer les métiers agroalimentaires en Afrique subsaharienne? Extraits d étude

Plateforme d informations climatiques au Niger Présentation de l opportunité

Un expérience pluridisciplinaire de l intensification écologique en Agriculture Familiale

UNE MEILLEURE CROISSANCE, UN MEILLEUR CLIMAT

Accès des populations rurales au capital en Agroland

Fiche Technique. Filière Maraichage. Mais doux. Septembre 2008

PLAN R E V A RETOUR VERS L AGRICULTURE

FMB Forum 2012 sur le financement de l agriculture (Du 28 au 30 mars 2012) Kampala - Ouganda

FORUM INTERNATIONAL DU DAKAR-AGRICOLE

IMPACT DE LA MICRO FINANCE EN MILIEU RURAL EXPERIENCE DE LA CAISSE D EPARGNE ET DE CREDIT

R y o aume aume du du Maroc Mar Mai 2009

La FAFEC «Gnèna-Yèter», la «Banque» des Femmes rurales du Nord de la Côte d Ivoire

Où sont les Hommes sur la Terre

Résultats et impacts

Micro-irrigation à Madagascar

DUXTON ASSET MANAGEMENT

ATELIER DE RESTITUTION DU 27 NOVEMBRE 2014 ETUDE SECTEUR AGROALIMENTAIRE PROGRAMME EDEC

Définitions. Définitions sur le logement

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Couverture du risque maladie dans les pays en développement: qui doit payer? (Paris, 7 mai 2008)

Le FMI conclut les consultations de 2008 au titre de l article IV avec le Maroc

Accès au financement pour la mise en valeur de cultures de diversification dans les régions de caféiculture CFC/ICO/30 (AEP : FGCCC/OCIBU)

CONFIANCE DANS L INDUSTRIE AGRO-

LES SIIC. Pierre Schoeffler Président S&Partners Senior Advisor IEIF. Étude réalisée par. Les SIIC et la retraite 1

ExPost. Aménagements de bas-fonds. septembre Division Évaluation et capitalisation Série Note de Synthèse

SYNTHESE DE PRESENTATION DU PPILDA

CAMPAGNE ANNUELLE DES EPARGNES ACQUISES

Adaptation Aux changements climatiques. Agriculture et sécurité alimentaire: Cas du Burkina Faso

Conseil d administration Genève, mars 2000 ESP. Relations de l OIT avec les institutions de Bretton Woods BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL

L impôt sur le revenu des personnes physiques Calcul Plafonnement des Niches et Actions. Réunion CEGECOBA ASSAPROL 21 mai 2015.

LE SECTEUR DE L EAU EN JORDANIE : ENJEUX ET ENSEIGNEMENTS. Présentation des enjeux du secteur

Agricultural Policies in OECD Countries: Monitoring and Evaluation Les politiques agricoles des pays de l OCDE: Suivi et évaluation 2005.

ACTIONS ET POLITIQUES SUR L'INVESTISSEMENT DANS L'AGRICULTURE

FICHE SIGNALETIQUE. Cœur de Flandre. 1. Profil Territoire. 2 Profil Fiscal

UN PRODUIT MONDIALISÉ : LE CAFÉ

PRESENTATION DES PROGRAMMES

Mesures évaluées % %

PLAN DE SECURITE ALIMENTAIRE COMMUNE RURALE DE TOMINIAN

Présentation de la réforme de la PAC

LEADER... LE PROJET DU PAYS DE SAINT-MALO : UN OBJECTIF FORT : LEADER ACCOMPAGNE : LES 4 THÉMATIQUES : POUR VOUS ACCOMPAGNER

Organisation des Nations Unies pour le développement industriel

Les durées d emprunts s allongent pour les plus jeunes

Qu est-ce que le commerce équitable?

Thème 2 : Le rôle du «secteur informel» dans l intégration régionale

PJ 28/12. 7 février 2012 Original : anglais. Comité des projets/ Conseil international du Café 5 8 mars 2012 Londres, Royaume Uni

L Assurance agricole au Sénégal

JEUNE CONSEIL DE MONTRÉAL

Coup de projecteur : Transferts d'argent des migrants et produits financiers associés

CONGRES INTERNATIONAL SUR L ASSURANCE ET LA RÉASSURANCE DES RISQUES AGRICOLES. Partenariat Public Privé dans l Assurance Agricole

Stratégie locale en faveur du commerce, de l artisanat & des services

Une famille, deux pensions

La société de coopérative de fabrication de. chicouangue. A besoin de vous. présentation de la coopérative

un environnement économique et politique

SOMMAIRE PARTIE 1 : POURQUOI «DONNER DU CREDIT AUX FEMMES RURALES»?... 3 PARTIE 2 : EPARGNE/CREDIT DU SYSTEME FINANCIER INFORMEL...

CONSOLIDER LES DETTES PUBLIQUES ET RÉGÉNÉRER LA CROISSANCE. Michel Aglietta Université Paris Nanterre et Cepii

Réduire la pauvreté : comment les collectivités territoriales peuvent-elles être des catalyseurs du développement économique pro-pauvre?

Détail des cultures de l'exploitation en 2007

L INDUSTRIE AGROALIMENTAIRE

Annexe 2: Région des Savanes Caractéristiques et bas fonds identifiés

Sélection du pays I. Contraintes géographiques II. Culture nationale III. Système politique et règlementaire IV. Système social V.

75 ANS D HISTOIRE EN CHIFFRES :

G. II. 1 La mondialisation en fonctionnement (10h)

Investissez dans la 1 ère SCPI qui conjugue immobilier d entreprise et développement durable

Evaluation du projet Fonds pour la consolidation de la paix, Welthungerhilfe Butembo République Démocratique du Congo

DIVERSITÉ CULTURELLE JOURS FÉRIÉS Pour en savoir Plus, veuillez vous adresser à :

ETUDE SUR LE PRIX DE MARCHE DE L IMMOBILIER D ENTREPRISE EN ZONES RURALES FRAGILES

CENTRALES HYDRAULIQUES

Le FMI et son rôle en Afrique

Enquête sur les perspectives des entreprises

LFP Opportunité Immo RISQUES ASSOCIES

Les facteurs de compétitivité sur le marché mondial du vin Veille concurrentielle juin 2013 Vinexpo 2013, Bordeaux

Des solutions pour les seniors à revenus insuffisants

Pourquoi le Canada a besoin de services bancaires postaux

La couverture des risques agricoles

Les perspectives économiques

diffusion externe les services d'orange pour l agriculture en Afrique

EPREUVE ECRITE D ADMISSIBILITE

MODULE 6 LA MODERNISATION DE LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE (1ÈRE PARTIE) DANS LES ANNÉES 1920 (ANNÉES FOLLES) > ÉCONOMIE CANADIENNE = PROSPÈRE :

La plateforme de micro-dons du CCFD-Terre solidaire

«Cette femme réduit le grain en farine grâce à une pierre à moudre (metate) et un broyeur cylindrique (mano)». 1 LA PROBLEMATIQUE

Economie Générale Initiation Ecole des Ponts - ParisTech

Devenez point de chute d une ferme du réseau québécois d agriculture soutenue par la communauté (ASC)

Oeuvrer pour que les populations rurales pauvres se libèrent de la pauvreté aux Comores

Vision stratégique du développement culturel, économique, environnemental et social du territoire

Hausse du crédit bancaire aux entreprises au Canada

Promulgue la loi dont la teneur suit : TITRE I

La filière noisette : un développement des surfaces est encore possible d après Unicoque.

Le bois, la première des énergies renouvelables

P opulation. ATLAS DES POPULATIONS IMMIGRÉES en Ile-de-France / Regards sur l immigration / Population 2. Photo : Philippe Desmazes/AFP


Fonds de placement Le modèle adapté à chaque type d investisseur.

CHAPITRE 2. Population, ménages et familles

Spécialisation ou diversification?

Les exploitations de grandes cultures face à la variabilité de leurs revenus : quels outils de gestion des risques pour pérenniser les structures?

Formation des Partenaires en Fundraising/Récolte de fonds. Termes de référence

Uniterres. Rapprocher l aide alimentaire et les producteurs locaux

Transcription:

Le financement de l agriculture familiale dans le contexte de la libéralisation Quelle contribution de la microfinance? ATP - Cirad 41/97 Syntheses par Pays Financement de l agriculture : Quelle contribution de la microfinance Le cas du Vietnam Geneviève Nguyen Janvier 2002 Séminaire International 21/24 janvier 2002, Dakar, Sénégal

