INSFA (Institut National Supérieur de Formation Agroalimentaire) 65 rue de St Brieuc CS 84215 35042 RENNES cedex Tél : 02.23.48.54.92 Fax: 02.23.48.54.90 Courriel : insfa@agrocampus-rennes.fr Les allergies alimentaires : Du jeune consommateur à l industriel Magalie Benoit Aude Caruhel Laure Edelin Miriam Kerdudo Justine Malecot Agnès Taitre Jean Anderson Moïse Tuteurs de projet : Florence Val Thomas Croguennec 13 ème promotion INSFA Année 2005/2006-1 -
En France, depuis une vingtaine d années, le nombre de personnes souffrant d allergies alimentaires est en constante augmentation. Ce nombre a même doublé en cinq ans et l allergie alimentaire est devenue le quatrième problème de santé public. Les jeunes enfants sont plus particulièrement touchés (8% de la population pédiatrique contre 3% des adultes). Face à ce problème, la municipalité rennaise a décidé de prendre en compte le risque des allergies dans ses écoles maternelles et primaires. En effet, la cuisine centrale de Beauregard réalise et distribue des menus spécifiques (sans arachide ni oeuf visible) pour des enfants allergiques. Cependant, le système n est pas aussi développé au niveau des crèches : une démarche a été engagée récemment (septembre 2005). Ce fut l occasion pour nous de suivre cette action et d y participer, grâce à cette étude. Dans la mesure où l alimentation en crèche fait partie de la restauration hors foyer (RHF), nous avons jugé intéressant de voir si, en parallèle, les industriels sont concernés par le problème des allergies alimentaires. De plus, l étude des entreprises agro-alimentaires constitue un intérêt non négligeable, étant donné notre formation. Dans cette optique, au travers de nos stages, il a été possible de constater la présence d une directive européenne imposant aux industriels l étiquetage de certains allergènes. Cependant, il subsiste des doutes concernant la prise en compte du risque allergène. Suite à ces constatations, nous avons abouti à la problématique suivante : Comment prévenir et gérer les allergies alimentaires chez les jeunes enfants et comment les industriels prennent-ils en compte le risque allergène? Afin de répondre à cette interrogation, nous avons élaboré un questionnaire à visée des parents d enfants placés dans les crèches de Rennes. Celui-ci nous a permis de comprendre l augmentation des allergies, en se basant sur certaines hypothèses concernant les causes de leur apparition. Nous avons également voulu faire un état des lieux des connaissances des parents. Ceci dans le but de réaliser une plaquette explicative à destination de ces parents. Dans ce rapport, nous allons tout d abord présenter les allergies alimentaires. Dans un premier temps, les origines et les mécanismes seront abordés, puis la législation européenne sera expliquée. Ensuite, nous allons décrire l étude réalisée sur les crèches rennaises. Les données récoltées grâce au questionnaire ont été analysées statistiquement. Pour élargir notre analyse, le cas de personnes allergiques plus âgées a été traité. Une dernière partie va concerner les démarches volontaires des industriels en continuité de la directive européenne et d une manière générale les comportements des entreprises agroalimentaires vis-à-vis du risque allergène. Ces deux visions seront appuyées par des cas concrets. - 2 -
PARTIE 1 : QU EST-CE QU UNE ALLERGIE ALIMENTAIRE? I ALLERGIES ALIMENTAIRES EN FRANCE Les allergies alimentaires touchent aujourd hui 3,2% de la population et tout particulièrement les enfants, avec 8% de la population pédiatrique concernée (entre 0 et 15 ans). Des études ont montré que les jeunes enfants, ayant entre 1 à 3 ans, sont les plus exposés aux allergies. II ORIGINE DES ALLERGIES Le diagnostic des allergies alimentaires par le corps médical est plus efficace. Plusieurs paramètres peuvent expliquer le développement rapide des allergies alimentaires. Les antécédents familiaux La modification des comportements sociaux et environnementaux : L accroissement du travail des femmes qui s accompagne d une baisse de l allaitement maternel. La diversification alimentaire précoce (avant 6 mois). La Théorie «hygiéniste» : environnement de plus en plus aseptisé. Des transformations d ordre socio-économique : consommation de plus en plus de produits exotiques et industrialisés III ALLERGIE ALIMENTAIRE ET MECANISMES A Définition de l allergie alimentaire L allergie alimentaire est définie comme une réaction du système immunitaire à un composant de l alimentation qu il considère comme un corps étranger (antigène). B Mécanismes Le mécanisme de l allergie se décompose en deux étapes : - La sensibilisation, premier contact avec l allergène ne présentant aucun symptôme - La réaction allergique qui se déclenche lors du deuxième contact avec l allergène selon une réaction immunitaire. C Manifestations Les symptômes sont nombreux et d intensité variable selon les individus. Ils sont de quatre types: gastro-intestinaux, dermatologiques, respiratoires et généralisés. Il