I. LES BESOINS DE FINANCEMENT DES AGRICULTURES FAMILIALES 1.1. Une économie reposant en grande partie sur l agriculture 1 Le Vietnam est un pays côtier situé au sud-est de l Asie, avec une surface de 329.566 km 2 s étalant sur près de 2000 km du nord au sud, occupé sur les trois quart de son territoire par des montagnes et des hauts plateaux, et traversé par deux fleuves dont les embouchures forment les deltas du Fleuve Rouge à l extrémité nord du pays et du Mékong à l extrémité sud. La grande latitude du pays explique les différences climatiques importantes entre le Nord et le Sud. Le pays abrite une population de 78 millions d habitants, avec un taux de croissance annuelle moyenne de 1,6%, et vivant concentrés essentiellement dans les deux zones deltaïques, notamment dans le delta du Fleuve Rouge, où la densité peut atteindre 1000 hab./km 2, alors que la densité moyenne au niveau du pays est de 238 hab./km 2. Cette population est composée à 60% de jeunes de moins de 25 ans, faisant ainsi de l emploi un enjeu majeur pour l avenir de l économie du pays. Avec un PNB annuel de 370 USD par habitant, le Vietnam figure parmi les pays à faible revenu. Mais la croissance économique est soutenue, de l ordre de 6 à 7% en moyenne par an durant ces dix dernières années, et l inflation a été réduite et stabilisée à environ 1% depuis 1999. L agriculture demeure le deuxième secteur de l économie, même si depuis 1980, son importance continue à diminuer au profit des secteurs industriels et des services. Sa contribution au PIB représente encore aujourd hui 26%, et croît au rythme de 4,3% en moyenne par an depuis 1980. Le secteur emploie 70% de la population active totale. Il représente aussi pour le pays une source importante de devises, puisque les produits agricoles et agro-alimentaires constituent en valeur plus de 20% du total des exportations. Le Vietnam est devenu en dix ans le troisième exportateur mondial de riz, a augmenté son volume de café exporté de trois et constitue aujourd hui un concurrent redoutable pour le Robusta africain. Trois quart de la population vietnamienne habitent en zone rurale et près de 80% des ménages ruraux vivent exclusivement d activités agricoles. Malgré une nette amélioration depuis les réformes économiques de la fin des années 1980, les revenus annuels moyens par habitant tirés de l agriculture restent faibles et aléatoires, ce qui explique que plus de 60% des familles rurales vivent encore en dessous du seuil de pauvreté de 1USD par personne et jour, dont une majorité dans les zones montagneuses du Nord et des hauts plateaux du Centre. Comme l emploi, la pauvreté est devenue une préoccupation majeure du gouvernement qui mène depuis 1997 un programme national de lutte contre la pauvreté. 1.2. Des systèmes de production diversifiés autour de la culture du riz On peut distinguer 5 grandes régions qui se différencient non seulement sur le plan agroclimatique mais aussi sur le plan du peuplement : - le Nord, où se trouve la capitale administrative, Hanoi, possède un climat marqué par deux saisons, une saison hivernale froide et humide, de novembre à avril, où l influence Sibérienne entraîne des risques importants pour les pépinières de riz, et une saison estivale, de mai à octobre, chaude et pluvieuse, avec des risques de typhons. Ces caractéristiques climatiques permettent au mieux deux récoltes de riz par an, et une culture d hiver. On trouve dans cette région du Nord une zone montagneuse faiblement peuplée (25 à 35 hab./ km 2 ), où les populations, formées d ethnies minoritaires comme les Tay, les Nung, les Thai, ou encore les Hmong, vivent généralement de la riziculture 1 Les statistiques économiques présentées dans ce chapitre sont issues des publications de la Banque Mondiale et du FMI. Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-2 -

irriguée dans les bas-fonds, de la culture du mais, de tubercules et de plantes médicinales sur les terres en pente, et d un petit jardin fruitier et d un petit élevage de porc et de poissons autour de la maison. Mais 9/10 ème de la population de la région habitent et exploitent les ressources du delta du Fleuve Rouge, où la densité de population est la plus élevée, dépassant dans certaines provinces les 1000 hab./ km 2. La construction d un système de digues dès le 13 ème siècle permît d endiguer les crues du Fleuve Rouge et de ses affluents, de pratiquer la culture du riz en intensif sur la quasi-totalité de la surface du delta et la culture de petits jardins d arbres fruitiers (bananes, jujubes, litchi). Il est important de noter que le delta du Fleuve Rouge dispose d une très forte potentialité de production de fruits et légumes. Les rizières hautes du delta, représentant environ 30% de la surface totale, peuvent accueillir deux récoltes de riz par an et une culture sèche d hiver (ail, oignons). Là aussi, les systèmes de production mixtes prévalent, une famille typique cultive des rizières, dispose d un petit jardin maraîcher et fruitier, engraisse trois à quatre porcs pour vendre en cas de besoin, et élève des poissons dans des étangs proches de l habitat pour l autoconsommation ou la vente. - Le Centre du pays, adossé à la cordillère annamitique, où se trouvait la capitale impériale jusqu en 1945, est constitué d une zone côtière et de hauts plateaux volcaniques, qui constituent une des régions forestières les plus riches du pays. Les activités agricoles comprennent la culture, l élevage et la pêche en haute mer. En plus du riz, cultivé en plaine ou dans les bas fonds, on trouve à l ouest de la zone littorale d immenses champs de canne à sucre, et sur les terres nouvellement défrichées des hauts plateaux, des plantations de plantes médicinales, de thé, d hévéa, et surtout de café. Introduites par la colonisation au 19 ème siècle, les plantations de caféiers se sont rapidement développées à partir des années 1925, en même temps que la culture de l hévéa et du thé, grâce à l ouverture de vastes zones de colonisation et l adoption d une politique de mise en valeur des hautes terres volcaniques jugées très fertiles. La zone des hauts plateaux est ainsi devenue le cœur de la production de café (Arabica et surtout Robusta) au Vietnam, qui est aujourd hui le second producteur mondial après le Brésil, alors qu il n était que 31 ème en 1987. - Le Sud, comme le Nord est une immense zone deltaïque, formée par l embouchure du Mékong, mais à la différence de ce dernier, le climat y est tropical, avec des températures relativement constantes et deux saisons se différenciant seulement par le niveau des précipitations, une saison sèche s étalant de février à avril et une saison de mousson de mai à octobre. Malgré les risques de typhons au changement de saison, le climat relativement clément du Sud permet trois récoltes de riz par an, et fait de cette région le grenier à riz du Vietnam (50% de la production et les trois quart des exportations). Malgré l importance du riz, les systèmes de production, comme dans le Nord, tendent à se diversifier, selon les opportunités de marché, vers d autres productions agricoles comme l arboricultures fruitières et essentiellement l agrumiculture sur les terres hautes des berges alluviales, les cultures légumières et la canne à sucre dans les dépressions, ou encore l élevage de porc, de volaille ou encore de poissons en combinaison avec les riz (la rizipisciculture) pour l autoconsommation ou la vente. Elément à la base de l alimentation au Vietnam, le riz reste la principale production agricole du pays, avec environ 60% de la surface agricole totale occupée, 25 à 30 millions de tonnes produites en moyenne annuellement, et une productivité moyenne relativement élevée d environ 4 tonnes à l hectare, pouvant dépasser les 5 tonnes dans certaines rizières des deltas. Suite aux réformes économiques des années 1980, le Vietnam est rapidement devenu autosuffisant et exportateur net depuis 1992 vers l Afrique et l Indonésie (tableau 1). Dans un contexte de diversification en vue Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-3 -

d améliorer les revenus agricoles, mais aussi en réponse à une demande intérieure accrue et des opportunités de marché au niveau international, de nouvelles productions se sont rapidement développées ces dix dernières années, avec un appui plus ou moins important du gouvernement, comme l arboriculture fruitière, la culture de la canne à sucre ou encore celle du café et de l hévéa. Comme pour le riz, la productivité élevée du café, d environ 1,5 tonnes à l hectare, permise par les bonnes conditions climatiques et la fertilité des terres nouvellement défrichées des hauts plateaux du Centre, combinée à des coûts de production relativement bas, rend le café vietnamien extrêmement compétitif sur le marché international. De la même manière, la production de fruits a connu une progression extraordinaire, passant de 1 à 4,5 millions de tonnes entre 1995 et 2000. Malgré des rendements encore relativement faibles, mais parce que cette production est particulièrement rentable pour le producteur qui peut obtenir un gain de 4 à 10 fois plus élevé que pour le riz, la surface des vergers fruitiers a doublé au détriment des surfaces rizicoles depuis la réforme foncière de 1993, qui a attribué aux agriculteurs des droits d usage sur le long terme et a créé une forte incitation à l investissement. L élevage de porc, dont une grande partie est exportée vers la Russie et les pays de l Asean a aussi fortement progressé depuis les années 1990 avec une croissance annuelle moyenne d environ 5%. Cet élevage est concentré au deux tiers dans le Sud, qui regroupe aussi la quasi totalité de la production de volaille. Cette dernière connaît la dynamique de croissance que les autres productions agricoles, mais est essentiellement destinée à la consommation intérieure. Ces bonnes performances en terme de volumes produits et exportés et de productivité, résultats des changements dans la politique agricole depuis les années 1980, cachent cependant des problèmes importants de qualité et d organisation des filières de transformation et de commercialisation. La qualité du riz vietnamien est bien inférieure à celle du riz thaïlandais. Tableau 1. Quelques indicateurs de l évolution de la production de riz au Vietnam 1975 1980 1985 1990 1995 1999 Production de riz (millions de t) 6 7 15 19 25 31 Production de riz par hab. (kg) 220 215 255 324 372 394 Rendement du riz (t/ha) 2,3 2,1 2,7 3,3 3,7 >4 Exportations de riz (millier de t) - - 50 1650 2050 4400 Source : General Statistic Office 1.3. Les grands changements dans les politiques agricoles et les institutions du secteur Au delà du débat politique, il est difficile de parler de l évolution de la politique agricole au Vietnam sans mentionner la différence de régime politique et économique entre le Nord et le Sud avant la réunification du pays en 1975, car les grands changements qui peuvent apporter un éclairage sur la situation actuelle du secteur agricole ont surtout touché l ex-république démocratique du Vietnam, territoire issu des accords de Genève en 1954, qui a adopté un régime socialiste et qui s étendait de la frontière Nord jusqu au 17 ème parallèle au Centre. 1.3.1. Le modèle de l agriculture collectiviste dans le Nord et les tentatives d extension au Sud Selon Henry, cité par Dao The Tuan (1998), la civilisation du riz au Vietnam repose sur deux entités principales : un Etat centralisé et des communautés villageoises. La propriété sur les moyens de production et, en particulier la terre, est un système mixte de propriété étatique, privée, et communautaire. Ce dernier était particulièrement répandu dans le Nord et le Centre du pays, où la pression démographique était plus élevée. La propriété communautaire de la terre concernait ainsi en 1930, 21% de la surface dans le Nord et 25% dans le Centre. Après une courte période d agricultures familiales à la fin de la colonisation, la planification centralisée et la collectivisation de l agriculture ont été adoptées dès 1959 par l ex-république démocratique du Vietnam. Destiné à promouvoir une redistribution égalitaire des surplus et à faire face à une Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-4 -

pression démographique de plus en plus forte, le modèle collectiviste a permis jusqu au début des années 1980, une amélioration incontestable des performances techniques, grâce au développement de grands aménagements hydrauliques, des efforts importants d équipement (tracteurs, stations de pompage ), et parallèlement une diffusion de pratiques rizicoles intensives. Pillot (1995) note, par exemple, un quadruplement du nombre de tracteurs, qui a passé de 9300 à 37000 entre 1976 et 1980. La maîtrise de l eau dans le delta du Fleuve Rouge (irrigation et drainage) a rendu possible la double culture du riz et a amené la région d une situation de déficit chronique vers une situation d autosuffisance. Cette collectivisation de l agriculture était organisée autour, d une part, de grandes coopératives, dont la taille moyenne dépassait les 200 hectares et auxquelles le «district» (représentant de l Etat) dictait les objectifs et itinéraires techniques de production, et d autre part, de «brigades» de travailleurs agricoles spécialisées chacune dans une tâche particulière (élevage, culture, irrigation ). D une manière générale, l Etat contrôlait l approvisionnement en intrants, la collecte et la commercialisation des produits issus des parcelles et des élevages collectifs, ainsi que d autres services à l agriculture. Le travail des agriculteurs, membres des coopératives étaient rémunérés selon un système de rétribution par points. La gestion privée des productions agricoles n était cependant pas totalement interdite, et chaque famille pouvait disposer de 5% de terres rizicoles, de jardins, et d un élevage porcin et de volaille. Fort de son expérience, le gouvernement central a tenté, après la réunification du pays en 1975, d étendre ce modèle au Sud, mais sans grand succès. Par ailleurs, le même modèle allait montrer ses limites dans les régions au Nord, en raison d un certain nombre de problèmes de gestion des ressources parmi lesquels, des problèmes de gestion de l eau, d approvisionnement en intrants en qualité et en quantité suffisante, d attribution des points-travail qui ne créait pas d incitation satisfaisante, de baisse de la fertilité des sols en raison du nivelage réalisé sur les parcelles remembrées en vue de faciliter un labour motorisé, et de baisse de la productivité du travail des buffles touchées par des pratiques d élevage peu adaptées (Pillot, 1995). Dès le début des années 1980, ces problèmes se sont traduits d une part, sur le plan des performances techniques et économiques, par des baisses de la production de paddy et des livraisons de riz des coopératives à l Etat de l ordre de 20 à 30%, et d autre part, par des stratégies paysannes, pour certaines opportunistes (part des rizières gérées individuellement dépassant les 5%), pour d autres «offensives» (mise en place d une nouvelle organisation de la production), mais qui toutes seront à l origine de réformes majeures. 1.3.2. La décollectivisation de l agriculture entre 1980 et 1993 Dao The Tuan (1997, 1998) et Dao The Anh (1998) soulignent le rôle moteur qu ont joué les initiatives des agriculteurs dans les changements d orientations économiques et institutionnels qui se sont opérés entre 1980 et 1993. A la différence de nombreuses économies socialistes, et notamment celles des pays de l ex-urss, la décollectivisation au Vietnam s est faite progressivement. Avant même la première mesure, dite «directive n 100» adoptée en 1981, certaines coopératives agricoles ont développé clandestinement des contrats de location de terres rizicoles, similaires à un système de fermage, avec les agriculteurs pour contourner l inefficacité du système de rémunération du travail en place. La directive n 100 n a fait que reconnaître officiellement cette nouvelle relation contractuelle entre coopératives et membres, en laissant à l individu la gestion de certaines tâches de l itinéraire technique, comme le repiquage et la récolte, en allouant à chaque membre des rizières et en redistribuant le cheptel collectif et des moyens de production, en particulier buffles, outils agricoles et petite motorisation. Un rendement objectif était fixé pour chaque type de terre et toute production en plus était laissée à l agriculteur qui pouvant en disposer selon son souhait. Cette mesure avait comme résultat d inciter les Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-5 -

agriculteurs à améliorer la conduite des cultures pour augmenter la production au delà du niveau fixé. Après une amélioration significative de la production et du rendement du riz (tableau 1), les effets de la directive allaient rapidement s estomper en raison d une part, d un problème d approvisionnement en intrants, toujours sous le contrôle de l Etat, et d autre part du fait que les rendements objectifs tendaient à être réévalués tous les ans à la hausse en fonction des rendements des années précédentes. Adopté en 1988 dans le cadre de la politique du «Doi Moi» ou politique de «rénovation», qui n est rien d autre qu une politique de libéralisation progressive de l économie, le «Contrat 10» allait marquer une étape déterminante dans le processus de décollectivisation, en avalisant la faillite du modèle collectiviste, en reconnaissant les exploitations familiales comme organisation de base de l agriculture. Pour accorder à ces unités une autonomie de fonctionnement, cette résolution s accompagne d un certain nombre de mesures, comme l allocation de terres agricoles à chaque famille selon des règles assez variables (Bergeret, 1994) et pour une durée pouvant aller jusqu à 15 ans, et la suppression du système de vente obligatoire de la production de riz aux coopératives. Les coopératives sont, quant à elles, amenées à recentrer leurs activités sur l offre de services (approvisionnement en intrants, encadrement technique, et commercialisation de certaines production), et à accroître l efficacité de leurs activités grâce à une réorganisation et une diminution du nombre d intermédiaires. Parallèlement, des réformes sont entreprises pour améliorer l environnement de la production et le fonctionnement des filières agricoles et agroalimentaires d une manière générale, et pour créer de nouvelles opportunités de marché : - mise en place d un système de crédit destiné aux exploitations familiales en 1991 ; - reconnaissance des entreprises privées ; - décentralisation d une partie du pouvoir vers les districts et les communes ; - libéralisation progressive du commerce extérieur (diminution du nombre de produits soumis à un quotas d exportation, simplification du système de taxation et des procédures). En 1993, une loi foncière vient compléter le dispositif, en allongeant le droit d usage sur la terre sur une plus longue période de 20 à 50 ans, et en accordant aux individus d autres droits tout aussi importants sur la terre, comme le droit de transfert et le droit d hypothèque, légalisant de fait un marché foncier, qui là aussi existait déjà plus ou moins sous la collectivisation. Certaines familles peuvent se voir attribuer par le gouvernement le fameux «certificat rouge», document officiel reconnaissant leur propriété sur la terre. Cette période marque aussi la fin des coopératives qui perdent progressivement leur capacité à assurer les services autres que l encadrement technique et la gestion de l eau. Les effets positifs de toutes les réformes réalisées depuis le Contrat 10 sont indéniables sur les économies familiales comme sur l économie nationale : augmentation du rendement moyen du riz (tableau 1), amélioration sensible des revenus agricoles moyens entre 1993 et 1998 (plus 60% d après la Banque Mondiale) même si une majorité des familles pauvres se trouvent en zones rurales, triplement des exportations de produits agricoles entre 1990 et 1999. Mais ces réformes ont par ailleurs soulevé de nouveaux problèmes (Jesus, 2000) : - les agriculteurs deviennent davantage exposés aux fluctuations de prix des produits agricoles (riz) et des intrants sur le marché international, qui ne leur sont pas toujours favorables ; - l absence d organisation de certaines filières, comme la filière du litchi, freine les activités en aval de la production et limite en conséquence la rentabilité des produits en question ; - la place laissée par le désengagement de l Etat au niveau de certains services d appui et du soutien à l agriculture est mal ou pas occupée par les acteurs, anciens (coopératives) comme nouveaux ; Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-6 -