faut différencier : - l allergie «vraie» qui est une réponse immune à un antigène. - L allergie «fausse» présente des symptômes similaires à l allergie «vraie» car les réactions répondent à un mécanisme lié à l absorption de certains aliments histamino-libérateurs (fraises, crustacés, chocolat). - L intolérance est une réaction liée à un déficit enzymatique chez un individu. IV PRISE EN COMPTE DU RISQUE ALLERGENE PAR LA REGLEMENTATION EUROPEENNE, AU NIVEAU INDUSTRIEL Face à l augmentation des allergies alimentaires, l Europe a décidé de prendre en compte le risque allergène au travers de plusieurs directives (2000/13/CE, 2003/89/CE, 2005/26/CE). Celles-ci rendent obligatoire l étiquetage des ingrédients et substances entraînant des allergies ou des intolérances, au nombre de 12 : céréales contenant du gluten et - 3 -
produits à base de ces céréales, crustacés et produits à base de crustacés, œufs et produits à base d œufs, poissons et produits à base de poissons, arachides et produits à base d arachides, soja et produits à base de soja, lait et produits à base de lait, fruits à coque et produits à base de ces fruits, céleri et produits à base de céleri, moutarde et produits à base de moutarde, graine de sésame et produits à base de graines de sésame, anhydride sulfureux et sulfites. PARTIE 2 : ETUDE AU NIVEAU DES CRECHES Cette étude s inscrit dans le cadre d une campagne de prévention de l allergie alimentaire chez le jeune enfant, menée par la municipalité rennaise. I DEMARCHE ET METHODE A Recueil des données Pour recueillir nos données, nous avons distribué un questionnaire dans 14 crèches de la municipalité rennaise, de manière à ce que l ensemble des quartiers de Rennes soit représenté. Il était destiné aux parents des enfants placés dans ces établissements et il avait pour but de : vérifier quelques unes des théories expliquant l augmentation du nombres de personnes allergiques alimentaire faire un état des lieux des connaissances des parents afin de contribuer à la campagne de la municipalité, en réalisant une plaquette informative. B Construction du questionnaire Le questionnaire se compose de trois parties : Un texte introductif pour résumer le contexte et le but de notre étude. Une partie centrale, au cœur de notre étude, comportant des questions sur l allergie alimentaire permettant de répondre aux objectifs cités précédemment. Une dernière partie pour recueillir les données signalétiques des parents. Ce questionnaire a été validé par madame Bernard, nos tuteurs et un professeur de statistiques. C La population étudiée Il s agit des parents des enfants placés dans l ensemble des crèches municipales de Rennes (14 crèches), ayant répondu au questionnaire. 354 personnes ont retourné le questionnaire, soit un taux de participation de 38,5%, ce qui est satisfaisant II RESULTATS DE L ETUDE STATISTIQUE A Observations préalables de l échantillon 1. Taux de réponse par crèche Les taux de réponse obtenus diffèrent de 24 à 47% selon les crèches 2. Proportion d enfants allergiques Sur les 354 questionnaires récoltés, il ressort que 26 enfants placés en crèche souffrent d allergies alimentaires (34 enfants au total). Cela représente une proportion de 7,3%, ce qui se rapproche du taux moyen de la population pédiatrique touchée, qui est de 8%. 3. CSP représentées La classe des employés - salariés est largement représentée par rapport aux autres CSP car la population interrogée est principalement urbaine. 4. Revenus mensuels des foyers 52% des foyers se situent dans la tranche 2000 5000. Cependant, cette tranche étant assez large, il semble évident qu elle regroupe le plus grand nombre de foyers. - 4 -
B Les facteurs influençant les allergies alimentaires L objectif de l analyse est l étude des facteurs qui favoriseraient l apparition des allergies alimentaires chez les enfants. Ces facteurs sont les antécédents familiaux et l âge de la diversification alimentaire. Pour cela, la méthode statistique d Analyses des Correspondances Multiples (ACM) est réalisée. 1. Variables étudiées - Allergie alimentaire ou non de l enfant - Allergie autre (pollen, acariens ) ou non de l enfant - Présence ou non d antécédents familiaux allergiques - Age d introduction de divers aliments dans l alimentation de l enfant 2. Quelle est l influence des antécédents familiaux sur l allergie de l enfant? Il ressort que 73% des enfants allergiques ont des antécédents familiaux. De plus l analyse statistique montre un lien entre la présence d antécédents allergiques et l allergie de l enfant. La théorie «influence des antécédents familiaux» est vérifiée. 