- ou encore, l absence d un cadre légal pour accompagner le développement de nouveaux acteurs économiques, comme les micro et petites entreprises en milieu rural. De même, elles ont révélé et accentué des problèmes anciens comme la faiblesse des infrastructures, et l inégalité au sein des exploitations familiales en ce qui concerne leur capacité à mobiliser des ressources pour saisir des opportunités économiques nouvelles. Le calcul du coefficient de Gini, indicateur de la répartition des revenus entre individus, par Dao The Tuan (1997), montre que des écarts significatifs sont observés au niveau du delta du Fleuve dès les années 1970, sous la collectivisation, se sont légèrement infléchis en 1989 après l adoption du Contrat 10, qui a conduit à une redistribution de certains moyens de production dont la terre, et depuis augmentent d une année à l autre. 1.3.3. Nouveau contexte et nouveaux défis posés à la politique de développement agricole et rural Même s il a su saisir des opportunités offertes par la libéralisation progressive de l économie et son ouverture sur le reste du monde, l économie du Vietnam n en demeure pas moins fragile et le pays, comme d autres économies émergentes, subit les effets négatifs de la globalisation des échanges, et n a pas été épargnée par la crise asiatique qui a touché tout l Asie du Sud-Est, et par la dépression plus récente qui s annonce au niveau mondial. Le dernier rapport 2002 de la Banque Mondiale sur le développement du Vietnam fait état d une nette détérioration de l environnement externe du pays, qui offre une résistance toute relative, grâce une situation macro-économique relativement stable, mais encore pour combien de temps. En effet, alors que la bonne santé de l économie du pays dépend en grande partie des revenus extérieurs, les échanges du Vietnam avec le reste du monde sont doublement affectés, d une part, par la baisse générale des prix des matières premières agricoles, et d autres part, par le ralentissement de l économie de ses partenaires privilégiés (Singapore, Taiwan, le Japon et l Indonésie ). En 2001, les prix du riz et du café, les deux principaux produits exportés, ont baissé respectivement de 18% et de 41% par rapport à 2000, tandis que la demande des partenaires a baissé de 15 points. Les revenus des exportations ne devraient pas, en conséquence, dépasser les 7% du PIB, alors qu ils représentaient 25% l année précédente. Non seulement cette situation tend à ralentir toutes les mesures adoptées pour renforcer les effets des réformes antérieures et rend difficile toute ambition de nouvelles mesures économiques, mais elle touche aussi directement les agents économiques à la base. C est le cas notamment des exploitations familiales pauvres qui ont bénéficié, entre 1993 et 1998, de la hausse relative du prix du riz et du café par rapport à celui des produits non-alimentaires, qui disposant de peu de possibilités de diversification, se sont spécialisés dans la culture du riz ou du café, et dont les revenus dépendent aujourd hui en grande partie de la vente de la production de ces matières premières agricoles. Dans ce nouveau contexte, le développement agricole et plus globalement rural est considéré par le gouvernement vietnamien comme un élément clé de sa politique de croissance économique et celle de lutte contre la pauvreté. Un scénario pour le secteur rural à l horizon 2010 a été présenté par le Ministère de l Agriculture et du Développement Rural et discuté lors du neuvième Congrès du Parti, dans lequel quatre objectifs ont été mis en avant : - intensifier la production agricole pour accroître les performances techniques et économiques du secteur ; - diversifier la production agricole pour améliorer le niveau de revenu et la capacité des exploitations familiales à s adapter aux fluctuations du marché, et ainsi réduire leur vulnérabilité ; - créer des opportunités pour augmenter le nombre d emplois extra-agricoles en zones rurales et urbaines afin qu elles puissent non seulement absorber le surplus de main- Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-7 -

d œuvre agricole mais aussi contribuer à l amélioration de la productivité du travail agricole ; - promouvoir la participation de toutes les régions et de tous les groupes ethniques à la croissance du secteur rural, et parallèlement garantir une répartition équitable des produits de cette croissance. Le tableau 2 récapitule les objectifs, les stratégies et les moyens pour les atteindre (Banque Mondiale, 2000). Face à la détérioration de l environnement macro-économique, ces objectifs sont ambitieux et se présentent comme un véritable défi, car ils appellent à l élaboration de stratégies qui ne concernent pas uniquement le secteur agricole, mais aussi d autres secteurs de l économie, comme l industrie et les services. Ils demandent, d une part, une redistribution des compétences entre les différents acteurs (représentants de l Etat, coopératives, ménages ruraux ), et d autre part, la mise en cohérence d un certain nombre de mesures de politiques publiques, concernant par exemple la fixation des taux d intérêt et du niveau de taxation, et l investissement public dans les infrastructures mais aussi dans d autres domaines comme la recherche. Enfin, au delà des débats politiques que peuvent suggérer certaines de ces mesures (en particulier le ciblage des zones défavorisées) et leurs intentions véritables, et au delà des problèmes liés à la corruption, ces objectifs requièrent, d une manière générale, des évolutions organisationnelles et institutionnelles importantes : - redéfinition du rôle de l Etat autour des fonctions régaliennes, ré-allocation des ressources et amélioration de l efficacité de l offre de biens publics (infrastructure, recherche ) ; - construction d une gouvernance locale ; - améliorations du fonctionnement des marchés, voire création de nouveaux marchés (financier, services ) ; - organisations des producteurs et des filières, notamment au niveau des fonctions de transformation et de commercialisation, et autour de problématiques complexes comme la qualité, qui nécessite de véritables actions collectives et un système réglementaire stricte ; - établissement de nouveaux cadres juridiques plus favorables au développement de la micro et de la petite entreprise, et à l investissement de capitaux privés qu ils soient nationaux ou internationaux, nécessaires au financement de cette stratégie de développement rural. Tableau 2. Résumé des nouvelles orientations de la politique de développement agricole et rural Objectifs Stratégies Moyens/conditions Intensifier la production agricole - Investir dans la recherche et la vulgarisation - Sécuriser davantage la propriété de la terre - Un secteur de la recherche et un service de vulgarisation répondant aux besoins véritables des paysans - Des dispositions dans le code rural, - Libéraliser le commerce des la loi foncière et le certificat de la produits et des intrants terre - Améliorer l organisation des - Une réglementation mieux adaptée filières, notamment en aval au niveau du stockage des récoltes, de la au commerce, et appuyant des démarches qualité transformation et de la - Une révision du système de taxation commercialisation des échanges Diversifier la production agricole - Soutenir des productions qui correspondent à des niches de marché rentables (par exemple, transformer le Nord en un immense jardin potager et fruitier) : extension les zones de production, approvisionnement en intrants de qualité, appui technique et financier, - Un secteur de la recherche et un service de vulgarisation répondant aux besoins véritables des paysans - Des marchés financiers et des services accessibles aux producteurs - Une infrastructure suffisante - Réformes pour améliorer le fonctionnement des marchés Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-8 -

Créer des emplois extra-agricoles Aider les régions défavorisées Source : Banque Mondiale, 2000 appui à l organisation de la profession - Créer un environnement concurrentiel - Investir dans la recherche et la vulgarisation - Créer les conditions favorables à l émergence de la micro et petite entreprise en milieu rural : cadre juridique, financement, services, conseil, accès à l information - Appuyer les industries de transformation de produits agricoles - Concentrer les efforts sur les provinces les plus pauvres - Garantir l accès des populations ethniques minoritaires pauvres aux besoins élémentaires (éducation, santé ) - Promouvoir des systèmes de culture adaptés - Des marchés accessibles aux producteurs (financier, services) - Une infrastructure suffisante - Un cadre juridique et une réglementation adaptée - Une «bonne» gouvernance locale (approche participative) - Un système de redistribution équitable des ressources entre provinces - Des investissements publics ciblés 1.3.4. La pauvreté en zones rurales et la politique de lutte contre la pauvreté On ne peut présenter la politique agricole sans mentionner la politique de lutte contre la pauvreté, au cœur de laquelle sont inscrites les actions dans le domaine de la microfinance. Au Vietnam comme dans de nombreux pays en voie de développement, le lien entre l agriculture, la ruralité et la pauvreté est étroit, mais il revêt de multiples dimensions et les relations de cause-à-effet sont complexes, car elles ne font pas intervenir uniquement des déterminants économiques, mais aussi sociaux, culturels et historiques. Une donnée objective est la suivante : trois quart de la population habite en milieu rural, dont plus de la moitié vit en dessous du seuil de pauvreté établi selon des critères de revenu. La contrainte foncière devient de jour en jour plus forte en raison de la croissance démographique, et se pose aujourd hui le problème de l absorption du surplus de la main-d œuvre agricole par le système de production rizicole traditionnel, qui est pourtant fortement consommatrice de main-d œuvre familiale. Deux études réalisées dans le delta du Fleuve Rouge (Le Roy et Robert, 1999 ; Le Goulven, 1995), pour tenter d approfondir la définition de la pauvreté au delà du simple critère de niveau de revenu, conduisent à caractériser les familles pauvres selon les critères structurels suivants : - «jeunes» familles composées d un grand nombre d enfants en bas âge ; - un faible nombre d activités exercés, toutes agricoles, et pas d exercice d un métier d appoint ; - absence d un revenu régulier ; - peu de moyens de production (pas de force de traction, peu d actifs par rapport aux nombre de bouches à nourrir, faible capital circulant) - pas d élevage porcin ou faible intensification, et pas de pratique de la pisciculture ; - absence d épargne, biens de consommation de faible valeur ou inexistants (télévision, ventilateur, radio, meubles, moto ) ; - dettes auprès de la coopérative ou de prêteurs ; - pas de biens patrimoniaux de grande valeur (rizières hautes, vergers, maison bien construite) Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-9 -

Les familles très pauvres représentent environ 30% des familles du delta, et en excluant les personnes indigentes, regroupent des jeunes couples nouvellement installés, des ménages dont le chef de famille est une femme seule avec des enfants en bas âges, des familles «étrangères» au village et n étant pas intégrées dans des réseaux de connaissance, ou encore des familles qui n ont pas bénéficié de la redistribution de rizières de qualité pour diverses raisons. Il est difficile d offrir dans le cadre de cette étude une analyse approfondie des facteurs qui ont amené ces familles à devenir pauvres. En effet, la différenciation sociale et économique en cours a été accentuée par les différentes évolutions politiques et économiques qui ont touché le pays durant les quarante dernières années : - redistribution des terres et d autres moyens de production collectivisés vers la fin des années 1980 ayant bénéficié à certaines familles ; - vagues de migration successives de populations du Nord vers le Centre (Hauts Plateaux) ou vers le Sud (front pionnier de la Plaine des Joncs) ; les familles nouvellement arrivées ont du s installer sur les moins bonnes terres et sont les moins bien insérées dans les réseaux sociaux et commerciaux. Mais les origines de ce processus de différenciation sont aucun doute plus anciennes, et il faut parfois remonter aux époques coloniale et pré-coloniale et dresser le schéma de l organisation sociale en place dans les villages, pour comprendre l image actuelle de la société rurale et la distribution des richesses et des pouvoirs qui la structure (Popkin, 1979). Les familles «riches» sont pour beaucoup issues de l ancienne noblesse, ou d une bourgeoisie terrienne et industrielle construite sur des activités de commerce (de matières premières, comme le riz, et de produits transformés, comme la soie) ou sur des relations avec l administration coloniale. Sans trop se tromper, on peut faire le constat que l économie de les familles pauvres est, présentement, peu diversifiée et fragile, elle tend à suivre une logique de survie et de reproduction à l identique, et offre en conséquence à ses membres une très faible marge de manœuvre pour saisir les opportunités qui se présentent. Par ailleurs, la pauvreté en zones rurales transparaît au niveau d une part de l éducation et d autre part de l infrastructure routière. Si les pourcentages de personnes alphabétisées sur la population totale et celui du nombre d enfants scolarisés en primaire sont en moyenne élevés et s élèvent à environ 80%, la disparité entre zones rurales est grande et la main-d œuvre rurale globalement peu qualifiée (seulement 3,5% d actifs ont reçus une formation professionnelle). Le réseau routier se limite quant-à-lui à environ 4% de routes asphaltées et 14% empierrées. Les zones montagneuses restent les plus défavorisées par rapport à ces aspects. Au sein du programme des réformes en cours, l accent donné à la fois au rôle de l agriculture et à la lutte contre la pauvreté suggère que la stratégie proposée par le gouvernement n est pas tant de sortir cette catégorie de la population de l agriculture et du monde rural, que de lui donner les moyens de diversifier les revenus agricoles, de créer des emplois extra-agricoles mais en milieu rural, et d améliorer son accès aux besoins élémentaires. Dans ses efforts pour lutter contre la pauvreté, une série d objectifs économiques et sociaux pour la période 2000-2010 a été établie et figure actuellement au sein de différents instruments de politique publique : une stratégie de développement socio-économique, des programmes sectoriels, un plan quinquennal, et une stratégie globale de réduction de la pauvreté et de croissance en cours d élaboration et supposée articuler les trois premiers instruments dans un ensemble cohérent. La microfinance intervient comme un des moyens à mettre en œuvre pour promouvoir la diversification économique et la création d emplois afin d améliorer le niveau et la stabilité des revenus des familles rurales pauvres. 1.4. Les acteurs et l organisation économique du monde rural Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-10 -

1.4.1. A la base, des exploitations agricoles familiales, entités officiellement reconnues Les exploitations agricoles familiales (EAF) constituent les unités de base de l économie rurale au Vietnam. Alors qu elles ont toujours prévalu dans le Sud du pays, les EAF n ont été reconnues officiellement dans le Nord que depuis l adoption du Contrat 10 en 1988. Ces EAF sont organisées autour d une cellule familiale restreinte (chef de ménage, son conjoint, les enfants non mariés, les grands parents paternels, et parfois des frères ou sœurs paternels non mariés). Comme toute EAF, la main-d œuvre est essentiellement familiale, et les fonctions de production et de consommation sont fortement interconnectées. A la différence de la famille étendue en Afrique, il existe un budget unique et un seul centre de prise de décision, le chef du ménage mais qui souvent tient compte de l avis de sa femme. Le patrimoine accumulé (la terre lorsque l EAF bénéficie d un titre de propriété sur le long terme, l or, l immobilier, les moyens de production comme les buffles) est aussi familial et se transmet d une génération à l autre selon le mode patrilinéaire. Après la période antérieure à 1990, marquée essentiellement par des stratégies d extension et d intensification de la production rizicole, on constate ces dernières années, globalement au niveau des EAF, une plus grande diversité de stratégies à la fois d intensification et de diversification des productions et des activités (agricoles et extra-agricoles), selon les caractéristiques propres à chaque exploitation et à chaque territoire, mais aussi selon les opportunités offertes ou les contraintes posées par la libéralisation de l économie et son ouverture aux marchés internationaux. Comme le suggère le tableau 3, qui résume différents types de stratégies observées sur la période récente, le degré d adaptation des EAF à cet environnement macro-économique changeant dépend de sa capacité à mobiliser à la fois des ressources internes (facteurs de production, épargne, savoir-faire ) et des ressources de proximité (accès à des services de proximité, à un réseau de connaissance, ou encore à des marchés). Tableau 3. Différents types de stratégies des EAF par grande région Type Caractéristiques Objectifs Stratégies Montagnes du Nord (1) MN1 Pas de rizières et d autres ressources productives MN2 Pas ou peu de rizières Minorités ethniques 1 à 2 buffles MN3 Surface de rizières hautes supportant 2 cultures suffisante (> 300m 2 par tête) >3 buffles Autosuffisants Delta du Fleuve Rouge (2) FR1 Peu de rizières hautes Ménages âgés ou jeunes familles nouvellement installées mais recevant peu d aides des parents Situation précaire, non autosuffisant Autosuffisance alimentaire - Survie Autosuffisance alimentaire Sécurisation des revenus et accumulation forte insertion dans les échanges reproduction élargie Autosuffisance alimentaire et pour les ménages âgés : priorité donnée à l éducation des enfants pour qu ils quittent l agriculture Cultures sur brûlis (riz et manioc), diversification agricole (vergers, plantes médicinales) et économique (commerce) si dispose d un petit capital. Cultures sur brûlis (riz et manioc), diversification agricole (vergers et élevage) si dispose d un petit capital. Diversification agricole (investissement dans élevage porcin et vergers d abricotiers) et économique (commerce). Stratégie de minimisation des risques. Pour les familles jeunes : exercice d activités agricoles consolidées par des revenus issus de la vente de main-d œuvre mais fortes contraintes financières importantes pour investir. Pour les ménages âgés : importance de la pension de retraite. Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-11 -

FR2 Surface de rizières hautes suffisante Agriculteurs jeunes ou d âge moyen Main-d œuvre relativement abondante Autosuffisant FR3 Surface de rizières hautes suffisantes Agriculteurs jeunes issus de familles aisées (commerçants) FR4 Surface de rizières hautes suffisantes et capitalisation dans périodes antérieures Agriculteurs d âge moyen avec enfants FR5 Surface de rizières hautes suffisantes et capitalisation dans périodes antérieures Agriculteurs d âge plutôt âgés, avec de grands enfants qui tendent à s orienter vers activités extra-agricoles FR6 Agriculteurs âgés, enfants grands et installés Sécurité alimentaire Situation relativement aisée Hauts plateaux du Centre (3) HP1 HP2 Faible capital au moment de l installation dans la région Pas de terres en propriété, mauvaises terres ou parcelles mal localisées (derniers arrivés) Situation précaire Terres en propriété Forte utilisation de la maind œuvre familiale pour la culture du café HP3 Larges plantations de café (1-3 ha) acquises par achats successifs et dispersés Parmi les premiers migrants Consolidation revenu du Amélioration du niveau de revenu - forte insertion dans les échanges reproduction élargie Amélioration du niveau de revenu priorité donnée à l éducation des enfants reproduction élargie Amélioration du niveau de revenu et accumulation - forte insertion dans les échanges Reproduction simple Autosuffisance alimentaire Survie Sécurisation revenu du Amélioration du revenu capitalisation importance de l éducation des enfants Delta du Mékong (4) DM1 Ménages pauvres Peu de rizières de qualité Peu voire absence de capital d exploitation Autosuffisance alimentaire sécurisation revenu DM2 Autosuffisants Sécurisation Diversité des situations en amélioration et du et du Extension progressive des surfaces en riz par location ou achat à partir des revenus de la vente de main-d œuvre, développement de l élevage et de quelques activités extra-agricoles - mais pas suffisamment de capital pour une réelle diversification. Spécialisation dans le commerce et les services, grâce à une épargne accumulée dans la période antérieure à partir des revenus de l agriculture (élevage intensif, cultures de rente). Diversification agricole (cultures de rente comme l ail et l oignon, élevage) et économique (commerce, artisanat), grande souplesse par rapport au marché. Diversification agricole (produits à haute valeur ajoutée comme le litchi ou le bonsaï) avec extension des terres (achat ou location), ou diversification économique (commerce) grâce à une épargne accumulée début de spécialisation (bonsaï, souci de qualité) si a atteint un certain niveau de capitalisation permettant des investissement conséquents. Retraite importante, abandon progressif des activités agricoles, location de terres ou prêts. Stratégies de survie : arrachage de plantes mortes et replantation d une année à l autre, emprunts Si monoculture de café : sécuriser la production de café (conservation des semences), pratiques intensives selon les opportunités de marché, et exercice d un emploi extra-agricole. Autrement, diversification agricole (les caféiers représentent moins de 50% de la surface cultivée) : cultures complémentaires comme les fleurs et le poivre. Globalement, faible capacité de financement des investissements agricoles (extension des surfaces). Développement de la culture du café par extension des surfaces (location et/ou achat), intensification et emploi d une main-d œuvre salariée. Diversification économique : activités extraagricoles dont les revenus sont destinés à couvrir les dépenses courantes de l exploitation familiale, alors que les revenus de la caféiculture sont épargnés. Vente de la main-d œuvre Intensification de la production rizicole : passage à la double ou à la triple saison de riz selon Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-12 -