3. La diversification alimentaire favorise-t-elle l allergie de l enfant? En général, nous avons remarqué que les parents diversifient assez tôt l alimentation de leur enfant. Cependant, suite à l analyse statistique, nous ne pouvons confirmer la thèse «de la diversification précoce de l alimentation chez le jeune enfant». Il serait donc intéressant de réaliser une étude épidémiologique (cinq ans) pour observer, si les enfants dont l alimentation a été diversifiée trop tôt présenteront plus d allergie que les autres. C Connaissances des parents sur le thème des allergies alimentaires 1. Impact des actions de la municipalité rennaise au niveau des crèches 57,7% des parents ont constaté la mise en place des nouveaux menus. Ce taux de réponse positive est satisfaisant. De plus ils en ont compris l intérêt, c est-à-dire «pour prévenir les allergies alimentaires chez les enfants». Cependant, certains parents confondent ces menus préventifs avec des menus qui seraient adaptés aux enfants allergiques. 2. Connaissances des parents sur les allergies alimentaires En général, les symptômes des allergies alimentaires sont bien connus, ainsi que les principaux aliments responsables. Par contre, ils sont peu précis pour définir l allergie alimentaire et son mécanisme. Par ailleurs, nous observons une différence de connaissances entre les parents selon leur degré de confrontation aux allergies. En effet les parents d enfants allergiques ont des réponses plus précises et complètes. 3. Impressions des parents sur l étiquetage des produits alimentaires Le changement dans l étiquetage a été remarqué par moins d un tiers des parents. Pour ces derniers, il est jugé indispensable mais pas assez clair, ce qui reflète les incertitudes des industriels concernant les étiquetages obligatoire et préventif. (cf. partie III) D Limites de l étude statistique Faible nombre d enfants allergiques (7,3%): déséquilibre dans notre étude Étude limitée aux crèches de Rennes Question supplémentaire aux parents: «quelles sont vos sources d informations sur les allergies?». Ceci afin d étudier le lien entre les connaissances des parents et la source d information. - 5 -
E Elaboration de la plaquette La plaquette informative a été réalisée d après les réponses des parents dans le but de compléter les connaissances des parents. Elle comprend : Une définition de l allergie alimentaire Une description de la réaction allergique Les principales confusions relevées lors de nos analyses textuelles Une explication de l étiquetage des produits Des références Internet permettant aux parents de se renseigner plus précisément sur le sujet. III REGARD SUR LES CONSOMMATEURS PLUS AGES A Interview de deux lycéens allergiques 1. Leurs allergies Romain est allergique à l arachide, aux fruits rouges et aux légumineuses. Les allergies se sont déclarées par des gonflements du visage. Laurent quant à lui, est allergique à l arachide et au soja. Ses allergies se sont manifestées suite à un choc anaphylactique. 2. Les conséquences sociales des allergies Restauration à la cantine non prise en compte. Restriction dans les sorties scolaires, restaurants, etc. 3. Responsabilisation vis-à-vis de leurs allergies Etant donné la gravité d une crise d allergie, les parents de Julien et Romain les ont sensibilisés très tôt. 4. Intégration dans la société Elle se révèle difficile du fait du fait que tous les établissements ne veulent pas prendre le risque de les accueillir. B Etude micro-trottoir Le but était de se rendre compte de la manière dont un consommateur allergique peut se nourrir hors de son foyer. Des interviews ont été réalisées dans les établissements de restauration rapide appartenant à une chaîne : Mac Donald s met à disposition une liste des ingrédients pour chaque produit Quick récapitule dans un tableau les allergènes présents dans chacun de ses produits. Le personnel de différents établissements n est renseigné de la même manière sur le contenu allergènes de leurs produits. Le personnel de La Mie Câline n est pas en mesure de répondre aux consommateurs allergiques malgré une base de données mise à leur disposition. C Associations d aide aux personnes allergiques L AFP (Association Française des Poly-allergiques) et l AFPRAL (Association Française pour la Prévention des Allergies) sont les principales associations aidant les personnes allergiques et les parents d enfants allergiques dans la gestion de l allergie alimentaire au quotidien. - 6 -
PARTIE 3 : GESTION DU RISQUE ALLERGENE PAR LES INDUSTRIELS I ETUDE DE L AFSSA AUPRES DES INDUSTRIELS En octobre 2005, l AFSSA (Agence Française pour la Sécurité Sanitaire des Aliments) a réalisé une enquête auprès des industriels agro-alimentaires afin de connaître leurs besoins en informations et leurs pratiques vis-à-vis du risque allergène. L enquête a pour but de connaître : les pratiques des industriels vis-à-vis du risque «allergène», leurs difficultés dans ce domaine et leurs besoins en information. A Méthodologie 1. Echantillonnage 2. Construction du questionnaire B Résultats Les principaux résultats sont : Une entreprise sur deux prend en compte le risque allergène De meilleures pratiques sont observées dans les grandes entreprises Le critère de référence est l existence d un guide de bonnes pratiques incluant les allergènes Les besoins en informations sont différents selon le stade de la démarche de