fonction du capital d exploitation, et de la localisation revenu l emplacement des parcelles et la capacité de financement des pratiques intensives - autofinancement ou financement par des emprunts auprès d institutions formelles, ou sinon informelles (crédit-fournisseur, prêteurs). Pour ceux qui disposent d un capital suffisant, diversification des productions agricoles (élevage de porc et de canard, rizipisciculture, plantation d arbres fruitiers, cultures légumières ou de canne à sucre), ou diversification économique (commerce, services) Typologie inspirée des travaux de (1) Dao The Anh (1998a); (2) Dao The Anh et al. (1997); (3) Fortunel (2000); et (4) Dogot et al. (1997) 1.4.2. Des filières de production anciennes, d autres en émergence, globalement peu organisées Une présentation rapide des principales filières de production au Vietnam permet de mieux rendre compte de l organisation du monde agricole, d appréhender les acteurs autres que les EAF, comme les organisations paysannes, les coopératives et organismes étatiques, et de mettre en évidence quelques atouts et contraintes de l environnement productif des EAF. Les filières anciennes traditionnelles comme le riz et le porc, ou développées sous la période coloniale le café et l hévéa : Ce sont des filières stratégiques à la fois pour les EAF et l économie nationale, car elles représentent des sources de revenu importantes, et constituent pour beaucoup de systèmes de production, la production majeure. En raison de leur caractère stratégique, elles ont longtemps bénéficié d aides importantes du gouvernement, tant sur le plan technique (programme de recherche et de vulgarisation) que sur le plan économique (contrôle des prix) et financier (subventions des équipements, des infrastructures, des intrants et des crédits). Pour la filière rizicole, l Etat a assuré jusqu en 1988 les opérations de collecte, de décortiquage et de commercialisation. L exportation du riz et la gestion d un stock public restent aujourd hui toujours sous le contrôle de l Etat, qui continue à délivrer des quotas d exportations aux entreprises privées (80%) et aux comités populaires de certaines provinces (20%), et à jouer une rôle de régulation. Le retrait de l Etat des autres opérations de la filière s est passée dans de relatives bonnes conditions pour certains aspects : des employés des anciennes usines étatiques de décortiquage ont par exemple bénéficié de crédits subventionnés pour l achat de décortiqueuses individuelles ou pour assurer les mêmes activités à l intérieur des usines, mais à titre privé ; on a observé par ailleurs l arrivée à tous les maillons de la filière (collecteurs, transporteurs, commerçants ) de beaucoup d opérateurs privés, qui ont cherché à saisir les opportunités offertes par le désengagement de l Etat (Bergeret et Pham, 1997). Cependant, la filière rizicole souffre aujourd hui d une baisse des prix sur le marché international. De plus, un certain nombre de services qui étaient assurés avant par les coopératives ou par des structures étatiques n ont pas trouvé preneurs : c est la cas notamment des services financiers, de conseil technique et de gestion des aménagements hydrauliques, et ce problème concerne pas seulement la filière riz mais aussi d autres filières. L avenir de la filière riz dépend désormais beaucoup de sa capacité à s organiser pour construire une démarche qualité (Jesus, 2000 ; PEE, 2001). A côté des EAF, la filière du café est, quant à elle, dominée d un côté par des structures de recherche étatiques et des entreprises d Etat, comme VINACAFE et INAXIM, qui s occupent à la fois d import-export et de la gestion des caféières, et de l autre par une multitude d opérateurs privés (collecteurs, revendeurs ). Les bonnes performances économiques de la filière, objet de louanges du gouvernement et d autres organismes internationaux, cachent toutefois des Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-13 -

problèmes qui risquent dans le contexte international actuel de fortement freiner la croissance de la filière et de la fragiliser : manque de coordination dans les rôles des acteurs et les actions menées tout au long de la filière, problèmes dans la diffusion du savoir technique et des informations sur la filière ; manque de clarté dans la définition de la qualité du produit et instabilité de celle-ci (Fortunel, 2000). A la différence du riz et du café, la filière porcine est tournée quasi-exclusivement vers la demande intérieure (la viande de porc représente 77% du total des viandes consommées). Le porc n est pas une production ordinaire, c est aussi un support d épargne pour les EAF qui en élèvent deux ou trois pour l autoconsommation ou pour vendre en cas de besoin de liquidités. La production porcine n a cessé d augmenter depuis 1990 au rythme moyen de 5,7% par an. Concentrée dans le delta du Mékong, le gouvernement souhaite l étendre dans le Nord. C est une filière où interviennent essentiellement des opérateurs privés, et c est sans doute la filière la plus opaque et la plus hermétique à l arrivée de nouveaux acteurs. Depuis son retrait brutal, l Etat n opère plus que quelques centres de reproduction mais, par manque d équipement et de contrôle, les semences distribuées sont de faible qualité. La collecte, le transport, l abattage, la conservation et transformation sont le fait d un nombre restreints d opérateurs privés, anciens dans la profession, exerçant déjà leur métier avant la libéralisation au sein de réseaux clandestins parfaitement organisés. En raison de l opacité de la filière, accentuée par la domination de certains acteurs et l ambiguïté dans la définition de la qualité de la viande, les risques et la valeur ajoutée ne sont pas répartis équitablement entre les acteurs de la filière, et il semblerait que ce soit les producteurs à la base qui en sont les principaux victimes (Le Goulven, 1996 ; Bergeret, 1997). Les filières émergentes de la diversification : Le retrait progressif de l Etat du secteur agricole entre 1980 et 1990 a donné aux agriculteurs des deux deltas la possibilité de diversifier leur système de production pour améliorer leur revenu. Une des stratégies fut d investir dans des productions à forte valeur ajoutée comme les fruits et légumes, dont la consommation a augmenté au niveau national avec l amélioration du niveau de vie. L existence de marchés locaux a accéléré le mouvement. La production n arrivant pas encore à satisfaire la demande intérieure mais aussi internationale, les deltas du Mékong (litchi et légumes) et du Fleuve Rouge (fruits) et la région montagneuse de Dalat (légumes et fruits des zones tempérées) au sud de la région Centre présentant des conditions favorables à la culture d une grande variété de fruits et de légumes, le gouvernement a fait du développement de cette filière une des priorités de sa nouvelle politique agricole. Des objectifs ambitieux ont été fixés : étendre la surface en vergers de un million d hectares, transformer le Nord en un vaste jardin potager en étendant la surface cultivée de 100.000 ha. Il est prévu une enveloppe budgétaire d un peu plus de 6 Md de USD pour soutenir la filière, notamment du stockage et de la transformation. Mais comme pour le café, les bonnes performances quantitatives et les aspirations du gouvernement dissimulent nombre de problèmes à résoudre, parfois éludés dans les mesures énoncées (Cao-Van et al. 1997 ; PEE, 2001) : - l organisation de la filière en aval est pour l instant embryonnaire et ne permet pas aux producteurs de faire face à la saisonnalité de la production et de valoriser au mieux leur récolte (pas de système de collecte organisé, problèmes de transport, de conservation et de mise sur le marché) ; - en amont, les producteurs ne disposent pas de semences de qualité et de suffisamment de conseil technique, et la plantation d arbres fruitiers n est accessible qu aux EAF disposant d un capital suffisant (il faut 3 à 6 ans pour qu un arbre soit au maximum de son rendement) ; - dans les faits, deux entreprises d Etat dominent le secteur, la VEGETEXCO et la VINAFIMEX, et sont censées intervenir à différents niveaux de la filière, de la Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-14 -

production, à la transformation, et la commercialisation, mais souffrent a priori de nombreux dysfonctionnements comme dans le cas des entreprises étatiques de la filière café ; - la transformation reste un maillon faible, car le pays dispose d environ 60 usines de transformation et une multitude d unités artisanales, mais le fonctionnement de la plupart de ces usines n est pas efficace en raison d un approvisionnement insuffisant ; - la qualité est là encore un problème soulevé notamment pour les produits destinés à l exportation. 1.4.3. Des organisations paysannes en émergence L offre de services à l agriculture s est retrouvée fortement désorganisée suite à la faillite des coopératives agricoles et au désengagement de l Etat de ce secteur. Dans un paysage où se côtoient essentiellement exploitations familiales, quelques grosses entreprises étatiques et une multiplicité d acteurs privés, diverses initiatives d organisations paysannes reconnues ou non officiellement commencent à voir le jour, malgré les hésitations des individus marqués par l échec des coopératives à s impliquer dans des actions collectives : - l Association des Paysans (ADP), une des «organisations de masse» 2 créées par le Parti Communiste du Vietnam, regroupe 7 millions de membres (soit environ 30% de la population active rurale) et s est donnée comme principales missions de servir de relais entre l Etat et les exploitations agricoles familiales et d accompagner ces dernières dans le processus de mise en œuvre des politiques publiques de développement rural ; - des organisations paysannes, dont le développement a été appuyé par des institutions internationales (ONG, Banque Mondiale ), regroupent un nombre limité de membres et sont structurées autour de l offre de services, comme la vulgarisation et formation, l approvisionnement en intrants (gestion de boutiques), les services vétérinaires ou encore l appui au financement (gestion de systèmes de crédit ou encore d assurance agricole) 3. La fédération de ces organisations et le renforcement de leur capacité sont envisagés. Ces organisations travaillent pour la plupart en étroite collaboration avec des organismes techniques et de recherche étatiques, les services de vulgarisation et l Institut National des Sciences Agronomiques. Ces expériences sont, cependant, encore trop récentes pour que l on puisse tirer un bilan de leur fonctionnement. CONCLUSION : QUELS SONT AUJOURD HUI LES BESOINS DE FINANCEMENT DE L AGRICULTURE? Le développement agricole reste une priorité du gouvernement vietnamien, qui souhaite à la fois lutter contre la pauvreté et améliorer les performances de l économie, en modernisant le secteur. Face à ces orientations politiques, une majorité de la population vit encore de l agriculture et les exploitations agricoles familiales adoptent des stratégies diversifiées selon ses caractéristiques intrinsèques et les opportunités que lui offre son environnement proche. 2 Pour l aider à mettre en œuvre ses réformes, le Parti Communiste Vietnamien a entrepris de créer des «organisations de masse» (Association des femmes, des jeunes, des paysans, des anciens vétérans ), qui sont des structurées relais de l Etat et qui sont organisées sur un mode identique au parti au niveau des provinces, districts et villages. 3 Voir notamment les expériences conduites avec l appui du GRET (ONG française) dans le Delta du Fleuve Rouge : associations de docteurs vétérinaires avec des boutiques de produits vétérinaires, associations piscicoles, groupements de producteurs de porc, groupements de producteurs de semences (Bulletins trimestriels d information internes du Projet d Appui à l Organisation de la Production Agricole «Reflets des rizières», 2000 2001, sites Internet du GRET ou de l Ambassade de France à Hanoi). Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-15 -

Même si le bilan de la situation agricole ne fait pas apparaître le besoin de financement comme un problème plus important que celui de l organisation des filières ou encore du perfectionnement des institutions (Dao The Tuan, 1997), il est important de noter que celui-ci reste le premier facteur de différenciation des exploitations agricoles familiales (Pillot, 1995 ; Le Roy et Robert, 1999), à partir du moment où le financement des investissements et de la campagne agricoles ne reçoit plus d appui de l Etat, et où l activité agricole s est progressivement capitalisée sous l impulsion d un double mouvement d intensification des productions traditionnelles (riz, café, élevage porcin) et de diversification vers des productions à forte rentabilité (fruits, légumes). Ce besoin est globalement important en volume et diversifié en nature : - achat d intrants (semences, plants, engrais, produits phytosanitaires, alimentation pour l élevage ) ; - investissement dans les moyens de production (transformation des parcelles pour accueillir des cultures de fruits et légumes, acquisition d une force de traction, construction de bâtiments d élevage et de stockage des récoltes, construction d unités de transformation artisanales, achat d un bateau pour la pêche en haute mer ) ; - plantation d arbres fruitiers et de plants médicinaux. Dans le Nord, le processus de différenciation économique a connu une étape clé durant la période de collectivisation de l agriculture : «la donne est ancienne. Elle favorise ceux qui, dès les années 1970, pouvaient déjà accumuler, et qui se sont trouvés en 1989 avec des capacités de financement de leurs activités dont les autres ne disposaient pas. L insertion dans une brigade spécialisée aux revenus privilégiés, ou mieux encore l accès à des responsabilités dans les coopératives ou les brigades, soit à des activités familiales privées, a ainsi pu générer des disparités dont l expression visible en termes économiques n apparaît que maintenant.» (Pillot, 1995). Cette différenciation va en s accroissant dans tout le pays, comme le montre le calcul par Dao The Tuan du coefficient de Gini (Dao The Tuan, 1997), et la transition économique actuelle tend à favoriser davantage ceux qui disposent de moyens pour s adapter aux données du marché, moyens non seulement financiers mais également du capital relationnel. Dans ce contexte, ouvrir l accès au financement de l agriculture aux EAF qui en sont exclues répondrait davantage à un objectif de redistribution des richesses et d équité, et aussi de développement de territoires 4, qu à un objectif de croissance et de développement agricole. L expression des besoins concernerait essentiellement des EAF, en situation précaire, qui ne peuvent développer ni de stratégies d intensification, ni de stratégies de diversification (types MN1, MN2, FR1, FR2, HP1, HP2, et DM1 dans le tableau 3). Cependant, dans un régime politique socialiste où les différences socio-économiques sont difficilement acceptables, ce constat amène à une situation ambiguë, où les choix stratégiques de développement de la finance rurale (plafonnement des taux d intérêt, ciblage des populations pauvres ) apparaissent comme plus souvent guidés par des considérations politiques qu économiques. Les besoins de financement au niveau collectif sont plus difficiles à évaluer, ce qui ne signifie pas qu elles sont peu importantes. La gestion des aménagements hydrauliques, le besoin de conseil technique et d informations sur les marchés, sont des exemples de biens collectifs, dont la production nécessite au delà de l action collective, un financement collectif relativement important en volume et en durée. Mais les coopératives sont à l heure actuelle des acteurs peu opérationnels, et les acteurs privés des filières sont encore peu organisés, à l exception des acteurs de la filière porcine mais le financement n est sans doute pas leur problème majeur. Enfin, les organisations paysannes nouvellement créées avec l appui d intervenants extérieurs, et dont le démarrage des activités de service requiert des ressources extérieures, sont encore au stade d expérimentation et d acquisition de compétences. Dans leur cas, le besoin de financement se 4 «territoire» au sens de construit social et d espaces d intelligibilité des acteurs. Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-16 -

pose davantage comme une question à moyen et long terme. Par conséquent, dans la suite de ce document, nous traiterons essentiellement de la question du financement des activités agricoles au niveau des EAF. II. L OFFRE DE FINANCEMENT DE L AGRICULTURE 2.1. Trésorerie, capacité d autofinancement, pratiques d épargne et de crédit des ménages ruraux Les familles vietnamiennes gèrent un budget unique, approvisionné par les revenus provenant de tous les membres de la famille et de toutes les activités, et utilisé pour couvrir toutes les dépenses à la fois de la cellule familiale et de la cellule productive. Selon une étude réalisée par le GRET dans le delta du Fleuve Rouge, le budget annuel d une famille varie de 385 à 1187 USD selon son niveau de richesse. L autoconsommation peut représenter jusqu à 33% de ce budget chez les familles pauvres (Le Roy et Robert, 1999). A l exception de celles formées par un couple âgé dont les ressources sont constituées principalement des pensions de retraite du gouvernement, la trésorerie des familles en zones rurales tend à fluctuer fortement durant l année quelque soit le niveau de richesse, avec d une année à l autre : - des pics de dépenses aux périodes de fêtes (Têt ou nouvel an en début d année, fête de l automne), de paiement des impôts (mai et octobre), et de paiement de la scolarité (septembre) ; - des entrées d argent correspondant plus ou moins aux sorties d argent, selon que la famille fait face ou non à des contraintes de trésorerie, et doit ou non la gérer en flux tendus. On note, par exemple, que chez les familles moyennes à pauvres, les entrées d argent provenaient généralement de la vente d un produit agricole, de la main-d œuvre ou d un emprunt informel, et coïncidaient très souvent à une dépense, à la différence des familles relativement aisées, qui tendent à prévoir leurs dépenses longtemps à l avance et à gérer leur budget en fonction d opportunités économiques (Nguyen et Creusot, 1999). En l absence d excédent de trésorerie, l équilibre budgétaire des familles pauvres est fragile et toute dépense imprévue (maladie) ou toute entrée d argent prévue et non réalisée (mauvaise récolte, mort d un cochon ) les rend particulièrement vulnérable, et ce d autant plus que leurs revenus proviennent pour l essentiel d activités agricoles peu diversifiées. Selon les enquêtes budgétaires réalisées par Le Roy et Robert (1999), les familles aisées du delta du Fleuve Rouge disposent d excédents de trésorerie pouvant s élever à plus de 300 USD, leur contribuant une capacité d accumulation et d autofinancement des dépenses de consommation et d investissement relativement forte. La pratique de l épargne est quant à elle complexe et varie selon le montant de l épargne et la durée envisagée : - de faible montant et à court terme, elle sera conservée pour faire face à des imprévus ; - de montant moyen et à court et moyen terme, une des pratiques les plus courantes est d acheter des porcs pour valoriser le son du riz et vendre à la période du Têt ; le placement en banques est peu pratiqué en raison du manque de confiance des familles dans les institutions formelles ; - de montant plus élevé et sur le moyen et long terme, elle peut être destinée à un investissement dans l immobilier et dans le secteur productif (reconversion de rizières en jardin, achat de matériel ), à un placement dans la finance informelle (accumulation d un capital relationnel grâce à des prêts au réseau de parenté, participation à des tontines ), à l éducation des enfants, ou à l accumulation d un patrimoine (construction d une maison, achat de terres et d or). Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-17 -

Bien que cela ne soit pas une pratique souhaitée par les ménages ruraux qui préfèrent généralement éviter d avoir à s endetter, le recours à l emprunt est fréquent, surtout depuis la libéralisation de l économie. L enquête nationale sur les conditions de vie des ménages montre qu en 1997-98, 50% des ménages ruraux ont des dettes alors qu ils n étaient que 47% en 1992-93. Selon l étude de Le Roy et Robert (1999), plus de la moitié des familles enquêtées dans le delta du Fleuve Rouge avaient un emprunt en cours, pour la plupart des petits emprunts inférieurs à 80 USD. Toujours selon la même étude, ces emprunts répondent à trois grandes catégories de besoins : besoins de trésorerie pour généralement couvrir des dépenses imprévues en période de soudure (66% des emprunts contractés), besoins d investissement pour financer des achats d équipement (32%), et besoins en capital commercial pour financer la constitution de stocks (2%). Les résultats au niveau du pays donnés par l enquête nationale sont différents et mettent en avant le financement du capital productif et l investissement immobilier comme les deux principales raisons qui motivent les ménages à emprunter, quelque soit leur niveau de richesse (tableau 4). Enfin, lorsque le crédit génère des bénéfices, ceux-ci sont réaffectés principalement dans les dépenses courantes et le remboursement de dettes, et dans une moindre mesure dans des dépenses productives (achats d intrants agricoles, achat d outils et d équipements, construction de réserve d eau, aménagement des vergers ) (Le Roy et Robert, 1999). Comme nous les verrons dans le suite de ce document, les sources de crédit qui s offrent aux familles en zones rurales sont aujourd hui nombreuses, suffisamment pour que les familles, du moins les familles riches à moyennement riches, puissent choisir l emprunteur en fonction des services offerts (montant, coût et durée du prêt). Les prêts des banques étatiques permettent, par exemple, d éviter d avoir recours à des prêts usuriers (Le Roy et Robert, 1999). Tableau 4 : Raisons ayant poussé les ménages à emprunter en 1997-98 par catégorie socio-économique (% du nombre d emprunts) Ménages ruraux Ménages pauvres (cinquième quantile) Ménages riches (première quantile) - Financer du capital productif 63,3 57,7 54,6 - Rembourser autres crédits 2,7 2,7 1,9 - Construire ou acheter une maison 13,9 16,0 21,4 - Couvrir des dépenses sociales 1,7 3,0 0,8 (mariage, funérailles, scolarisation) - Couvrir des dépenses de consommation courante - Acheter de la nourriture pendant la soudure - Autres 4,0 0,3 13,9 8,3 1,0 11,2 2,4 0 18,9 100 100 100 Source : Enquête nationale sur les conditions de vie des ménages (2000), citée dans l étude de McCarty (2001) Les modes de remboursement des emprunts sont variables : vente de produits agricoles (riz, légumes, fruits ), vente d un cochon, revenu d une activité non agricole, argent de l épargne ou d un nouvel emprunt. Selon le niveau de richesse des ménages, les opportunités économiques que leur offre leur environnement proche pour générer des revenus monétaires, et les conditions du prêt, le choix du ménage du mode de remboursement sera plus ou moins restreint. Les familles pauvres doivent pour la plupart vendre une partie de leur récolte de paddy pour rembourser des prêts qu ils ont contractés pour pallier aux dépenses imprévues pendant l année et souvent pour financer l achat de nourriture pendant la soudure (Le Goulven, 1995). Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-18 -