gestion du risque Les principales difficultés rencontrées sont la gestion des contaminations croisées, l étiquetage et le problème des seuils 1. Analyse variable par variable 2. Analyses des Correspondances Multiples 3. Rôles de l AFSSA C Conclusions de l étude réalisée par l AFSSA Cette enquête semble importante à prendre en compte dans notre étude même si elle concerne les industriels en général et pas seulement ceux dont les clients sont des personnes allergiques. Un bon étiquetage se révèle donc essentiel. II DEMARCHES INTERNES VOLONTAIRES DES ENTREPRISES EUROPEENNES : LES NORMES IFS ET BRC A La norme IFS (International Food Standard) 1. Les origines de l IFS Référentiel européen de sécurité alimentaire pour les entreprises fabricant des produits à Marque De Distributeurs (MDD). 2. Qu est ce que l IFS? La norme IFS stipule une série d exigences en fonction des éléments suivants : management du système de la qualité (incluant la méthode HACCP), responsabilité de la direction, management des ressources humaines, réalisation du produit et mesures, analyses et améliorations. 3. En ce qui concerne les allergènes Elle prend en compte une maîtrise documentée pour l identification et la traçabilité des allergènes alimentaires majeurs, qu ils soient volontairement mis en œuvre ou non. C est-àdire qu elle considère également les allergènes introduits dans les produits au cours de leur élaboration par contamination croisée. - 7 -
B La norme BRC au niveau de la Grande-Bretagne III EXEMPLES D ENTREPRISES A Gestion du risque allergène dans une laiterie B Gestion du risque allergène chez Chupa Chups C Entreprise spécialisée : Médirest-Orédia La société Médirest Orédia est une cuisine centrale fabriquant 6000 repas par jour. Un groupe de travail a été créé afin de réaliser des repas sans allergène. A partir du repas de base, plusieurs variantes sont élaborées en fonction des allergies de l enfant. Chaque repas étant divisé en quatre composantes (entrée, viande ou poisson, garniture et dessert), chacune recevra une notation particulière en fonction de la variante. Ainsi, une composante inchangée sera notée A. En cas de modification et en fonction de celleci, elle recevra les lettres B, C ou D, etc. Le même système sera adopté pour les autres composantes du repas. Ces repas sans allergène coûtent en moyenne 5 à 6, alors qu un repas classique ne coûte que 3,50. La différence de prix est prise en charge par la municipalité. - 8 -
Le sujet de notre étude était d analyser comment la prévention et la gestion des allergies alimentaires était possible auprès de jeunes enfants. Ce problème concernant toute la filière agro-alimentaire, l étude visait également à exposer la façon dont les industriels gèrent le risque allergène. Une étude auprès des crèches nous a permis de vérifier la véracité de certaines théories concernant les causes de l augmentation des allergies alimentaires et d évaluer les connaissances des parents sur ce thème. La thèse affirmant que les antécédents familiaux favorisent l apparition des allergies, a pu être confirmée dans notre échantillon. En revanche, celle concernant la diversification précoce de l alimentation n a pas pu être vérifiée. Cependant, les parents ont tendance à diversifier précocement l alimentation de leurs enfants, par rapport aux préconisations médicales. Pour prévenir l apparition des allergies alimentaires, une diversification progressive reste toujours valable et est d autant plus importante en cas d antécédent familial. Pour compléter les connaissances des parents, une plaquette adaptée à leurs besoins, évalués au travers d un questionnaire, a été réalisée. Il nous a paru judicieux de diffuser ces informations aux parents d enfants placés en crèche, car ce sont les plus concernés. En effet, c est dès le plus jeune âge qu il faut prévenir et gérer l apparition des allergies alimentaires. En ce qui concerne les industries agroalimentaires, la gestion du risque allergène a été amorcée par une directive européenne. Cependant celle-ci ne prenant pas en compte les contaminations croisées, des démarches volontaires (IFS et BRC) ont été mises en place dans certaines entreprises. Ainsi, à la fois un étiquetage obligatoire et un étiquetage préventif, se trouvent sur les emballages des produits. La gestion des allergies alimentaires est donc rendue difficile par une confusion entre ces deux étiquetages, chez les industriels comme chez les consommateurs. Cette étude nous a permis de confronter divers opinions et points de vue sur le problème des allergies alimentaires. En effet, chaque intervenant sollicité a pu exprimer les difficultés qu il rencontrait. Pour compléter notre projet, une étude épidémiologique devrait être entreprise, afin de suivre la population des enfants placés en crèche et confirmer la thèse de la diversification alimentaire. De plus, un suivi des étiquetages pourrait être réalisé pour constater une éventuelle amélioration des informations contenues sur les étiquettes. - 9 -