2.2. Une offre de crédit relativement importante mais segmentée provenant des secteurs informels et étatiques 2.2.1. Evolution du système financier rural et politique volontariste du gouvernement Avec un taux de pénétration de plus de 50%, les systèmes financiers informels et étatiques offrent une relative bonne couverture de la demande en crédit des ménages ruraux au Vietnam, comme le soulignent d ailleurs toutes les études sur les marchés financiers ruraux. Ce chiffre cache cependant une évolution importante au niveau de l origine des crédits. La part des crédits en milieu rural provenant du secteur informel (prêteurs et parents) était de 75% en 1992-93, puis est tombée à 33% en 1997-98, alors que celle provenant des institutions bancaires étatiques a augmenté de 23% à 40% sur la même période. Cette dernière hausse peut s expliquer en grande partie par la politique volontariste adoptée par le gouvernement pour étendre l accès des ménages ruraux aux crédits bancaires et appuyer la modernisation du secteur agricole et agro-alimentaire. Durant la période de collectivisation, la propriété privée du capital et donc le besoin d investissement privé n étaient pas reconnus par le gouvernement central. Il n y a avait de transactions financières qu entre le gouvernement et les institutions qui dépendaient directement de lui, les communes, les coopératives, fermes et entreprises publiques. Celui-ci détenait le contrôle de toutes les opérations au travers de la Banque d Etat du Vietnam, qui assurait à la fois les fonctions d une banque centrale et celles d une banque commerciale. Le secteur financier formel était dominé par deux autres banques étatiques : la Banque pour le commerce extérieur et la Banque de construction et d investissement, chargées de gérer le budget de l Etat et d allouer des ressources aux entreprises étatiques. Durant la période du «Doi Moi» ou «rénovation» de l économie, le gouvernement a été amené à réorganiser le système financier rural en premier et à entreprendre nombre de réformes institutionnelles, qui malgré de nombreuses difficultés et limites, ont toutefois permis d ouvrir rapidement l accès à des services financiers à une majorité de ménages ruraux (tableau 5). Tableau 5. Grandes étapes de la restructuration du système financier rural entre 1988 et 1998 1988 La Banque d Etat délègue ses fonctions commerciales à deux nouvelles banques : la Banque de Développement Agricole (BDA) et la Banque pour le Commerce et les Industries (BCI), qui devaient s occuper respectivement des secteurs agricoles et industriels. Mais malgré la volonté affichée du gouvernement d accompagner le développement d entreprises privées, la quasimajorité des crédits octroyés par les deux nouvelles banques allait aux entreprises étatiques. 1988 1990 Face à l inefficacité des banques commerciales étatiques à couvrir la demande des entreprises privées en émergence, le gouvernement appuie la création de coopératives d épargne et de crédit pour assurer l octroi de prêts au secteur privé. Le nombre des coopératives augmente très rapidement pour atteindre environ 7000 en 1990. Les ressources de ces coopératives provenaient en grande partie de l épargne privée qu elles arrivaient à collecter grâce à des taux attractifs. Mais celles-ci tombèrent très vite en faillite dès 1990 à cause de l effondrement de systèmes de pyramides qu elles finançaient illégalement en l absence de tout cadre réglementaire et de tout système de contrôle. Cette faillite a entraîné celle de 2000 petites entreprises et a renforcé la méfiance des ménages vis-à-vis du système financier formel. 1989 Le gouvernement entreprend des actions pour limiter l inflation : hausse des taux d intérêt, dévaluation du taux de change officiel et rationnement du crédit. 1990 Suite à la faillite des coopératives d épargne et de crédit, le gouvernement adopte des décrets bancaires pour contrôler les banques commerciales, les coopératives de crédit et autres institutions financières, et accroître leur efficacité. Les banques d Etat sont désormais autorisées à faire concurrence entre elles et à utiliser des ressources financières non étatiques. D autres mesures seront prises pour améliorer l image du système bancaire formel et redonner confiance aux populations. Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-19 -

1990 La BDA devient la Banque Agricole du Vietnam (BAV), qui a pour mission de couvrir la demande des ménages en crédit. Avec l appui de l Etat et des ressources à la fois étatiques et internationales, la BAV se développe très rapidement et en 1996, elle assure une couverture nationale avec plus de 1000 bureaux à différents niveaux, provinces, districts et villages, et touche environ 3 millions d EAF et de ménages ruraux non exploitants. Depuis 1990 Avec souvent l appui des «organisations de masse», les organismes internationaux mettent en place des projets de micro-crédit. 1994 Création par le gouvernement, avec l appui de la Société de Développement International Desjardins (SDID), d un réseau de Caisses Populaires (ou People s Credit Funds) sur le modèle canadien des caisses Desjardins, qui doivent remplacer les coopératives d épargne et de crédit en faillite. Dans le Sud, ces caisses sont connues sous le nom de Rural Shareholding Banks, s appuient sur les organisations de masse et fonctionnent à partir principalement des ressources de la BVA. 1995 Création par le gouvernement de la Banque des Pauvres (BDP), branche non-lucrative de la BAV, dont l objectif est d assurer la demande en crédit des familles pauvres, bénéficiant jusqu alors d aides directes du gouvernement et délaissées par la BAV qui, en raison de son caractère commercial, préfère cibler une clientèle aisée et demandeuse de gros crédits. 1996 Adoption d un programme quinquennal de lutte contre la famine et de réduction de la pauvreté, dans lequel l accès au crédit est reconnu comme un élément stratégique. 1990 1998 D importantes réformes du cadre législatif sont entreprises pour accompagner la restructuration du secteur bancaire et le passage vers une économie de marché : - 1990 : Loi sur les entreprises privées et loi sur les compagnies privées. - 1993 : Loi sur la terre accordant aux EAF, entre autres, le droit d usage et d hypothèque sur la terre. - 1994 : Code du travail, qui doit en théorie protéger le droit des employés et contrôler les contrats de travail. - 1995 : Nouveau Code civil, qui régit les relations entre prêteurs et emprunteurs et reconnaît l existence de marchés privés de crédit, dont les taux ne doivent pas dépasser de plus de 50% les taux officiels. - 1996 : Loi sur les coopératives, qui donne un statut officiel aux Caisses Populaires. - 1998 : Loi redéfinissant le rôle et les prérogatives de la Banque d Etat, qui re-concentre ses fonctions sur celles d une banque centrale classique. - 1998 : Loi sur les institutions de crédit prend le relais du Code Civil pour contrôler les banques commerciales et réglementer toutes opérations de crédit réalisées par des institutions non bancaires (respect de règles prudentielles, nécessité d une licence ). Sources : Fallavier (1998), Perrin (1999), McCarty (2001) Aujourd hui, la couverture des besoins de financement des ménages ruraux est assurée à plus de 40% par les banques étatiques (BAV, BDP principalement), 35% par les institutions informelles, 5% par les Caisses Populaires, et le reste par des institutions formelles et semi-formelles non bancaires (projets de crédit par des ONG, associations de masse ). Comme le montrent les différentes réformes institutionnelles entreprises depuis 1988, l Etat a joué un rôle déterminant dans la structuration du système financier rural en adoptant une stratégie qualifiée de «bipôlaire» par Perrin (1999), qui consiste à soutenir de front d un côté, une approche bancaire commerciale et libéralisée, et de l autre, une approche bancaire «sociale» ciblée sur les pauvres, fortement subventionnée et contrôlée (figure 1). Même si les résultats en terme de portée sont indéniables, cette stratégie soulève aujourd hui au sein de la profession de nombreuses interrogations quant à la pérennité financière du système financier rural dans sa globalité : quel avenir pour les institutions de type PCF, DBP et autres projets de crédit des ONG? Quelles sources de financement viables sachant que la collecte de l épargne des ménages reste le talon d Achille du système suite à la faillite des coopératives d épargne et de crédit? Par ailleurs, le système financier rural reste fortement segmentée, comme le témoignent le rôle important que continue à jouer le secteur informel et la grande variation des taux d intérêt pratiqués par les différents acteurs (tableau 6). D autres questions demeurent ainsi quant à la couverture d une part des ménages ruraux qui sont toujours exclus de tout accès au crédit (ménages en zones montagneuses, certains ménages pauvres ), et d autre part, des produits financiers qui sont peu Le financement de l agriculture familiale. Quelle contribution de la microfinance? Janvier 2002-20 -